L

a piste était sérieuse. Le secret si bien gardé de la dame grise qui hantait la tour de serdaigle n'était peut-être au fond qu'un secret de polichinelle que ce qui l'avaient découvert avaient choisi de ne pas divulguer pour en tirer profit. Au prix de recherches certes laborieuses, mais qui auraient pu l'être bien plus, Tom avait effectivement vu les propos d'Elena se confirmer. Le fantôme des bleue et bronze était bel et bien la fille de la célèbre co-fondatrice de Poudlard, venue errer dans l'antre de son illustre génitrice, cherchant à fuir un passée qui devait de toute évidence la rattraper. Ce soir, si tout se passait pour le mieux il serait peut-être celui qui l'aurait rappelé à ce passé qu'elle avait prit tant de soin, presque un millénaire, à dissimuler au regard de tous. La tâche ne serait pas aisée, il en avait bien conscience. Si les choses avaient été plus simples quelqu'un d'autre, bien avant lui, aurait percé le mystère de la dame grise et aurait obtenu ses aveux. En presque mille ans, combien d'élèves ou même d'adultes ayant appris la vérité avaient dû se diriger vers elle dans l'espoir d'obtenir ce fameux diadème auquel on prêtait les plus merveilleux de pouvoirs ? Ils avaient dû être nombreux.

Pourquoi lui réussirait, alors que les autres avaient échoué ? Posez directement cette question à l'Héritier, et il vous rira au visage (si du moins rire était dans ses habitudes). Il était Tom Jedusor, le digne héritier de Salazar Serpentard, et par son essence même destiné aux plus grands desseins. Si quelqu'un devait et pouvait obtenir d'Helena Serdaigle les aveux qu'elle n'avait fait à personne, c'était bien lui. Cette pensée lui était dictée par sa complète autosuffisance, mais était, au fond, parfaitement légitime. Car il avait pour lui ce don de persuasion, cette capacité à endormir la confiance d'autrui, ce charme qui lui avaient servi plus d'une fois, et lui donnaient bon espoir de parvenir à ses fins.

Il avait tout planifié. Il agirait dans son heure habituelle de ronde, celle qui lui assurait que la grande majorité des élèves se trouverait dans son dortoir... et ceux qui n'y seraient pas, il aurait toujours moyen de les renvoyer. Mieux valait s'épargner tout témoin. Et agir la nuit permettrait sans mal à la conversation de s'éterniser. Car oui, Tom ne se faisait pas d'illusions, il se doutait qu'il faudrait du temps, plusieurs heures sans doute, même, pour qu'il obtienne ce qu'il considérait comme étant son dû. Il l'acceptait sans mal. La patience était une vertu qu'il savait posséder dans des situations similaires. Bien sûr, la tâche la plus complexe demeurait de croiser le chemin du fantôme, dans un château si grand. Voilà plusieurs nuits qu'il arpentait les couloirs de Poudlard, se rapprochant stratégiquement de la tour des serdaigles, sans succès.
Cette fois, néanmoins, devait être la bonne, puisqu'il venait de la voir passer à l'angle d'un couloir. L'air de rien, mais d'un pas plus rapide que précédemment, il alla vers elle.

-Excusez moi. fit-il de son ton parfaitement poli et avenant. Est-ce que je peux vous déranger un instant ?

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L

e calme, le silence. Qu'il est doux et agréable d'errer dans les couloirs de l'école de magie à l'heure où la grande majorité des élèves a prit la décision judicieuse de retrouver son dortoir. Cette quiétude que seule permet un salvateur silence emplit les poumons d'un spectre qui ne peut pourtant pas respirer. Elle ferme un instant ses yeux transparents dans un soupir quiet. Il est agréable de se laisser transporter par cette sortie de néant miniature. Helena n'aime pas l'agitation, elle l'a en horreur, la paix et la solitude sont ses maîtresses favorites, et alors qu'elles lui sont offertes, elles les enserrent et les embrassent avec une joie non contenue, le bonheur certain d'appartenir un peu à l'unité silencieuse. Et les siècles de cogitation laissés à une réflexion trop foisonnante sont alors à des lieux de là. Si la pensée a été sa souveraine sa vie durant, et de sa mort tout autant, elle éprouve un plaisir total à lui faire cette sorte de pied de nez, à l'ignorer pleinement, pour s'accomplir un bref instant dans le vide total d'un esprit pourtant vif et acéré.

-Excusez moi. Est-ce que je peux vous déranger un instant ?

Mais tout moment de quiétude, si agréable soit-il, ce distingue par ce même caractère éphémère qui en fait, en un sens, la beauté. Alors il se brise. Il est brisé par la parole d'une jeune homme aux atours charmants. Mais après tout, beaucoup d'autres, armés des mêmes attentions, le furent bien avant lui. Elle ne sait pas ce qu'il lui vit, peut-être rien de ce qu'elle présuppose, peut-être quelque chose de pire. Elle sera bientôt fixé. Elle daigne répondre au nom de cette évidente politesse qu'il manifeste en sa présence, et qu'il est plutôt rare, en fait, qu'on lui témoigne. Elle s'accorde le droit, bien sûr, de s'en aller, si la tournure de la conversation lui disconvient.
Avec son habituelle froideur impérieuse, elle s'accorde à lui répondre.

