Après toute ces années à Poudlard, après tout ce temps passé dans ce château bondé de monde, j'avais pris l'habitude d'aller me promener régulièrement aux alentours de l'école pour me recueillir un peu seul et penser au calme. Ces petites ballades étaient sûrement mes moments préférés ; en tout cas, je les adorais car au moins je pouvais me retrouver et réfléchir un peu. Je détestais donc être dérangés dans ces moments là.
Ce jour là je m'étais levé aux aurores pour être sure de ne croiser personne. Même si il pleuvait quelques gouttes et que le ciel était parsemé de nuages gris, j'étais bien décidé à perpétuer mon petit rituel. Je parti alors en direction du terrain de Quidditch, car je pourrais me poser sur une estrade et admirer le paysage. De là, on pouvait voir Pré-au-Lard et la cabane hurlante. J'avais d'ailleurs toujours eu la curiosité de savoir ce qui s'y trouvait...
Je parti donc du château mais à mi-chemin je me rendis compte que l'équipe de Serpentard était en plein entraînement ; je ne m'attendais pas à voir du monde si tôt mais ne voulant croiser personne je continuai mon chemin en passant derrière le terrain, longeant les estrades pour que personne ne me voie. De toute façon, m'asseoir en hauteur sur une estrade aurait été une mauvaise idée puisque l'orage commençait à se faire entendre et les quelques gouttes qui tombaient lors de mon départ du château s'étaient transformées en trombe d'eau. Je me mis donc en tête de rejoindre Pré-au-Lard et de me rendre à la cabane hurlante. Au moins, personne ne me dérangerait là-bas, je serais à l'abri de la pluie et c'était une bonne occasion de s'assouvir ma soif de curiosité.
Continuant à longer les parois externes du terrain, j'essayais de m'imaginer ce qui pouvait se trouver à la cabane hurlante et pourquoi elle avait justement été surnommée de « cabane hurlante ». La rumeur disait qu'il s'agissait de la maison la plus hantée de Grande-Bretagne et qu'on y entendait des hurlements.. En réalité, c'était plutôt une maison abandonnée, poussiéreuse et intimidante puisqu'elle n'était pas du tout entretenue... Mais je n'avais pas vraiment peur, en faite je ressentais plus de la méfiance que de la peur envers cette maison car je n'étais pas du genre à croire ce que je n'avais pas vu ou vécu.
Regardant mes pieds et étant plongé dans mes pensées je me butta contre quelque chose qui s’avéra plutôt être quelqu'un. C'était un garçon de dos, portant l'écharpe d'un Serpentard. Je n'avais rien contre leur maison mais elle était réputée pour être composée de personnes plutôt viles et détestables...
Samedi matin, l’aube pointait à peine quand Bill emmitouflé dans la cape de l’uniforme de l’école, emboita le pas avec quelques camarades de sa maison. Ils se dirigèrent tous vers le grand stade de Quidditch un peu plus bas, au-delà de la grande pelouse et du petit chemin qui lui conduisait, tout ceci recouvert d’une mince couche de gelée. Il faisait très froid encore en cette saison, des petits nuages de buées s’échappèrent de leur bouche et de leur nez, mais pourtant malgré la fraicheur, l’ambiance chez le groupe de Serpentard ne semblait pas s’étioler. Rires, bavardages étaient de mise. Ils cheminèrent tous, la plupart, sauf Bill, impatient de regarder leur équipe s’entrainer. Pourquoi il les accompagnait ? Lui qui n’était pas si spécialement fan de Quidditch ? Car il ne pouvait refuser grand-chose à l’un de ses « camarades ». Oui la faiblesse de ce vert et argent, ne pas résister à l’attrait d’un regard agréable et d’une physionomie attrayante. Là bravant le froid matinal, il pouvait se maudire d’être aussi « faible ». Il participa juste ce qu’il fallait au discutions, au rire, jusqu’à arriver au fameux stade où déjà toute l’équipe s’entrainait depuis bien 20 minutes.
