C'est étrange, pour Minerva, de revenir ici. C'est étrange, mais c'est familier, en même temps, car il n'y a pas longtemps, le trajet qu'elle fait à présent pour se rendre au ministère de la Magie était son lot quotidien. Quand elle emprunte l'ascenseur qui mène au niveau 2, elle croise quelques visages connus et leur adresse des sourires de circonstance, échange quelques mots, leur en dit plus sur son quotidien à Poudlard, sur son nouveau travail (et elle n'a pas à mentir quand elle affirme s'y épanouir, c'est bien le cas), et poursuit sa route. Elle a hésité sur la personne à voir. Son ancien patron mériterait qu'elle vienne le voir, mais elle préfère ne pas le croiser pour le moment. Elle n'ignore pas les sentiments équivoques de cet homme pour elle, et puisqu'elle a trouvé un bon moyen de ne pas y être confrontée, elle va préférer trouver quelqu'un d'autre, et son choix est déjà fait. Au bureau des Aurors, il y a une autre personne qu'elle respecte énormément et qui sera sûrement d'autant plus à même de la renseigner qu'il a été en partie concerné par l'affaire, et c'est lui qu'elle décide d'aller voir.

Elle a eu plusieurs fois l'occasion de parler avec Christopher McDowell. C'est un homme dont elle admire la carrière et dont elle estime le professionnalisme. Qui plus est, sa protégée, Pomona Fitz, est impliquée dans l'affaire. Alors il doit savoir, il doit forcément savoir. Ou en tout cas, il sera capable de la renseigner. Car c'est cela qu'elle veut, des renseignements. Elle se pose de nombreuses questions, et elle a véritablement besoin de réponses. Découvrir que Harry et ses camarades d'un autre temps ont été confrontés au baiser du détraqueur, accusés d'avoir assassiné le ministre, ça lui a fait un sacré choc. Elle est incapable de voir en Harry un assassin, elle est incapable de croire que c'est vrai. Et elle s'interroge d'autant plus qu'elle n'oublie pas la mission que Dumbledore lui a confiée. Une mission soldée par un échec, de toute évidence. Elle n'a pas réussi, et n'a rien vu arriver. Elle veut vraiment deviner, s'en faire une idée très précise. Elle se rend donc au bureau de Christopher, frappe à la porte de son bureau. Elle n'a pas pris rendez-vous, ce qui ne lui ressemble pas forcément. Elle espère, par conséquent, que l'homme forcément très occupé aurait quand même le temps de lui consacrer un peu de temps. Quand on l'y invite, elle ouvre la porte du bureau.

-Bonjour, je ne vous dérange pas ?

Elle affiche un simple et fin sourire quand son interlocuteur lui affirme qu'il ne s'attendait pas à la voir ici. comme tous les collègues, ou du moins anciens collègues qu'elle avait croisés, c'est vrai. Ce n'est pas qu'elle soit partie en mauvais termes avec le ministère, non, mais elle était partie récemment, forcément, on ne l'attendait pas de si tôt. Elle est jeune, elle vole de ses propres ailes, tout le monde lui souhaite bon vent, pas de déjà vouloir revenir aux sources. Mais ce n'est pas une quelconque nostalgie qui a précipité son retour au département des Aurors, c'est le besoin persistant et impérieux d'avoir enfin des réponses à ses questions. Elle n'a eu que des bribes d'information, et cela pouvait à peu près lui convenir un temps, mais un temps seulement, maintenant que les choses se sont précipités, elle veut qu'on lui en dise plus, et elle est prête à ne pas en passer par quatre chemins pour ce faire. McDowell aurait pu être particulièrement occupé, il l'est peut-être, d'ailleurs, mais il prend le temps de dialoguer avec elle et de s'enquérir des raisons de sa venue, ce qui la rassure et lui convient parfaitement. Elle n'a pas l'intention de prendre trop de son temps, c'est même hors de question, elle ne sait que trop combien on peut être bousculé et sollicité dans son bureau. Elle est déjà heureuse qu'il ait du temps à lui consacrer. S'il est sincère avec elle, cet entretien pourrait bien ne durer qu'une fraction de minute. En exagérant un peu, bien sûr. En insistant bien sur ce qu'elle sait, il devrait lui céder des réponses assez rapidement, non ? Ils sont dans le même bateau, après tout.

-C'est assez délicat, prévient-elle en guise d'introduction, afin que son interlocuteur soit bien mis au parfum de la situation. C'est au sujet des jeunes gens qui ont été condamné pour le meurtre du ministre de la Magie. Elle sait bien que ce genre de dossier sont confidentiels et qu'elle fait déjà prendre des risques à son interlocuteur en ne faisant pourtant jamais qu'évoquer le sujet mais que faire d'autre ? Elle ne voulait pas y passer par quatre chemins, ce ne serait pertinent ni pour lui, ni pour eux. Je connaissais personnellement l'un d'entre eux. Elle s'avance un peu. Elle ne connaissait pas vraiment William (ou du moins Harry - preuve quelle ne le connaissait pas si bien), mais ils avaient échangé, elle l'avait aidé, Dumbledore lui avait expressément demandé de veiller sur lui et elle avait échoué. Et c'est tout ce qu'il y avait savoir. Je voudrais comprendre ce qui s'est passé.

