Depuis que les vacances s'étaient terminées, rien n'avait vraiment changé pour Iris. Rien n'avait changé depuis déjà quelques années en fait. Mais cela n'était pas important pour elle, bien au contraire. Elle se plaisait beaucoup dans la routine. C'était sécurisant et au moins elle était un peu sûre d'elle. Alors quand rien ne changeait, elle se sentait assez bien finalement. Seulement il y avait bien un petit truc qui avait changé. Cela ne la concernait pas vraiment en fait. Mais un peu tout de même parce que cela touchait l'école. Ils avaient perdu un professeur pendant ces vacances. Herbert Beery avait été congédié. Depuis qu'elle enseignait ici, il était le premier à s'être fait renvoyer. Et pourtant, d'autres étaient clairement moins bons professeurs. Mais c'était tombé sur lui quand même. Le pauvre. Il avait l'air gentil pourtant. Iris ne s'était jamais vraiment occupé de lui. Il s'était rapidement lié d'amitié avec le professeur Sundarkens. Elle avait donc préféré les laisser. Les relations humaines ce n'était pas son truc. Il n'était donc plus là. Cependant, à sa grande surprise, il avait été remplacé dès la rentrée. Iris avait pensé cela plus compliqué de trouver un remplaçant. Des rumeurs disaient que cela s'expliquait par le lien familial qu'il y avait entre cette femme et la mère d'un élève qui aurait des vues sur le directeur. Iris n'y croyait pas trop. Surtout à la deuxième partie de cette histoire en fait. Le directeur de Poudlard n'était pas un homme très attirant physiquement ni même une personne passionnante. Elle n'avait rien contre lui, pas du tout, au contraire, elle avait beaucoup de respect pour lui. Elle doutait simplement qu'une femme trouve encore un tel intérêt à sa personne. Quoi qu'il en soit, il devait effectivement y avoir un lien entre le nouveau professeur et l'un des élèves puisqu'ils portaient effectivement le même nom. Enfin, Iris ne se mêlerait pas de ces histoires de famille, ce n'était pas son genre. Elle avait déjà vu Anna Armyanski, elle lui avait déjà glissé un ou deux conseils, sans lui parler plus. Elle avait l'air plutôt gentille aussi. Mais elle avait un peu de mal au début. Si Iris avait bien tout compris... Anna n'était pas professeur... alors forcément...

Aujourd'hui, ce n'était pas Anna qui intéressait Iris. Non, aujourd'hui elle avait eut cours avec un autre Armyanski. Et c'était lui qui la préoccupait le plus en ce moment. Ses résultats avaient fortement baissé. Il avait l'air ailleurs. Ce qui n'était pas dans ses habitudes. Les élèves étaient nombreux à n'écouter qu'à moitié ce qu'elle disait. Mais lui faisait toujours l'effort de l'écouter. Ou au moins restait discret. Ce qui était déjà bien plus correct. Au fond, elle l'aimait bien ce jeune homme. Enfin, comme un professeur. Elle trouvait qu'il était sympathique comparé à d'autres et il était bon élève d'habitude. Du coup, elle se demandait ce qui se passait en ce moment pour le faire changer à ce point. Oui, Iris avait tendance à voir les problèmes des gens dans leurs attitudes et leurs regards. Elle ne pouvait rien deviner ni même être sûre de quoi que ce soit, mais c'était quelque chose qui la touchait. Elle ne supportait pas de voir un jeune se retrouver dans des problèmes que la plupart du temps il ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas s'empêcher de vouloir les aider. Bien souvent elle s'arrêtait là, à simplement vouloir aider. N'allant pas plus loin par crainte d'on ne sait pas bien quoi. Mais quoi qu'il en soit, cette fois, elle avait le sentiment que c'était important, et qu'elle devait au moins se demander ce qui n'allait pas. Aussi lui avait-elle gentiment et discrètement demandé de venir la voir à la fin du cours. Les convocation à haute et forte voix c'était pas son genre.

-Je vous ai demandé de venir parce que j'ai remarqué que vos résultats faiblissaient dernièrement. Je suis sûre que vous pourrez vous rattraper, vous n'êtes pas un élève problématique, loin de là... Je ne vous cache donc pas que je m'inquiète un peu pour vous, cela ne vous ressemble pas tout ça...

