M

elody se sentait fatiguée comme rarement. Il faut dire qu'elle n'avait pas franchement dormi la nuit précédente. Elle avait passé la soirée en compagnie de Lexie, et elles avaient dépassé de très loin le couvre-feu, toutes les deux. Ce n'était pas raisonnable, mais il est évident que la bleue et bronze n'avait que faire de ce qui était raisonnable, encore moins quand cela lui donnait l'occasion de passer du temps en compagnie de sa petite amie. Ces occasions étaient certes bien plus nombreuses à présent qu'elles étaient de retour à Poudlard, mais Melody continuait de les trouver trop rares, alors très clairement, elle en profitait autant qu'elle le pouvait. Surtout qu'elle se faisait un devoir de compenser les longues semaines qu'elle avait passées loin de la jeune femme, dernièrement. Oui, bon, en gros, elle ne pouvait pas se passer d'elle, tout simplement. C'était aussi simple que cela. Rien à ajouter à ce sujet. Donc elle s'était couchée tard, et elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil directement... Elle n'avait donc qu'un nombre limité d'heures de sommeil dans les pattes, et cela se ressentait.

Si elle était debout à l'heure actuelle, c'était seulement qu'il y avait eu trop de grabuge dans son dortoir pour qu'elle parvienne à dormir à poings fermés, si bien qu'elle avait décidé de descendre dans la grande salle en même temps que ses camarades pour prendre le petit-déjeuner. Elle avait la tête dans le coltard, c'est vrai, mais elle avait faim, aussi, alors elle n'avait pas envie de manquer le petit-déjeuner copieux pour devoir se contenter de quelques restes dans les cuisines, plus tard. Elle était totalement décidée : elle allait s'empiffrer, se remplir l'estomac, et remonter dans son dortoir (même si la perspective de remonter les étages et les escaliers n'était pas très engageante). Elle rattraperait ensuite son sommeil dans un dortoir où elle serait toute seule et où, donc, ses camarades ne l'importuneraient pas. À ses yeux, c'était parfait ainsi. Avec un ventre bien rempli, elle s'endormirait d'autant mieux. Quoi ? Les cours... Oh, bah.. À quoi ça servirait d'y aller, après tout ?  Si elle n'avait pas la capacité d'attention nécessaire, mieux valait ne pas même faire acte de présence. Alors qu'elle quittait la grande salle, déterminée à rejoindre sa salle commune, elle fut percutée par un élève. Si son moral n'était déjà pas au beau fixe, avec la fatigue, être percutée par Adrian, quelqu'un qu'elle n'aimait pas du tout, et se faire confondre un instant avec sa jumelle était encore pire. Bon, le bleu et bronze avait au moins eu le mérite de remarquer son erreur. Mais ça ne suffisait pas.

-Est-ce que j'ai l'air de lui ressembler, hein ? Ouais, elle n'avait pas que l'air, mais ce n'était pas la question. Désolée, je ne suis pas ton imbécile de copine, moi j'aime pas qu'on me fonce dessus.


   

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A

drian, confus, répéta qu'il était désolé. En soi, ça aurait peut-être dû suffire à clore le débat une bonne fois pour toutes, Melody se serait contentée d'un dédaigneux signe de la tête et ils auraient tout deux tracé leur chemin chacun dans leur coin, sans que la bleue et bronze daigne accepter une seule seconde la réponse de son interlocuteur. Mais les choses ne s'arrêtèrent pas là pour la simple et bonne raison que le jeune homme prit une nouvelle fois la parole, cette fois non plus pour s'excuser mais pour lui faire la morale (ou un semblant de morale, plutôt, disons... En tout cas, il n'en fallait pas plus pour la faire sortir de ses gonds. D'une, si elle avait envie de s'énerver, elle le ferait, un point c'est tout, et ce n'était certainement pas Adrian qui allait la convaincre de se calmer ou de modérer son tempérament (si qui que ce soit était réellement capable d'une telle prouesse, ce qui était bien loin d'être sûr - quoique si quelqu'un pouvait bel et bien la mettre sur la bonne voie ou en tout cas la rappeler à la raison, c'était Lexie... quoique Lexie elle-même connaissait à peine le sens de l'adjectif "raisonnable"). Quand il osa ajouter que tout ça n'était pas une raison pour insulter sa sœur, ce fut pour Melody la goutte d'eau qui devait faire déborder le vase. Non content d'avoir déjà fait mention de Lysandre une fois et d'en avoir récolté les fruits, il récidivait. Il ne manquait pas de culot, dis donc ! Elle avait bien l'intention de le lui faire payer en tout cas. Et le prix fort si possible. Quiconque connaissait un tant soit peu les jumelles Farnsworth savaient qu'elles étaient devenues la bête noire de l'autre. En tout cas c'était ce que les apparences laissaient à penser.

-Je fais ce que je veux, arrête de protéger Lysandre, tu la connais pas aussi bien que moi, et si tu la connaissais mieux, tu la protègerais pas comme tu le fais.

