Clarice entretenait une correspondance assidue avec ses parents. Quand beaucoup d'autres se plaindraient peut-être de devoir rendre des comptes constants à ses géniteurs, ce n'était pas son cas. Clarice n'était sincèrement proche de personne... à l'exception de ses parents, justement, qui l'avaient toujours couvée et surprotégée.

Elle aimait qu'on la surprotège, elle aimait être au coeur de l'attention, alors le fait que ses parents s'enquièrent constamment de son état, elle aimait ça, tout comme elle ne voyait jamais d'inconvénient à parler d'elle-même... Et clairement, c'était une chose dont elle ne se privait absolument pas. Elle avait écrit une lettre super longue où elle écrivait les détails de sa vie ces derniers temps. Elle n'avait parlé que d'elle, en prenant le soin de se plaindre de ses parents et de ses professeurs au passage (mieux valait que personne ne lise ses lettres à rallonge).

Elle allait retrouver son hibou (car il était évident qu'elle ne pouvait pas seulement dépendre des hiboux de l'école), prête à lui donner son nouveau courrier, plus lourd que lui, à son avis.

Mais à peine elle avait monté quatre à quatre les marches qui menaient à la volière (et elle était sérieusement épuisée alors qu'elle n'avait pas encore atteint le sommet... il faudrait qu'elle se mette au sport, peut-être, mais elle détestait ça... et puis, elle était de toute façon trop fragile pour n'importe quel exercice sportif, ce qui l'arrangeait bien, très évidemment) qu'elle réalisa avoir très mal choisi son moment.

Clarice aimait parler aux autres et s'entourer, pas parce que la compagnie des autres l'intéressait, mais parce qu'elle aimait que cette compagnie puisse lui donner de l'importance. Mais il y en avait d'autres à qui elle n'avait même pas envie de donner l'heure. Et l'ado déguigandé qu'elle trouva une fois arrivée au sommet de la tour de la volière était maintenant premier de sa liste d'ennemis. Oh, comme il était tentant de le pousser du haut de cette fichue tour.

"Mais que vois-je, le futur père de mes enfants...", observa-t-elle sans enthousiasme et avec beaucoup d'ironie (et plus que ce qu'Alphard Black pourrait en comprendre, puisque, fort heureusement, aucun gamin au monde n'aurait à partager leurs patrimoines génétiques).

Et dire qu'elle allait devoir passer sa vie avec ce type.

"Mais que vois-je, une tête de botruc sur un corps de veracrasse"

Clarice répliqua par une grimace qui pourrait se traduire, grossièrement par un "Ah ah très drôle" absolument ironique, parce que non, elle ne goûtait pas du tout à l'humour d'Alphard. Alors oui, elle était capable du même, et il lui arrivait de ne pas se montrer tendre du tout avec ses camarades, et attaquer sur le physique ne la dérangeait jamais. Mais quand il était question d'elle-même, forcément, elle refusait d'admettre que ce puisse être la même chose, c'étaient des situations qu'elle n'acceptait pas de mettre sur un pied d'égalité.

Malgré tout, il en faudrait davantage pour qu'elle se sente directement affectée par l'opinion du vert et argent. Déjà, il faudrait qu'elle accorde de la valeur à son opinion et, sans surprise, ce n'était pas le cas du tout. Tout ce que disait ou pensait Alphard Black n'avait pas l'ombre du moindre intérêt. La seule chose à laquelle il servirait jamais, c'était à faire d'elle une mariée respectable, mais ça, c'était une affaire qui concernait un avenir qu'elle préférait penser lointain... car elle n'avait définitivement aucune envie de se précipiter jusqu'au jour où elle devrait lui dire "oui".

Clarice savait ce qu'elle valait, ou pensait le savoir en tout cas. L'adolescente avait une très haute opinion d'elle-même, et celui qui réussirait à donner un coup de pied à son ego n'était pas né encore. Clarice s'aimait beaucoup, il faut dire, on ne lui avait pas identifié des troubles narcissiques pour rien. Elle se trouvait parfaitement belle et élégante, rien à voir avec la chose informe qui devait lui servir de fiancé, selon elle. Il avait de la chance qu'on tolère qu'il finisse sa vie avec une telle beauté à son bras.