-Que voulez-vous ?

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E

lle ne semblait pas franchement amène, mais Tom ne s'en formalisa pas le moins du monde, la dame grise n'avait pas la réputation d'être le fantôme le plus guilleret et sympathique qui hantait l'école de magie, loin de là. On la savait froide, distante, un peu hautaine, même. Cette distance, personne ne cherchait à l'expliquer. À quoi bon, après tout ? Personne ne s'intéressait aux fantômes, et Tom était comme tous ces gens. Ces spectres ne venaient éveiller son intérêt que dès lors qu'il voyait tout à coup en eux ces indices, ces clés, qu'il n'avait pas vu en eux avant. Grâce aux informations qu'Elena lui avait confié, Tom savait pourquoi elle était ainsi qu'elle était. Lui et elle avaient un point commun : ils étaient les héritiers de l'un des illustres fondateurs de Poudlard. C'était un bon point pour lui. Et il avait bien l'intention de le laisser jouer en sa faveur. Oui, Tom comprenait cette distance, parce qu'il savait exactement à quoi elle était due, il avait étudié son caractère, son comportement, pour savoir exactement comment agir et s'adresser au spectre. Il avait également étudié la manière qui convenait le mieux afin d'aborder les sujets qui l'intéressaient. Il savait que, quoi qu'ils disent, la dame grise avait toutes les chances possibles de se braquer. Mais qu'importe, il heurterait ses sentiments, c'était obligatoire, mais l'essentiel était de ne pas la faire fuir. Il venait d'obtenir un tête à tête avec elle, l'occasion avait peu de chances de se représenter, surtout si elle devinait ses intentions... et par là, j'entends, ses véritables intentions, bien sûr. Ses yeux rencontrèrent la transparence de ceux du fantôme, et il prit la parole, d'un ton qu'il voulait à la fois amical et reposant, qui ne laisse en tous cas rien entendre de ses intentions véritables.

-Il y a une rumeur qui circule, à votre sujet... Le plus dur état de lancer le sujet. Elle avait de fortes chances de lui filer entre les doigts, c'est certain. On dit que vous seriez la fille de Rowena Serdaigle.

Elle allait se braquer, c'était logique, mais il avait déjà son argument de choc en prévision, un argument qui pouvait très bien le mettre en danger, mais il considérait ne pas craindre grand chose de la part du fantôme. C'était bien sûr sa fierté naturelle qui parlait à sa place... mais pas seulement. Il avait pour lui quelque chose que les autres n'avaient pas. Il avait un secret, un secret qui n'était pas si éloigné que cela de celui d'Helena Serdaigle, et qui devrait la mettre en confiance. Et une fois cette même confiance endormie, tout serait plus simple. Le début était le plus délicat et le plus hasardeux, la suite devrait être bien moins complexe. Quelle que soit sa réaction, maintenant, il pensait pouvoir la contrer, il avait déjà tous les arguments en tête pour la retenir si elle entendait s'extraire à la conversation.

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À

entendre le mot rumeur, elle pense déjà savoir à quoi s'attendre. Elle sait quelles racontards et autres discours malheureusement vrais circulent à son sujet. Beaucoup concernent sa mort, plus spécifiquement la raison pour laquelle elle s'est produite, l'on cherche par ailleurs à comprendre son comportement si effacé, si froid... Mais plus de ces rumeurs encore concernent son identité, et parmi elles, la plus réputée est malheureusement la vraie, et celle que Tom Jedusor a de toute évidence, découverte.

-Il y a une rumeur qui circule, à votre sujet... On dit que vous seriez la fille de Rowena Serdaigle.

Oui, elle est bel et bien la fille de Rowena Serdaigle. À entendre ce nom, ce nom honni autant qu'aimé, ses traits transparents se durcissent. Elle n'a pas envie de parler d'elle. Elle a fui ses origines tout au long de sa mort, du mieux qu'elle a pu, parler de sa mère, c'est évoquer une douleur, et elle cherche à s'épargner cette souffrance inutile déjà nourrie par une culpabilité qui n'a su s'effacer en un millénaire. Par moments, elle est un peu plus sourde, mais elle est toujours là, sa damnation éternelle. Elle ne veut pas en parler. Même si ce garçon lui semble charmant et sympathique, même s'il lui semble agréable et compréhensif. Elle a déjà eu cette conversation, bien des élèves ayant découvert la vérité sont venus à elle, pensant pouvoir lui extirper l'information ultime, celle qui concerne l'objet de sa déchéance, celle que, à tous jamais, Helena se jure de garder secrète.

-Je sais ce que vous voulez, réplique-t-elle froidement. Mais vous n'obtiendrez rien de moi. Vous perdez votre temps.

