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Callidora & Harfang

“ L'infidélité de l'homme détruit le bonheur conjugal, celle de la femme détruit le mariage lui-même ”

a belle confiance s'étiole à mesure que les heures défilent à l'horloge murale du salon familial. J'ai beau tenter de rationaliser la situation, répéter ce que je me suis déjà dit cent fois, pour une fois, je n'ai pas vraiment confiance. Je vais me retrouver face à mon époux, face à mon erreur, et même si ses erreurs valent mille fois les miennes (et que je ne les considère pas complètement comme des erreurs), je sais qu'au terme de cette discussion, faute de perdre une affection qu'il n'a jamais eu pour moi (et réciproquement), je vais surtout perdre cet avantage que j'avais eu jusqu'alors : celui d'être totalement irréprochable quand lui-même ne l'a jamais été. L'image qu'il a de moi ne doit pas m'affecter, qu'ai-je à faire de son opinion, après tout ? Eh bien, la même chose que celle de n'importe qui, même des personnes que j'estime le moins. J'ai veillé à mon image avec tant de soin que je refuse de tout perdre. Et s'il en parlait à Charis ? Non... il n'a pas besoin de savoir qu'il s'agit de Caspar... en revanche, je ne peux pas lui cacher plus longtemps la vérité. Celle-ci va vite se voir, et il faut que nous avisions avant que ce soit le cas.

Je n'ai pas le choix. J'ai révisé notre conversation sous toutes ses formes. Je sais comment aborder les choses, je sais quels arguments opposer à ceux que je lui suppose. Je suis prête, mais pas sereine. Pour la première fois de ma vie. Je sais que j'ai tort... et je m'en veux plus d'avoir dérogé à mes propres règles que pour l'infraction en elle-même... Non, elle, je ne le regretterai jamais, encore moins maintenant qu'elle va porter de tels fruits.

J'attends donc mon époux, dissimulant ma nervosité derrière un masque d'impassibilité. Pourvu qu'il rentre directement après le travail. Notre conversation ne doit pas attendre quelques heures de plus. Il y avait d'autres options, bien sûr, comme le fait de faire croire à Harfang qu'il peut bien être le père, en... J'aurais pu lui faire boire un aphrodisiaque ou autre à son insu, mais cette pensée me rebute complètement. Il n'en est pas question. Je suis fidèle dans mon infidélité, à ce qu'il me reste de principes, du moins. Enfin, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, et Harfang pénétrer dans le salon.

-J'ai quelque chose à te dire, je déclare d'emblée et sans détours.

Je veux éjecter le sujet tout de suite.

Et advienne que pourra.

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Callidora & Harfang

“ L'infidélité de l'homme détruit le bonheur conjugal, celle de la femme détruit le mariage lui-même ”

out dans l'attitude de mon mari, depuis ses airs fatigués jusqu'à sa mauvaise volonté manifeste, me laisse assez distinctement entendre que ce n'est pas le bon moment. Mais je ne vais pas reculer pour autant, ou m'inventer des excuses pour remettre cette discussion à plus tard. Je ne suis pas quelqu'un de lâche. Je vais dire ce que j'ai à dire, et advienne que pourra. Le comportement de Harfang, de toute façon, ne me permet que de penser que c'est une bénédiction que l'enfant que je porte ne soit pas de lui. Cet enfant (et j'espère qu'il s'agira d'un garçon) a quelque chance d'être parfait. Et forte de cette conviction, j'ai moins de scrupules à lui parler de ce que je dois lui dire de toute façon. Que l'homme qui a péché par cent fois fasse la morale à la femme adultère serait un comble, mais je sais, c'est ça le pire, qu'il en est capable.

-Justement, je m'agace d'emblée, tu n'as rien fait, comme à ton habitude.

Il n'est sûrement pas de bon ton de l'attaquer alors que, pour la peine, je peux bien admettre être fautive, pour cette fois. Une faute (répétée) que je déplore sans pour autant la regretter. Mais je ne peux pas m'en empêcher, il m'exaspère, et plus le temps passe, plus cela se confirme. Mais en l'occurrence, c'est la vérité, il n'a rien fait. Et c'est bien parce qu'il n'a rien fait, parce qu'il n'a pas rempli son devoir conjugal depuis des années (en même temps, je l'en ai clairement exempté), que la situation est plus délicate qu'elle ne le serait si je pouvais vraiment faire passer cet enfant pour le sien.

