C

enlyn aimait passer du temps à Pré-au-lard. Elle éprouvait, comme tous les élèves de son âge, la frustration de ne pas pouvoir se rendre au village sorcier lors des sorties organisées par l'école de magie. Elle était alors contrainte de regarder tous les élèves (ou presque) se rendre joyeusement à Pré-au-lard, et revenir chargé de victuailles et de farces et attrapes, sourire aux lèvres quand elle-même aurait passé sa journée entre les murs de pierre de l'école. Et dire qu'il fallait encore qu'elle attende plus d'un an ! Heureusement, ce qu'on pouvait lui interdire durant l'année scolaire, on ne le lui refusait pas durant les vacances scolaires. Sa mère avait quelques courses à faire au village, Cenlyn n'avait pas posé plus de questions. Accompagner sa mère quand elle faisait des courses, sans façon, mais puisqu'elle avait été autorisée à se rendre dans les boutiques avoisinnantes, du moment qu'elle ne s'éloignait pas trop, elle comptait bien en profiter.

Entre Zonko et Honeydukes, son coeur balançait, mais finalement, elle fit son choix. Elle avait une petite fringale et avait bien envie de faire le plein de sucreries. Qui sait, elle aurait finalement suffisamment de temps devant elle pour faire les deux. Son regard gourmand se baladait d'une confiserie à l'autre avec le plus grand délice, se demandant sur quoi elle allait finalement jeter son dévolu. C'était difficile de se décider, quand toutes ces friandises semblaient vous appeler et exiger que vous y goûtiez. Cenlyn était d'un naturel extrêmement gourmand, elle pouvait manger encore et encore sans jamais atteindre satiété. Elle savait d'ailleurs que c'était un défaut auquel elle devrait malheureusement palier si elle voulait espérer rejoindre l'équipe de Quidditch de Poufsouffle l'année suivante. Ce fut quand elle aperçut une silhouette familière (dans le genre désagréablement familière) que son choix fut fait. Elle se rapprocha de Clio et, dans un geste parfaitement puéril, prit des mains la friandise qu'elle venait de saisir.

-J'l'avais vu avant toi. affirma-t-elle d'un ton mutin. Quoi, immature, comme attitude ? Et après tout, elle n'avait que douze ans ! Et surtout, elle ne supportait pas, mais alors vraiment pas Clio. Depuis quand tu parles toute seule ? Ça y est, t'as plus d'amis ? Il était temps.

Cenlyn ne mâchait pas ses mots (contrairement à la sucrerie qu'elle avait hâte de déguster), c'est sûr, et on pouvait même parler de méchanceté gratuite, à ce stade, mais la demoiselle ne se trouvait aucune raison de se montrer agréable avec la jaune et noir, après tout, elle-même n'était pas un cadeau, le genre de filles qui insupportait la demoiselle, quasi automatiquement et avant tout par principe. Leurs caractères devaient sans doute être incompatibles, et ce n'était pas leurs dernières altercations (car ce n'était pas la première, et sans doute pas la dernière) qui lui avaient fait changer d'avis sur ce point. Ça n'avait fait qu'empirer les choses, dans son cas. Et tant pis si elle ne pouvait pas avoir grande crédibilité du haut de ses douze ans, ce n'était pas pour autant qu'elle comptait se laisser marcher sur les pieds. Et si Clio pouvait éviter de marcher sur les pieds de qui que ce soit, au passage.

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Q

ui avait permis à la jeune femme de lui prendre sa friandise des mains ? Personne, bien sûr. Si elle avait dû attendre une autorisation formelle pour faire tout ce qu'elle faisait, elle ne serait pas sortie de l'auberge. Elle avait juste voulu se montrer désagréable envers quelqu'un qu'elle n'appréciait pas, c'est tout, et puisqu'elle avait visiblement réussi son coup, elle était on ne peut plus satisfaite. Il n'y avait pas de quoi, mais elle s'en tapait. Son attitude avait dérangé son interlocutrice, et au final, c'était tout ce qui lui importait. Elle ne prit même pas la peine de répondre à sa question, donc, elle se contenta de lui adresser ce regard d'ange qu'elle aimait montrer quand elle agissait en vérité comme un petit démon. Sans rien faire de grave, certes, mais c'était déjà bien assez satisfaisant à ses yeux.