Elle pense absolument chacun des mots prononcés. Il n'obtiendra rien d'elle, à cette seconde elle le croit, elle n'a jamais brisé son secret, elle a promis de ne jamais le faire, elle n'a aucun intérêt à le faire. Elle ne révélera rien. Elle le croit, elle en est intimement convaincue. Et pourtant, elle a tort. Elle va tout dire, tout lui apprendre. Elle ignore à qui elle a affaire. Elle ignore ses trésors de diplomatie, elle ignore son machiavélique. Elle n'est pas à blâmer. Elle ignore qu'elle a affaire au sorcier le plus dangereux que la terre ait jamais porté. Pour elle, il est juste un jeune homme comme un autre, et plus diplomate que la plupart de ceux qui ont essayé de lui extirper une information.

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L

a réaction du fantôme de la maison serdaigle, dont elle était également l'héritière ne se fit pas attendre, et elle fut à l'image même de ce à quoi Tom s'était bien évidemment attendu. Il fallait être bien sot, ou en tous cas très naïf pour croire que quelques mots un brin doucereux pouvaient faire fondre ce bloc de glace. Elle était la froideur incarnée, autant dans son être spectral que dans son attitude... son attitude ne le rebuta pas ni ne le dissuada, même si Helena était loin de se montrer amène à son égard. Il avait complètement anticipé quelle serait sa réaction après qu'il ait, d'emblée, précisé à son interlocutrice connaître sa véritable identité, que tant de personnes avaient oublié, au profit de ce surnom de dame Grise, qu'elle devait largement préférer à son vrai nom, en réalité. Il savait exactement par quoi il devait enchaîner. Il était temps pour lui de sortir l'atout qu'il avait dans sa manche. Cet atout que nul autre parmi ceux qui avaient tenté d'extirper les informations qu'ils souhaitaient à Helena Serdaigle n'avaient pu posséder. Cet atout qui ferait la différence. Et il réussirait là où les autres avaient échoué. C'était tout du moins son ambition.

-Attendez. le pria-t-il d'un ton chargé de toutes ces émotions qu'il ne ressentait nullement. Est-ce que vous reconnaissez ceci ?

Joignant le geste à la parole, il approcha la bague de Salazar Serpentard, cet héritage qu'il avait arraché à sa famille d'une façon qu'il tairait à tous du fantôme, afin qu'elle puisse la reconnaître. Il attendit à peine sa réponse, il était convaincu que l'association d'idées s'était déjà faite en son esprit.

-C'est mon héritage... et ma malédiction. Il marqua une pause. Il y a deux ans, lorsque... les événements se sont produits, j'avoue égoïstement que ma pensée n'a pas été pour toutes ces victimes, mais pour leur agresseur. J'ai vécu en devant tout apprendre d'une famille qui m'a abandonné, j'ai cru qu'il m'en restait finalement une. Mais c'était un leurre,  l'oeuvre éhontée d'un demi-géant qui n'avait, en vérité, pas la moindre idée de ce qu'il faisait... Je l'ai découvert parce que, en vérité, j'étais sur sa piste depuis longtemps, mais ça ne m'a rien apporté. Il marqua une pause. Son propos était risqué, il le savait bien, mais il était convaincu qu'il pouvait sans mal endormir la confiance du fantôme, quand bien même elle demeurait très logiquement sur ses gardes. J'ignore ce que vous pensiez m'entendre dire, je vous promets qu'il ne vous sera pas nécessaire d'en parler. Bien sûr que si, c'était nécessaire. Quand j'ai appris qui vous étiez, je m'étais seulement dit avoir trouvé quelqu'un susceptible de me comprendre.

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I

l y a, chez ce garçon, quelque chose de différent de ce qu'elle a pu percevoir chez tous ceux et toutes celles qui jusqu'ici sont venu la voir dans le but d'obtenir d'elle des informations qu'elle ne veut pas communiquer, et a juré sur sa mort prématuré de ne jamais révéler. Elle ne saurait dire pourquoi, mais il lui inspire davantage de confiance, quand en fait elle devrait se méfier par dessus tout, en réalité. Il n'y a pas cette lueur envieuse dans son regard, il y a, autre chose, comme une sorte de compassion qu'elle ne reçoit que rarement, alors qu'elle en a grandement besoin. Il sait lui dire ce qu'elle a besoin d'entendre, il sait endormir sa confiance, mettre en veilleuse une défiance pourtant si grande, et pour cela, il lui suffit d'être le premier à révéler son secret.

-Attendez. Est-ce que vous reconnaissez ceci ?

Ses sourcils transparents se froncent légèrement tandis qu'elle comprend. Oui, cette bague, elle la reconnaît. Elle l'a vu porté par un autre, en des temps reculés, cet autre qu'elle avait craint et respecté tout en même temps, alors, et qui portait le nom de Salazar Serpentard. Oui, elle le reconnaît. Et alors qu'elle devine ce que tout cela signifie, elle recule légèrement. Cela signifierait-il... La coïncidence est trop grande. Il est donc l'héritier de Serpentard ? Ce fameux héritier qui a semé la terreur dans le château il y a deux ans de ça ? Doit-elle fuir et le dénoncer immédiatement ? Elle n'en a pas l'envie, en vérité. Voilà qu'il a piqué à vif sa curiosité. Elle veut même prendre le risque de le croire.