Bill souffla un peu sur ses doigts engourdis par le froid. Sa « faiblesse » à ses côtés au beau regard brun ambré se tourna vers lui et frotta son dos avec un peu de sollicitude de camaraderie. Bill esquissa un sourire amical et se maudit encore plus intérieurement de sentir presque ses pommettes se faire brûlantes. Pitoyable il était et il ne devait absolument pas se faire griller par ses « amis ». Heureusement la plupart ne pensaient à ce moment qu’au Quidditch, donc leurs attentions n’étaient que tourné vers les joueurs qui évoluaient avec rapidité et dextérité dans le ciel. Levant à son tour son regard clair, il suivit comme les autres l’évolution de l’entrainement. Malgré lui il ne put qu’envier cette impression de liberté, de grâce mais aussi se dire qu’il devait faire encore bien plus froid là-haut. Sa faiblesse le poussa du coude et le tira de ses grandes réflexions. Bill décrocha ses yeux du spectacle pour s’attarder sur ce jeune visage d’éphèbe penché vers lui. -« On va dans les gradins, tu viens ? » Il désigna au jeune Peterson le reste du groupe qui prenait déjà le chemin des gradins. Bill hocha la tête et lui emboita le pas. Mais même s’il avait sourit un instant, son cœur et ses pensées n’étaient pas vraiment au cœur de l’évènement. Il évoluait plus doucement que les autres, trainant un peu, perdu dans ses sombres réflexions. À nouveau son avenir le préoccupait beaucoup. Ce qu’il était, ce qu’il brimait, ce qu’il désirait, ce qu’il devait faire, ce qu'il’attendait… Oui tout ça ne cessait de revenir inlassablement dans son esprit. Il se sentait tellement « prisonnier » de tout ça. Chaque jour passé, le rapprochait d’une finalité qui lui faisait peur et qui l’angoissait. Son père décidant de tout à sa place, ses fiançailles, le mariage arrangé qui se rapprochait. Même si Lizzie était une charmante et douce jeune femme… Il se sentait coupable et mal à l’aise de n’avoir pas assez de cran face à son père pour mettre un terme à tout ceci. Il observa d’un air un peu absent, la silhouette noir, vert et argent de ses « camarades ». Le destin est vraiment très étrange… Il se sentait tellement étranger à leurs idées, leurs mondes, leur façon de voir et vivre les choses. Était-il le seul à jouer un rôle dans cette école ? Alors qu’il était entouré de tous ses « amis Serpentard », Bill ne s’était jamais senti aussi seul et déprimé. Il fut bientôt seul encore à l’extérieur du stade, le dernier venant de franchir la porte menant aux escaliers vers les gradins, et c’est pile à ce moment qu’une silhouette le percuta. Le léger choc le fit tituber de quelques pas en arrière et il pivota sur ses talons pour faire face à l’individu. Bill écarquilla les yeux, ce n’était pas un autre Serpentard mais avec un rapide coup d’œil, il comprit qu’il était un Poufsouffle. Quelques secondes d’hésitation, d’interrogation et de doute… Que devait-il faire ? Comment devait-il réagir ? Devait-il être odieux une nouvelle fois ? Il crispa la mâchoire et rapidement il fit son choix. Il ne pouvait faire autrement, il y avait les Serpentard par loin derrière et d’autres PoufSouffle arrivaient au loin. Son regard clair se fit aussi glacé que la gelée qui couvrait l’herbe verte. -« Regarde où tu vas PoufSouffle ! » usant de tous ses talents possibles de comédien dans le ton bien ironique et acerbe de sa voix. Qu’est-ce qu'il se détestait à ce moment précis.
Quand le Serpentard se retourna je levai les yeux vers son visage et m’aperçus que je ne le connaissais pas. C'est à ce moment là qu'il me lança :
«- Regarde où tu vas Poufsouffle !»
Irrespectueux, c'était le mot. Certes il ne connaissait pas mon prénom mais m'appeler par le nom de ma maison lui donnait le pouvoir de me qualifier de ''n'importe qui'' et ça m'énervais. De plus cela amplifiait son air hautain et méprisant. J'avais eu bien raison de me méfier de lui : je ne connaissais moi non plus même pas son nom et il m'agressait déjà. Quel débile.
Je bouillonnais désormais de l'intérieur quand je vis qu'il me regardait toujours, attendant encore quelque chose de moi. Que voulait-il ? Que je m'excuse ? Quelle blague.
En effet c'était bel et bien moi qui lui avais foncé dedans mais je n'avais pas fait exprès et cela ne lui donnait absolument pas le droit de me traiter de la sorte. Il avait foutu en l'air mon petit rituel, ma pause rien qu'à moi, le seul truc qui ne m'empêchait de péter les plombs. Et justement je sentais vraiment que j'allais les faire sauter ces plombs ! Au final rien ne me retenais de lui sauter dessus et de lui foutre mon poing dans la figure. Ou mieux encore, de sortir ma baguette et de lui faire le coup du bon vieux crache-limace. Il ferait moins le fier là ! Mais il fallait que je me contrôle, si je faisais quoi que ce soit, j'allais avoir des ennuis non seulement avec toute sa maison -car à ce qu'il paraît, ils sont très rancuniers- mais aussi avec le professeur Dippet alors je décidai d'essayer de garder mon calme.
