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était étrange, vraiment très étrange, que d'être ainsi seule dans son compartiment (allez savoir comment, ce dernier avait réussi à être déserté de tout élève, à croire que plusieurs d'entre eux s'étaient entassés en surnombre dans le même compartiment pour éviter sa présence) du Poudlard-Express, en route pour l'école de magie qu'elle était à présent la seule parmi les voyageurs temporels à rejoindre. Sans oser prétendre que la solitude n'était pas quelque chose qui lui pesait, la bleue et bronze avait su plusieurs années durant faire avec et l'accepter, elle ne reprochait pas aux autres de la fuir, elle ne se reprochait pas de n'avoir aucun camarade qui l'apprécie suffisamment pour accorder autre chose qu'une attention moqueuse. Mais la donne avait un peu changé depuis le voyage temporel. Pour la première fois, elle avait eu le sentiment d'avoir de véritables amis, des personnes sur lesquelles elle pouvait très sincèrement compter. Et qui savaient pouvoir compter sur elle, aussi. Alors forcément, c'était différent. Quand on avait pas d'amis, on pouvait admettre s'en passer, quand on n'en avait pas, difficile de vivre sans, et pourtant, cette année scolaire, elle allait la passer seule. Certes, Ginny et les autres lui donneraient des nouvelles, ils se verraient certains week-end et durant les vacances, mais ce ne serait pas comparable aux deux années précédentes. Luna savait qu'elle serait livrée à elle-même, mais c'était bien plus concret à présent qu'elle vivait directement cette situation. Enfin... Elle savait ce qu'elle faisait et pourquoi elle le faisait, c'était tout ce qui comptait.

Il n'empêche qu'il manquait quelque chose à cette rentrée contrairement aux autres. Elle éprouvait généralement une certaine euphorie concernant toutes les traditions qui accompagnaient ces retours à l'école de magie : le voyage en train et ses paysages fantastiques, les sombrals qui vous permettaient de parcourir les derniers kilomètres jusqu'à la porte, le discours de début d'année, la chanson du choixpeau magique, la répartition des premières années, la table des Serdaigles qui regorgeait toujours des mille délices. Tout ceci gardait sa saveur... mais semblait en perdre un peu aussi, raison pour laquelle Luna ne s'éternisa pas trop longtemps dans la grande salle ni dans sa salle commune, ce soir-là. Décidée à se poser dans son dortoir et à lire l'un des quelques livres qu'elle avait acheté chez Fleury & Botts quelques semaines auparavant, elle n'avait pas remarqué tout de suite que ses affaires avaient été déplacées. Elle ne le comprit qu'en fouillant dans sa malle, ce qui eut pour effet de projeter une sorte de peinture multicolore et compact partout sur son visage et ses cheveux. Même en sixième année, le bizutage était encore de mise. Ou du moins, il l'était pour Luna. Que ses camarades de classe prennent plaisir à l'humilier n'était pas une nouveauté. Si bien que Luna ne se sentit ni en colère ni dépitée en découvrant le carnage, juste un peu résignée. Dans la salle de bain, elle chercha à faire disparaître les taches en question, mais force lui était de constater qu'elles étaient tenaces, elle tenta un ou deux sortilèges, ce ne fut pas plus efficace. Soit. Ignorant les remarques et rires de ses camarades quand elle parcourut la salle commune, elle se rendit de son habituel pas léger, un rien sautillant, jusqu'à l'infirmerie (aux grands maux les grands remèdes) et frappa à la porte.

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una adressa un regard surpris à la jeune femme qui trouva de l'autre côté de la porte de l'infirmerie. Même si elle n'avait pas eu tant que cela l'occasion d'y mettre les pieds, elle s'était attendue à y trouver Zelda Sparkley, l'infirmière attitrée de l'école de magie (et la mère de Louisa, une information qui gagnait en importance dorénavant), mais non, ce n'était pas elle. C'était une femme plus jeune, et que Luna ne pensait pas avoir déjà croisé avant. Elle devait venir seulement d'accéder à son poste à Poudlard. Est-ce que ça signifiait que Zelda Sparkley n'était plus infirmière. Une fois encore, cette information qu'elle aurait pu croire insignifiante auparavant gagnait en importance dans son esprit. Surprise, Luna ne manqua pas de cacher son attitude. Elle n'aimait pas dissimuler ce qu'elle pensait, et elle n'était au passage pas très douée pour cela. Même pas douée du tout. Il y avait de l'intérêt çà dissimuler ses émotions, parfois. Mais en l'occurrence, elle ne le trouvait pas. Alors elle conserva son expression de surprise jusqu'à ce que la nouvelle infirmière prenne la parole pour lui demander ce qui lui était arrivé. En effet, son "souci" à l'heure actuelle ne pouvait que difficilement passer inaperçu, sa peau diaphane était couverte de taches multicolores. Au moins n'y avait-il pas besoin d'expliquer mille ans ses "symptômes", si tant est qu'ils puissent être nommés ainsi. Elle haussa doucement les épaules en guise de réponse avant de prendre la parole.

