« Avec grand plaisir, tu veux aller quelque part en particulier ? »

Non, pas vraiment, en réalité, elle n'avait pas d'idée particulière à l'esprit. Elle savait juste qu'elle avait envie de se promener un peu, de prendre l'air, de profiter, ça n'allait pas plus loin, au bout du compte.

L'idée, c'était simplement d'être avec lui, de prolonger le moment qu'ils passaient ensemble. A un moment ou à un autre, il faudrait qu'elle retourne à Poudlard, et honnêtement, elle n'était pas pressée. Surtout que leurs emplois du temps respectifs faisaient qu'ils ne pourraient pas se voir aussi souvent qu'ils le voudraient.

Déjà, quand ils se contentaient de se voir en tant qu'amis, elle était frustré de devoir attendre trop longtemps pour le retrouver, et leurs échanges lui manquaient (ce qui cachait forcément quelque chose, mais elle avait été incapable de s'en rendre compte). Alors, maintenant que leur relation avait pris une tout autre tournure, elle avait juste besoin... de le garder auprès d'elle tant qu'elle en avait l'occasion.

"Pas vraiment, non.", répondit-elle.

Elle aurait aimé avoir une réponse toute faite, savoir précisément où l'entraîner, mais ce n'était pas le cas. Pour elle, le seul fait de se promener aux côtés de son petit ami était en vérité un exploit conséquent.

Ce n'était clairement pas sur Tom qu'elle pouvait compter pour les petites balades en amoureux... ou pour quoi que ce soit qui concerne de près ou de loin les normes de la relation de couple. Sur ce point, elle était clairement une novice. Mais ça lui allait bien de se familiariser avec tout ça aux côtés d'Abraxas.

"On est un peu coincés ici, de toute manière." Ici, à Pré-au-Lard, et même si le village était tout à fait charmant, on en avait tout de même rapidement fait le tour, et après ça, il n'y avait plus grand-chose à en dire. "A moins que tu sois d'accord pour me faire transplaner ailleurs."

Une aptitude qu'elle ne possédait pas encore, pour sa part. Et elle le regrettait. Ce serait beaucoup plus simple, si elle pouvait simplement transplaner... Même si de toute manière, on ne pouvait pas transplaner depuis Poudlard, donc il était bien possible que cela ne change pas beaucoup de choses.

Ils sortirent du pub, ce qui était déjà un début. Lou adressa un remerciement silencieux à Abraxas quand il paya sa consommation. Certes, Lou était de la vieille école et considérait que c'était une manière naturelle de faire, mais le geste galant restait malgré tout très apprécié.

Ils quittèrent donc les lieux. Pour aller où ? Cela restait indéterminé, mais il semblerait que le jeune homme ait déjà sa petite idée sur la question, et la jeune femme lui faisait entièrement confiance.

« A condition que tu ne me vomisses pas dessus. »

Lou afficha en réponse une expression à mi-chemin entre le sourire et la grimace. Charmant, tout à fait charmant. Bon, cela étant dit, il pouvait se permettre d'avoir des réserves. Le transplanage d'escorte était tout sauf une expérience plaisante et la jeune femme n'en gardait pas un souvenir très agréable. C'est vrai que ce genre de voyage pouvait être assez éprouvant et avoir le don de vous retourner l'estomac.

Mais elle épargnerait tout de même une image à ce point tue-l'amour à Abraxas. C'était certainement le meilleur moyen de couper net une relation naissante... et que Lou avait envie de voir durer, l'air de rien.

Elle se laissa faire quand il la fit transplaner vers une destination inconnue. Et en effet, elle en ressortit un peu nauséeuse. Pas au point que ce soit insupportable non plus, ceci dit.

Avant qu'elle eut le temps de poser la moindre la question, il reprit la parole.

« Bienvenue chez moi. Ça va, pas trop secouée ? »

Elle afficha un fin sourire.

"Je tiens le coup", plaisanta-t-elle tout en regardant autour d'elle. Elle était déjà venu une ou deux fois chez les Malefoy, au cours de ces réceptions barbantes où ses parents la contraignaient de s'affichait. Mais hors de ce contexte, les lieux lui apparaissaient beaucoup plus intéressants. En fait, elle voyait tout sous un autre jour, à présent... Parce que, dorénavant, ce n'était plus un lieu impersonnel typique de leur caste. C'était l'endroit où Abraxas avait grandi. "Tu m'emmènes tout de suite chez toi, t'as pas froid aux yeux.", plaisanta-t-elle avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

Bon, elle espérait juste que les parents d'Abraxas étaient absents (mais elle se doutait qu'il ne l'aurait pas conduite ici dans le cas contraire).