Elle ne perdit pas son sourire quand son interlocutrice se défendit de parler toute seule. Pour Cenlyn, le fait qu'elle se sente obligée de se justifier en disait déjà long, et pour tout dire, elle ne faisait pas réellement la différence entre le fait de parler toute seule et de dire ses pensées à haute voix. Ce n'était pas ça, parler toute seule ? Cenlyn lui adressa un regard sceptique qui, s'il pouvait parler, répliquerait certainement que "tu crois vraiment que tes pensées soient si intéressantes que tout le monde veuille les entendre ?". Et voilà qu'elle l'attaquait sur son âge ! En attendant, ça faisait longtemps que Cenlyn ne jouait plus à la poupée. Ce qu'elle n'était pas certaine d'avoir fait un jour. si c'était le cas, elle avait prit grand soin d'occulter cette information de son esprit. Elle évita, néanmoins, de préciser à son interlocutrice qu'elle n'était pas un bébé, si elle le faisait, ça prouverait justement qu'elle en était un, si son attitude immature de tout à l'heure n'y suffisait pas (d'ailleurs, la grimace qu'elle fit quand la jaune et noir lui reprit sa sucrerie ne témoignait absolument pas d'une grande maturité). Ce fut, toutefois, quand Clio évoqua les "parents" de Cenlyn que tout sourire disparut pour de bon du visage de cette-dernière.

-Ça va, prends pas la mouche ! Tu sais ce qu'on dit, hein, y'a que la vérité qui blesse.

Ça, c'était une pique pour reprendre un peu contenance, mais le fait est qu'elle avait en travers de la gorge la remarque qui avait été faite au sujet de ses parents, pas parce que ça mettait en exergue le fait qu'elle n'était encore qu'une gamine, du haut de ses douze ans, et que, en effet, elle dépendait complètement de la personne qui l'avait sous sa tutelle, mais parce qu'elle n'avait plus que sa mère, utiliser le terme de "parents", et les insulter au sens où elle affirmait qu'ils devraient avoir honte, c'était à ses yeux non seulement insulter sa mère, mais aussi salir la mémoire de son père. C'était chercher loin, oui, c'est sûr, mais Cenlyn était du genre susceptible, surtout sur certains sujets épineux.

-Et t'avises plus de parler de mes parents.

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S

i il y avait bien une chose qui insupportait Cenlyn (mais, soyons sérieux cinq minutes, il y en avait largement plus d'une, à la vérité), c'était qu'on utilise son âge comme prétexte pour la rabrouer. C'était de bonne guerre, c'est certain, d'autant que, du haut de ses douze ans, on pouvait bien la renvoyer aux gamineries qui étaient supposées être ses seuls centres d'intérêt (et effectivement, elle en affectionnait plusieurs), mais la jaune et noir s'était toujours sentie plus grande que ses douze ans, et elle détestait être prise de haut sous prétexte que son âge n'était pas le bon. Comme si on lui ôtait tout droit de parler tant qu'elle n'aurait pas cinq ans de plus. Elle n'avait pas l'intention d'être majeure pour s'exprimer (pour preuve, elle n'avait pas la langue dans sa poche), et elle considérait que son opinion était bonne à entendre dans tous les cas. Bref, la demoiselle était vexée (ce qui n'était pas une attitude très mature en soi, il est vrai... soit !), et Clio savait décidément parfaitement appuyer où cela déstabilise et fait mal, pour le plus grand déplaisir de la demoiselle qui en faisait les frais. Qu'on utilise son âge comme arme contre elle et qu'on salisse l'honneur de sa mère et la mémoire de son père, ça faisait beaucoup de griefs à porter d'un coup à son interlocutrice, et Cenlyn la détestait plus encore qu'avant, alors même qu'elle ne l'avait jamais franchement tenue en grande estime.