-C'est mon héritage... et ma malédiction...

Il lui explique, lui donne sa version des faits. Helena n'est pas sûre de vouloir ou devoir le croire, mais elle en a envie, c'est indéniable, elle croit trouver cet autre enfin susceptible de la comprendre... et son histoire peut tenir la route, en quelque sorte... Tout comme elle peut sembler bancal.
Et alors, s'il s'est rendu coupable de véritables horreurs ? C'était son cas à elle aussi. Il est peut-être, au monde, la personne qui lui ressemble le plus. Il dit vouloir trouver quelqu'un qui lui ressemble et qui le comprenne, peut-être est-ce le cas.

-J'ignore ce que vous pensiez m'entendre dire, je vous promets qu'il ne vous sera pas nécessaire d'en parler. Quand j'ai appris qui vous étiez, je m'étais seulement dit avoir trouvé quelqu'un susceptible de me comprendre.

Bien sûr, elle se méfie toujours, mais jamais elle n'a eu autant envie de croire que c'est possible. Elle a peut-être trouvé son alter égo. Un millénaire plus tard.

-Pourquoi devrais-je vous faire confiance ?

Question qu'elle pose surtout pour la forme, en vérité. Mais elle ne peut abattre trop vite un bouclier qui la protège depuis tant de siècles.

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T

om fut satisfait de voir qu'il avait vu juste. Quand bien même le fantôme de la maison Serdaigle demeurait méfiant (et ce à juste titre), il avait réussi à retenir son attention, et c'était là qu'avait été son but initial. Il l'avait endormi avec de belles paroles, et à présent qu'il avait sa pleine et entière attention, il allait pouvoir, insidieusement et méthodiquement, atteindre son but, quand bien même il allait devoir faire preuve de patience. Il s'était engagé, à mi-mot, à ne pas faire mention du diadème de Rowena Serdaigle, quand bien même aucun autre motif n'aurait pu l'entraîner à parler avec la dame grise, et il comptait bien tenir ses engagements. Son but, en effet, de ne pas être le premier à évoquer cette fameuse relique dans lequel il escomptait bien déposer un morceau de son âme, mais de faire les choses plus vicieusement, et d'inviter le fantôme à se confier d'elle-même. Là, la manipulation atteindrait le comble de son art.

C'était loin d'être aisé, il en avait parfaitement conscience, mais pour autant, il était persuadé qu'il toucherait au but, et peut-être même plus tôt que ce qu'il avait supposé lorsqu'il avait décidé de venir à la rencontre de l'Héritière de la maison des bleu et bronze. Certes, elle montrait encore quelques réticences, mais le simple fait qu'elle soit encore là, en face de lui, et qu'elle n'ait pas prit la fuite comme elle savait si bien le faire, lui prouvait bien qu'elle était au moins plus ouverte que tantôt à la conversation. Pauvre damnée ! Elle était sûrement ravie de s'être trouvée un alter ego... elle n'aurait pas pu tomber sur pire. Pourquoi devait-elle lui faire confiance ? Elle ne le devait pas, c'est l'évidence. Mais ce n'est bien sûr pas cette réponse que l'Héritier allait donner à son interlocutrice.

-Je ne possède rien, malheureusement, qui puisse vous prouver ma bonne foi. Je vous demande de me croire sur parole, et je sais que ce n'est pas aisé. Il marqua une légère pause. Sachez seulement que ce que je vous ai apprit me concernant, je n'en ai jamais parlé à personne. J'ai mit mon secret entre vos mains, conscient de ce qu'il pourrait me coûter s'il venait à être ébruité.

Et effectivement, il prenait des risques, mais ces risques étaient pour le moins calculés. Elle ne parlerait pas, il en était convaincu, et si elle s'avisait de vouloir le faire, tout fantôme qu'elle était, il saurait trouver le moyen de la faire taire. Quel que soit sa réaction, à présent, il était convaincu, quand bien même c'était peut-être un peu trop s'avancer, qu'elle serait à son avantage. Tout, toujours, devait tourner à son avantage. Il lui était arrivé de perdre le contrôle, il est vrai, mais à présent qu'il lui semblait le regagner presque complètement (ce en quoi, en vérité, il avait tort), il était persuadé que ce n'était pas son interlocutrice qui viendrait lui poser problème.

