▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

La vie n'avait jamais fait de cadeau à Elsa. Pas un seul depuis sa naissance. Elle était née dans une famille brisée, avec des problèmes financiers, n'avait pas réussi à contrôler sa magie comme les autres enfants de son âge, passait son temps à casser des choses ou créer des accidents avec sa maladresse... Mais pendant un fugace instant, elle avait eu la bêtise de croire qu'une forme de bonheur était possible. Jeune idiote trop naïve, elle s'était attachée à un homme compliqué, qui n'aurait jamais pu l'aimer comme elle le désirait. Résultat : un baiser rapidement oublié et le départ inattendu d'Angus vers une destination inconnue. Il n'était même pas passé les prévenir sa sœur et elle. Il avait fait son sac et s'était envolé loin d'elles. Loin de son amie et de celle à qui il avait donné de faux espoirs.

* Bon débarras ! * Pensait la sorcière, chagrinée.

Bien sûr, elle n'était pas sincèrement en colère contre lui. Elle l'aimait encore bien trop, même s'il venait de lui briser le coeur en mille morceaux. Cette rage n'était qu'en fait une façade, un moyen de cacher sa tristesse. Afin de ne pas trop y penser, Elsa s'était donc plongée dans le travail, faisant des heures supplémentaires tout comme Madison, ne s'accordant plus aucun temps pour elle-même. Seul point positif de l'affaire : les sœurs gagnaient du coup assez d'argent pour payer leur loyer dans les temps.

La clochette de la porte d'entrée retentit alors que la sorcière nettoyait des verres derrière le comptoir. Se forçant à afficher un sourire accueillant, elle répéta la même phrase qu'à tous les clients.

« Bienvenue au Chaudron Baveur, puis-je vous proposer un rafraîchissement ? »

Elle-même en était à son troisième verre en cachette. Le patron pouvait bien ronchonner et dire ce qu'il voulait concernant les stocks, Elsa n'avait guère la tête à être raisonnable et préférait boire pour oublier que pleurer un amour désabusé.

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Pendant un moment, il n’avait pas été rare de voir traîner Lindsay au Chaudron baveur, là où l’on attendait certainement pas à trouver une jeune femme enceinte, ce qui lui avait d’ailleurs attiré plus d’un regard courroucé. Mais ça lui avait été égal. Elle se moquait bien, alors, du regard que l’on pouvait poser sur elle, sachant que, de toute façon, sa réputation ne serait plus jamais que celle de la mère célibataire, de la femme divorcée, autant de titres qu’il n’était pas bon de posséder à son âge et à cette époque.

Alors oui, elle avait noyé son chagrin dans un impressionnant grammage d’alcool, et il était assez miraculeux que Gabriel soit né sans séquelles (même si Lindsay n’avait en fait aucune idée de l’incidence que pouvait avoir l’hydromel en abondance sur un fœtus).

Puis sa vie avait retrouvé un sens, et elle avait moins éprouvé la nécessité de se perdre dans cet endroit où elle remettait pourtant les pieds en cet instant. Et pour cause, elle avait fait la rencontre de Christian, Christian qui l’avait aidée à remonter la pente, et lui avait rappelé que tous les hommes n’avaient pas à être des goujats adultères (encore qu’elle n’était pas à l’abri d’être déçue, qui sait). Et Gabriel, ensuite, était né, et s’occuper de son fils avait pris tout son temps, accaparé ses pensées et son énergie, et son sourire la faisait se sentir mieux. Même si tout n’était pas simple, à commencer par l’insistance de James, qui tenait temps à partager la garde de son fils, ce qui était pour elle hors de question, encore plus après ce qu’elle avait découvert.

Il ne faut jamais trop se réjouir quand on a le sentiment que les choses s’améliorent, que tout va pour le mieux, et Lindsay s’en était violemment rendu compte lorsque Sasha Colloway lui avait rendu visite et lui avait appris toute la vérité au sujet de son ex mari. Depuis, cette conversation trottait sans cesse dans l’esprit de Lindsay, ne la lâchait pas d’une once.

Et alors qu’elle avait confié Gabriel à Christian en lui affirmant qu’elle avait besoin de prendre l’air (elle n’avait pas osé lui dire la vérité, elle ne savait pas si elle oserait un jour, elle-même daignait à peine accepter la réalité telle qu’elle était), et ses pas l’avaient entraînée presque mécaniquement au chaudron baveur.

Une fois sur place, elle fut ravie de constater que c’était Elsa qui s’occupait du service. À force de noyer son chagrin dans l’alcool, elle avait fini par sympathiser avec la jeune serveuse, et en l’occurrence, elle appréciait de la voir là, même si elle ne pourrait pas lui expliquer en détail ce qu’elle traversait en ce moment.