Toujours avec son regard méprisant il me regardait de haut, ce qui ne m'aidait pas le moins du monde à me calmer. Puis je me dis que riposter ne serait peut-être pas une mauvaise idée ; pas forcément avec les coups ou la magie, mais juste avec la parole. Là, il y aurait moins de chance pour que j'ai des problèmes par la suite. Et si il décidait de rameuter toute sa troupe d'amis pour me casser la figure, cela prouverait qu'il serait bien faible ; qu'il ne pourrait pas se défendre tout seul.
Je me décidai enfin à lui répondre :
«- Qu'est-ce qu'il y a "Serpentard"? J'ai froissé ton uniforme, ou bien peut-être ton égo ?» lui dis-je en souriant faussement.
Ça y est, le pic était lancé. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre mais j'étais près à riposter. Il m'avait vraiment mis en rogne et désormais je n'étais plus qu'une boule de nerf. Il fallait vraiment que j'apprenne à ne plus être impulsif de la sorte mais c'était trop tard. Autant je pouvais être tendre et affectueux avec les gens que j'aimais, autant je pouvais être cruel et audieux quand on me cherchais.
Il y avait du monde autour, des camarades Serpentard juste devant, d’autres arrivaient derrière eux en plus de quelques curieux… Il n’avait pas trop le choix… Non en fait il était lâche et fuyait encore comme il avait appris à le faire. Il venait à peine de prononcer sa petite phrase désagréable qu’il se maudissait déjà de sa lâcheté. Il avait envie de tourner les talons, de s’enfuir, d’échapper à tout ça, de ne plus encourager cette haine débile. Ce gars, il ne lui en voulait même pas, il n’avait rien contre lui, il était certainement quelqu’un de bien. Il s’écœurait tant mais face à tant de témoins et face à ce pauvre gars, il ne montra rien, impassible, fixant de ses prunelles glacées son visage, levant même le menton… Ha oui parfait petit Serpentard prétentieux, voilà ce qu’il « devait » être. Bravo, soit fier de toi imbécile ! Tu as attaqué un élève qui ne te n'a rien fait et qui ne te cherchait pas de crasse. Tu ne vaux vraiment pas mieux que tous les autres que tu méprises intérieurement pour leurs esprits étroits. Bienvenue au club des cons et lâche, tu as la médaille, soit donc fière de ton sang d’enfoiré. Un attroupement se fait autour d’eux, curieux, camarades des deux côtés, la tension est palpable et forcément Bill a attaqué, la riposte ne tarde pas à venir en pleine tronche :
«- Qu'est-ce qu'il y a "Serpentard"? J'ai froissé ton uniforme, ou bien peut-être ton égo ?» Des petits « hooooo » jubilatoire s’échappent autour d’eux. Certains se poussent les coudes, s’en amuse. Bill se sait dans de sales draps et qu’il ne peut évidemment pas faire machine arrière. Il entend même un des Serpentard l’encourager à riposter. Merde ! Il ne voulait pas en arriver là, ce n’était pas son but. - si ce n’était que ça encore, j’espère n’avoir pas l’odeur des Poufsouffle sur moi maintenant. Il avait l’impression que c’était une autre personne qui parlait à sa place. Une personne au plus haut point détestable, cette voix hautaine, déversant autant de mépris de haine. Il entendit les rires autour, mais il en tirait aucune joie. Fixant toujours l’autre, sa mâchoire se crispa, pas de colère contre ce type, mais bien par dégoût de ce qu’il lui faisait subir. et tes excuses tardent à venir, ta mère ne t’a pas bien éduqué ? Elle ne t’a pas dit qu’il est de rigueur de s’excuser quand on bouscule quelqu’un ? Et dans mon cas tu devrais même te prosterner pour que daigne te pardonner d’avoir fichu mon uniforme en l’air. A vomir… Il tenta de ne pas écouter le brouhaha autour, fixant ce visage à s’en donner le tournis. Le sang battant les tempes, il se sentait tellement étranger, tellement par lui-même. S’il avait plus de courage, il lui aurait sourit, dit que ce n'était rien, qu’il n’y avait pas de mal. Mais … Le visage de son père s’imprima férocement devant ses yeux. Sa voix, son autorité, ses punitions… Il réprima un frisson et l’image de son père s’étiola, face à lui a nouveau, le Poufsouffle qu’il humiliait gratuitement en public.
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