"Tu me fais visiter ?"

« Je devrai ? »

Lou répondit au sourire d'Abraxas par un autre. Plus le temps passait, plus elle réalisait combien sa relation avec lui était finalement... évidente. Tout comme leur amitié avait fini par couler de source sans qu'ils s'y attendent, elle avait l'intention qu'il pouvait en être de même de leur histoire sentimentale.

Ils n'avaient pas besoin de se poser de question, de s'interroger sur ce que disait ou pensait l'autre. Ils avaient bien eu assez le temps d'apprendre à se connaître pour s'en faire une bonne idée. Une très bonne idée, même. Leur complicité coulait de source, et elle adorait ça.

En fait, il n'y avait rien qu'elle n'aimait pas de cette situation alors qu'il prenait sa main dans la sienne et le conduisait dans ce manoir qu'elle allait découvrir sous un nouveau jour, loin des quelques réceptions auxquelles elle avait pu assister. Et ce n'était pas vraiment ce qui l'intéressait, dans tous les cas. Elle préférait découvrir les endroits qui intéressaient réellement Abraxas, et où elle n'avait sûrement jamais mis les pieds.

« Et voilà ma chambre. »

Lou balaya l'immense pièce du regard. Cette chambre était gigantesque, bien plus grande que celle de la jeune femme. Les Hamilton n'étaient pourtant pas les moins riches d'entre tous, mais il est vrai que si on devait les comparer aux Malefoy, aux Black ou consorts, ils ne soutenaient pas la comparaison en question.

Lou n'avait pas pris le temps de se poser la question, et elle savait que son absence manifeste de confiance en elle y jouait pour beaucoup, mais elle allait finir par croire qu'elle jetait toujours son dévolu sur des personnes "trop bien" pour elle. Tom, c'était différent, il ne possédait quasiment rien, mais cela rendait encore plus admirable la manière dont cet orphelin surgi de nulle part imposait son autorité auprès de tous. Mais elle n'était pas forcément dans les standards habituels de Malefoy.

"C'est donc ça ton antre." Elle sourit. "Ma chambre a l'air ridicule à côté." Elle ne savait s'empêcher de tout examiner, des murs au plafond. "Va falloir la semaine juste pour en faire le tour."

« Cela ne me dérangerait pas de te garder ici pour la semaine. »

Lou afficha un nouveau sourire (en même temps, son sourire quittait à peine ses lèvres depuis qu'ils étaient ensemble, dans tous les sens du terme). Elle non plus n'aurait pas été contre le fait de rester ici beaucoup plus longtemps.

D'ailleurs, elle avait perdu toute notion du temps. Elle n'avait pas la moindre idée de l'heure qu'il pouvait bien être, et elle n'avait pas envie de s'en soucier. Elle n'avait pas envie de perdre une seule minute, et certainement pas envie de devoir s'en aller maintenant, peu importe si elle devait finir par dépasser pour beaucoup le couvre-feu de Poudlard. Elle se sentait parfaitement bien, ici et maintenant, et totalement à sa place. Elle n'avait jamais ressenti cela auparavant. Et elle avait envie de ressentir ça tout le temps, à présent.

Oui, elle voudrait vraiment pouvoir passer plus de temps avec lui, surtout que leurs occasions de se voir étaient finalement limitées, mais mieux valait songer à l'instant présent qu'au moment de repartir, après tout.

« Mais Poudlard remarquerait probablement ton absence, tes parents seraient prévenus… et puis les miens pourraient s’apercevoir de quelque chose, surtout que ma mère aime venir ici quand je suis pas là. »

Effectivement, ce ne serait pas un bon plan. Et l'air de rien, même si c'était dit sur le ton de l'humour, cela leur permettait d'aborder un sujet qui n'était pas forcément un luxe à aborder, même si leur relation en était à ses prémices.