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C

e jeune homme aux allures si charmantes et au ton si avenant est un orateur hors pair, cela ne peut pas faire le moindre doute. Helena le sent, le sait, et comprend que cette maîtrise parfaite de la rhétorique mêlé à ce charme inhérent qui semble lui être propre sont autant de raisons de se méfier de lui. Pourtant, elle ne se méfie pas. Pourtant, elle ne témoigne de nulle véritable appréhension. Bien sûr, elle guette encore le scorpion niché sous le sable, s'imagine les pièges, songe ne pas se laisser abuser ou y tomber si facilement, elle qui a su jusque là préserver son lourd secret des centenaires durant. Mais il a en commun avec elle ce même poids que cause une hérédité trop lourde, et des erreurs qui semblent similaires. Des preuves à son encontre pourraient le lui signaler comme l'individu le plus dangereux qu'elle ait jamais rencontrer. Qui, pourtant, peut la blâmer d'avoir voulu le considérer comme un allié ? Même sans preuves, car il ne lui en donne pas, la tentation de vouloir le croire est bien trop forte.

-Je ne possède rien, malheureusement, qui puisse vous prouver ma bonne foi. Je vous demande de me croire sur parole, et je sais que ce n'est pas aisé.  Sachez seulement que ce que je vous ai apprit me concernant, je n'en ai jamais parlé à personne. J'ai mit mon secret entre vos mains, conscient de ce qu'il pourrait me coûter s'il venait à être ébruité.

Et c'est vrai qu'il risque beaucoup, cela, la dame grise ne peut nullement le nier. Encore faut-il qu'il dise vrai... mais elle veut le croire honnête. Elle ne discerne nul mensonge dans son propos, personne ne peut jouer si bien la comédie. Prendrait-elle ses désirs pour la réalité ? Probable, mais dans l'obscurité et la pesanteur du silence, trouver un allié lui semble une perspective si réconfortante. Pas de fol espoir, néanmoins, ni de confiance trop précipitamment placée en lui. Confier enfin ses terribles déboires, se décharger d'un fardeau devenu si pesant, que cela est tentant ! Mais elle n'en fait rien encore, ne cédant pas pour l'heure (mais pour l'heure seulement) à cette envie qui la tiraille, celle de se débarrasser d'un poids trop lourd, d'abandonner cette pression si grande, de laisser faire l'oeuvre du destin. Mais le destin est facétieux, il n'acte pas toujours pour notre bien. Alors elle consent encore à un minimum de prudence.

-Vous n'attendez donc rien de moi ?

Il y a comme un peu d'espoir dans le ton de sa voix. Elle attend depuis si longtemps la personne désintéressée qui ne viendrait pas s'intéresser à elle dans l'unique but de s'en prendre à sa possession... Ou du moins, à la possession de sa génitrice, qu'elle avait fait sienne de la plus lâche des manières, causant ainsi tous ses tourments.

-Et le diadème de ma mère n'éveillerait donc en vous aucun intérêt ?

Un ajout plus sceptique. Le coeur n'y est pas tout à fait malgré tout.

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E

n approuvant d'un léger signe de tête lorsque le fantôme lui demanda s'il n'attendait rien d'elle, Tom mentit des plus effrontément. C'était bien évidemment tout le contraire. Jamais il ne serait venu à elle dans un but totalement désintéressé... Jamais il ne se serait, d'ailleurs, intéressé à son existence - ou plutôt, en l'occurrence, à son inexistence. Elle ne représentait rien pour lui, comme la plupart des individus peuplant cette terre ne représentait rien pour lui... si ce n'était une opportunité bien trop belle pour qu'il ne cherche pas à la saisir. Alors, quand bien même il donnait l'impression d'être des plus honnêtes, de n'être venu que par pure compréhension et empathie, l'Héritier de serpentard ne pouvait que se féliciter du fait que l'Héritière de Serdaigle ne puisse pas lire dans ses pensées. Nul doute possible, elle n'aurait pas aimé ce qu'il était possible d'y découvrir, et se serait, sans le moindre doute, détourné de lui... À raison, de toute évidence.

Il devait mentir plus effrontément encore quand le diadème de Rowena Serdaigle fut mentionné. Évidemment, c'était bel et bien le but de sa venue, mais il escomptait bien le nier jusqu'à la fin. Là résidait toute sa stratégie : la conduire à lui apprendre d'elle-même la vérité, sans que lui-même n'ait rien à faire pour cela. Et il savait qu'il était sur la bonne voie. À aucun moment lui-même n'avait évoqué cette relique devenue légendaire, c'était elle, qui l'avait mentionné dans la conversation, et elle en payerait sous peu les conséquences.

-Je ne vais pas mentir, j'ai entendu parler de ce diadème, en même temps que l'on m'a apprit votre identité. Je ne vais pas nier davantage que cet objet m'intrigue... Mais je n'ai pas l'intention de vous extorquer la moindre information. Tom marqua une pause. Son ton était agréable, enjôleur, comme il savait si bien le moduler. Et je ne vous ai pas rencontré dans ce but. Je sais votre fardeau, car je porte le même. Ma chance et que l'on ignore tout du mien. Je ne saurais abuser d'un esprit auquel je ne peux que m'identifier. Chacune de ses paroles n'était rien d'autre qu'un venin insidieux. Et il en abusait, encore et encore. Je comprends vos réticences, et je comprendrais que vous refusiez l'aide que je veux vous offrir. Sachez seulement qu'il n'y a rien d'intéressé dans ma démarche.