"Tu m'as suivi ? Tu peux déjà plus te passer de moi ?"

"Mais bien sûr, Alphard, je t'ai suivi. Il n'y avait aucune autre chance pour que nous nous retrouvions tous les deux au même endroit au même moment alors que nous fréquentons la même école." Elle marqua une pause. "J'allais écrire à mes parents tout le bien que je pense de toi, d'ailleurs." Elle croisa les bras. "Tu envoies une lettre à ton père ? Tu as trouvé une excuse pour justifier l'état avancé de ta stupidité ?"

"Je n'ai pas besoin d'excuses, Carrow, la stupidité est innée chez moi. Et j'ai hâte de la transmettre à notre ribambelle d'enfants"

Vous savez ce qu'il y a de pire qu'un crétin ? Un crétin qui assume totalement de l'être. C'était incroyable d'être aussi bête et arriéré qu'Alphard. Si Clarice ne l'avait pas constaté de ses propres yeux (et de longue date, elle n'avait malheureusement pas attendu d'être fiancée à lui pour le constater), elle n'y croirait pas, honnêtement. Il était bête et se gargarisait de sa bêtise... Franchement, par moments, elle espérait vraiment qu'Alphard écoperait d'un accident à la con qui écourterait leurs noces au maximum.

Mais heureusement, ils n'en étaient pas encore là. Pour le moment, ils pouvaient encore se permettre de s'ignorer un maximum et de s'envoyer balader quand l'occasion se présentait. C'était une façon assez équilibrée de gérer la situation aux yeux de Clarice... Si l'on peut dire. Même si la meilleure manière de gérer la situation était encore de passer le moins de temps possible avec cette énergumène. Chaque fois que Clarice passait du temps avec Alphard, elle avait l'impression de perdre des neurones, ça ne manquait pas.

"T'as pas encore écrit ta lettre, du coup ? Tu veux que je t'aide à l'écrire, peut-être ? Je suis convaincu que ma présence va t'inspirer."

Ben voyons... Elle n'avait aucune envie de l'avoir dans les pattes pour écrire un courrier aussi personnel. Et dire qu'elle s'était reservé l'écriture de la lettre à la volière justement pour éviter que quelqu'un ne vienne lire par-dessus son épaule. Autant dire que c'était loupé, donc.

D'un autre côté, elle n'avait rien l'intention de faire, de toute manière, tant que l'insupportable Black n'aurait pas déguerpi de son champ de vision. Le problème, c'est que pour l'en faire disparaître, du champ de vision en question, il fallait quand même sacrément y aller.

"J'ai encore la présence d'esprit de ne pas vouloir subir l'assistance d'un abruti analphabète, Black. Tu n'es pas capable d'articuler la moindre pensée cohérente, je doute fort que tu te distingues dans l'exercice épistolaire. Quant à ce que tu m'inspires... on m'a trop bien éduqué pour que je l'exprime convenablement."

"Oh, allez, y a que nous deux, ici"

Effectivement, et c'était un problème. La compagnie d'Alphard Black n'avait rien d'agréable, même quand l'un et l'autre se retrouvaient entourés de leurs cliques respectives, mais elle était à peine tolérable quand ils se retrouvaient seule à seul. Clarice donnerait cher pour que quelqu'un fasse irruption là, tout de suite, et mette un terme à cette conversation déplaisante, mais il ne fallait pas y compter. Si elle s'était rendu dans la volière spécifiquement à cette heure, c'est qu'elle avait pensé que personne ne viendrait l'y déranger.

Bien sûr, elle pourrait résoudre ce problème en quittant la volière d'office, mais hors de question pour elle de se résoudre à une telle éventualité. Plutôt manger un veracrasse vivant. Donner l'ombre d'un début de commencement de satisfaction à Alphard, c'était trop... Même si ce dernier semblait constamment être satisfait. C'était un des trucs qu'elle supportait le moins chez lui. Son air d'abruti constamment satisfait, là... ça la rendait totalement chèvre, honnêtement.