-On a lancé un sortilège à ma valise, expliqua-t-elle avec la plus grande des douceurs.

Chez d'autres, peut-être, ce bizutage continuel aurait entraîné un sentiment de détresse et de colère, mais la force de l'habitude rendait Luna très sereine vis-à-vis de la situation présente. Et puis, après tout, elle ne passait certes pas inaperçu (en même temps ce n'était jamais le cas), mais toutes ces couleurs, ce n'était pas si laid que ça, au fond. Même si pour des raisons pratiques, il valait mieux tout de même retrouver sa bonne vieille apparence.

-Je n'arrive pas à m'en débarrasser, ajouta-t-elle, faisant bien évidemment référence aux taches qui parsemaient son visage.

Elle aurait pu, peut-être s'inquiéter directement de cet état de fait, craindre de devoir garder indéfiniment ces traces disgracieuses, mais ça ne l'inquiétait pas plus que ça, bien au contraire. Tout en parlant, elle entra plus avant dans l'infirmerie avant de prendre place assise sur un lit à proximité. On ne l'y avait pas directement invitée, mais elle ne pensait pas pour autant faire preuve d'impolitesse ou quoi que ce soit de cet acabit en prenant les devants. Elle agissait en tout cas avec le plus grand des naturels.

-Mrs Sparkley n'est pas là ? demanda-t-elle ensuite, détaillant intégralement l'infirmerie du regard, le tout pour constater que, définitivement, l'infirmière dont elle avait l'habitude (du moins depuis son voyage temporel) ne s'y trouvait pas.

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a bleue et bronze se contenta d'un hochement de tête accompagné d'un sourire quand son interlocutrice lui apprit que la jeune femme était l'assistante de l'infirmière et remplaçait Zelda quand celle-ci n'était pas là. En soi, ce n'était pas un mal du tout, c'était sans doute une bonne chose pour Mrs Sparkley que de pouvoir compter sur une assistante en cas d'absence de surcharge de travail, mais elle se voyait tout de même étonnée d'une telle décision, pourquoi cette année ? Est-ce que ça avait un rapport avec Louisa ? Pas forcément, non. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de se sentir concernée parce que le sort de Louisa la concernait forcément directement, mais ce n'était sans doute qu'une question pratique. Louisa se demanda tout de même pourquoi Zelda n'était pas là en ce jour de rentrée, mais elle prit la décision de ne pas questionner Sasha. Après tout, elle n'était pas concernée par ses tribulations mentales... Enfin, c'était ce que Luna pensait, en tout cas, elle ne réalisait pas qu'elle pouvait ranger Sasha dans la catégorie de ses ennemis. C'était déjà si singulier, de se dire qu'on avait des ennemis. Même si c'était un fait, qu'elle ne pouvait plus contester vu les circonstances. Ce qui comptait à ses yeux, pour le moment, c'était que l'infirmière était efficace, elle venait de s'emparer de plusieurs fioles de potion, et elle s'appliquait déjà à la débarrasser des taches de couleur que la jeune femme n'avait pas su enlever. Bientôt, il n'y en aurait plus, elle en était sûre, elle avait complètement confiance.

-Aulne Quibber, se présenta-t-elle dans un sourire.

Son identité factice perdait en utilité un peu plus chaque jour tant il y avait de personnes à savoir qui elle était vraiment, à commencer par ceux à qui ils avaient voulu dissimuler leurs vrais noms à tout prix. Mais quoi qu'il en soit, la convention devait rester la même. Auprès de ceux qu'elle ne connaissait pas - et surtout qui ne la connaissaient pas, elle devait rester Aulne Quibber. Elle n'aimait pas vraiment ce faux nom. Il lui collait au corps comme de la peau morte qui refuserait de s'en détacher en dépit de tous ses efforts. Mais ce n'était pas si grave en soi. Pour Sasha, de toute manière, ce nom n'en serait jamais qu'un parmi tant d'autres, qu'elle oublierait bien vite ou retiendrait plutôt comme le nom de la fille multicolore de son premier jour de travail... Elle ne pensait pas pouvoir représenter bien plus pour son interlocutrice, elle ne devinait pas alors qu'elle était des quelques élèves de Poudlard qu'elle devait avoir dans le collimateur. Sous ordre de Jedusor, cela va sans dire. Elle avait appris de se défier de certains élèves... mais certainement pas des professeurs et membres du personnels. C'était sans doute une erreur.