« Bienvenue au Chaudron Baveur, puis-je vous proposer un rafraîchissement ? »

« Ce que tu as de plus fort, s’il te plaît, Elsa », répondit Lindsay dans un fin sourire, en réponse à la harangue mécanique de la jeune femme. « Tu vas bien ? »

Lindsay avait le sentiment que quelque chose n’allait pas. Mais elle se trompait peut-être.

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

Trop occupée pour relever la tête, Elsa fut surprise en reconnaissant la voix qui venait de lui répondre. Sa tête se redressa vivement et sa peine s'évapora en partie. Avec le temps, Lindsay était devenue une grande habituée du chaudron baveur et donc, par ce fait, une camarade régulière de la jeune sorcière. Les amis se faisaient un peu rares en ce moment autour d'Elsa, alors la présence de cette femme l'aidait à tenir le coup. Elle fit un petit sourire compatissant devant la mine clairement fatiguée de son amie et se lança dans la préparation de la boisson. Sa question ne la désarçonna pas tellement, Elsa savait que sa mine n'était pas beaucoup plus brillante que la sienne. Elle ne s'en cachait pas. Néanmoins, elle doutait de savoir comment lui répondre honnêtement mais avec une certaine réserve.

« J'ai connu mieux...mais je ne suis pas à plaindre. » Répondit-elle en se voulant rassurante.

Rassurante, elle ne l'était pas. Mais elle ne se sentait pas le courage de donner une réponse plus détaillée que ça. Surtout que Lindsay n'avait probablement pas envie qu'elle rentre dans les détails. Pour éviter de s'attarder sur le sujet, Elsa préféra égoïstement retourner la question à son interlocutrice tout en posant son verre d'alcool sur le bar.

« Et toi ? Tu as l'air préoccupée. »

En dehors de son envie de ne pas parler d'elle, Elsa posait cette question avec un sincère besoin d'avoir des nouvelles de son amie. Elle ne voulait pas que cette dernière pense qu'elle l'interrogeait simplement par politesse, alors qu'elle désirait réellement connaitre ses problèmes pour l'aider à s'en défaire. Peut-être même pourraient-elles s'entraider, pour peu qu'Elsa réussisse à parler de ce qui pesait si lourd sur son cœur. Pourquoi n'y arrivait-elle pas ? Probablement parce qu'elle avait un peu honte d'être tombée aussi vite amoureuse de quelqu'un qui n'avait clairement pas le moindre intérêt pour elle en retour. Sa propre naïveté l'avait aveuglée et elle n'avait pas vraiment envie que l'on se moquer d'elle. Pourtant, au fond, elle savait que Lindsay n'était pas du genre à tourner en ridicule une amie...

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« J'ai connu mieux...mais je ne suis pas à plaindre. »

De toute évidence, Lindsay ne s'y était effectivement pas trompée, Elsa n'allait pas très bien. Et si elle affirmait ne pas être à plaindre, la jeune femme n'était pas convaincue de devoir la croire sur parole.

D'une certaine manière, personne n'était jamais à plaindre, parce qu'on pouvait toujours trouver pire que sa propre situation, on pouvait toujours trouver des personnes souffrant plus que soi, est-ce que ça signifiait qu'on n'était pas à plaindre du tout ? Non, pas aux yeux de Lindsay.

Elle n'aimait pas le tempérament de ceux qui se lamentaient tout le temps (même si ça avait pu lui arriver un peu trop de son côté, et elle ne s'améliorait pas forcément), mais elle n'aimait pas plus le comportement de ceux qui se blindaient et gardaient toujours tout pour eux. Il y avait des situations où il était bon de lâcher les vannes, tout simplement. Ce qui ne faisait pas de soi quelqu'un de faible, mais juste une personne souhaitant être entendue.

Lindsay était prête à lui accorder une oreille attentive si elle le souhaitait, ça ne la dérangeait pas du tout, bien au contraire, et puis, c'était donnant-donnant, Elsa aussi avait dû la supporter quand elle traînait bien trop au Chaudron baveur après sa rupture avec James.

« Et toi ? Tu as l'air préoccupée. »

La jeune femme haussa les épaules et poussa un léger soupir avant de daigner répondre. Elle avait l'air préoccupée parce qu'elle l'était, en effet.

"Disons que ce n'est pas facile pour moi, en ce moment." Elle esquissa un sourire. "Mon ex-mari arrive encore à me faire la misère.", résuma-t-elle donc alors (trop) rapidement.

C'était un résumé très succinct et pas forcément très précis de la situation, mais en même temps, elle ne pouvait pas expliquer dans son intégralité ce qui lui était arrivé, ce qu'elle avait découvert. Le plus simple était de rester vague, même si Elsa pourrait bien lui demander plus de détails.

"Qu'est-ce qui t'arrive ?" demanda-t-elle ensuite.

Parce qu'il lui arrivait quelque chose, elle en était sûre, suffisamment pour qu'elle ait été, selon ses dires, mieux. Elsa l'avait écouté se confier plus d'une fois, quoi de plus normal qu'elles inversent les rôles, à présent ?