"Commence pas à parler de ton éducation pour justifier le fait que t'as pas d'arguments. Allez, fais-toi plaisir. Qu'est-ce que je t'inspire ?"

Une chose qu'elle pouvait reconnaître à Alphard (mais elle ne le ferait pas, il ne faut pas abuser), c'est qu'il savait exactement comment la piquer et comment la faire réagir. Cela l'agaçait, surtout qu'elle savait qu'il le faisait totalement exprès, mais ça n'en était pas moins efficace. Effectivement, elle ne tolérait pas que l'on dise d'elle qu'elle n'avait pas d'arguments. Clarice, qui se croyait bien évidemment au-dessus de tout le monde, considérait qu'elle était capable d'une grande repartie, de beaucoup d'esprit, et clairement, quand il était question de trouver des arguments, elle n'était pas la dernière.

Bon, il y tenait, à son grand déballage ? Il allait l'avoir. Est-ce qu'elle allait lui donner pile ce qu'il attendait ? Peut-être bien. Il avait l'air complètement perché et maso. Mais même s'il devait s'amuser de sa réponse, au moins, elle se serait défoulée un peu de son côté.

"Comme tu voudras", décréta-t-elle en redressant la tête avec une suffisance entièrement digne de son nom et de son rang. "Tu es un sombre crétin, incapable de la moindre finesse intellectuelle, tu as le charme et l'élégance d'un veracrasse qui aurait été régurgité par un Croup, tu parles constamment pour ne rien dire, tu es un lâche fini, un fils à papa qui fait semblant du contraire, et ta décontraction affichée est d'un ridicule consommé. Tu crois te donner un genre, mais tu es la risée de ta famille, de ta maison, et de l'humanité." Elle marqua une pause. "Est-ce que ça te convient comme ça ?"

"Quelle chance tu as"

De la chance, hein ? Clarice avait bien du mal à trouver sa chance dans cette situation. D'accord, par pas mal d'aspects, la vert et argent savait qu'elle était chanceuse. Elle était issue d'une famille riche et fortunée, qui lui permettait de satisfaire à tous ses besoins, elle avait des parents qui la choyaient et la gâtaient plus que de raison. Tout ça, c'était une chance.

Mais cette chance ne s'était tout de même pas faite sans malchance. Disons surtout qu'elle avait toujours eu l'occasion de transformer la malchance en chance. Sa malchance, ça avait été de naître fragile, et de porter en elle une maladie qui la bouffait de l'intérieur, qui réduisait ses perspectives d'avenir... Mais elle avait su en faire une chance, la chance d'avoir survécu à ses un an quand personne n'y croyait, la chance d'être d'autant plus choyée par ses parents, qui faisaient tout pour elle.

Là, sa malchance, c'était de se coltiner ce petit crétin d'Alphard Black comme fiancé. Mais elle saurait en faire une chance, au-delà de la chance que c'était, tout naturellement, pour sa famille. Pour ses parents qui se liaient à une famille prestigieuse et dissimulaient le scandale de sa stérilité. Pour elle aussi, peut-être, qui savait bien que les Black était la famille de sang pur la plus en vue de Grande-Bretagne. Des fiançailles pareilles ne sauraient se refuser, évidemment. Clarice saurait en tirer parti. Elle s'estimait beaucoup plus intelligente qu'Alphard, elle avait le dessus sur lui, physiquement et mentalement.

"Tu vas vraiment épouser l'homme idéal. Mais ne t'en fais pas, je te promets que je ne m'appliquerai à t'humilier qu'en public."

Clarice adressa à Alphard un sourire mesquin. Il osait croire tout de même que les choses allaient se passer selon ses conditions à lui. De toute évidence, il n'avait pas encore compris sur qui il était tombé, mais elle ne tarderait bien évidemment pas à le lui faire comprendre. Elle menait la barque, le simple fait qu'il l'exprime ainsi, c'était comme la mettre au défi. Et c'est un défi qu'elle relèverait de bon coeur.

"D'ici notre mariage, Black, crois bien que tu me mangeras dans la main, et tu me supplieras pour obtenir ne serait-ce qu'un centième de mon attention."