-Je suis enceinte, Harfang.

Voilà, je choisis de ne pas y mettre davantage les formes, je n'y trouve pas d'intérêt particulier. La vérité est ce qu'elle est, peu importe comment on la formule, alors je préfère faire les choses en règle. Trois mots, il n'y a pas besoin de plus pour expliquer ma situation, le reste, il peut parfaitement le déduire.

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a surprise ne tarde pas à déformer les traits de mon époux. Je ne peux pas dire grand-chose, à ce sujet. Si j'ai mille reproches à lui faire et sur plus d'un sujet, je ne peux que comprendre son étonnement. Le pauvre diable ne devait pas s'attendre à une telle nouvelle, en même temps, elle m'a prise de court, moi aussi. En dépit de l'infidélité crasse de mon époux, je n'ai jamais envisagé de prendre un amant. Cela aurait été s'abaisser à son niveau, et je ne voyais aucun intérêt à succomber aux bras du premier venu sous prétexte de me venger. Quelle basse vengeance, et à quoi bon ? Je me satisfaisais très bien à moi-même, aucun besoin de me compliquer la vie en adultère. La façon dont Caspar et moi nous sommes rapprochés tient autant de la logique que d'un concours de circonstance que nous n'aurions pas pu préméditer. Nous nous sommes toujours attiré, je suppose, nous avions tôt deviné combien nous serions compatibles, mais ce n'est pas pour autant que passer à l'acte nous aurait effleurés. Pourtant, nous l'avons fait. Et évidemment, Harfang n'a rien vu venir, en quoi cela devrait-il être surprenant. Je soupire, agacée, alors que monsieur se fait à présent un plaisir à remettre en question ma sacrosainte fidélité.

-Tu te doutes bien que non, je réplique avec calme.

Il attend peut-être que je m'excuse, que je me reproche mon comportement, que je me mette à genoux pour implorer son pardon, tout ça n'arrivera pas. Je ne regrette rien de ce qui s'est passé entre Caspar et moi (exception du mal que je pourrais faire à Charis, mais elle n'a aucun besoin d'apprendre la vérité), et je ne regrette pas davantage de porter son enfant. Je déplore seulement que cette situation doive mener à ce genre de conversation déplaisante, et plus encore de présumer de ce que sera l'attitude de mon "cher mari" dans les temps à venir.

-Aux yeux de tous, il est évident que cet enfant sera le nôtre, j'ajoute avec fermeté, lui interdisant à mi-mot de révéler la vérité à qui que ce soit.

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our le nombre (important) de reproches que j'ai à faire à Harfang, je reconnais qu'il a tout de même su situer où se trouvent les intérêts de sa famille. Il sait bien quel déshonneur ce serait pour nous si l'on apprenait que l'enfant que je porte n'est pas de lui. Alors oui, évidemment, il a tout intérêt à jouer le jeu, même si ce doit être le genre d'humiliation qui doit être difficile à supporter. mais il est, de ce point de vue-là, le premier à avoir manqué de respect à l'autre, alors je ne vais clairement pas m'arrêter en si bon chemin ni même perdre de temps en scrupules quelconques. Harfang a lancé les hostilités. Certes, je n'ai pas suivi pour prendre une quelconque revanche mais j'estime que c'en est une, malgré tout, quoi qu'il en soit.

Harfang précise que cet enfant ne sera jamais le sien à ses yeux. Au fond, ça m'arrange. Je me priverais bien de voir mon futur enfant considérer Harfang comme un modèle paternel. Et dans tous les cas, je doute fort que ça fasse une grande différence quoi qu'il en soit. Avec Augusta, on ne peut pas dire qu'il soit un père modèle, il est plutôt un père démissionnaire. Alors qu'il le soit avec mon second enfant ne sera ni surprenant, ni un vrai souci en soi. J'aurais bien mon petit commentaire à faire sur la question, mais mon cher époux poursuit, sur un ton désagréable et parfaitement irrespectueux.

-Tu es d'un vulgaire..., je soupire alors.

"Me dépoussiérer l'entrejambe", vraiment ? Il en a d'autres, des formules poétiques de la sorte. Si tel est le cas, je m'épargnerai bien de les entendre. Par ailleurs, je ne me serais jamais compromise dans une telle relation si elle devait être purement sexuelle (même si ce n'est pas un aspect déplaisant de la question). Il y a quelque chose entre Caspar et moi, qui va au-delà de la seule et simple apparence physique. En tout cas, je ne vais pas lui donner la satisfaction de cracher le moindre nom. Qui sait ce qui pourrait se passer.