Tout l'était, bien au contraire. Chaque mot, chaque geste, un jeu d'acteur parfaitement maîtrisé, du miel empoisonné. Il n'aurait su se montrer plus agréable à l'égard de son interlocutrice. Et il ne le faisait que pour mieux la duper. En l'absence totale du moindre état d'âme. À quoi ceux-ci lui auraient-il servi, d'ailleurs. Il se voyait toucher au but. Il avait su, en tous cas, aborder insidieusement ce sujet sensible dont tant d'autres avaient voulu traiter avec elle sans qu'elle daigne jamais leur accorder le temps, l'attention, ou les réponses qu'ils demandaient, et elle ne s'était toujours pas rétractée ou ravisée. elle restait là, semblant attendre de voir ce qui lui arriverait. Sans doute finirait-elle par comprendre. Très certainement. Mais alors, il serait bien trop tard.

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D

e la réserve. Elle en a, bien sûr, elle sait en avoir en toutes circonstances, a toujours su en avoir, quel que soit le lieu, la situation, ou la dangerosité du moment. Mais à l'instant ou de la seule réserve l'empêchait encore de se livrer complètement à son interlocuteur, c'est bel et bien une intense défiance qu'elle aurait dû ressentir. Mais l'admettre à présent et en faire la remarque n'a plus le moindre sens. Il lui parle du diadème, il sait donc son existence... Être au fait de cette information devrait lui laisser comprendre qu'il n'est pas différent des autres, ou qu'en tous cas ses intentions ne le sont pas, et que tout ce qu'il souhaite, c'est la même chose que tous les autres. Mais voilà, il semble si différent.

-Je ne vais pas mentir, j'ai entendu parler de ce diadème, en même temps que l'on m'a apprit votre identité. Je ne vais pas nier davantage que cet objet m'intrigue... Mais je n'ai pas l'intention de vous extorquer la moindre information.

Ces mots sont un miel venimeux, mais Helena oublie le venin pour ne s'intéresser qu'au miel. Elle se laisse prendre à ces mots rassurants, qui lui laissent croire qu'elle s'est enfin trouvé un allié, un ami, après presque un millénaire de solitude et d'isolement. Se laisse-t-elle berner ? Pas complètement, mais alors qu'il ne lui demande aucun complément d'information, si elle ne lui en donne pas, où peut donc être le mal ? Nulle part. N'est-ce pas ? Elle cherche à se convaincre qu'elle n'est tombée dans aucun piège, car elle a trop besoin d'y croire. La chute sera violente, et douloureuse. Si elle n'était pas déjà morte, elle mourrait sans doute une seconde fois.

-Et je ne vous ai pas rencontré dans ce but. Je sais votre fardeau, car je porte le même. Ma chance et que l'on ignore tout du mien. Je ne saurais abuser d'un esprit auquel je ne peux que m'identifier. Sachez seulement qu'il n'y a rien d'intéressé dans ma démarche.

Cette insistance à lui prouver que ses intentions étaient tout sauf mauvaises pourrait éveiller sa suspicion, mais ce n'est pas le cas. Ce qu'il lui reste de soupçon, à la vérité, est en train de s'endormir, s'endormir d'un paisible, profond et d'autant plus dangereux sommeil. S'en réveillera-t-elle ? Oui, mais beaucoup trop tard, et les torts ne sauront être réparés, jamais.

-Pour peu que vous disiez vrai... se hasarde-t-elle, perdant par la même ce qu'il lui restait de chances de faire marche arrière et de renvoyer le préfet en chef dans ses retranchements. Pour peu que ce soit vrai.... Alors vous comprendrez qu'il m'est douloureux d'en parler. Elle marque une légère pause. J'aimerais faire à jamais disparaître cette maudite relique de mon existence... ou de ma non existence, plutôt. Je suis supposée hanter, et c'est elle qui me hante. Tant qu'elle ne sera pas détruite, je n'aurais nul repos, et elle ne le sera jamais.

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L

es choses se passaient ainsi qu'il l'espérait. Même mieux, encore, à vrai dire, qu'il l'avait espéré. Le sujet crucial avait été abordé, et en dépit d'une certaine réserve, le fantôme semblait définitivement prêt à lui accorder sa confiance. Ce qui, somme toute, signifiait qu'il était trop tard pour elle. Son destin était signé, quand bien même elle n'en savait rien encore. En pensant être restée sur la réserve, elle en avait déjà trop dit, beaucoup trop. C'était d'autant mieux qu'elle ne le réalisait pas. Elle s'en mordrait certainement les doigts plus tard, pour peu qu'il lui soit encore physiologiquement capable de faire une telle chose. Mais l'Héritier se fichait bien des répercussions personnelles que cela pourrait avoir sur le fantôme. Seul importait son propre intérêt, quand bien même il laissait croire tout le contraire au spectre, pour mieux l'amadouer bien sûr, et parvenir à ses fins. Il n'avait pas grand chose à faire, en même temps, elle faisait une grande partie du travail à sa place, sans même s'en rendre compte. En parlant de détruire cet objet qui avait sûrement été en partie la cause de sa damnation éternelle, elle ouvrait grand une porte déjà entrouverte, et Tom n'allait pas se gêner, bien sûr, pour franchir à sa guise le seuil de cette porte, sans être jamais (ou alors dans longtemps) incriminé pour un acte qui allait pourtant s'avérer cruel et odieux, pour ne pas dire proprement maléfique.