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una se contenta d'afficher un sourire sincère quand son interlocutrice lui dit être enchantée de faire sa connaissance. C'était une formule de politesse, elle n'en pensait sans doute rien, mais ce n'était pas grave, ça restait malgré tout très agréable à entendre, elle appréciait qu'on fasse preuve de gentillesse et de considération à son égard. Elle ne se rendait pas le moins du monde compte de ce qu'elle avait révélé d'elle, et qui pourrait peut-être la mettre en danger à un moment ou à un autre. Comment pourrait-elle seulement le deviner ? Elle s'était contentée d'un nom et d'un prénom, et ce n'étaient même pas ses vrais noms et prénoms. Sans compter que la jeune femme à qui elle s'adressait, et qui lui semblait être d'un tempérament sociable et agréable, lui donnait tout sauf le sentiment de pouvoir être un partisan de Lord Voldemort. Qui plus est, si elle travaillait pour Zelda Sparkley, c'était qu'elle devait avoir la confiance de l'infirmière. Et s'il en était ainsi, comment imaginer un tel scenario ? Zelda Sparkley était une sorcière digne, après tout. Et la mère de Louisa, qui plus est, il est certain qu'elle ne pourrait pas agir contre son intérêt. Bref, rien dans le comportement de son interlocutrice n'éveillait les soupçons de la bleue et bronze, d'autant qu'elle prenait grand soin d'elle, sans l'ombre d'un doute. Progressivement, les couleurs qui tachaient jusque-là sa peau disparaissaient, pour son plus grand plaisir. Elle hocha la tête en réponse à la question de son interlocutrice quand celle-ci lui demanda si la situation à laquelle elle se voyait exposée lui arrivait souvent.

-Assez souvent, oui, admit-elle dans un léger sourire.

Quelqu'un d'autre considèrerait sans doute que subir ce genre de harcèlement ne méritait vraiment pas de sourire, sûrement pas, et qu'il y avait plutôt de quoi être démoralisé, mais Luna avait l'habitude depuis si longtemps qu'elle laissait ce genre de choses glisser sur elle. Elle ne courait pas après la reconnaissance des autres, ça ne la dérangeait pas qu'on la malmène parce qu'elle était différente. Non pas qu'elle apprécie vraiment cela, bien sûr que non, mais elle en prenait son parti, elle ne se laissait pas atteindre par cela. Elle ne se faisait pas d'ennemis des amis. Des vrais amis, elle en avait, maintenant, et leur soutien lui suffisait. Même si maintenant, ils étaient loin. Elle ne savait vraiment pas de quelle manière allaient se passer les choses à présent. Mais elle voulait se raccrocher à l'idée qu'ils restaient là pour elle. Alors que ses camarades la malmènent était par conséquent plus supportable que ça.

-Mais ce n'est pas grave, vous savez. Elle adressa à son interlocutrice un regard confiant avant de reprendre, avec toujours autant de douceur dans la voix. J'ai l'habitude. Les autres ne m'apprécient pas beaucoup parce que je suis différente.

Et personne n'aimait la différence. Alors que c'était la chose la plus importante à cultiver.

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una hocha la tête sans rien perdre de son fin sourire quand son interlocutrice affirma que c'était une bonne chose d'être différent, et Luna était on ne peut plus d'accord, même si, en réalité, selon elle, tout le monde était différent. D'ailleurs, elle n'avait peut-être pas très bien choisi ses termes. Tous autant qu'ils étaient, ils étaient des êtres uniques, qui forcément se distinguaient d'une façon ou d'une autre. Alors oui, Luna était différente, mais n'importe qui l'était, au final, ce qui la distinguait bien davantage, c'était qu'elle agissait aussi différemment. Où la plupart des adolescents de son âge voyaient dans le fait de se conformer à l'opinion et au comportement du plus grand nombre afin de s'adapter à un moule social qui leur permettrait de mieux s'intégrer, voyant en cela un idéal de bien-être, Luna avait su qu'un tel moule ne saurait que l'étouffer. Elle était mieux dans sa bulle, une véritable bulle d'oxygène, aux parois protégées par son imaginaire foisonnant, que ses deux parents avaient encouragé depuis sa plus tendre enfance. Oui, il n'y avait pas de mal à être différent, ou en tout cas à embrasser cette différence, mais elle ne se formalisait pas du fait que ses camarades aient un peu de mal à le comprendre pour leur part. C'était on ne peut plus normal, en réalité, et ça finissait par passer avec le temps, il paraît... Les blagues infantiles, les humiliations à répétition n'étaient guère plaisantes, mais il fallait passer outre, voilà tout. Avec tout ce qui l'attendait, avec toutes les responsabilités qui lui incombaient à présent, ce n'était de toute façon pas ce qui devait mobiliser son attention et ses préoccupations, tout au contraire.

