La journée s'achève

Angus & Daphné

Plier, coudre, repriser, raccourcir, broder... Que le temps lui avait paru long ! Daphné serait toujours reconnaissante envers sa patronne de lui avoir laissée une chance de travailler. Sans son poste d'aide-couturière, Daphné n'aurait jamais pu joindre les deux bouts à la fin du mois. Mais lorsqu'elle devait travailler sur des robes ou des costumes, les aiguilles dorées de la pendule de l'arrière-boutique semblaient reculer à chaque fois. D'ordinaire appliquée dans ce qu'elle fait, coudre lui demandait un effort de concentration un peu trop poussé à son goût. Manier l'aiguille et le fil, ce n'était vraiment pas son truc. Mais elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour que le résultat soit à chaque impeccable. Elle ne voulait pas décevoir son employeur.
Il était presque 18 heures. Daphné terminait sa journée. Un peu plus tôt que d'habitude d'ailleurs, ses répétitions de ballet ont été déplacées à un autre jour. Elle avait reçu un hibou la veille pour la prévenir. Pour une fois, ce n'était pas plus mal, un peu de repos lui ferait le plus grand bien. Depuis son retour de France, ses journées étaient vraiment chargées. Jusque-là, elle avait tenu le coup. Malgré le silence de sa famille, elle gardait un moral au beau fixe.

Lorsqu'elle sortit de la boutique, le jour commençait déjà à tirer sa révérence. Un prélude à l'automne qui arrivait à grand pas. Le ciel couvert y était évidemment pour quelque chose. Les rues étaient bien remplies, ça grouillait de monde. Des couples qui faisaient des emplettes main dans la main, des jeunes enfants et leur mère, des gens qui sortaient du travail comme elle. Daphné pourrait passer des journées à regarder les londoniens. Elle inventerait des histoires pour chacun, elle imaginerait leur vie. Malheureusement, elle n'avait pas le temps pour des choses comme ça. Tous les jours, elle se contentait d'arpenter les rues de son petit appartement jusqu'à la boutique puis jusqu'à l'académie. Elle allait quelques fois voir son amie Illy, mais le bar où elle servait n'était pas des plus recommandables. Isham en était une preuve excellente...
Daphné se retourna un instant. Elle contemplait la jolie vitrine de Madame Guipure. Une des robes retint son attention. C'était une jolie robe de soirée en satin bleu roi. Cette robe, elle la connaissait bien car elle avait dû broder chaque petite perle du corsage. Et par Merlin il y en avait vraiment beaucoup ! Sa patronne n'avait pas voulu qu'elle se serve de la magie pour ce travail. Elle souhaitait avant tout qu'elle apprenne à faire ça seule, avec ses propres moyens. Ce fût laborieux mais finalement, le résultat était splendide. La jeune femme était plutôt fière d'elle.

Un coup d'épaule vint la sortir de ses pensées. Quelqu'un venait de la bousculer et ce quelqu'un n'avait même pas pris la peine de s'arrêter pour au moins s'excuser. Daphné n'eut même pas le temps de faire une réflexion. Quoi qu'elle n'aurait rien dit, comme d'habitude. Tant pis. Elle se retourna, prête à partir cette fois-ci, lorsqu'à son tour elle bouscula quelqu'un. Déséquilibrée, elle se rattrapa de justesse contre une vitre. Heureusement, elle ne s'étala pas par terre car elle aurait pu mourir de honte directement sur place : la personne qu'elle venait de bousculer n'était autre qu'Angus Davis. Angus... le garçon qui avait fait battre son cœur pendant ses années à Poudlard. Elle n'avait eut d'yeux que pour lui. 
Et à cet instant rien n'avait vraiment changé, elle n'osa pas ouvrir la bouche pour s'excuser, ce qu'elle aurait fait immédiatement en temps normal.

La journée s'achève

Angus & Daphné

- Vous pourriez regarder où vous allez tout de même !

Angus n'avait pas jeté un coup d’œil à Daphné. Elle le regarda ramasser l'un des sacs qui était tombé lors du choc. Si la jeune femme avait eu la pleine possession de ses moyens, elle l'aurait immédiatement aidé. Entre temps, elle avait viré au rouge. Comme d'habitude lorsqu'elle était embarrassée. Elle n'avait jamais réussi à se débarrasser de ce défaut. Car pour elle, c'était forcément un défaut. Elle n'arrivait pas à se maîtriser. Rien ne s'arrangea lorsqu'Angus se releva et sembla la reconnaître.

- Toi ! J'espère que tu ne l'as pas fait exprès...