-Pourquoi n'avoir jamais demandé à quelqu'un de confiance de la détruire pour vous ? Bien évidemment, il voulait immédiatement s'inclure parmi ces êtres de confiance dont il ne faisait pourtant absolument pas partie. Mais le dire immédiatement aurait été se couper l'herbe sous le pied et manquer l'évidente opportunité qui, à ses yeux, se découvrait un peu plus à chaque minute de cette conversation plus qu'instructive et profitable. Il est des personnes plus dignes de confiance que d'autres, et plus à même de comprendre votre trouble et vos malheurs sans choisir d'en tirer profit. Il marqua une légère pause. Si mon salut dépendait d'un tel geste, s'il nécessitait de reposer entre les mains d'un tiers, j'aurais des difficultés à le lui concéder, mais je le ferais. Vous reconnaissez vous même qu'il n'y a aucune autre alternative. Son ton était doux, rassurant, légèrement séducteur... bref, il combinait tous ces artifices qui faisaient de Tom Jedusor aux yeux des mortels (et même des morts) une personne tout à fait charmante, agréable, digne de foi. Et par ce moyen, il pensait pouvoir sans mal amadouer le fantôme de la maison Serdaigle. Vous n'avez pas à vous infliger un tel fardeau pour l'éternité.

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E

t voilà qu'il pose la question, voilà qu'elle dégringole la pente, et lui, le lui signale un sourire aux lèvres.

-Pourquoi n'avoir jamais demandé à quelqu'un de confiance de la détruire pour vous ?

Pourquoi ? Parce que de la confiance, justement, elle n'a jamais su en accorder à quiconque. Elle a apprit à se méfier d'absolument tout, d'absolument tout le monde. Elle craint au-delà du raisonnable d'être trahie... Ce qui ne serait au fond que la juste contrepartie de sa propre trahison... mais la complèterait dans un même temps. Elle est, ironie du sort, plus respectueuse de ce qu'elle a foulé au pied dans le vivant que celle qui lui avait inspiré autant de respect que de jalousie que dans sa mort. Non, elle n'ose avoir confiance. Une trahison supplémentaire la détruirait, purement et simplement. Elle ne pense pas pouvoir jamais accorder de la confiance à autrui... Et pourtant, pourtant, et presque en toute conscience de cela, elle le voyait bien, elle se laisse endormir par les doux propos de son interlocuteur. Elle a envie de le croire, besoin de le croire. Se laisser tomber entre des bras que traversera sa totale inconsistance. Après presque un millénaire, enfin, elle est prête à baisser la garde.

-Il est des personnes plus dignes de confiance que d'autres, et plus à même de comprendre votre trouble et vos malheurs sans choisir d'en tirer profit.  Si mon salut dépendait d'un tel geste, s'il nécessitait de reposer entre les mains d'un tiers, j'aurais des difficultés à le lui concéder, mais je le ferais. Vous reconnaissez vous même qu'il n'y a aucune autre alternative.

Qu'il sait bien parler. Oh, comme il parvient, sans le moindre mal, à endormir toute défiance, pour la laisser se lover dans le confort de cet apaisement qu'il lui propose, et qui s'apprête à causer sa perte. Elle sait qu'il a raison, au fond. Pour que son esprit trouve un semblant de repos, il semble essentiel que cette étape sois franchie. Pour une fois, il faudrait qu'elle rende les armes. Auprès du jeune homme ? Elle est finalement tentée de le croire. Elle court à sa perte, entraîné par le si fort courant des souvenirs, du regret, du désespoir...

-Vous n'avez pas à vous infliger un tel fardeau pour l'éternité.

Vraiment ? Elle embrasse ce fardeau autant qu'elle le hait, il l'emprisonne, la maintient captive d'une éternelle douleur. Peut-elle véritablement se fier à lui. Sa réserve demeure. Mais elle a tant besoin de s'abandonner enfin, après tant d'années de supplice silencieux. Un long silence succède aux propos du jeune homme, aussi charmant que charmeur... Puis... Elle le rompt.

-Vous... vous m'aideriez ?