-Tu crois peut-être que ta parole a plus de valeur que la mienne ? répliqua-t-elle, les joues rosies comme à chaque fois qu'elle sentait la colère l'envahir. C'est quoi, tes problèmes, dans la vie, qu'est-ce qui te donne l'autorisation de penser ou d'exister ?

Non, c'est vrai, parce que pour l'heure, Clio n'avait absolument pas prouvé son utilité à Cenlyn. Cette dernière considérait en effet que chacun avait un rôle à tenir dans la vie, et elle pensait, aveuglée par la colère, que celui de la jeune femme à qui elle s'adressait était forcément nocif. Elle pouvait parler, certes. Elle n'avait rien accompli encore durant sa courte vie, et qui sait si elle accomplirait quoi que ce soit. Mais elle pensait l'inverse. Elle voulait suivre la même voie que sa mère (et en même temps refusait que sa mère reparte au front, Cenlyn Potter dans toutes ses contradictions), elle voulait débarrasser le monde de tout ce qui pouvait lui nuire, et elle était convaincue que Clio n'avait pas des objectifs aussi élevés. C'était penser sans la connaître, bien sûr, et Cenlyn faisait exactement ce qu'elle n'hésiterait pas à reprocher à d'autres : elle jugeait son interlocutrice sur l'apparence qu'elle lui renvoyait, et la demoiselle ne voyait en elle qu'une adolescente pourrie-gâtée qui pensait qu'absolument tout lui était dû.

-À part geindre au sujet de tes parents, tu sais rien faire. Désolée. Et elle n'était pas désolée bien sûr. Mais t'as aucun intérêt. Elle marqua une pause. Son regard noir et sa moue gamine altéraient sans nul doute son propos de pseudo dure à cuire haute comme trois pommes, mais tant pis. Et puis tu pourris mon oxygène.

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O

h non, la vie de Clio n'intéressait pas le moins du monde Cenlyn, et si elle avait évoqué cette-dernière, ce n'était pas par curiosité, c'était par pure et simple conviction et tout autant de mauvaise foi. Parce qu'elle avait la prétention de croire que sa vie à elle valait mieux que celle de cette grande peste prétentieuse, et que son sale caractère était le fruit d'une histoire banale. Bref, elle avait juste voulu mettre en exergue le sentiment que lui inspirait son interlocutrice. Celui de se trouvait face à quelqu'un de sérieusement insipide. Bien sûr, elle la jugeait sans rien savoir du tout d'elle, et elle tirait des plans sur la comète, encouragés par toute l'exaspération que lui inspirait son interlocutrice. Ce n'était pas sa vie, qui l'intéressait, non, mais au mieux sa personne... Parce que forcément, ce fort caractère qui agressait le sien ne la laissait pas indifférente. Elle préférait crever de l'admettre, mais elle ne perdrait pas son temps à parler avec elle si elle n'y trouvait vraiment pas l'ombre d'un intérêt.

-T'as raison, je t'adore. répliqua-t-elle avec grande ironie en levant les yeux au ciel. D'accord, en étant honnête cinq secondes, elle aurait reconnu qu'elle aurait passé son chemin si Clio lui inspirait vraiment si peu d'intérêt et rien d'autre qu'un ennui profond, la vérité, c'est qu'elle devait apprécier ces joutes verbales, quelque part. Et pourtant, pour le moment, elle ne trouvait rien d'appréciable à la situation, au contraire, elle se sentait saisie d'une colère profonde. Et si elle prolongeait la conversation, c'est que sa fierté mal placée la poussait à avoir le dernier mot. Mais ça, ce n'était pas forcément gagné. Sa jeunesse, sa susceptibilité et son impulsivité pourraient bien ne pas jouer en sa faveur, et franchement, voir son interlocutrice rire d'elle accentuait sa colère. Comment ne pas t'adorer ? Tu as toutes les qualités qu'on recherche chez une amie, la futilité, l'orgueil, le cerveau d'un botruc... Un sourire s'esquissa sur les lèvres de la demoiselle. Allez, calin !