Elle se dit que Christophe la comprendra très bien. Lui a perdu sa protégée dans la bataille. Elle connaissait un peu Pomona, elle sait qu'elle n'a rien fait de ce dont on l'accuse non plus.

Pour elle, Christopher McDowell est un parangon d'intelligence, de droiture et de respectabilité. Si l'on omet le professeur Dumbledore (mais il est évidemment impossible d'omettre le professeur Dumbledore), il est l'homme que Minerva respecte le plus, et elle espérait vraiment de sa part des réponses à ses questions, consciente du fait qu'il serait plus à même que son mentor de l'éclairer et de la guider dans cette situation bien précise. Mais sa réponse, malheureusement, doit la décevoir... Les questions qu'il se pose, elle se les pose aussi, et elle se voit assez navrée de l'entendre, de le découvrir. Ce n'est pas ce qu'elle voulait mais c'est, de toute évidence, ce qui est. Elle apprend, étonné, qu'on l'a laissé à l'écart de l'enquête, lui ! L'ordre doit venir de très haut, en ce cas, car la jeune femme a bien du mal à concevoir cet état de fait, et cela la conforte dans l'idée, en tout cas, que cette situation est très suspecte, vraiment très suspecte. Elle ressent l'amertume de son interlocuteur, et elle ne comprend que trop bien que cette situation qui le dépasse lui aussi lui est profondément déplaisante. Faute d'obtenir des réponses, elle gagnerait peut-être au moins un allié, quelqu'un d'aussi soucieux qu'elle d'obtenir et de rétablir la vérité. Cela ne ramènerait pas William (enfin, Harry... il s'appelle Harry) et ses amis, mais cela aurait le mérite de rétablir leur honneur.

-Je suis navrée, répond sincèrement Minerva en apprenant que son interlocuteur a lui aussi perdu une personne à qui il tenait beaucoup.

Je n'ai aucun mal à deviner de qui il parle : il doit s'agir de Pomona, cette jeune Auror prometteuse promue par ses propres soins. Minerva la connaît un peu, il leur arrivait de se croiser dans les couloirs de Poudlard, et elle a aussi assisté à ses premiers pas au sein du bureau. Si l'on se fie à des préjugés, qu'elle ait été à Serpentard ne joue pas en sa faveur, mais Minerva ne remettrait jamais en doute son innocence, elle est une victime de cette machination étrange, elle aussi. Bon, il s'avère donc que monsieur McDowell ne saura pas la renseigner. C'est décevant mais ce n'est pas un problème. Faute d'avoir des réponses, Minerva a le net sentiment de s'être trouvé un nouvel allié, et cela, déjà, fait beaucoup de bien à la jeune femme.

-Vous êtes au courant, n'est-ce pas ? se hasarde-t-elle à demander alors. De qui ils étaient vraiment ?

Eux, hormis Pomona, donc. Des adolescents venus du futur qui manifestement en savaient beaucoup trop. Et elle, elle a échoué dans la mission que lui a confiée Dumbledore.

La réponse de McDowell confirme qu'il était au courant de la situation, qu'il connaissait le secret de William (Harry) et des autres, ce qui n'étonne pas vraiment Minerva qui avait su déduire cela de la situation. C'est bien, Minerva préfère pouvoir parler de la situation librement, sans avoir commettre une partie des informations qu'elle connaît, sans quoi la conversation sera forcément stérile. L'homme et elle sont sur un pied d'égalité à plusieurs titres : ils connaissent le secret des voyageurs temporels et ils peinent à croire dans la culpabilité du groupe qui a été condamné malgré tout. Maintenant, lui avait peut-être de meilleures chances de connaître les tenants et aboutissants de l'affaire qui les avait menés au pugilat. Malheureusement, elle a le sentiment que ça ne va mener nulle part, parce que McDowell n'est malheureusement pas plus renseignés qu'eux.

-Le professeur Dumbledore m'en a parlé, lui répond-elle.

Elle préfère répondre sincèrement à la question de son interlocuteur, même si elle ne sait pas si elle commet un impair ou pas, elle ignore si le professeur Dumbledore a de bonnes raisons d'être au courant ou s'il sait parce qu'il a toujours tout su. L'un dans l'autre, elle ne pense pas que ce soit très grave, car à présent, le secret n'a que peu d'importance. Elle décide de ne pas s'épancher plus sur le sujet. A la place, elle décide de reprendre ses questionnements. Il n'aura pas forcément de réponse précise et arrêtée sur la question dans tous les cas, mais elle a besoin de connaître son opinion, vraiment.

-Qu'est-ce qui s'est passé, selon vous ?