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

En écoutant la réponse de Lindsay, Elsa fronça légèrement les sourcils. Alors comme ça, son ancien mari lui posait des problèmes ? Même si elle ignorait les détails de l'affaires, cela ne plaisait pas beaucoup à la jeune serveuse du Chaudron Baveur. Lentement, elle déposa son verre bien rempli devant son amie et lui offrit un sourire compatissant. Elle préférait penser que les choses allaient s'améliorer pour elle. Elle méritait de connaitre le bonheur, elle en était persuadée. Mais peut-être faisait-elle encore preuve d'une immense naïveté en songeant cela. En tout cas, elle n'était pas prête à imaginer Lindsay autrement que comme une victime innocente de ses malheurs. Et de toute façon elle n'avait pas plus le temps que ça de s'en inquiéter, puisque cette dernière revint à la charge, visiblement pas satisfaite par la réponse qu'Elsa avait prononcée vaguement un peu plus tôt. Un soupir triste lui échappa. Il était probablement temps de parler. Du moins en partie.

« C'est compliqué. Disons qu'il y avait cet homme...que j'aimais beaucoup. Mais qui ne me voyait que comme une amie. Et puis on a fini par s'embrasser. J'étais contente, mais quand il est revenu plusieurs jours plus tard, il ne se souvenait pas de m'avoir embrassée, et il a décidé de partir sans un mot. Je ne sais pas où, je ne sais pas pourquoi. Il a juste...disparu. Sans un regard en arrière. »

Ma voix est enrouée par l'émotion et mon regard fixe désespérément le verre que je suis en train d'essuyer avec mon torchon. J'ai besoin de m'occuper les mains et l'esprit là tout de suite. Sinon je ne suis pas certaine de pouvoir retenir mes larmes. Je suis stupide. J'aurais du savoir qu'Angus n'était pas fait pour moi, que je ne représentais rien pour lui. Autrement, il serait au moins passé me dire qu'il partait. Il m'aurait donné un semblant d'explication. Mais non. Il n'a rien dit à Madison non plus, et pourtant elle était bien plus son amie que moi. Je n'y comprend rien du tout. Il avait pourtant l'air de vraiment nous apprécier... Qu'est-ce-qui a pu mal tourner ? Je me le demande au moins une fois par jour.

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C'est compliqué.

Lindsay afficha un sourire aussi entendu que compatissant. Elle la croyait sans mal, quand elle lui disait que sa situation était compliquée. L'émotion dans sa voix parlait pour elle, le simple fait d'évoquer ce qui la troublait la rendait déjà malheureuse.

Lindsay n'avait aucun mal à compatir à sa douleur. Les histoires compliquées, elle connaissait, cette souffrance indicible mais réelle, elle connaissait, et très naturellement, Lindsay avait envie de soutenir et de rassurer son interlocutrice avant même qu'elle lui en ait dit davantage sur sa situation.

Disons qu'il y avait cet homme...que j'aimais beaucoup.

Bien sûr, il y avait un homme derrière tout cela. Il fallait bien un chagrin d'amour pour vous rendre à ce point morose et triste. Et visiblement, Elsa était en plein dedans.

Le fait qu'elle parle de cet homme au passé en disait long, également, cela prouvait bien que l'histoire qu'elle allait raconter n'allait pas avoir une issue heureuse. Est-ce qu'il y avait vraiment des histoires d'amour destinées à se finir bien ? Lindsay l'espérait, et avec Christian, elle arrivait à y croire, mais elle était tout de même plus désabusée qu'à une certaine époque. Elle avait peut-être mûri sentimentalement, mais elle se serait tout de même bien épargné certaines désillusions vraiment très déplaisantes.

Mais qui ne me voyait que comme une amie. Et puis on a fini par s'embrasser. J'étais contente, mais quand il est revenu plusieurs jours plus tard, il ne se souvenait pas de m'avoir embrassée, et il a décidé de partir sans un mot. Je ne sais pas où, je ne sais pas pourquoi. Il a juste...disparu. Sans un regard en arrière.

Houlà... Ah oui, Lindsay ne s'était pas imaginé combien son interlocutrice pouvait être en souffrance. Vivre une situation pareille, ce devait vraiment être compliqué, douloureux. Elle ne se voyait que compatir à une telle détresse.

Espérer après un homme, découvrir que vous ne rendez pas ce dernier insensible, puis être abandonné... C'était terrible à plus d'un niveau, réellement.

"Je suis désolée...", répondit-elle très honnêtement. Cela ne changerait rien à la situation, mais Lindsay voulait que son interlocutrice comprenne qu'elle avait absolument toute sa compassion, véritablement. "Tu n'as vraiment aucun moyen de joindre cet homme ? Il n'y a pas un ami, un membre de sa famille qui pourrait te renseigner ?"