C'était bien sûr dans l'unique but de l'agacer très profondément qu'elle se précipita alors dans ses bras, l'obligeant à une étreinte dont Clio ne devait absolument pas vouloir. Et tant mieux ! C'était bien là le but de la manoeuvre. Pourquoi ce calin soudainement surgi de nulle part ? Pas parce qu'elle éprouvait un soudain besoin d'affection, parce qu'elle avait effectivement envie de faire la paix avec celle qu'elle considérait comme "l'ennemie", ou parce qu'elle admettait que sa propension à l'envoyer sur les roses était la manifestation refoulée de l'admiration qu'elle pouvait avoir pour elle, non ! Juste parce qu'elle avait l'espoir que ce geste agacerait profondément Clio, et aussi qu'il la déstabiliserait, ne serait-ce qu'un peu. Il serait injuste, après tout, qu'elle soit la seule à subir cette impression désagréable. Elle devait reconnaître qu'elle était plutôt curieuse de découvrir quelle serait la réaction de Clio vis à vis de son geste. Elle espérait bien voir de nouvelles foudres s'abattre sur elle, cette fois elle saurait s'en amuser.

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U

n fin sourire, parfaitement amusé, ne put que se loger sur les lèvres de la demoiselle en voyant Clio se dégager aussi promptement que possible de l’étreinte que la jaune et noir lui avait imposée. Logique. Quelle autre réaction aurait-elle pu avoir ? C’était bel et bien celle que Cenlyn avait espéré obtenir. Elle n’était pas mécontente, d’ailleurs, que sa réaction soit à la hauteur de ses attentes, car elle n’aurait pas particulièrement aimé devoir prolonger ce calin trop longtemps. Elles avaient retrouvé une distance digne de leur animosité, et c’était une bonne chose, d’autant que Cenlyn appréciait de pouvoir observer en détail l’attitude de son interlocutrice. La toucher de nouveau ? Cenlyn n’y songeait surtout pas. Quoi que l’interdiction de Clio, mêlé à l’éternel et efficace esprit de contradiction de la demoiselle l’y invitaient des plus fortement. Par contre, devenir amie avec elle, ça non, elle n’y songeait pas. Elle ne concevait pas le moindre plan de l’existence dans lequel l’hypothèse d’une telle amitié puisse être concevable. Elles étaient faites pour s’écharper, l’une et l’autre, c’est une certitude, et leurs caractères positivement différents ne pouvait qu’y inviter plus encore. Non, amies, elles ne le seraient sans doute jamais, et c’était tant mieux. Il était bien plus amusant, au final, de se faire la guerre en continu. Cenlyn adressa un regard tout de même assez intrigué à Clio. Pensait-elle vraiment qu’elle était sérieuse en affirmant vouloir son amitié ? Où son usage de l’ironie avait-il atteint un point tel qu’elle ne faisait plus la distinction entre réalité et mensonge. Cenlyn ne saurait trop dire, mais dans tous les cas, elle était convaincue que l’ironie ne pouvait qu’être de mise dans une situation telle que celle-ci. Ce fut donc avec un faux air triste et contrit qu’elle reprit la parole. C’est vrai, elle devait quand même le reconnaître, elle s’amusait de ce genre de situations.

-Vraiment, tu me brises le cœur. Répliqua-t-elle sans rien en penser du tout. Avec qui je vais parler chiffons, dire du mal de tout le monde et me montrer hautaine avec moins abrutie que moi, maintenant ? demanda-t-elle ensuite, toujours sur le même ton.