"Je sais pas comment tu fais pour vivre dans ta propre tête. Non, vraiment. Je me dis que ça doit être fatigant de non seulement déblatérer un nombre aussi improbable de conneries en quelques secondes, mais en plus d'être convaincue par ce que tu racontes. Je te jure, j'arrive pas à comprendre."

Clarice pourrait aisément retourner le compliment à Alphard. Elle non plus n'avait pas la moindre idée de comment l'insupportable Alphard réussissait à vivre avec lui-même. Pour elle, si cela ne tenait guère du miracle, car rien d'associé à Alphard ne pouvait être assimilé à un miracle quelconque, mais du moins du mystère.

Son indolence crasse la rendait chèvre alors qu'elle ne partageait que quelques minutes avec lui. Qu'est-ce que ça devait être quand on était contraint de vivre avec ses pensées en continu dans sa boîte crânienne (forcément réduite pour contenir son cerveau de la taille d'un petit poids).

Elle ne déblatérait aucune connerie. Elle s'exprimait très distinctement, sur un sujet qu'elle maîtrisait bien. Elle savait avoir de l'emprise sur les autres, c'était un art dans lequel elle s'était exercée depuis l'enfance. Si elle le décidait, Alphard ne ferait pas exception. Et c'était un nouveau défi qu'elle avait bien envie de s'imposer à elle-même, d'ailleurs.

"Je ne m'attendais pas à ce que tu comprennes quoi que ce soit, Alphard, pour cela, il faudrait que tu n'aies pas le quotient intellectuel d'un botruc."

Ce n'est pas en insultant que l'on conquérait, lui répondait-on, mais Clarice avait de la suite dans les idées. Elle savait très précisément ce qu'elle faisait, elle y était habituée. Il n'y avait pas mieux comme première méthode que de diminuer l'autre constamment. Même si avec Alphard, il fallait mettre les bouchées doubles tant le jeune homme était incapable de prendre quoi que ce soit au sérieux.

"Mais bon, je vais avoir tout le temps qu'il faut pour te découvrir, du coup. Par contre, compte pas sur moi pour te manger dans la main. Je sais pas où elles ont traîné, c'est hors de question."

"Je n'ai pas dit que tu aurais le choix", répondit simplement Clarice avec un sourire confiant. "Et une telle réflexion, de la part d'un primate qui doit fréquenter sa salle de bains une fois par mois au bas mot, est assez savoureuse, je dois dire."

"Tu te feras à l'odeur, t'inquiète"

Clarice afficha une grimace dégoutée et hautaine. Comment ce type avait-il pu naître Black ? C'était un mystère. Il n'en avait ni la distinction, ni le goût, ni la classe.. En fait, Alphard Black n'avait absolument rien pour lui, et comme s'il était nécessaire de rajouter une tare de plus à l'inventaire phénoménal de ses défauts, voilà qu'elle lui découvrait, en plus du reste, un sens de l'humour tout à fait déplorable. L'inélégance du vert et argent la dégoutait réellement.

Si elle n'avait pas déjà besoin de qui que ce soit pour ça, son interlocuteur serait bien capable de la rendre malade. Lui et elle, c'était le jour et la nuit. Mais il ne mettrait pas longtemps avant de redescendre sur terre. Il ferait moins le malin quand il ne parviendrait même plus à se réfugier derrière son arrogance de façade, à prétendre que la si faible estime qu'il avait de lui-même le rendait vraiment imperméable aux remarques les plus cinglantes (et de même pertinentes) le concernant. Elle dégonflerait sa tête comme une baudruche, elle y mettait un point d'honneur.

N'empêche... heureusement qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant. Quelle angoisse de s'imaginer engendrer des Alphard miniatures ! Elle savait que ses parents étaient malheureux pour elle de cette condition, mais ils ne devraient pas. Pour le coup, c'était la meilleure chose qui pouvait bien lui arriver.

"Ça marche vraiment ton truc ? T'as vraiment déjà réussi à amadoue quelqu'un en le traitant comme un déchet ? Je pose la question sérieusement, ça m'intéresse."

