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elissa n'avait, à la vérité, aucune raison de s'excuser, tant que l'on dénigrait sa profession plutôt que sa personne, il n'en avait que faire. Ce n'est pas comme s'il s'était senti naître un esprit de corporation aigu dès l'instant où il avait endossé le rôle de vendeur dans cette boutique. Le métier restait ingrat et Tom en avait bien conscience. Ce que les autres prenaient soin d'ignorer, en revanche, c'est qu'il ne s'agissait jamais là que d'une étape, qu'il serait ravi de dépasser dès qu'il en aurait fini avec ce qu'il avait à faire (ce qui avait malheureusement tendance à prendre plus de temps que nécessaire au regard de récents événements qui avaient très nettement retardé ses plans). Alors non, loin de se sentir offensé, Tom préférait largement que tout un chacun s'étonne de son choix de carrière plutôt que de se satisfaire de cette information comme s'il pouvait être destiné à de basses besognes. Donc non, il était loin de se sentir insulté, il était à vrai dire plus amusé qu'autre chose (dans la mesure où l'Héritier était capable d'amusement, ce qui était encore un autre débat), aussi la laissa-t-il poursuivre sans l'ombre d'un commentaire, mais avec un simple sourire qui devait lui laisser entendre que son propos ne l'avait pas embarrassé le moins du monde.

Tout comme il ne s'attendait pas à la voir aussi, elle lui fit bien comprendre qu'elle aussi n'estimait pas qu'il se trouve à sa place entre les murs de cette boutique. Il ne lui donnait pas tort au sens où il n'était manifestement pas dans son élément. Encore que cet endroit transpirait la magie noire, et à ce titre, on pouvait toujours affirmer qu'il était ici chez lui. Et pour ce qui était de lui découvrir un comportement déjouant toutes les attentes de sa part, elle allait être servie dans les années à venir. Ou du moins Tom avait-il la ferme intention qu'elle le soit... comme quiconque l'avait connu sous ce jour de gendre idéal, qui disparaîtrait en même temps que le nom de Tom Jedusor se laisserait oublier au profit de son identité bien plus concordante de mage noir.

-Oh, mais je n'ai pas l'intention d'y rester toute ma vie. Il lui adressa un regard éloquent. Je ne suis pas de nature à renoncer à mes ambitions. Sous-entendu, contrairement à elle, qui avait abandonné ses plans de carrière et sa volonté de grimper les échelons pour atteindre les sommets au profit d'une insipide vie de famille (non pas qu'il sache quoi que ce soit de la vie de famille en question, ceci dit, mais sur le principe seulement, déjà, la notion même de famille lui inspirait un mépris souverain). Seulement, il faut parfois savoir... prendre son mal en patience.


 

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om afficha l'un de ces sourires de façade que le commun des mortels trouvait semble-t-il charmant, en réponse à la question de son interlocutrice. Même s'il devait de moins en moins s'adonner à cette petite comédie du quotidien depuis qu'il avait quitté Poudlard, et qu'il en était plutôt satisfait, il appréciait tout de même de n'avoir pas perdu ces anciens réflexes qui, en des circonstances telles que celles-ci, lui étaient d'une aide précieux. Oui, il lui répondit par un sourire, quand Melissa lui souhaita d'aller jusqu'au bout de ses ambitions... Si elle savait la nature exacte de celles-ci, sans doute ne prendrait-elle pas la peine de l'encourager de la sorte, mais il y avait quelque chose d'assez satisfaisant (et de tout à fait malsain, cela va sans dire) à imaginer sa réaction quand elle comprendrait, comme tant d'autres finiraient par le faire, quels chemins il avait choisi d'emprunter pour accéder à cette gloire à laquelle tout le monde semblait le voir destiné. Un jour... prochainement, l'espérait-il, car il n'était pas plus enchanté de travailler dans cette boutique que Melissa ne semblait l'être de l'y trouver.