Elle adresse un regard attentif à son interlocuteur. Elle a la plus grande estime pour lui et dans son opinion. Elle sait qu'il est une pointure au sein du bureau des Aurors, et il s'avère qu'il se sent particulièrement impliqué par cette affaire, sans doute à cause de Pomona Fitz alors elle est sûre qu'il a son opinion sur la question, et elle souhaite l'entendre, maintenant. Il a forcément élaboré ses propres théories, et il serait capable de lui faire voir plus clair, car elle, elle est dans le flou total et elle se sent coupable. Elle n'a pas su veiller sur William comme elle l'avait promis. Pour elle, c'est un véritable échec.

Minerva n'est pas surprise d'entendre son interlocuteur lui apprendre qu'il ne peut pas lui en dire davantage sur la situation et sur ce qui a pu motiver toute cette situation (sans se douter qu'il lui cachait des informations très importantes, mais qu'il n'a aucune raison de lui confier). Il a été mis de côté durant l'enquête, cela n'aide pas, et elle a le sentiment que lui aussi a été sacrément remué par tout ce qui s'est passé, d'autant plus que justement, il n'arrive pas à expliquer très précisément ce qui s'est passé alors qu'il le voudrait, le voudrait sincèrement. Elle va devoir se contenter du peu qu'elle possède. Ce qui est bien trop peu, mais quelque part, elle réussit à faire avec, parce qu'elle a le sentiment d'être moins seule dans cette situation, même si elle pense qu'une vraie conversation avec le professeur Dumbledore ne sera pas un moindre luxe. Ne serait-ce que parce qu'elle éprouve un vif sentiment d'échec qu'elle ressent le besoin de se justifie, et d'être éclairé de ses lumières. Car elle n'a jamais eu davantage le sentiment de se retrouver dans le noir le plus total.

-"Ils"... ? demande-t-elle doucement.

Elle pense avoir une idée précise des personnes qui sont concernées par ce pronom personnel. Harry et les autres venaient du futur, ils détenaient des clés importantes concernant l'avenir, ils devaient savoir quels ennemis affronter, en qui croire et de qui se défier précisément. Et ce sont surement ces ennemis émergents qui ont dû décidé de combattre le bien par le mal, pour que personne ne puisse contrecarrer un futur qui ne lui a jamais paru aussi sombre. Il est difficile de rester positif et optimiste quand on voit le tournant que prennent les choses, quand on constate à quel point tout part en vrille, à quel point la situation devient incontrôlable.

Ce "ils", elle pense savoir qui il désigne. Ce sont les mages noirs qui font tant parler d'eux en ce moment, ceux qui cherchent à prendre la succession de Grindelwald, ceux qui ont littéralement écrasé les neo-grindelwaldiens, ceux dont la marque odieuse à la tête de mort se répand dans le ciel de Grande-Bretagne comme une traînée de nébuleuses, dangereuse... et qui semble de plus en plus instoppable tant la situation frôle l'incontrôlable.

Minerva a bien du mal à cacher sa déception face à la réponse de son interlocuteur. Elle devait s'y attendre, bien sûr, mais malgré tout, et puisque la conversation avait si bien commencé, elle avait espéré que son interlocuteur se livrerait un peu plus, lui en apprendrait davantage. Mais ça, c'est oublier le secret professionnel et tout ce qu'il implique, et c'est une règle avec laquelle la jeune femme est familière pour avoir longtemps travaillé dans ce bureau, précisément. Elle devra donc en rester à ses présomptions. Elle songe qu'elle va peut-être rendre une nouvelle visite au professeur Dumbledore. Ce ne sont pas les occasions qui vont manquer maintenant qu'elle est officiellement professeur de métamorphose dans l'école de magie. Il sait des choses, il ne lui a pas tout dit la dernière fois, elle en est sûre et certaine. Et si Christopher ne veut rien lui dire, elle trouverait ses réponses autrement. Elle n'aime pas cette situation à l'heure actuelle, elle n'aime pas ne pas savoir, être dans cet entre-deux où elle en sait trop et pas assez en même temps. C'est quelque chose de particulièrement agaçant, elle a trop de questions et elle n'a pas assez de réponses. Cette situation ne peut pas durer.

-Je comprends, répond-t-elle.

C'est vrai, elle comprend en effet, elle ne ment pas à ce sujet. Cela ne change rien au fait qu'elle se sente vexée. Mais elle sait que son interlocuteur n'y est pour rien. Il est nécessaire qu'elle ronge son frein et qu'elle applique juste une autre méthode pour obtenir les informations qui lui font défaut à l'heure actuelle. Elle doit prendre son mal en patience, c'est tout. Alors même si elle comprends mais préférerait ne pas avoir à comprendre, elle va faire avec.

-Merci quand même, ajoute-t-elle pour ne pas se montrer totalement ingrate. J'y vois un peu plus clair, maintenant.

Un peu, mais pas suffisamment non plus. Il lui manquait encore un certain nombre d'informations malgré tout, mais elle ne renonçait pas à la possibilité d'en savoir plus. Elle parviendrait à ses fins, d'une façon ou d'une autre. Elle n'a pas l'intention d'insister davantage, elle veut juste qu'il sache qu'elle a compris, et qu'elle n'a pas l'intention de lâcher le morceau. Qui sait, il se peut qu'il accepte de parler plus tard.