Il posait sans doute la question au moins un peu sérieusement, et en vérité, il avait plutôt intérêt à se poser la question sérieusement, parce que, qu'il s'en rende compte ou non, ce qui l'attendait, ce qui l'attendait vraiment, c'était bel et bien... ça. Traiter les autres comme des moins que rien était en vérité une façon efficace de s'attirer leurs faveurs. Une dynamique d'estime de soi en berne qui faisait que l'autre se remettait en question constamment et cherchait à tout prix à ne plus renvoyer de soi l'image détestable inventée de toute pièce par Clarice.

Même si dans le cas d'Alphard, il n'était pas question d'invention. Elle n'inventait pas la débilité abyssale de son fiancé, et ce dernier en faisait suffisamment la promotion au quotidien pour qu'elle ne fasse aucun doute.

"Je peux me mettre qui je veux dans la poche, Alphard, absolument n'importe qui", mais en général, elle ne le disait pas à voix haute. Enfin, juste pour une fois. "Et le plus beau en ce qui te concerne, c'est que ça a déjà commencé et que tu ne t'en rends même pas compte."

"Dis-moi, Clarice, si t'es vraiment un tel génie du crime, et à ce point irrésistible, pourquoi il n'y a pas une armée de soupirants éplorés qui te pendent à la cheville ?"

Clarice n'avait même pas envie de répondre à ça. Cette remarque était simplement la preuve, aux yeux de la vert et argent, qu'Alphard la sous-estimait. Et pour le coup, même si ça ne faisait pas du bien à son égo, elle se disait que c'était tant mieux, parce qu'il ne verrait vraiment pas le coup venir.

Elle n'était pas un génie du crime, elle n'en avait pas besoin, elle savait simplement comment manipuler son monde et elle estimait être une personne charismatique et attirante, qui dans tous les cas plaisait si elle décidait de plaire.

Oui, elle n'avait pas de prétendants à ses chevilles, mais elles connaissait plusieurs garçons de sa classe qui n'auraient sans doute rien contre le fait de l'avoir à son bras (bon, peut-être qu'elle extrapolait la situation, parce que, on l'aura compris, elle ne se prenait pas pour n'importe quoi, mais c'était en tout cas l'opinion qu'elle avait d'elle-même.

Alphard n'a pas la moindre idée de ce qu'allait être cette situation, mais en tout cas, c'était l'évidence même, elle jouerait en la faveur de Clarice parce que cette dernière s'arrangeait toujours pour que la moindre situation joue en sa faveur. Pour elle, c'était un impératif, une preuve de qui elle était et de ce qu'elle valait. Et, bien sûr, elle était loin, très loin de se prendre pour n'importe qui. On pouvait même dire que c'était tout l'inverse, en fin de compte.

"Alphard, Alphard, Alphard... Tu n'es ni intelligent, ni observateur, de toute évidence. Tu me facilites la tâche à un point inimaginable. Mais de ta part, je ne m'attendais pas à beaucoup plus d'enjeux, c'est vrai", soupira-t-elle en guise de réponse.

On lui rétoquera que sa réponse relevait de la pure mauvaise foi, mais Clarice n'en démordrait pas pour autant. C'était dans sa nature, il faut dire. Et quand on vous habituait à vous donner toujours raison, ça n'aidait pas.

"Maintenant, qu'est-ce que tu dirais de cesser de polluer mon oxygène, hein ?"

"Sans façon"

Ben voyons... Clarice en avait bien eu conscience, ça ne pouvait évidemment pas être aussi simple. Il y avait vraiment de nombreuses choses qui agaçaient l'adolescente chez son... (retenir un haut-le-corps)... futur mari, mais sa volonté d'avoir toujours le dernier mot se plaçait certainement en tête de liste. Parce que c'était peut-être le seul point commun que les deux vert et argent avaient tous les deux.