Qu'elle puisse au moins avoir des explications dignes de ce nom.

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

" Je suis désolé " c'est vraiment la réponse bateau que n'importe qui sortirait en écoutant une histoire déprimante comme celle qu'Elsa vennait de raconter. Et pourtant, dans la bouche de Lindsay, quelque chose donnait à cette banale expression des allures de sincérité plus que bienvenues. Sa cadette ne pouvait nier que c'était agréable de parler à quelqu'un qui avait vraiment de la compassion là où d'autres comme ma sœur auraient eu le réflexe d'essayer de dédramatiser la chose en lui disant qu'elle y apportait trop d'importance, qu'elle était jeune, qu'elle trouverait quelqu'un d'autre. Parce qu'aux dernières nouvelles, son jeune âge ne l'empêchait pas de souffrir. Après tout, c'était son premier baiser. Et Angus le lui avait volé avant de partir comme un voleur. Pour d'autres, ça aurait peut-être eu une importance moindre, mais pour Elsa c'était une tragédie et c'était son droit de ressentir cela.

« Merci... » Répondit-elle avec un petit sourire soulagé.

Enfin quelqu'un qui comprenait. C'était bien agréable. Malheureusement son sourire s’effaça lorsque Lindsay lui demanda si elle n'avait personne à qui poser des questions concernant Angus. Elle savait qu'il avait une sœur, mais elle n'avait pas encore osé aller la voir. Après tout, qui prendrait au sérieux une gamine dans son genre ? Même si elle disait à quelqu'un qu'elle l'aimais et qu'il l'avait embrassée, qui la croirait ? Angus était plus âgé qu'elle et pas vraiment intéressé par les relations amoureuses. De quoi elle aurait l'air ? Probablement d'une groupie qui s'était fait des films. Mais au bout du compte...est-ce-que ce n'était pas ce qu'elle était ? Peut-être que pour Angus, ce baiser ne signifiait absolument rien. Juste un jeu ou un élan de faiblesse éphémère.

« Je ne saurais pas par où commencer. Je ne sais pas grand chose sur son entourage, il était...est...quelqu'un de très secret. » Répondit-elle avec une mine sombre.

Oui, elle devait se forcer à parler au présent, pas au passé. Peut-être qu'il reviendra ? Elle en doutait. Elle en doutait très fortement. Mais quelque part en elle, elle ne parvenait pas à lâcher prise. Il y avait d'autres poissons dans l'océan, mais c'était celui-ci qu'elle voulait. Et elle le voulait plus que tout, même si elle préférait le nier et tourner la page. Ou du moins essayer.

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« Je ne saurais pas par où commencer. Je ne sais pas grand chose sur son entourage, il était...est...quelqu'un de très secret. »

Lindsay ne s’était pas vraiment attendu à une autre réponse, non pas qu’elle ait pu comprendre, sans connaître cet homme, qu’il était quelqu’un de très secret, mais parce qu’elle se douter qu’Elsa avait certainement déjà fait tout ce qu’elle pouvait pour retrouver cet homme, puisqu’elle tenait à ce point à lui. Elle n’avait certainement pas attendu après les conseils de Lindsay pour prendre ce genre de décisions.

Elle pourrait remettre en doute l’attachement d’Elsa à cet homme, compte tenu du fait qu’elle semblait ne pas savoir grand-chose de lui ou du moins de son entourage, mais elle ne pensait pas être la mieux placée pour parler. En fait, elle était certainement la personne la moins légitime pour ça, en vérité.

Après tout, elle n’avait pas fait que tomber sous le charme d’un homme qui s’était dérobé à elle et qui lui avait fait nombre de mystères… elle en avait épousé un… Et elle souffrait encore de ce choix. Même si, dans les premiers temps de leur union, elle avait été heureuse. Mais ce bonheur avait été étouffé par la rancœur et l’amertume, si bien qu’elle avait peine à s’en souvenir.

Elle se sentait impuissante face à la situation que visait Elsa. Elle voudrait l’aider, la conseiller, mais comment faire ? Elle ne voyait vraiment pas quoi lui dire ni quoi lui conseiller de faire. Elle avait envie de le pousser à s’accrocher, au moins la pousser à avoir une conversation avec lui, car si elle avait bien compris quelque chose de la vie, c’était que le dialogue était essentiel, fondamental, même. Mais comment faire, puisque cet homme avait tout bonnement disparu de la circulation.

Il faudrait plutôt, peut-être, qu’elle se résigne et tire un trait sur cet homme qui avait disparu du jour au lendemain, et qui ne méritait pas forcément les larmes qu’elle versait pour lui. Mais comment l’inviter à tirer un trait sur une histoire qui n’avait pas vraiment pas de point final.

"Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?" demanda-t-elle en désespoir de cause, incapable de vraiment savoir comment agir.