Le soutien qu'elle lui formulait, Tom le prenait pour argent comptant, même s'il savait qu'il le perdrait certainement dès l'instant où son interlocutrice saurait où ses intentions voulaient bien le mener. En attendant, n'importe quel allié se prononçant comme tel, et le plus volontairement du monde qui plus est dans le cas de Melissa, était un nouveau pion qu'il pouvait envisager de disposer sur son échiquier. Entretenir la sympathie presque maternelle que cette femme avait le grand tort d'avoir pour lui pourrait bien, un jour ou l'autre lui servir. Aussi n'allait-il certainement pas jouer la carte de la sincérité en sa compagnie. Même si les premiers mots qu'il lui adressa étaient entièrement pensés.

-Une idée très précise, même. Voilà qui était vrai. Tom savait pertinemment où il se dirigeait et quels étapes franchir pour y parvenir... même si les bâtons qu'on calait constamment dans ses roues rendaient le parcours plus sinueux qu'il ne l'avait envisagé pour commencer. Mais qui nécessite de ma part un investissement initial.

Ce qui n'était pas vraiment faux non plus, même si en l'occurrence, l'investissement dont il était question n'était pas réellement financier. Mais ce genre de réponse, pensait-il, ferait bien l'affaire. Lui, l'orphelin sorti de nulle part sans la moindre économie, condamné à travailler dur, à un emploi en-deçà de ses compétences pour mener à bien ses ambitions. La trame parfaite pour n'importe quel roman initiatique... et pourtant.
 

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om devait bien reconnaître cela à Melissa, il aimait beaucoup sa manière de raisonner et d'appréhender l'existence. Si elle pouvait sans doute déplorer le fait que le jeune homme mène une carrière en-deçà de ses compétences, Tom pouvait bien admettre qu'il l'estimait capable de grandes choses... ce n'est pas pour autant qu'il irait l'encourager dans ce sens, mais dans tous les cas, il était prêt à écouter ses propos et arguments, car elle avait très clairement de la suite dans les idées, et ces idées étaient entièrement dignes d'attention. Avait-il déjà envisagé que l'on investisse en lui ? Oui, à vrai dire, c'est une idée qu'il trouvait plus que légitime. Après, la mise en application de cette idée passait dans son esprit par des voies bien différentes de celles que son interlocutrice envisageait très certainement.

Puisqu'il était toujours agréable d'être brossé dans le sens du poil et que Tom ne disait jamais non à un compliment ou deux, tout ce qui pouvait le conforter dans son ego qu'il savait très bien entretenir tout seul, le jeune homme appréciait bien évidemment les propos de Melissa, qui affirmait qu'il n'aurait aucun mal à convaincre quelques sorciers influents d'investir en lui et de jouer les mécènes en sa faveur. Des sorciers influents dans son giron, prêts à encourager son ascension sociale, il en avait déjà plus d'un, mais il ne s'en servait pas exactement comme devait le présumer Melissa.

Melissa ne sous-entendrait-elle pas son intention d'investir en lui ? C'était bien possible. Et il est vrai, en effet, qu'elle devait avoir les moyens de mettre sa suggestion à exécution. Les Waldman étaient fortunés, avaient leur petite réputation. C'était une offre que, forcément, il ne pouvait que trouver alléchantes. Même si le soutien financier de son interlocutrice ne changerait rien à la situation : il ne comptait pas abandonner son poste, et il comptait bien gravir les échelons à sa manière à lui.

-L'idée est intéressante, admit-il. Parce que c'était bel et bien le cas, elle l'était en effet, et il réfléchissait déjà aux manières qu'il pourrait avoir de tirer profit de la situation. L'insistance qu'avait Melissa à lui tendre la main, à l'encourager, devait forcément l'inciter à vouloir exploiter cet état de fait. Mais je n'ai jamais vraiment apprécié... dépendre des autres.

Ce qui était vrai. Il se construisait seul, et c'était les autres qui devaient dépendre de lui. Tout simplement.

 

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l y avait, dans la manière que Melissa avait de raisonner, un petit (voire même grand) quelque chose qui lui faisait irrésistiblement penser à son propre comportement, à sa propre vision des choses. Ce n'était sans doute pas pour rien qu'elle cherchait ainsi à le prendre sous son aile : elle devait se reconnaître en lui, d'une manière ou d'une autre, consciente ou inconsciente. Et sa volonté de le voir gravir les échelons et accéder au plus haut de l'échelle sociale trouvait certainement une coïncidence avec ses propres ambitions, actuelles ou passées.