Elle n'avait pas envie de se prendre la tête, encore moins de se poser trop de questions... mais en même temps, elle avait aussi envie que ça marche, parce qu'elle ne se souvenait plus s'être sentie aussi bien et heureuse depuis longtemps.

"Oui, on va éviter", s'amusa-t-elle, toujours rayonnante, en venant s'asseoir à côté d'Abraxas. "D'ailleurs..." Elle replaça une mèche brune derrière ses oreilles, signe chez elle d'un léger embarras. "J'aimerais bien qu'on garde ça pour nous, pour l'instant."

Elle avait envie de penser qu'il comprendrait, et qu'il pensait la même chose, mais elle préférait le dire quand même. Elle n'avait aucune envie que qui que ce soit se mêle de leur relation et vienne y mettre son grain de sel. Elle aimait la situation comme elle était maintenant, juste lui et elle, et personne pour venir s'en mêler. Ils étaient dans leur bulle, pour l'instant, Lou n'avait pas vraiment envie de la voir s'éclater.

Lou ne voulait surtout pas qu'Abraxas prenne sa suggestion de la mauvaise manière, qu'il s'imagine qu'elle avait honte d'être avec lui ou elle ne savait quoi encore (d'autant qu'elle supposait qu'il avait plus de raisons de vouloir se cacher d'être avec elle de ce point de vue qu'elle-même).

En ce qui la concernait, c'était avant tout et surtout parce qu'elle ne savait que trop ce que cela faisait de voir tout le monde, et les moins concernés, se mêler de vos affaires de coeur. Sa relation avec Tom était née pour être affichée, puisqu'il ne s'agissait que de cela : d'image et d'apparence. Cette histoire n'avait existé que pour l'image qu'elle pouvait renvoyer. Là, elle voulait vivre cette histoire pour elle-même, pour eux, sans laisser quoi que ce soit ou qui que ce soit la parasiter.

Et oui, aussi, bien sûr, elle ne voulait surtout pas que ses parents sachent quoi que ce soit de la situation tant qu'ils ne seraient pas entièrement sûrs d'eux et de ce qu'ils voulaient. Elle avait vraiment envie de croire que leur relation pouvait durer et aller loin. Mais ils n'en étaient qu'au début malgré tout. Elle ne voulait pas mettre la charrue avant les hyppogriffes... ce qui adviendrait forcément si elle laissait faire, pas de sa part mais de celle de ses parents, qui rêvaient de la marier à un bon parti - et en matière de bon parti, on ne faisait sans doute pas plus idéal pour les Hamilton qu'un membre de la famille Malefoy.

« Comme tu veux, ça n’a pas vraiment d’importance. »

Il ne le lui reprochait pas, ne lui demandait pas de s'en justifier. Pour Lou, ce n'était pas quelque chose d'inattendu, Abraxas savait se montrer attentif à ses attentes, à sa perception des choses.

Et c'est vrai, ça n'avait pas forcément d'importance. Dans tous les cas, Lou n'avait pas franchement envie de se prendre la tête avec tout ça.

« Même si… il aurait peut-être fallu y penser avant de m’embrasser en public. »

Lou afficha un sourire en coin. Bon, d'accord, elle reconnaissait que c'était un peu contradictoire, et que si elle avait voulu s'éviter des témoins, elle avait un peu manqué le coche. Elle n'avait pensé à rien, quand elle l'avait embrassé, elle avait même oublié qu'il y avait des gens tout autour, chose qui en temps normal aurait pu lui mettre instinctivement des barrières.

Alors peut-être que la rumeur finirait par circuler malgré tout. Ou pas, ils verraient bien... mais en tout cas, pour sa part, elle ne comptait en parler que quand elle se sentirait prête. Sans vouloir interdire non plus Abraxas de faire comme il le voulait de son côté.

"Bon, d'accord", admit-elle dans un sourire amusé. "J'avais un peu autre chose en tête à ce moment-là, figure-toi."

« Et qu’avais-tu en tête ? »

Lou rendit son sourire à Abraxas. Si quelqu'un était à même d'avoir une idée très précise de ce qu'elle avait eu derrière la tête à ce moment-là, c'était bien lui, elle ne pensait pas avoir été excessivement discrète sur le sujet. Ni n'avait cherché à l'être à ce moment précis, par ailleurs.