Voilà en effet à peu de choses prêt la façon dont Cenlyn considérait son interlocutrice, une fille complètement superficielle qui n’avait d’autres préoccupations que de s’interroger sur la tenue qu’elle porterait le lendemain, d’une suffisance comme elle détestait, et incapable d’autre chose que de cracher son venin sur autrui en bonne petite peste qu’elle était. Forcément, avec une si basse opinion de son interlocutrice, il ne fallait pas s’étonner qu’elle ne soit que peu emballée par l’idée d’entretenir ne serait-ce qu’un début de commencement d’embryon d’amitié avec son interlocutrice. Elle saurait très bien s’en passer, c’est certain, et tant mieux pour tout le monde. Pour Clio, qui ne la voulait pas dans son sillage, pour Cenlyn qui ne le désirait pas davantage. Certaines personnes sont faites pour ne pas s’entendre et se cracher sans cesse à la figure jusqu’à ce que lassitude s’en suive. Il semblait que ce soit leur destin, à elles aussi.

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O

h, Clio avait bien raison (même si Cenlyn préfererait avaler de la viande de niffleur cru que de le reconnaître), la jeune fille ne savait absolument rien de son interlocutrice... Et pour cause, elle ne voulait rien savoir de plus que ce qu'elle avait l'impression d'avoir dors et déjà compris de la jaune et noir. Pourtant, elle était bien placée pour le savoir, toutes les pièces ont deux facettes, les gens n'étaient jamais globalement bons ou globalement mauvais, tout n'était pas noir ou blanc, il y avait également d'infinies nuances de gris. Cenlyn en était un exemple. Elle s'était forgée une carapace pour dissimuler aux autres tout ce qu'elle pouvait pourtant couver de douceur et de sensibilité. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'était plus simple. Il était probable que Clio fasse de même. Rares sont ceux qui nous connaissent vraiment, qui nous voient tels que nous sommes réellement. Et Cenlyn, qui s'était attardé à la surface, ne pouvait prétendre savoir quoi que ce soit de son interlocutrice. Mais en toute connaissance de cause, cela ne l'empêchait pas de la blâmer et de l'accuser. Pourquoi ? Parce que sa personnalité l'agaçait plus que profondément. Parce que ce qui transparaissait d'elle, au-delà de ce qu'elle était peut-être, lui renvoyait l'image d'une adolescente imbuvable qu'elle ne pouvait dès lors qu'assaillir de reproches et de noms d'oiseaux en tous genre (pour peu étendu qu'était son vocabulaire. Après tout, elle était encore jeune).

Cenlyn leva les yeux au ciel quand Clio répéta une nouvelle fois que la demoiselle n'était jamais qu'en âge de jouer à la poupée, ce qui ne manqua pas d'agacer la principale intéressée. Déjà parce qu'elle détestait que son âge soit utilisé comme une argument infaillible pour ne pas accorder d'égard à son opinion (même si, oui, c'est certain, elle était très jeune, et de la vie et de la nature humaine, même si elle en avait vu beaucoup, elle n'en savait pas tant que cela), ensuite, parce que même dans sa tendre enfance, Cenlyn Potter n'avait jamais joué à la poupée. Et ce n'était certainement pas maintenant, du haut de ses douze ans, qu'elle allait s'y mettre. Au fond, la jeune fille imaginait que si l'une des deux devait jouer à la poupée, c'était Clio. Elle la voyait bien maquiller ses poupées filiformes pour qu'elles soient à son image... Mais une fois encore, l'opinion de la jeune fille se fondait plus qu'autre chose sur un vide certain. Cenlyn n'apprécia pas davantage qu'on la qualifie, elle, d'hautaine, et elle ne manqua pas d'afficher une mine on ne peut plus offusquée. Même si, à cet instant et envers Clio du moins, Cenlyn devait être d'une prétention sans nom.

