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hèdre afficha un sourire amusé en réponse à son interlocuteur quand ce dernier affirma qu'elle s'entendrait sans doute bien avec sa soeur. La journaliste ne connaissait pas vraiment Agrippine Tuft, mais la réputation de cette dernière en disait long sur le personnage, et il n'y avait pas forcément besoin d'en savoir beaucoup plus à son sujet pour comprendre la personne, ou en tout cas en partie. Et par conséquent, elle pensait effectivement admettre qu'elle devait avoir ceci de commun avec la soeur d'Ignatius : la jeune femme, à l'évidence, s'était bel et bien construite en opposition à ses parents. Elle n'aurait pas pu faire des choix plus contraire aux exigences familiales, elle le mouton noir de la famille qu'il fallait à tout prix s'éviter d'évoquer en présence de la principale concernée.

Forcément, le cas d'Agrippine était intriguant. Il y avait certainement beaucoup de choses à dire et à creuser à son sujet, du genre qui emballerait sans doute plus la presse à scandale que la Gazette (même si les deux avaient un peu l'air de se rejoindre parfois), mais ce serait pour une autre fois. Pour le moment, le sujet sur lequel elle voulait se pencher, elle l'avait sous les yeux, et elle n'était pas certaine qu'il lui ait encore tout dévoilé de lui-même, même s'il se montrait certainement plus prompt à se dévoiler qu'en début d'interview, certainement parce que s'était créée entre eux une sorte de connivence qui s'était faite toute seule, sans que ni l'un ni l'autre n'aient eu à la forcer.

Elle était presque déçue d'entendre Ignatius lui apprendre qu'il n'avait aucun autre modèle en dehors de ses deux parents. Elle aurait apprécier entendre qu'il puisait son inspiration ailleurs, mais à l'évidence, il n'avait pas complètement volé non plus sa petite réputation de fils à papa et à maman. Il n'y avait pas de mal à prendre ses parents pour exemple quand ces derniers se révélaient exemplaires, Phèdre estimait ceci dit qu'une telle démarche avait toujours ses limites. Et les limites se trouvaient très rapidement dans le cas des Tuft, sans forcément avoir besoin d'aller les chercher très loin au demeurant.

-Je pense que les parents peuvent être de bons modèles à une période déterminée de notre existence, et pour plus longtemps si on a un peu de chance. En revanche, je ne pense pas que les avoir pour seuls modèle puisse jamais être considéré comme suffisant.

Et là, elle sortait totalement de son rôle. Ce n'était pas à elle de lui dire ce genre de choses, et par ailleurs, il pouvait bien faire ce qu'il voulait, ce n'était pas à elle de juger ses décisions ou son comportement sur cette question.

-Il n'y a vraiment personne d'autre ? Tu as parlé de ta soeur tout à l'heure... tu ne penses pas qu'elle puisse être une autre sorte de modèle ?
   
   

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a réponse d'Ignatius a le mérite d'être on ne peut plus directe, très clairement, même si Phèdre se demande si cette spontanéité ne dissimulait pas, dans le fond, quelque chose d'autre, quelque chose que lui-même ne serait pas à même de remarquer ou de comprendre, peut-être. Après tout, Ignatius Tuft était tout l'inverse de sa soeur, il était normal que sa réaction soit si viscérale, mais en même temps, quand bien même ils étaient les parfaits opposés tous les deux, c'était peut-être pour cette raison qu'ils pourraient s'ériger mutuellement en modèles, en vérité. Agrippine aurait sans doute à apprendre de la sagesse, de l'ambition et de la pondération de son frère, quant à Ignatius... apprendre, de temps à autre, le lâcher-prise ne serait peut-être pas un luxe pour lui, à la vérité, et ce quoi qu'il puisse en penser en fin de compte. Elle ne le connaissait pas assez pour déterminer ce genre de choses à sa place, bien sûr, mais c'est l'impression qu'elle avait néanmoins, et elle ne pensait honnêtement pas se tromper à ce sujet.

-On peut toujours apprendre des autres, mêmes des personnes qui semblent les plus éloignées de qui nous sommes et de ce à quoi nous aspirons... Je suis sûre que ta soeur a des qualités dont tu pourrais t'inspirer, comme elle pourrait s'inspirer des tiennes.

Mais tout en disant cela, elle ne cherchait pas spécialement à convaincre son interlocuteur, elle se contentait de dire les choses comme elle les pensait parce que, l'air de rien, elle appréciait discuter avec lui et qu'elle avait le sentiment qu'il était capable d'entendre ce qu'elle pouvait bien lui dire, et ce sans détour. Alors, tout naturellement, elle ne se privait pas de se montrer parfaitement honnête à son égard, comme elle devinait qu'il n'hésiterait pas à se montrer honnête de son côté non plus.

-Prendre pour modèle quelqu'un qui nous ressemble, ce n'est pas chercher à changer et à s'améliorer, non ? C'est rester dans sa zone de confort... Enfin, tu fais ce que tu veux, bien sûr.

Ce n'est là qu'une humble opinion de journaliste qui vient clairement de voler cette interview et qui accaparait maintenant l'attention de son interlocuteur sans même vraiment savoir ce qu'elle recherchait dans le processus. Sans doute pas grand-chose, au bout du compte. Ce qu'elle voulait, surtout, c'était que ce dernier s'exprime à coeur ouvert, mais elle en oubliait presque son métier de journaliste, en cet instant. Elle appréciait seulement le temps qu'elle pouvait consacrer à son interlocuteur, et au bout du compte, les choses s'arrêtaient là. Elle ne cherchait pas plus loin, elle n'essayait pas de faire ou de dire autre chose que le fond de sa pensée, et ce sans manipulation aucune de sa part.
   
   

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