Et considérer qu'elle puisse avoir quoi que ce soit de commun avec Alphard Black, forcément, ce n'était pas bon pour son ego. Il lui en fallait certes plus pour se laisser déstabiliser, et elle voulait penser être en situation de force malgré tout, mais elle pouvait quand même bien avouer qu'elle aurait préféré qu'Alphard se casse et la laisse tranquille. Ce n'était pas parce qu'elle pouvait bénéficier de sa présence pour l'avoir sous sa coupe qu'elle ne préférait pas, de très loin, être tranquille sans l'avoir dans les pattes, on faisait franchement mieux.

"Si ma présence te gêne, ô grand génie du crime et de la manipulation, tu peux toujours aller voir ailleurs dans l'espoir de ne pas m'y trouver, mais moi je reste, j'ai bien envie d'admirer un peu la vue. Mais tu as toujours une lettre à écrire, pas vrai ?"

Clarice considéra son interlocuteur avec un mélange (selon elle subtil) de mépris et d'indifférence. S'il avait envie de rester juste pour marquer des points, eh bien qu'il le fasse. Elle allait se contenter d'ignorer sublimement sa présence. Le coup de l'indifférence, ça pouvait bien marcher avec les énergumènes comme lui. Dans tous les cas, il y avait toujours une méthode, une stratégie. Alphard avait beau être une plaie et une erreur de la nature, il ne devait pas être moins "gérable" qu'aucun autre. Elle l'aurait à l'usure, même s'il devait penser que c'est l'inverse qui se produirait.

"Comme tu voudras", répondit simplement Clarice avant de se remettre à l'écriture de sa lettre comme si Alphard n'était pas là.

Elle comptait bien écrire à ses parents la lettre la plus longue et la plus complète possible. Elle n'avait aucune intention de se dépêcher sous le prétexte que son charmant fiancé zyeuterait peut-être par-dessus son épaule. Bien au contraire, même.

Il était infiniment difficile de se concentrer quand un idiot fini déployer des efforts monumentaux et parfaitement inutiles pour vous déconcentrer. Alphard sifflotait et s'agitait dans son dos, et c'était absolument insupportable, mais Clarice décidait de ne pas y prêter gare, dans la mesure du possible. Elle se retenait de pousser des soupirs exaspérés ou de lever les yeux au ciel. Elle rongeait son frein, en somme. Hors de question de faire comprendre à son cher et tendre fiancé que son petit comportement de pure tête à claque réussissait à l'atteindre, même si c'était terriblement évident, en réalité.

La plume glissait sur le parchemin sans difficulté. Clarice n'était pas une experte de l'écriture mais avec le temps, elle avait l'art de raconter sa vie en mots sans difficultés. Il faut dire que s'il devait exister un concours d'échanges épistolaires à Poudlard, elle était quasiment certaine de gagner tant elle envoyait des hiboux à ses parents de façon quasi-journalière, ce qu'ils lui rendaient bien.

Elle ne craignait pourtant pas qu'on la taxe de fifille à maman ou à papa. Elle aimait l'attention qu'on lui accordait et s'en délectait tout naturellement, alors si elle devait entretenir cette attention, c'était un moindre effort. Et puis, cela ne venait pas de nulle part non plus, il fallait bien qu'elle informe régulièrement sa famille de son état de santé, elle savait combien ils étaient inquiets à ce sujet. Et c'était terriblement réciproque au passage.

Elle glissa quelques mots au sujet d'Alphard, elle s'arrangea pour détailler son comportement pile au moment où l'adolescent, de guerre lasse peut-être, décida de zyeuter par-dessus son épaule, après quoi elle plia prestement le morceau de parchemin.

"Alors, tu t'en sors ? T'as bientôt fini ?"

"Achète-toi un répertoire musical plus fourni, Black, ou tu seras le premier à te lasser de ton petit numéro", dit-elle posément avant d'attacher le courrier à la patte de son hibou, qui s'envola aussitôt pour rejoindre à coup sûr la demeure des Carrow. "Merci de m'avoir tenu compagnie, Alphard, tu as été positivement insupportable", répondit Clarice avec un sourire avant de réajuster son sac sur son dos. "On se revoit très bientôt, j'en ai bien peur."

Elle n'ajouta rien de plus avant de débarrasser le plancher, impatiente de se retrouver avec quelques-uns de ses camarades plus agréables et fréquentables.