En fait, elle n'avait pas eu grand-chose en tête à ce moment là, pour tout dire... Elle n'avait eu que lui, son regard, ses lèvres, l'envie d'oublier tout ce qui n'était pas lui. Alors oui, en cet instant, bien évidemment, sa réputation, le qu'en dira-t-on, ça lui était passé au-dessus.

C'était à peine si elle avait encore été capable, dans tous les cas, de prendre conscience de tout ce qui se trouvait autour. Oui, ça avait été leur pouvoir, à tous les deux : de faire disparaître le monde autour d'eux... elle aurait voulu que ça continue d'être le cas.

"Eh bien, je ne me souviens plus exactement", prétendit-il d'un ton qui ne saurait vraiment être pris au sérieux, car outre le fait que ce moment était encore très frais dans son esprit, elle serait bien incapable de ne pas s'en souvenir quoi qu'il en soit.

Il avait été... décisif, quelque part, même s'il était bien trop tôt encore pour vraiment s'en assurer, pour faire des plans sur la comète. De ce qu'elle voyait, les choses se présentaient plutôt bien, en tout cas, et c'était ce qui l'intéressait vraiment.

"Mais je crois que c'était plus ou moins quelque chose dans ce goût-là", ajouta-t-elle sans perdre son fin sourire, son regard soutenant le sien.

Rien à ajouter, pas en mots en tout cas, elle caressa son visage du bout des doigts et posa une nouvelle fois ses lèvres sur les siennes. Comment pourrait-elle envisager de réfléchir rationnellement alors même qu'il était là, si proche d'elle ?

Il annihilait la moindre pensée négative. Avec lui, tout avait une couleur, une saveur différente. Elle-même n'avait plus l'impression d'être la même personne... ou si, mais elle était la personne qu'elle méritait vraiment d'être, qu'elle avait envie d'être. Il révélait ce qu'il y avait de meilleur en elle, et rien que pour ça, elle n'avait aucune envie que ça s'arrête.

Lou avait toujours été une romantique... une gourde, traduiraient d'autres, et peut-être à juste titre. Même si elle ne considérait plus à ce jour qu'il y ait vraiment faiblesse à avoir des sentiments, et surtout, à les vouloir puissants.

Elle avait toujours voulu connaître un moment comme celui-ci, de douceur et de complicité totale, placé sous le signe de l'évidence... Elle avait voulu connaître les symptômes du sentiment amoureux quand il est réciproque. Et clairement, avec Tom, elle n'avait pas été servi.

Cela dit, ce qu'elle avait ressenti pour lui n'avait rien à voir avec ce qu'elle ressentait pour Abraxas. Pas de fascination absurde, pas d'impulsion destructrice. Juste un sentiment d'apaisement totale. Quand elle embrassait Abraxas, quand il l'embrassait à son tour, c'était le monde qui s'évaporait doucement autour d'eux, et il n'y avait plus rien d'autre que cette bulle de tendresse qui réchauffait son coeur et le faisait battre un peu plus vite. Elle se sentait bien, c'était aussi simple que cela. Et elle ne pensait jamais avoir été aussi bien de toute sa vie.

« Tu as raison, ça commence à me revenir. Mais je crois que j’ai encore besoin de me souvenir encore un peu. »

Ce fut à son tour de sourire tandis qu'il l'embrassait à nouveau. Elle ne se lassait pas de ses lèvres, du sentiment qu'elle avait d'être importante quand il les posait sur les siennes.

Elle prolongea son baiser, et aurait pu songer à la perfection de ce moment si elle songeait encore à quoi que ce soit. Mais ce n'était pas le cas. Les pensées n'avaient plus rien de nécessaires en cet instant. Le cerveau en pause, et seulement une focalisation complète sur chacune de ses sensations.

"Il va falloir que je te fasse ce genre de rappel régulièrement, je pense, pour le bien de nos mémoires défaillantes", dit-elle en souriant après un moment, tout en se serrant contre lui avec douceur.

La perspective de devoir finir par retourner à Poudlard était d'autant plus éprouvante. Elle n'avait envie que d'être ici. Mais elle savait que ce n'était qu'un début. Bizarrement, elle ne s'inquiétait pas de la suite, elle n'avait pas peur que cette histoire s'arrête aussi vite qu'elle avait commencé. Elle se sentait confiante comme elle l'était rarement. Parce qu'elle avait confiance en lui, pour commencer.