Manifestement, le jeune homme n'avait pas oublié le « petit » incident lors du match Poufsouffle-Serdaigle. Ce jour-là, Daphné était venu encourager sa maison mais surtout, elle était venu pour voir Angus jouer. Pendant le jeu, il s'était approché de sa tribune. Et malgré les nombreuses acclamations, Daphné avait pris son courage à deux mains pour pouvoir crier « Allez Angus ! ». Et pour la première fois depuis qu'elle était à Poudlard, l'ancien Poufsouffle l'avait remarquée. Et même un peu trop car un cognard le heurta de plein fouet. L'équipe de Serdaigle avait pu l'emporter après cet incident. Daphné s'était sentie tellement honteuse à ce moment-là qu'elle n'avait pas eut le cran de venir s'excuser et de prendre de ses nouvelles. Il devait être furieux, elle ne préféra pas envenimer les choses. Surtout qu'elle n'aurait pas pu aligner un seul mot devant lui.
Sauf que dans l'immédiat, il fallait bien qu'elle lui réponde, histoire de ne pas ressembler à une cruche muette.

- Je... euh... non. Je suis désolée, je ne t'avais pas vu.

Quelle réponse intéressante. Il fallait qu'elle se ressaisisse un peu. Mais Daphné n'avait pas vraiment de réparti. Rien de lui venait spontanément. Elle se sentait toujours idiote quand elle ne savait pas quoi répondre. Surtout maintenant, face à lui.
Elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille, comme elle l'avait l'habitude de faire quand elle était gênée. Elle le regarda pendant un petit instant. Il n'avait pas changé depuis Poudlard. Elle le trouvait toujours aussi beau, ses yeux toujours aussi envoûtant et sa carrure toujours aussi sportive. Daphné, elle, restait toujours aussi intimidée, malheureusement. Encore plus après l'avoir bousculé. Quelle idiote, elle aurait pu faire un peu plus attention. Elle restait là à ne rien dire, parce qu'elle ne savait pas quoi dire.

- Quelque chose s'est cassé ? Lui demanda t-elle en désignant le sac qui était tombé par terre.

Même si Daphné comptait ses économies à chaque fois qu'elle allait faire les courses, elle rembourserait sans hésiter le jeune homme. Après tout, c'était de sa faute. Elle ne s'habituerait jamais à la foule qui envahissait le quartier sorcier en fin de journée. Il fallait regarder partout pour ne pas être bousculé et la plupart des gens ne faisait pas attention.
Enfin, au moins elle ne s'était pas blessée. La moindre foulure l'aurait écartée du ballet pendant quelques semaines. Daphné ne l'aurait pas supporté.

La journée s'achève

Angus & Daphné

- Pas grave.

Vraiment ? Pourtant le ton qu'Angus avait pris disait le contraire. Elle l'avait forcément mis de mauvaise humeur, tout était de sa faute. Elle tenta de lui sourire brièvement. Sa grand-mère lui avait toujours dit qu'un seul sourire pouvait faire beaucoup plus que des mots.  

Non, je crois que c'est bon, merci. Bon au moins c'était déjà ça.
Et toi, pas de mal ? Mes courses ont peut-être rencontré le sol mais de ton côté tu as bien failli t'encastrer dans le mur. Désolé pour ça.

C'est vrai que la chute s'annonçait rude. Mais Daphné avait acquis de très bons réflexes au cours des années. La danse classique lui avait appris à tomber et surtout à ne plus avoir peur de tomber. Peu de gens se rendent compte de cette peur. Pourtant elle est bien là à chaque instant.
Cette fois-ci, ses réflexes ne l'avaient pas trahie. Elle s'en était sortie indemne. Elle s'était même mise à rire en entendant la dernière phrase du jeune homme.

- Bizarrement tout va bien. J'ai eu de la chance ! Mais ne t'excuse pas, c'est moi... J'aurais dû faire plus attention.

Daphné ne voulait pas contrarier son interlocuteur. Depuis le temps qu'elle rêvait enfin qu'il lui adresse la parole, ce n'était sûrement pas pour qu'il se fâche contre elle.
La jeune femme n'arrêtait pas de se demander s'il connaissait au moins sont prénom. Elle ne lui avait jamais réellement parlé et elle avait été tellement discrète à Poudlard que son nom n'avait pas beaucoup circulé parmi les rumeurs qui faisaient rage à l'époque. Fallait-il qu'elle se présente quand même ? Daphné redoutait tellement d'être ridicule devant lui.

- Au fait, je... je ne sais pas si tu le sais mais m'appelle Daphné, hésita t-elle.