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L'

art de la séduction et de la manipulation n'avaient pas beaucoup de secrets pour Tom, et ce depuis bien longtemps. Il n'avait pas mis longtemps à comprendre que l'agressivité manifeste ne permettait pas aussi simplement d'accéder à son but, d'atteindre ses objectifs, c'était une solution que l'on pouvait adopter lorsqu'on avait atteint le pouvoir véritable, mais dans l'attente de l'obtenir, il fallait savoir ruser. Voilà qui ne dérangeait en rien le vert et argent. Voilà un long moment maintenant qu'il avait apprit à maîtriser les codes linguistiques autant que gestuels qui devaient lui permettre d'obtenir l'égard, le respect, l'admiration, ou au moins la sympathie du quidam qu'il cherchait à entourlouper. Bien sûr, certaines personnes étaient plus difficiles à convaincre que d'autres (il avait beau y faire, il ne pensait pas parvenir un jour à s'attirer la confiance d'Albus Dumbledore, quand bien même elle lui serait des plus utiles), mais celles dont il avait véritablement besoin finissaient toujours par lui céder. Ainsi, le fantôme de la maison serdaigle, en dépit de toute ses réticences et de la méfiance affichée qu'elle lui avait accordé dès le commencement de leur entrevue. Il n'y laissa rien paraître, néanmoins. Le sourire satisfait qui voulait très clairement s'inviter sur son visage après avoir si facilement obtenu gain de cause fut à la place remplacé par un mine qu'il voulait mi étonnée, mi curieuse. Oh, bien sûr, il avait gagné, et Tom avait voulu en arriver là dès les débuts de leur discussion, mais il devait avoir la victoire silencieuse en non apparente, du moins pour le moment, où il pourrait bien tout perdre d'un seul coup.

-Si c'est ce que vous désirez, alors oui, je vous aiderai.

Bien évidemment, ce n'était jamais que ce que lui-même avait désiré, bien qu'il lui laisse croire, un temps que la décision venait de son propre chef (ce qui ne rendrait la désillusion que plus douloureuse pour elle). L'opportunité (qu'il s'était créé, au demeurant) était bien trop belle, il fallait bien sûr qu'il la saisisse, mais il ne pouvait pas non plus se montrer trop pressant ou trop insistant, sans quoi elle se méfierait, et il perdrait la partie à l'aube de la gagner.

-Seulement, bien sûr, si vous êtes certaine de le vouloir.

Ce n'était que des mots prononcés en l'air. Il se moquait bien, au fond, des états d'âme de son interlocutrice. Il touchait au but, il en avait pertinemment conscience. Encore quelques secondes de fausses politesses, et il obtiendrait son dû.

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M

ettre son destin, sa vie - non, son absence de vie - entre les mains de son interlocuteur, de ce jeune homme très séduisant, mais dont elle ne sait rien, et qui l'amadoue avec cette aisance qui caractérise ceux qui s'en prennent à bien plus candides et naïfs qu'elle n'est supposée l'être. Se peut-il qu'elle soit à ce point idiote, Se peut-il qu'elle soit à ce point naïve ? Oui... Elle porte en elle un fardeau si lourd, un désespoir si grand... on lui offre de la délester de cette infernale pression, et, faible plus que candide en fait, elle accepte, en son coeur une foi nouvelle en une humanité à laquelle elle ne croira plus jamais dès lors qu'elle entendra cette trahison qu'elle autorise sans le comprendre.

-Si c'est ce que vous désirez, alors oui, je vous aiderai. Seulement, bien sûr, si vous êtes certaine de le vouloir.

Chaque mot qu'il prononce est un poison mortel, qui la tuerait sans doute si elle ne l'était pas déjà. Il semble si sincère, si soucieux, vraiment, de lui porter secours, l'autorisant à se rétracter si elle le désire, lui donnant l'illusion d'une liberté en vérité fausse et biaisée. Elle marque un dernier temps de réflexion, cet ultime moment de silence qui pourrait lui être salutaire. Elle pourrait faire marche arrière, elle le pourrait vraiment. Mais il n'en est rien. Elle pactise sans le savoir avec le plus grand démon qu'elle rencontrera jamais, elle le fait dans un consentement béat. Elle se damne elle-même, elle qui se croyait déjà damnée. Et, sans s'en rendre compte, elle augmente au centuple sa dette envers son illustre ascendance, elle ne répare pas sa faute, elle l'amplifie. Mais il est trop tard. De ses lèvres transparentes s'échappent ces quelques mots : définitifs, décisifs.

-C'est ce que je veux.

Elle approuve, elle scelle plus d'un sort funeste, elle est responsable. Et s'enfonçant à jamais dans des méandres dont elle ne pourra s'extraire, elle apprend au charmant et charmeur - de serpents et de bien d'autre - l'endroit, la cachette, ses raisons, la façon d'y accéder et surtout, surtout, ce dernier aspect qu'il ne respectera guère : comment le détruire. Quelle désillusion ce sera, à l'heure où, pour la première fois depuis longtemps, elle se permet d'espérer ! Mais ces réflexions appartiennent à un seuil temporel (Merlin préserve sa pauvre âme flottante) qu'elle n'atteint pas encore, qu'elle ignore, qu'elle n'ose même deviner.

Le pire est à venir, car voici qu'elle contribue à la création d'un monstre.

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