Parce que Melody trouvait vraiment qu'Adrian se posait en chien de garde pour sa jumelle, et elle trouvait cela on ne peut plus injuste. Comme si elle méritait plus d'être défendue que sa sœur. Logique, en même temps, elle n'avait pas son pareil pour se faire passer pour la gentille victime bien sous tout rapport quand Melody et son tempérament volcanique faisaient bien plus de vagues.

-Sérieusement, non seulement tu me rentres dedans mais en plus tu oses me faire la leçon... J'ai pas besoin de tes remarques à deux noises. Elle marqua une pause. T'es vraiment pathétique.

Et Adrian ne méritait clairement pas qu'elle passe à ce point ses nerfs sur lui, mais elle s'en fichait. Elle n'avait pas la moindre affection pour lui, alors si s'en servir comme d'un punching ball mental pouvait l'aider à se sentir mieux, elle n'allait certainement pas s'en priver, bien au contraire.
   

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O

kay, Melody, si elle n'était pas capable d'autant de mauvaise foi, ne serait qu'obligée d'admettre qu'Adrian avait raison. Elle était vraiment en train de s'emporter pour trois fois rien. Le bleu et bronze s'était contenté de la bousculer, et il avait fait une simple réflexion qui ne méritait pas d'en faire tout un plat, vraiment pas. Il s'était excusé, après tout, et il était évident qu'il ne l'avait pas bousculée volontairement. Oui, ce n'était qu'une broutille, mais la jeune femme était incapable de ne pas aller au quart de tour, quand on parlait de Lysandre devant elle. Et ça, c'était bel et bien la preuve qu'elle souffrait encore beaucoup, c'était bel et bien la preuve que la plaie n'était pas du tout refermée, contrairement à ce qu'elle affirmait. À chaque fois qu'on mentionnait sa sœur jumelle, elle se sentait envahie par un mélange confus de haine et de regrets, parce qu'au fond, plus le temps passait, moins elle en voulait à Lysandre, mais elle restait incapable de lui pardonner... et en attendant, sa sœur lui manquait vraiment. Elles avaient été inséparables, les meilleures amies du monde, ça ne s'oubliait pas comme ça. Et bien sûr, Adrian n'était absolument pour rien dans toute cette histoire. Mais elle l'associait beaucoup trop à sa jumelle pour rester indifférente. Elle n'avait rien à répliquer, techniquement. Elle était totalement en tort, et le serdaigle avait entièrement raison. Elle ne pouvait se défendre qu'en faisant preuve d'une immense hypocrisie. Mais Melody en était entièrement capable, ceci dit, et elle ne comptait pas descendre de ses grands chevaux de sitôt, pour le moment. C'était sans doute la preuve que quelque chose n'allait pas, qu'il fallait absolument qu'elle corrige son comportement. Elle n'y arrivait pas. Et de toute manière, elle était beaucoup trop fière, vraiment, pour se remettre en question.

-T'as qu'à pas parler de ce que tu connais pas, répliqua-t-elle alors, ce même si en vérité, Adrian n'avait pas dit grand chose.

Il s'était contentée de prendre la défense d'une amie à lui. Elle ne supportait pas qu'on lui préfère Lysandre (ce qui était injuste, parce que la jeune femme avait souvent volé la vedette à sa sœur, sans forcément s'en rendre compte, mais c'était quand même le cas). C'était de la jalousie, en fait, vraiment, qui l'envahissait, de la jalousie et de la peine, parce que sa sœur lui manquait. C'était simple et compliqué à la fois. Et Adrian était la malheureuse victime collatérale de tout ce qu'une simple phrase avait fait resurgir en elle. Bon, en soi, Melody n'aurait dans tous les cas pas été particulièrement aimable, parce qu'elle n'avait aucune affinité particulière avec Adrian et n'avait jamais prétendu l'apprécier. Mais là, elle se montrait particulièrement injuste et cinglante. Et décidément, elle ne se sentait pas prête à s'excuser pour son déplorable comportement.
   

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D'

accord, Melody était d'extrêmement mauvaise foi, elle s'en prenait à Adrian parce qu'elle avait beaucoup trop de rancoeur en elle et qu'elle avait besoin de la cracher sur la première personne qui passait. Le seul tort de son interlocuteur avait eu de la confondre avec sa soeur jumelle, mais la bleue et bronze se contentait de ce prétexte pour se montrer proprement désagréable avec son interlocuteur, comme elle savait si bien l'être quand elle était de mauvais poil. La jeune femme savait bien qu'elle n'avait pas de vrais griefs à opposer à son interlocuteur, mais ça ne l'empêchait pas d'insister, encore et encore. Elle lui en voulait, elle lui en voulait terriblement, uniquement parce qu'il était là, et qu'elle avait besoin d'en vouloir à quelqu'un. Adrian aurait beau répéter que c'était elle qui avait commencé (ce qui était bel et bien le cas), c'était elle qui s'énervait qu'en lui-même ne demandait qu'à tracer sa route une bonne fois pour toutes. Elle poussa un profond sourire, ce qu'il y a de plus agacé. Il ne faisait rien de particulier, mais il l'énervait. Il l'énervait vraiment. Parce qu'elle était sur les nerfs et que lui était beaucoup trop... gentil ? En fait, il ressemblait beaucoup trop à Lysandre, et c'était sûrement ça le soucis. Et comment ne pas associer les deux alors qu'il avait lui-même parlé d'elle par erreur ?