« C’est une idée raisonnable en effet. »

C'était simple, c'était trois fois rien, c'était ce à quoi devraient sûrement ressembler toutes les relations sentimentales sereines et équilibrées. Elle le découvrait tout juste, et elle adorait ça. Le moindre geste était naturel, et même si elle se l'inventait peut-être, elle avait le sentiment que l'alchimie entre eux était bien réelle.

Allongée à ses côtés, serrée contre lui, elle avait le sentiment que les heures pourraient s'écouler dans le plus parfait silence sans que ça lui pose le moindre problème. Ils étaient dans une bulle, et Lou n'avait surtout pas envie que cette bulle éclate. Plus rien ne comptait, plus rien n'était dramatique ou n'avait d'importance.

Il n'y avait qu'eux, et toutes ces petites choses qu'elle aimait déjà et dont elle aimerait bien pouvoir faire une habitude, comme la manière dont Abraxas jouait presque machinalement avec les mèches de ses cheveux. Comme la façon si simple et évidente qu'ils avaient de s'embrasser...

Elle ne dit rien, d'ailleurs, plusieurs secondes, plusieurs minutes, elle n'en savait trop rien. Elle savourait l'instant, et elle ne craignait pas que le silence qui les entourait puisse être lourd et embarrassant, à aucun moment.

Après un moment, malgré tout, elle daigna rompre le silence, juste pour dire ce qui lui passait par la tête, ce qu'elle se serait peut-être abstenue de faire si elle n'était pas en confiance. Mais elle l'était totalement. Elle ne s'inquiétait de rien, elle pensait qu'elle était à sa place, complètement à sa place. Ce qui ne lui arrivait pas si souvent que cela.

"Je peux te poser une question bête ?" demanda-t-elle en tournant son regard vers lui.

Peut-être que la question n'était pas si bête, elle refléterait surtout le fait que Lou avait encore du travail à faire sur elle-même avant de gagner en confiance en elle. Mais c'était plus une manière de parler, et aussi parce que dans le fond, elle devrait peut-être se contenter du fait de lui plaire sans se demander pourquoi, car c'était ce qu'elle voulait demander.

"Qu'est-ce qui te plaît, chez moi ?"

Elle ne doutait pas du fait de lui plaire, pas du tout, mais elle aimait l'idée de mieux savoir de quelle manière elle l'avait finalement séduit, et ce sans même s'en rendre compte.

Abraxas aurait pu décider de ne pas lui répondre, elle l'aurait compris. Elle trouvait sa question maladroite, une nouvelle preuve de ce qu'elle gardait de manque de confiance en elle, elle qui se demandait tout de même ce qu'un garçon comme Abraxas Malefoy pouvait bien lui trouver.

L'inverse coulait de source, pour elle, et ce n'était pas pour rien si le jeune homme avait autant de succès avec la gente féminine. Mais elle ne pensait pas forcément avoir grand-chose à voir avec les filles qu'il avait eu l'habitude de fréquenter, alors forcément, elle se demandait. Et il accepta de lui répondre.

« Tu es quelqu’un de simple. »

Lou pourrait mal le prendre. Être quelqu'un de simple, ce n'était pas forcément un compliment. Mais de la part du jeune homme, elle comprenait que ça l'était. Elle ne pensait pas qu'il disait cela parce qu'il la taxait de naïve. Mais c'est vrai qu'elle était... on va dire... naturelle ? En tout cas, elle le prenait bien.

« Tu n’es pas manipulatrice, menteuse, égoïste… »

Souvent, on définissait Lou par ce qu'elle n'était pas. Elle y était habituée, le prenait bien... Surtout qu'en effet, elle estimait n'être aucune de ces choses-là... Enfin... menteuse peut-être un peu, mais elle s'était toujours montrée transparente sur quasiment tous les points avec Abraxas. Et elle était la dernière  à savoir manipuler son monde...

« Tu as des valeurs, des principes, c’est quelque chose que j’apprécie. »

Cela aussi, elle pensait que c'était vrai. Elle avait des valeurs, qui n'étaient pas toujours comprises, mais qui avaient fini par la façonner, et elle leur donnait beaucoup d'importance.