Au moins elle saurait s'il se souvenait d'elle ou pas. Quoi qu'à cause d'elle, Angus s'était pris un cognard en pleine tête. Ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait oublier si facilement. En tout cas Daphné s'en souvenait très bien. Si seulement elle avait eu le courage, ce jour-là, d'aller lui dire quelque chose. Ou au moins lui demander si ça allait. Elle n'avait pas été à Serdaigle pour rien. Après y avoir bien réfléchi, elle avait préféré l'éviter. Aujourd'hui, elle se sentait stupide d'avoir réagi comme ça. Sauf qu'il l'impressionnait tellement... Comment ne pas perdre la raison en face d'Angus. Daphné n'avait déjà pas assez confiance en elle en temps normal, mais là, c'était pire que tout. Elle n'arrivait pas à réfléchir de façon rationnelle. Tout ce qu'elle voulait, c'était lui faire une bonne impression.

- Je te dis ça parce qu'on était à Poudlard tous les deux et euh...

Oh non tais-toi Daphné, tu t'enfonce... Et d'une elle l'encourageait à se souvenir du match de Quidditch et elle n'avait pas envie qu'il s'en souvienne, de deux, si ça se trouve, il ne l'avait jamais remarqué et Daphné passerait encore une fois pour une pauvre cloche. Et puis peut être qu'il n'avait pas envie de discuter avec elle tout simplement. En somme, elle devait se taire, ça lui serait bénéfique.

La journée s'achève

Angus & Daphné

Daphné n'arrêtait pas de regretter ses mots. À chaque fois qu'une phrase sortait de sa bouche, elle passait pour une idiote. Cela ne servait à rien de se présenter et d'essayer de faire la conversation avec lui. Elle le retenait plus qu'autre chose. Il n'avait clairement pas envie de discuter, surtout avec elle. De toute manière, tout ce que la jeune danseuse disait n'était pas intéressant. Alors Angus prendrait tôt ou tard congé d'elle c'était certain. Pourquoi avait-il fallu qu'elle se présente. D'une, il ne devait certainement pas connaître son prénom et de deux, il s'en fichait pas mal c'était certain. Face à un garçon, Daphné était toujours mal à l'aise. Elle ne savait jamais quoi dire. Elle manquait cruellement de confiance en elle. Voilà pourquoi elle s'était faite toute discrète pendant ses années à Poudlard. Elle n'était pas sortie de sa coquille, elle n'avait jamais plongé dans l'inconnu. C'était bien trop angoissant et elle préférait sa petite zone de confort. D'ailleurs, elle ne s'était jamais rendu compte qu'elle vivait toujours dans sa zone de confort. Sauf quand il s'agissait du ballet bien entendu...

- D'accord, merci, je ne connaissais pas ton prénom. Moi c'est Angus, mais j'imagine que tu le sais déjà.

Elle était fixée maintenant. Non, il ne connaissait pas son prénom et non, il n'avait jamais cherché à le connaître. Bon, Daphné s'y attendait bien sûr. Elle avait l'habitude qu'on ne se souvienne pas d'elle. Mais tout de même, elle était déçue. Son côté romantique persistait toujours, malgré ses déceptions amoureuses. Lorsque le jeune homme se présenta, elle baissa les yeux. Bien sûr qu'elle savait qui il était et bien sûr, il faisait référence à ce fameux match de Quidditch. Elle acquiesça timidement, sans dire un mot.

- Et oui, je me souviens de toi, et surtout de ton coffre ! C'était un très joli cri, ça, je ne pourrais pas te l'enlever.

Bon eh bien, pour la confiance en soi, on reviendra... Daphné vira instantanément au rouge pivoine et ses yeux se rivèrent sur le pavé pour ne plus le quitter. Là tout de suite, elle aurait voulu mourir. Elle aurait pu d'ailleurs, si mourir de honte avait été possible. Au moins, Angus se souvenait d'elle, c'était déjà pas mal ! Oui, il se souvenait d'elle criant son prénom en plein match de Quidditch. Une véritable petite fan, c'est ce qu'elle était à l'époque. Une fan doublée d'une amoureuse éperdue qui plus est. Daphné ne savait plus où se mettre. Mais il ne fallait surtout pas qu'il se rende compte de sa gêne. Alors elle prit son courage à deux mains et elle releva les yeux vers lui. Elle s'apprêtait à dire quelque chose mais un fou rire la rattrapa et l'empêcha de dire quoi que ce soit. Se moquerait-elle d'elle-même ? Eh bien oui. C'était bien la première fois. Elle avait tellement l'habitude de se prendre au sérieux que cela lui faisait du bien de rire d'elle-même.

- Merci, parvint-elle enfin à placer une fois calmée. Même si j'aurais aimé que tu ne m'entendes pas ce jour-là... Tu avais fait une sacrée chute... Je ne me suis jamais excusée d'ailleurs, je ne suis pas très courageuse. Alors je le fais maintenant. Je suis désolée.

Des excuses pour quelque chose qui s'était passé il y a des années ? Vraiment elle s'améliorait. Elle avait peut être de l'avenir dans le théâtre après tout. Ça faisait presque dramatique de s'excuser après des années.