-Ça va, on s'en fiche de qui a commencé ! répliqua-t-elle d'un ton sec, qui manquait cruellement de bonne foi, mais la bonne foi et Melody n'avaient jamais vraiment fait bon ménage. Oui, ils s'en fichaient, mais en l'occurrence, elle n'avait vraiment pas à s'en prendre à ce point à son interlocuteur. T'as quoi ? Quatre ans ?

Bon, d'accord, ce n'était pas lui, c'était elle qui faisait preuve de la plus totale des immaturités, mais justement, parce qu'elle était immature, elle n'aborderait pas les choses sous un autre angle. La jeune femme était profondément agacée par la seule présence de son camarade de classe. Leur conversation ne pouvait clairement pas mener vers un terrain d'entente, de quelque manière que ce soit. Elle était particulièrement fière, bien trop fière, et quand elle se trouvait en compagnie de personne qui faisaient preuve de, disons, plus d'humilité, elle ne savait pas s'empêcher de leur faire payer un caractère qu'elle ferait pourtant bien d'imiter.

- Rien que te voir, ça m'épuise, c'est terrible.

Et elle en rajoutait, et elle en rajoutait... Alors que ce n'était pas du tout nécessaire. Dans l'idéal, ils feraient bien mieux de tracer leurs chemin, tout simplement. Mais elle ressentait le besoin d'avoir le dernier mot. Sauf que manifestement, c'était le cas d'Adrian aussi. Autant dire qu'elles n'étaient pas sorties de l'auberge, tous les deux.
   

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I

l n'y avait pas à chercher qui, des deux, était le plus puéril. Leur simple conversation devait confirmer à tous qu'ils l'étaient tous les deux, et qu'il n'y en avait clairement pas un pour rattraper l'autre. Ils étaient incapables de mettre de l'eau dans leur vin et de mettre fin à cette conversation qui n'avait aucun sens. Car clairement, continuer de se tenir tête comme ils le faisaient n'avait pas le moindre sens. Après tout, ce n'était pas comme s'il y avait un lot à la clé, ils n'avaient rien à y gagner, et comme aucun des deux ne céderait de terrain à l'autre, ça se révélait même être une entreprise absurde. Mais pour autant, Melody n'avait pas la moindre envie de donner satisfaction à Adrian en baissant les armes en premier. Il l'avait provoquée en la prenant pour Lysandre (ok, c'était une erreur très légitime mais ça ne l'empêchait pas de l'avoir mauvaise pour autant, bien au contraire), et maintenant, il espérait qu'elle débarrasse le plancher... c'était trop facile. Alors oui, bon, certes, ils n'avaient rien à se dire et leur prise de becs était pathétique, mais quand le bleu et bronze observa que s'il l'épuisait tant, eh bien elle n'avait qu'à s'en aller, elle ne fit pas un seul pas. Pour quoi faire ? Rester était complètement absurde et inutile certes, mais partir, ce serait comme donner l'avantage à son interlocutrice. Elle était convaincu qu'il jubilerait si elle partait en première. Ce serait comme si ce geste devait invalider tout son argumentaire précédent, et même si celui-ci n'avait absolument rien d'exceptionnel, ça l'invitait à agir autrement.

Et elle y fut plus déterminée encore, d'ailleurs, quand Adrian fit remarquer que, des deux ce n'était pas lui qui avait quatre ans d'âge mental. C'est sûr que ce n'était pas un seul instant la maturité qui l'étouffait en cet instant, et l'attitude la plus noble maintenant serait sans doute d'admettre qu'elle avait agi comme une gamine. Ca, ce serait agir d'une manière raisonnable et responsable. Mais puisque Melody, au fond, restait malgré tout une gamine, quoi qu'elle puisse en dire, la nature de sa réaction fut totalement autre, et elle préféra enfoncer bêtement le clou plutôt que d'apaiser judicieusement les tensions en reconnaissant son emportement, et le fait qu'il n'avait pas vraiment de raisons d'être. Mais non, mais non. D'où sa réflexion, qui relevait une fois encore d'une mauvaise foi incroyable et de gamineries dignes de la cour de récré (et encore, certains gamins de maternelle ont quand même le mérite d'être plus évolués que ça).

-T'as raison, c'est tellement mâture de jouer à celui qui dit qui est, répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel. Allez, débarrasse le plancher, je t'ai assez vu.
   

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