« Et tu es très belle. »

Elle sourit doucement, c'était peut-être la qualité qu'elle aurait le plus de mal à s'attribuer, mais quand Abraxas le lui disait, elle le croyait vraiment, et elle se sentait plus belle qu'elle ne l'avait jamais été en l'étant à ses yeux.

« Et toi, qu’est-ce qui te plaît chez moi ? »

"Eh bien..." Lou fit mine de réfléchir. Mais elle n'en avait pas besoin, en réalité. "Tu es intelligent. Tu n'as besoin de personne pour te façonner ta propre vision du monde. Tu es attentif, tu es prévenant. Je sais que je peux parler des heures avec toi et que je m'ennuierai jamais. Tu es déterminé, tu sais ce que tu veux, dans la vie." Elle pourrait ajouter qu'il avait le mérite de l'aimer sincèrement, ce qui le plaçait à des lieues au-dessus de son ex, mais ça semblait plutôt narcissique, bizarrement. "Et tu n'es pas mal non plus."

Ce qui était un doux euphémisme, car définitivement, Lou trouvait Abraxas plus que séduisant.

« Seulement pas mal ? Tu me vexes. Moi qui m’attendait à ce que tu clames haut et fort que je suis parfait sur tous les plans. »

Lou sourit. Elle savait bien que, même si Abraxas était quelqu'un de fier (elle les attirait, ceux-là), ce n'est pas pour autant qu'il était véritablement sérieux. Alors elle savait bien qu'il n'était pas vexé par les propos qu'elle venait de tenir.

Il avait d'ailleurs d'autant moins de raisons de l'être qu'elle ne lui avait pratiquement rien adressé d'autre que des compliments. Et des compliments ce qu'il y a de plus sincères, évidemment. Elle ne le trouvait certes pas parfait, mais même s'il aurait peut-être du mal à le comprendre, c'était en partie ce qui l'attirait chez lui, sa perfection comme ses imperfections, en réalité. Elle était lasse de la perfection totale.

Tom avait été cela, à ses yeux, un homme parfait. Bien sûr, rétrospectivement, il ne l'était pas, mais avoir eu cette vision de lui n'avait pas arrangé ses affaires à l'époque. Elle se méfiait par-dessus tout de la perfection. Mais elle allait éviter de préciser les choses en ces termes à Abraxas, personne n'appréciait d'être comparé à la personne qui avait précédé, même si ça devait être pour dissimuler un compliment sincère.

Lou n'aimerait pas non plus, par exemple, qu'Abraxas lui dresse la liste de ce qui la différenciait d'Elena Lestrange, par exemple. Merci mais très peu pour elle. Ce qui avait eu lieu avant appartenait au passé. Et là, elle ne voulait se concentrer que sur le moment présent et rien d'autre.

"Personne n'est parfait, tu sais, même pas toi contre toute attente", répondit-elle alors dans un sourire. "Mais j'avoue que tu te rapproches quand même pas mal de la perfection."

Il était parfait pour elle, du moins. Et elle préférait qu'il ne soit pas objectivement parfait, qu'il le soit juste à ses yeux, autrement, elle ne voyait vraiment pas comment elle pourrait être capable de le garder alors qu'il y avait en comparaison bien des femmes qui pouvaient s'estimer clairement plus parfaites qu'elle ne l'était elle.

Quand l'un manquait peut-être d'humilité, l'autre gagnerait à avoir un peu plus d'orgueil. Mais en combinant les deux, le résultat pouvait peut-être ne pas être si mal, après tout.

Un baiser sur son front, juste ça, une marque de tendresse, simple et évidente, qui lui faisait du bien. C'était simple, et aussi, c'était naturel. Elle n'avait jamais connu ça, avant. Tom devait forcer le moindre geste d'affection qu'il lui adressait, et il avait beau être bon acteur, elle n'était pas dupe. Là, elle avait le sentiment de compter, et elle se sentait bien, tout simplement bien. Et elle avait envie que le temps s'arrête.

Sauf que le temps ne s'arrêtait pas... Au contraire, il filait beaucoup trop vite. Par réflexe, Lou tourna son regard vers le cadran de la montre du jeune homme quand il posa un regard sur sa montre. Ils avaient encore un peu de temps devant eux, mais plus tant que ça... Plus assez. Rien qu'à la pensée de devoir retourner à Poudlard après ce moment perdu hors de tout, elle déprimait un peu. Mais ce ne serait que partie remise. Et de toute manière, pour l'instant, elle était là, dans ses bras.