Elle pourrait bien lui demander le nom de cet homme (que par le fruit du hasard – ou la magie du rp, choisissez – elle connaissait, puisqu’il était le meilleur ami de son ex-mari) afin d’essayer de retrouver sa trace, mais elle ne voulait pas faire preuve d’une telle indiscrétion, qui lui paraissait par de nombreux aspects inappropriée.

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

Bien que partie d'une bonne intention, cette conversation commençait à épuiser Elsa psychologiquement. Plus elle parlait d'Angus à Lindsay et plus des souvenirs refaisaient surface. Pour mieux oublier ces moments de bonheur qui n'en étaient plus, elle remplit une quatrième fois son petit verre derrière le comptoir et le liquida cul-sec pendant que personne ne regardait vers ici à part son amie. Un soupir de réconfort lui échappa et elle se remis à essuyer les verres récemment lavés pour les ranger. Tout en s'occupant les mains, elle répondit à Lindsay sans grande conviction.

« Honnêtement, je ne crois pas que tu puisses y faire grand chose. Angus avait l'air complètement perdu, je ne l'avait jamais vu comme ça. Je ne pense pas qu'il reviendra par ici... »

C'était la première fois qu'elle disait son prénom. Jusque là, elle avait cru bêtement qu'éviter de le prononcer allait la protéger de la douleur. Mais elle souffrait quoiqu'il en soit. Un mince sourire contrit étira ses lèvres alors qu'elle regardait le verre qu'elle nettoyait distraitement.

« Je n'ai plus d'espoir de le revoir. Tout ce qu'il me reste à faire c'est l'oublier. Le temps fera son travail. » Dit-elle.

Cependant, Elsa n'était qu'à moitié convaincue par ce qu'elle venait d'affirmer. Le temps pouvait-il vraiment réparer son cœur brisé ? Pouvait-il lui rendre ses rêves évaporés et la confiance qu'elle n'osait plus accorder à quiconque ? Elle en doutait. Même si Madison avait affirmé qu'à son âge la moindre déception semblait être des montagnes infranchissables sans l'être pour autant, la jeune sorcière n'avait pas l'impression que ce sentiment d'abandon allait un jour la quitter. Peut-être aurait-elle préféré qu'il la rejette clairement. Peut-être que cela aurait été moins douloureux qu'il ne nourrisse pas ses espoirs avant de partir sans un regard en arrière.

Un client l'appela depuis le fond de la salle, la tirant hors de ses pensées mélancoliques. Avec un sourire désolé à l'attention de son amie, Elsa la laissa seule quelques instant pour faire son travail. Elle alla prendre la commande puis revint préparer la boisson. Lorsqu'elle travaillait ainsi, sa concentration chassait quelques instants sa peine et son visage retrouvait ses couleurs. Si seulement ça pouvait être ainsi tout le temps.

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« Honnêtement, je ne crois pas que tu puisses y faire grand chose. Angus avait l'air complètement perdu, je ne l'avait jamais vu comme ça. Je ne pense pas qu'il reviendra par ici... »

Lindsay regrettait de ne pouvoir être d'aucun secours à son interlocutrice, mais quand celle-ci affirmait qu'il n'y avait rien à faire, elle ne pensait pas qu'il soit nécessaire d'insister.

Elle trouvait simplement que cette situation, en plus d'avoir brisé le coeur d'Elsa, était tout de même assez alarmante. On parlait d'un homme qui avait eu l'air complètement déboussolé et qui avait disparu du jour au lendemain sans laisser de traces ni de nouvelles. L'information avait clairement de quoi déconcerter.

Mais une fois encore, elle n'était pas la meilleure personne pour en juger et elle n'avait pas vraiment son avis à donner sur cette histoire. Même si elle l'interpelait tout à coup, parce que Elsa venait de lui donner son nom.

Bon, bien sûr, Angus Davis n'était pas le seul Angus de toute la planète, mais tout de même... la coïncidence était troublante... et le monde de la magie était après tout très petit, tout le monde finissait par connaître tout le monde, de près ou de loin, alors était-ce finalement si improbable ? A dire vrai, peut-être pas.

« Je n'ai plus d'espoir de le revoir. Tout ce qu'il me reste à faire c'est l'oublier. Le temps fera son travail. »

Lindsay hocha doucement la tête.

"Le temps guérit tout, il paraît."

Et elle devait bien le croire de son côté aussi. Elle aussi avait connu les pires déconvenues sentimentales avec James. Personne n'y croyait, et pourtant, elle s'était relevée, elle avait retrouvé l'amour et un père digne de ce nom pour Gabriel. Le temps lui avait rendu le plus fier et louable des services.

Alors oui, Elsa se remettrait de sa peine de coeur, elles finissent toutes par passer, même celles que l'on imagine les plus douloureuses et impossibles. Mais tout de même, il fallait lui reconnaître que les circonstances ne prêtait pas à faire convenablement le deuil de son histoire (ou de sa non-histoire) avec l'homme qu'elle avait perdu.