-Je ne sais pas, répondit honnêtement Luna quand son interlocutrice lui demanda si elles se reverraient beaucoup.

Tout dépendait. Généralement, quand on lui jouait un mauvais coup de cet acabit, Luna s'arrangeait pour résoudre les choses d'elles-même. Elle avait d'ailleurs atteint un certain niveau en termes de sortilèges de guérison et de réparation, à force, mais elle n'était pas à l'abri d'autres situations du genre, qui l'obligeraient à revenir quelques autres fois. Ce qui ne la dérangeait pas outre mesure. Sans raffoler des infirmeries, elle n'en avait pas la phobie non plus, et même si elle était surprise de ne pas s'être retrouvée face à la mère de Louisa, la jeune femme qu'elle découvrait à sa place lui était très sympathique... Mais son jugement était bien évidemment beaucoup trop hâtif, malheureusement.

-Mais ça ne me dérangerait pas, vous êtes très sympathique, ajouta-t-elle avec une sincérité qui pouvait frôler la naïveté. Mais ce n'était jamais que le fruit de son honnêteté toute naturelle, qui l'invitait de manière générale à dire à autrui ce qu'elle pensait d'eux, sans limites et sans filtres. Même si elle était bien trop souvent contrainte de mentir pour préserver ses secrets.

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e sourire de Luna s'agrandit quand son interlocutrice lui affirma que, elle aussi, la trouvait très sympathique. C'était là un adjectif qu'on ne lui attribuait que peu souvent, très peu souvent, même. On préférait la qualifier de folle, de cinglée, de n'importe quel adjectif équivalent, en somme. C'était toujours agréable de se laisser complimenter, même si ce n'était pas si important que ça. Dans le cas de Luna, les compliments qu'on pouvait lui adresser lui étaient d'autant plus précieux qu'ils étaient globalement rares, alors forcément, le moindre d'entre eux comptait, et c'était plus agréable encore quand elle devait ces derniers à une personne qui lui était également sympathique, même si elle venait juste de la rencontrer. Sasha ajouta que tous les élèves ne seraient sans doute pas aussi agréables qu'elle. Elle ne pouvait pas franchement la contredire sur ce point. Etant donné qu'elle était la cible privilégiée de bon nombre d'entre eux, et même si elle le prenait avec une grande philosophie, ce n'était pas ce qu'il y a de plus simple. Après, elle n'avait pas la moindre idée de la manière dont ces élèves brutaliseurs pouvaient bien se comporter vis-à-vis d'une infirmière de Poudlard, qui représentait donc, par conséquent, une certaine forme d'autorité, même si ce n'était pas ce qui arrêtait forcément certaines têtes brûlées. Elle préféra ne rien commenter, dans le doute. Son interlocutrice verrait bien par elle-même ce qu'il en serait, après tout, elle pouvait difficilement se mettre à sa place au vu de leurs situations bien différentes (et encore, elle ne voyait que la partie émergée de l'iceberg). Sasha acheva ses soins et affirma que c'était bon pour cette fois.

-Merci beaucoup, la congratula la bleue et bronze.

Elle ne demanda pas à voir un miroir pour constater le fait que son visage avait bel et bien retrouvé son apparence normale. Elle avait confiance, elle ne voyait pas de raison de se défier, et elle faisait bien trop peu de cas de son apparence pour s'attarder trop longtemps à l'image qu'elle pourrait bien renvoyer d'elle-même ou auprès d'autres élèves. Quoi qu'il en soit, elle était tout de même satisfaite d'avoir passé le cap de ces formalités. Parce que oui, ces sortes de bizutage de début d'année étaient un peu comme une formalité, pour Luna, une sorte de passage obligatoire auquel elle s'était accoutumée. Oh, bien sûr, elle s'en passerait bien, mais ça ne la dérangeait pas outre mesure pour autant, loin s'en fait.

-C'est bon, je peux y aller, alors ?

C'était ce que semblaient indiquer les propos de son interlocutrice, mais avant de prendre congé de cette dernière, elle préférait être sûre que l'infirmière qui assistait donc Zelda Sparkley n'avait plus besoin de sa présence, qu'elle pouvait disposer. Pour cette fois. Qui sait, elles se reverraient peut-être très vite.

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