« Tu as de la chance que je sois de bonne humeur, j’aurai pu me vexer tu sais… il ne m’en faut pas beaucoup. »

Lou voulait bien croire qu'Abraxas était bien capable de se montrer susceptible, en plus d'être prétentieux. Autant de défauts qu'elle ne devrait pas du tout apprécier, mais chez lui... chez lui, aucun défaut n'en était vraiment un. C'était son imperfection qui le rendait parfait.

Elle avait eu le temps de le découvrir, de cerner, pensait-elle, son caractère, elle avait eu le temps de savoir qu'elle ne s'en lasserait pas, qu'elle l'aimait pour ces quelques défauts, oui, mais qui étaient minimes en comparaison de toutes les qualités qu'elle lui trouvait autrement. Et elles étaient nombreuses.

"C'est moi qui te mets de bonne humeur ?" le taquina la jeune femme dans un sourire. "Si c'est le cas, j'ai pas à m'en faire, tu seras toujours dans les meilleures dispositions pour ne pas te vexer."

Parce qu'elle voulait son bonheur, forcément qu'elle voulait son bonheur. Abraxas ne faisait pas que lui plaire, elle savait qu'elle l'aimait déjà, parce qu'elle avait développé des sentiments pour lui en même temps que leur relation avait évolué. Forcément, elle ne le dirait pas de but en blanc, elle n'était pas complètement folle non plus.

"J'ai aucune envie d'y aller...", ajouta-t-elle, pensant toujours à l'heure qui filait.

« Hm… moi non plus, j’ai pas envie que tu y ailles. »

Lou avait la faiblesse de croire le jeune homme sans remettre en question son discours une seule seconde. En même temps, pourquoi lui mentirait-il ? Elle ne pensait pas qu'Abraxas se donnerait la peine de s'embarrasser de sa compagnie si cette dernière lui était désagréable.

Lou n'était pas une personne très confiante en elle-même, cela n'aura sans doute échappé à personne, mais quand il était question d'Abraxas, elle était étonnamment confiante. Elle aimait ce qu'il révélait en elle. Elle croyait en lui, elle se reposait sur lui, et dans le même temps, il révélait en elle ce qu'il y avait de meilleur. Rarement une relation avec une autre personne lui avait fait autant de bien. Elle se sentait heureuse, sereine, en confiance... Elle se sentait bien, tout simplement.

Alors ça lui faisait du bien d'entendre qu'il n'avait pas envie qu'elle s'en aille. Une autre personne, à laquelle elle se sentait terriblement attachée, ressentait la même envie qu'elle de l'avoir à ses côtés, c'était un sentiment qu'elle ne regrettait pas de ne pas avoir connu plus tôt, même si elle en aurait eu besoin bien avant. Mais c'était ici et maintenant que tout était parfait. Et comme tout était parfait, oui, définitivement, elle ne voulait surtout pas que ça s'arrête, jamais.

« Au pire, tu peux toujours arriver en retard de… deux ou trois mois. Avec une bonne excuse, ça devrait passer. »

Le sourire presque quasi-constant qui ornait ses lèvres depuis qu'ils s'étaient rapprochés tous les deux s'agrandit encore. Si seulement... Lou, malgré le caractère restreint de ses horizons, qu'elle ne demandait ceci dit qu'à voir s'agrandir, accordait de l'importance à ses études. Elle n'était pas la plus brillante, mais elle voulait finir son année en beauté. S'en sortir avec des résultats honorables. Pour la peine, l'absentéisme ne lui semblait pas être une solution.

Mais ce serait tentant de prendre cette plaisanterie au mot. Certes, à vivre deux ou trois mois l'un sur l'autre (sans sous-entendu quelconque), ils se lasseraient sans doute vite alors que leur relation commençait à peine, mais ça...

"Oui, je pense que mes profs n'y verront que du feu", répondit Lou qui, bien loin d'envisager de se mettre en route, en profitait pour prolonger encore un peu le moment avec Abraxas. "Mais crois-moi, il y aurait sans doute de bonnes chances pour que tu te lasses."