-Pour partager ton opinion, il faudrait déjà que t'en aies une, et je doute fort que ce soit le cas. Pour ça, il faudrait que tes neurones sachent se connecter de temps à autres.

Non, Cenlyn ne voulait pas en rester là. Pour elle, la guerre était déclarée... Si ce n'était pas le cas depuis longtemps déjà.

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C

enlyn avait de toute évidence cherché querelle auprès de Clio, c'était elle qui l'avait provoquée en premier lieu, en lui volant sa friandise alors qu'elle aurait tout simplement pu en récupérer une autre, la payer et passer son chemin. La vérité, c'est qu'elle avait dû avoir envie, tout simplement, d'échanger ce genre de joute verbale, pour passer ses nerfs sur quelqu'un, elle qui ne manquait pas d'être à cran dernièrement (et pour des raisons plus que compréhensibles, quand on savait tout ce qui n'avait que trop bouleversé sa vie ces derniers temps), et Clio, qu'elle n'appréciait déjà pas de base et qu'elle tenait pour une imbuvable prétentieuse, hautaine et désagréable, avait été pour elle la cliente idéale sur laquelle passer ses nerfs. Sauf que, bien sûr, la jaune et noir ne pouvait pas s'attendre à en mettre plein la tronche à son interlocutrice sans se prendre le revers de bâton en retour. Et parmi les réflexions que lui adressaient Clio, certaines ne manquaient pas de faire mouche, et au lieu d'améliorer son humeur, elle la rendait encore plus massacrante. Au final, elle ne trouvait certainement pas ce qu'elle était venue chercher. Il faudrait sans doute qu'elle renonce. D'autant que ce petit jeu lassait visiblement Clio, et que Cenlyn ne manquait pas d'être lassée, elle aussi. Cenlyn ne prit pas ombrage de la dernière remarque que lui fit son interlocutrice. C'était normal, qu'elle n'ait pas envie de perdre plus de temps avec elle, étant donné la nature de la discussion, et d'ailleurs, la demoiselle aussi était en train de se dire qu'elle ne perdait que trop de temps. Elle ferait mieux d'acheter ses bonbecs et de repartir aussitôt, le sucre lui remonterait peut-être plus aisément le moral qu'une bonne vieille dispute en bonne et due forme. Elle aurait pu ajouter une ou deux choses sur les neurones que Cenlyn cherchait toujours à son ennemie (parce qu'elle était d'une infinie mauvaise foi, cela va sans dire), mais il valait mieux arrêter ici les frais, d'autant que cet échange ne pourrait jamais qu'être stérile en plus d'être déplaisant.

-Dans ce cas, je ne voudrais pas t'accaparer et de t'empêcher de mener ta vie si palpitante. Bien sûr, elle était ironique, mais elle allait prendre congé de toute manière. De toute façon, je préfère m'en aller avant qu'il ne soit trop tard, j'aurais peur que ton idiotie soit contagieuse.

Une fois de plus, ce n'était jamais qu'une insulte facile, prononcée sans véritable fondement, pour le simple plaisir de se montrer désagréable. Soucieuse de prendre congé de son interlocutrice et non l'inverse (même si elle devait reconnaître à Clio qu'elle avait initié le mouvement, mais à ce stade, la mauvaise foi faisait de toute façon loi), elle se paya un sachet de friandise et ne tourna de nouveau son regard vers Clio que pour lui adresser ces quelques mots :

-À  la prochaine ! À mon avis, elle arrivera beaucoup trop vite.

C'était fort probable, ne serait-ce que dans la salle commune des Poufsouffle à la rentrée scolaire, somme toute. Armée de son paquet de friandises, elle se dirigea vers la sortie. Elle allait sûrement se poser à l'écart, loin de toute civilisation (si c'était possible, dans le coin) et se goinfrer de bonbons, ça n'avait pas l'air trop mal, comme programme.

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