-Quelle importance ?

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e me retiens (de justesse) de lever les yeux au ciel quand il me fait remarquer qu'il peut bien se mêler de mes coucheries puisque je me suis intéressée aux siennes. Qu'il mette sur un plan d'égalité ses stupides aventures d'un soir et mon histoire avec Caspar, ça confine à l'absurde. Si j'ai pris la peine de m'en mêler, c'est que si je n'y mettais pas mon grain de sel, parfois, nous deviendrons la risée des sangs purs. Je ne vais pas dire que je suis exempte de défauts ou de reproches : aucune femme adultère ne peut être irréprochable. Mais ce n'est pas auprès de Harfang que je dois rougir de mon attitude. Je ne me répandrais pas d'excuses, il ne les mérite pas. Si j'en dois à quelqu'un, ce sera à Charis, mais je compte bien faire en sorte qu'elle n'en sache jamais rien. Et le fait que je sois enceinte ne change rien à la donne, rien du tout, même. Peu importe l'identité réelle du père, puisqu'il portera notre nom.

Je ne compte pas dire quoi que ce soit, je sais qu'il vaut mieux que je me taise, même. Je ne comptais pas sur l'esprit de déduction de mon mari pour démêler le vrai du faux. Au fond, la réponse à la question qu'il se pose est assez logique, mais si elle l'est pour moi, au point que je me dis, même, que notre liaison était inévitable, je ne m'attendais pas à ce qu'il aboutisse à la même conclusion que moi. J'ai sous-estimé sa clairvoyance. Et je m'en mords les doigts, car je me retrouve prise au dépourvu quand il me place frontalement face à mes erreurs. Est-ce que j'aurais pu faire une telle chose à ma soeur ? Oui, puisque je l'ai fait. Et je n'en suis pas fière. Sans vraiment rien regretter, pourtant. Je sais que c'est contradictoire. Mais c'est ainsi, je n'y peux rien. Je pousse un soupir. Je pourrais nier catégoriquement, je ne le fais pas.

-J'aime ma soeur plus que tout, ce n'est pas la question. Je le regarde avec froideur. Et si tu lui dis quoi que ce soit, je te le ferais chèrement payer.

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e croise les bras, une façon de me donner une contenance que j'avoue perdre un peu dans la circonstance. J'accepte à peine de l'avouer, mais c'est le cas, pour la première fois depuis les débuts de notre relation, sur laquelle j'ai toujours estimé avoir l'ascendant, c'est Harfang qui peut prendre le dessus, c'est lui qui a les meilleures cartes en mains, et cette pensée me déplaît évidemment profondément. Il a raison, je ne suis pas en position de marchander... sous-entendu, à l'inverse de lui. C'est une pensée désagréable, une situation que je me serais bien épargnée. Mais il est hors de question de me laisser désarçonner malgré tout, surtout pas, même. C'est tout bonnement hors de question. Je toise mon interlocuteur de haut en bas, de bas en haut. J'essaye de déterminer une faille à exploiter. Oh, je peux lui en trouver des centaines tant mon mari est imparfait. Mais l'attaquer sur le sujet de ses infidélités n'est aujourd'hui plus possible. Pas une seule seconde, même.

Mon expression reste de marbre quand il affirme qu'il m'a toujours haïe. Je n'ai jamais eu une meilleure opinion de lui quoi qu'il en soit, alors ça m'est profondément égal qu'il ne me respecte pas et qu'il me déteste. Je ne le déteste pas, de mon côté, mais malgré tout je le méprise. J'imagine que ce n'est pas forcément mieux au bout du compte. Lui inspirer du dégoût me fait également une belle jambe. C'est son problème, pas le mien. Qu'il me haïsse autant qu'il le veut, cela m'est bien égal, cela n'a pas l'ombre de la moindre importance.

-Je n'ai pas l'intention de m'en excuser, je réplique simplement d'un ton que je veux proprement indifférent. Il ne l'est peut-être pas tant, pas parce que le regard que Harfang pose sur moi me touche réellement, mais parce que je n'aime pas avoir le plein contrôle. Ton opinion n'a pas la moindre valeur à mes yeux.

Je n'ai rien à dire de plus. Maintenant, il sait, et j'estime que c'est une bonne chose de faite.

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