"Tu as dit qu'il s'appelait Angus... ?"

Cette information ne changerait pas grand-chose pour elle mais l'intéressait suffisamment pour qu'elle y prête l'oreille.

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

Quel soulagement de pouvoir travailler et oublier ne serait-ce que quelques instant toutes ces pensées noires qui bouillonnaient dans sa tête en permanence. Avec son manque de confiance en elle, évidemment, Elsa s'était petit-à-petit persuadée qu'Angus serait resté si elle avait été plus digne de lui, moins immature, plus intéressante. Inévitablement, le problème devait venir d'elle. Quelle autre raison aurait-il pu avoir de fuir de la sorte alors que tout semblait bien aller entre eux ? Elle se mordilla la lèvre quand Lindsay confirma que le temps guérissait tout. Du moins, c'est ce qu'on lui avait dit à elle aussi, mais Elsa doutait que son amie en soit entièrement persuadée. La jeune sorcière soupira et versa la boisson du client dans la chope avant de la lui ramener à sa table. Une fois revenue derrière le bar, Lindsay la surprit en demandant confirmation du prénom.

« C'est ce que j'ai dit, oui. Angus Davis. Pourquoi ? »

Pourquoi en effet. Quel intérêt avait son identité ? Cela ne changeait en rien ce qu'il avait fait. Qu'il Jean, Paul ou Richard, il restait l'homme qui lui avait volé son premier baiser avant de la laisser tomber comme une vieille chaussette. En vérité, même si Elsa se blâmait en majeure partie pour cette déception amoureuse, elle ne pouvait s'empêcher d'en vouloir à Angus. Elle avait la jeunesse et l'inexpérience pour sa défense, mais lui, quelle était son excuse ? De toute façon, elle n'en saurai probablement jamais rien. Il avait tout emporté avec lui, son regard intense, son sourire chaleureux, son assurance agaçante et ses raisons les plus obscures. Tout cela, envolé.

« Parfois je me dis que j'aimerais mieux oublier tout de lui. Comme si je ne l'avais jamais rencontré. Mais au dernier moment je finis toujours par changer d'avis. »

Elle ne voulait pas tricher et choisir la solution de facilité. On ne pouvait pas oublier la douleur et reprendre sa vie sans un remord. Ce n'était pas comme ça que les choses devaient se passer et elle le savait. L'ordre naturel voulait que chaque peine soit assimilée et deviennent progressivement une force, elle n'en doutait pas. La tentation, bien que très fascinante, ne parvenait pas à effacer tout à fait les croyances bien ancrées d'Elsa.

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« C'est ce que j'ai dit, oui. Angus Davis. Pourquoi ? »

Donc, il s'agissait bien du Angus que Lindsay connaissait. Angus Davis, le meilleur ami de James. Comme quoi, les deux s'étaient très bien trouvés, manifestement. Des voleurs de coeur et des piétineurs d'amour propre qui entraient dans votre vie comme des tornades et qui dévastaient tout sur leur passage.

Lindsay voulut apprendre à son interlocutrice qu'elle connaissait Angus, mais elle se ravisa. Grâce à son "pourquoi". Pourquoi, en effet, oui. Au final, son opinion sur la question importait bien peu. N'importait pas du tout, même.

Qu'est-ce que ça changerait, pour Elsa, que Lindsay ait connu Angus ? La réponse était évidemment très simple. Rien, ça ne changeait rien du tout, et il n'y avait vraiment aucune raison d'épiloguer plus longuement sur la question.

Alors peu importe, elle se contenta d'un haussement d'épaules. Elsa avait surtout besoin de se changer les idées, de penser à quelque chose d'autre, à quelqu'un d'autre, qui sait ?

D'ailleurs, comme pour la conforter dans l'idée que commenter quoi que ce soit à ce sujet serait malvenu, Elsa reprit bien vite la parole.

« Parfois je me dis que j'aimerais mieux oublier tout de lui. Comme si je ne l'avais jamais rencontré. Mais au dernier moment je finis toujours par changer d'avis. »

C'était un sentiment auquel Lindsay n'avait vraiment aucun mal à s'identifier. Quand elle entendait Elsa s'exprimer de la sorte, elle avait l'impression de se voir des mois auparavant, quand elle ne savait plus quel sens donner à sa vie et qu'elle se laissait constamment hanter par la pensée de son ex-mari, tout en sachant que c'était une très mauvaise chose.

"Je connais ça, je suis passée par là", répondit Lindsay dans un fin sourire.

Alors, peut-être bien que ça ferait une belle jambe à son interlocutrice, mais qui sait, peut-être que ça ferait du bien à Elsa de l'entendre, ainsi se sentirait-elle un peu moins seule, tout simplement... Et parfois, en effet, ce n'était pas un mal du tout. Lindsay savait que dans son cas, en tout cas, c'était le genre de mots qu'elle aurait apprécié d'entendre.