Forcément, oui, il ne pouvait que se retrouver dans le discours de Melissa et y être sensible. Et s'il avait pris la peine d'accorder une oreille attentive à sa suggestion de prime abord, c'était bel et bien pour la raison qu'elle avançait : parce que loin d'accepter de dépendre de qui que ce soit, il était en revanche d'avis qu'en effet, exploiter les ressources des autres à son avantage ne pouvait qu'être une stratégie payante (au sens propre comme au figuré, en l'occurrence, s'il devait être question de soutien financier).

-Vous avez le sens de la formule, la complimenta le jeune homme avec un léger sourire aux lèvres. Vous auriez fait une excellente politicienne.

Prendre une situation à revers, et argumenter en faveur de ses idées sans oublier de brosser l'autre dans le sens du poil au passage, c'étaient là autant de qualités qui pouvaient être redoutables selon qui choisirait de les exploiter. S'il devait accepter quoi que ce soit de la part de Melissa, il savait qu'il devrait considérer avec grand soin ce trait de caractère certes admirable, mais qui pourrait bien lui coûter cher s'il devait se retourner contre lui. Oh, Tom estimait soutenir la comparaison intellectuelle (entre autres domaines) avec n'importe qui (ou presque. Il y avait bien une exception, du nom de Dumbledore, et il n'en tolérerait pas davantage), ce n'est pas pour autant qu'il oublierait de faire preuve du minimum de défiance requis.

-Je devrais peut-être m'en remettre à votre idée, ma foi. Il la considéra du regard. Peut-être auriez-vous des suggestions concrètes à me faire ?

Comme jouer elle-même les mécènes, comme le jeune homme se demandait si ses propos précédents, sans pour autant l'affirmer, ne le suggéreraient pas ne serait-ce qu'à moitié.

 

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onner une chance à la proposition de Melissa semblait une option moins qu'inenvisageable, et même si Tom préférait réfléchir plus longuement à celle-ci avant que de formuler la moindre réponse, il était évident qu'il ne se voyait pas réellement passer à côté. Il ne pensait pas avoir besoin de qui que ce soit pour atteindre les sommets, mais exploiter les ressources, l'aveuglement, la foi, la loyauté et la crédulité des uns et des autres pour parvenir à ses fins semblait en revanche une nécessité. C'était ainsi qu'il avait toujours procéder, c'était sur ce schéma de pensée que s'étaient construites toutes ses relations jusqu'alors... et se fonderaient les prochaines. Les autres n'avaient d'intérêt que s'ils avaient quelque chose à lui apporter directement, et les relation désintéressées n'existaient pas. Et en ce sens, sa relation avec Melissa était certainement en train de prendre un tournant plus qu'intéressant.

Elle lui confirma en premier lieu ce qu'il présumait déjà en lui assurant qu'elle était prête à participer activement à cette "expérience" dont elle devait être fière d'avoir eu l'initiative, ce qui sous-entendait donc un soutien financier de sa part, biaisé tout de même par le fait que, semble-t-il, le mari de Melissa ne donnerait certainement rien de sa propre poche. Ce qui n'empêchait pas, semble-t-il, son interlocutrice d'avoir quelques économies. Qu'est-ce que pouvait bien valoir les économies d'une couturière, même à la dent longue, même de bonne famille. Tom avait ses quelques réserves à ce sujet mais il acceptait de se laisser surprendre. Et puis, elle ne lui proposerait sans doute rien de tel si elle ne pensait pas être susceptible de lui faire une offre un minimum alléchante. Quant à son carnet d'adresse, il voulait bien aisément croire qu'il y figure quelques noms intéressants, et qui ne soient pas encore à sa portée à l'heure actuelle.

-Je commence à le croire également, répondit le jeune homme, un très fin sourire aux lèvres. Ce qui était donc presque un "oui". Mais pas encore. Je veux tout de même me laisser le temps d'y réfléchir encore, mais vous devriez avoir rapidement de mes nouvelles, dans tous les cas.

Et Melissa devrait très certainement se réjouir davantage d'une collaboration plutôt que d'un refus en bonne et due forme. Qu'importe ce qu'il devait en être. Qu'importe ce qu'elle devait en penser pour sa part à l'heure actuelle.
 

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