"Tu finiras pas tourner la page, tu verras", répondit-elle d'un ton qui se voulait encourageant. "Quand tu auras trouvé la bonne personne."

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

Il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de ne pas se sentir seule dans ce genre de cas. Apprendre que son amie était passée par là avant elle et avait su s'en relever était plus qu'encourageant pour Elsa. Cette dernière se trouvait encore dans cette période découragée, qui je voulait plus croire au bonheur, qui voulait se persuader que toutes les relations amoureuses étaient vouées à cette même fin douloureuse. Bien sûr c'était bien faible de sa part de se laisser aller à une telle mélancolie, mais elle était encore jeune et bien naïve, trop fragile pour voir le bon côté des choses. Un soupir désespéré lui échappa, même si elle se sentait soulagée par les propos de Lindsay.

« Mais comment je saurai que c'est le bon ? Est-ce-que ça vaut le coup de refaire confiance à quelqu'un ? Je ne suis pas sûre de vouloir retomber amoureuse. » Expliqua-t-elle.

Ses paroles étaient probablement normales pour une jeune femme de son âge en pleine déception amoureuse, mais à ses yeux le monde s'était littéralement écroulé. Elle ne pensait pas pouvoir un jour rouvrir son cœur. La perspective de ne plus prendre le risque d'être blessée lui semblait plus attirante que le minuscule chance de tomber sur la perle rare. La probabilité moindre de trouver le bonheur n'en valait pas la peine. Sa sœur l'avait plusieurs fois traitée d'imbécile d'en faire des montagnes pour " si peu ". Mais à ses yeux ce n'était pas si ridicule. Un premier amour, c'était précieux, et elle avait démarré dans la vie romantique de façon plus que chaotique.

« C'est peut-être mieux d'être seule que mal accompagnée en fin de compte. Je ne vois pas bien ce que je rate à rester célibataire. » Affirma-t-elle amèrement.

Sa façon de penser était biaisée, influencée par son malheur. En vérité, la disparition d'Angus était encore trop fraîche pour que Lindsay puisse l'en détourner totalement. Pourtant, Elsa appréciait ses efforts bienveillants bien plus qu'elle ne le montrait. Ses paroles avaient au moins le mérite d'enrober son cœur meurtri d'un peu de chaleur réconfortante. Preuve irréfutable que l'amitié était bien plus pure et serviable qu'une grotesque passion amoureuse.

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« Mais comment je saurai que c'est le bon ? Est-ce-que ça vaut le coup de refaire confiance à quelqu'un ? Je ne suis pas sûre de vouloir retomber amoureuse. »

Lindsay comprenait bien qu'Elsa se pose toutes ces questions, surtout du haut de son jeune âge. C'était normal, et d'ailleurs, on se les posait sans doute à tout âge après avoir essuyé une déconvenue sentimentale comme c'était son cas.

Quand on a le coeur brisé, on a le sentiment que l'on ne va jamais sans remettre, mais ça finit par passer, et oui, ça vaut le coup de refaire confiance à quelqu'un, parce que quand c'est la bonne personne, eh bien.

"Quand tu trouveras la bonne personne, tu ne te demanderas pas si ça vaudra le coup de lui faire confiance ou pas. Tu lui feras simplement confiance, et c'est pour ça que ce sera le bon."

Le discours de Lindsay pouvait sembler niais au possible, mais elle pensait chaque mot prononcé. Elle était sincère dans son discours. Ce serait dommage qu'Elsa se ferme pour rien du tout. Et de toute façon, ça ne servait à rien de se demander si cela valait le coup ou non pour elle de tomber amoureuse.

Quand elle tomberait amoureuse, elle ne le choisirait pas. Que ça vaille le coup ou pas n'y changerait rien. Ce n'était pas quelque chose que l'on décidait, c'était une chose que l'on vivait, tout simplement, et Elsa aurait peut-être encore des dizaines d'occasions de tomber amoureuse dans la vie. Chacune en vaudrait la peine au final. Même si, dans un premier temps, c'était difficile de penser ainsi et Lindsay était bien placée pour le savoir étant donné la façon dont avait pris fin sa relation avec James.

« C'est peut-être mieux d'être seule que mal accompagnée en fin de compte. Je ne vois pas bien ce que je rate à rester célibataire. »

"Tu ne rates rien à être célibataire", affirma tout de même Lindsay, parce que c'était vrai, et l'adage également : mieux valait être seule que mal accompagnée, mais c'était évidemment partir du principe qu'elle serait forcément mal accompagnée, comme s'il s'agissait là d'une fatalité, et de ce point de vue, elle ne saurait pas être moins d'accord. "Seulement si tu penses vraiment ce que tu dis et que tu n'essaies pas juste de t'en convaincre."

▬ Elsa & Lindsay ▬
Pour faire la colle à cœur brisé.

Les paroles suivantes de Lindsay perturbèrent encore plus les pensées d'Elsa qu'elles ne l'étaient déjà. Quelqu'un à qui elle pourrait faire confiance sans même se demander si ça vaut le coup ? Si une telle relation était possible avec une personne - autre que sa sœur, bien sûr - elle n'avait pas l'impression d'en avoir déjà fait l'expérience. Même pour Angus, elle avait réfléchi à deux fois avant de faire un pas vers lui et finalement elle aurait mieux fait de ne pas lui accorder autant de son attention. Si un homme était capable d'entrer dans son cœur sans lui inspirer la moindre crainte, elle ne l'avait clairement pas encore rencontré. Ou bien peut-être ne s'en était-elle pas encore rendu compte ? C'était possible. Il n'y avait pas de personne plus aveugle à l'amour que celle triste et déprimée. Elsa ne prêtait tout simplement plus d'attention à ce qui l'entourait, trop occupée à se replier sur ses petits problèmes d'adolescente déçue. Une réaction bien puérile et négative, elle en était consciente, mais on ne peut plus naturelle pour son âge.

« Tu veux dire que le bon, c'est celui a qui on accorde sa confiance sans même s'en rendre compte ? » Demanda-t-elle, intriguée.

Quelque chose lui échappait néanmoins dans cette façon de penser. Si elle n'accordait pas assez d'attention au bon pour se rendre compte de la confiance placée en lui instinctivement, comment allait-elle pouvoir le distinguer ? Elle avait beau y penser encore et encore, aucune visage ne lui venait à l'esprit. Chaque homme auquel elle pensait n'avait soit pas du tout sa confiance soit seulement une partie. Au final, c'était une conclusion un peu triste de sa situation. Était-elle devenue trop méfiante envers son entourage ? Possible.

« Tu crois que je pourrais m'être trop fermée aux autres, à cause de cette histoire avec Angus ? Que le bon pourrait déjà être là, sans que je le sache ? »

Un visage lui passa bien dans la tête pendant une fraction de seconde, ou plutôt un sourire, mais il passa tellement vite qu'elle n'eut pas le temps d'y associer un nom. Quelqu'un était-il en train de hanter ses pensées inconsciemment ? Si c'était le cas, il était d'autant plus frustrant de ne pas savoir qui.

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« Tu veux dire que le bon, c'est celui a qui on accorde sa confiance sans même s'en rendre compte ? »

Lindsay fut tentée tout d’abord de répondre par l’affirmative sans y réfléchir davantage, car cette définition lui paraissait plutôt juste, en fin de compte. En tout cas, il était certain que le bon était forcément celui à qui on pouvait adresser une confiance aveugle…

… cela dit, ce ne pouvait pas être non plus une définition tout à fait juste, en réalité, car l’on pouvait accorder une confiance aveugle à des personnes qui ne le méritaient pas du tout. A ce titre, l’expérience personnelle de Lindsay parlait d’elle-même. A une époque, elle se serait bel et bien sentie capable de confier sa vie à James les yeux fermés, et aujourd’hui, elle regrettait pourtant qu’il ait jamais fait partie de sa vie. Enfin… pas tout à fait non plus. Sans James, Gabriel ne serait jamais venu au monde, et c’était le plus beau cadeau que la vie lui ai jamais fait, alors il ne serait pas tout à fait juste de dire une chose pareille, en réalité.

Alors il fallait sans doute corriger le tir, préciser que le bon n’était pas celui à qui on accorde sa confiance sans même s’en rendre compte, mais celui qui se révèle digne de cette confiance. Mais elle n’eut pas le temps de réviser son propos, son interlocutrice avait déjà repris la parole.

« Tu crois que je pourrais m'être trop fermée aux autres, à cause de cette histoire avec Angus ? Que le bon pourrait déjà être là, sans que je le sache ? »

C’était peut-être un peu brusque que de lui dire que c’était ce qu’elle pensait, mais en vérité, c’était effectivement ce qu’elle pensait. Une mauvaise expérience ne devait jamais nous retenir, les expériences, bonnes comme mauvaises, étaient essentielles et faisaient partie de la vie. Au bout du compte, si l’on estimait que « le bon » existait, il attendait forcément quelque part, et c’était rarement, pour ne pas dire jamais, cet amour déçu auquel on se rattachait parce que, dans le fond, on avait juste beaucoup trop peur d’aller de l’avant.

Elle ne pourrait pas prétendre être une experte ou pouvoir judicieusement conseiller son interlocutrice, mais elle faisait de son mieux. Parce que dans tous les cas, Elsa était définitivement beaucoup trop jeune pour se fermer à l’amour. A son âge, c’était du gâchis.

"J'en suis sûre. Je ne te dis pas de te précipiter dans une autre relation. Mais quelqu'un t'attend, quelque part, de vraiment fait pour toi, j'en suis sûre."