Pour ce qu'elle savait, Andreï Armyanski était un garçon discret mais appliqué. Il avait toujours eut de bons résultats. Pourquoi changer à la fois de comportement et de notes? Il devait y avoir quelque chose...

En règle générale, Iris se contentait de rester dans son coin bien sagement et de laisser le monde tourner autour sans y prendre part. Moins elle se mêlait aux autres, mieux elle se portait. Seulement, depuis quelques temps, elle avait décidé de faire un petit effort. Elle voulait essayer de se faire sa petite place dans tout ça. Parce qu'elle était consciente que c'était un handicap qu'elle s'était imposé. Elle n'irait pas tout de suite se mêler à la foule entourée d'une bande d'amis. Des amis pour le moment elle n'en avait pas vraiment de toute façon. Mais elle pourrait y aller doucement et peut-être qu'un jour elle pourrait aller se balader en ville sans avoir à regarder partout autour d'elle de peur qu'il se passe quelque chose.

Iris avait pensé qu'essayer de faire quelque chose pour Andreï serait un bon début. Parce qu'elle l'avait toujours vu comme un garçon charmant même si un peu discret... oui oui, un peu comme elle quelque part. Alors s'intéresser à lui était un bon début. Et puis, il avait vraiment l'air perturbé ces derniers temps. Elle ne savait pas si d'autres professeurs avaient déjà pris le temps de s'occuper de lui. Ou même simplement de se demander si quelque chose clochait. Pour elle, il avait des problèmes. Elle ne s'attendait pas à le voir lui raconter toute sa vie et ses problèmes, de toute manière ce n'était pas ce qu'ele voulait. La jeune femme se sentirait trop mal d'entrer ainsi dans la vie de gens qu'elle ne connaissait pas. Mais elle se disait que peut-être elle pourrait essayer de l'aider scolairement parlant. Iris avait essayé de lui parler doucement, gentiment, pour qu'il comprenne qu'elle voulait l'aider... étrangement tout ne se passa pas comme elle l'avait imaginé... comme un peu tout ce qu'elle planifiait, oui, aussi...

-Qu'est-ce ce que vous en savez, de ce qui me ressemble ou pas ? Qu'est-ce que vous en savez, de moi ?

Effectivement pas grand chose. Mais ce n'était pas vraiment cela qu'elle avait réalisé en premier. Iris fut d'abord plus que surprise par le ton qu'il employait. En définitive Iris était toujours une petite chose fragile. Et si elle voulait faire des efforts, là elle ne parvenait qu'à se sentir agressée. De toute façon à chaque fois qu'elle tentait quelque chose ça se terminait mal. C'était décourageant. Il n'était pas le premier. Et il ne serait certainement pas le dernier. C'était un peu tout ce que pouvait espérer Iris de ses élèves maintenant. Alors finalement ce n'était pas si surprenant. Mais pour le coup, elle ne s'était pas du tout attendu à cela venant de lui. Elle bredouilla quelques petites choses incompréhensibles avant qu'il reprenne.

-C'est pas la peine de vous inquiéter pour moi. Vous occupez pas de moi, ça ira tout aussi bien, pas besoin de vous donner bonne conscience.

C'était ça se faire envoyer bouler. Et bien, hein, pas qu'un peu. Non, vraiment, elle ne s'y était pas attendu du tout. Et elle ne pouvait absolument rien répondre à cela. Il n'y avait rien à dire à cela. Effectivement elle n'était qu'un professeur. Un professeur parmi tout les autres. Avec plus d'élèves qu'on pouvait l'imaginer. En clair, il lui avait totalement retiré toute la motivation qu'elle avait eut. Et plus encore. Elle ne savait plus du tout où se mettre. Iris était incapable de faire quoi que ce soit. D'ailleurs elle resta bloquée quelques instants.

-Pardon je... vous avez raison j'ai... vous pouvez y aller...

Après une telle réponse elle ne pouvait pas insister. C'était le retour de la petite souris qui mourrait d'envie d'aller se cacher. Et puis de toute façon, si il voulait se confier, il avait toujours sa tante. Cela serait sans doute plus approprié. Oui, Iris avait fait une bêtise en voulant essayer de comprendre. Elle ne le pouvait effectivement pas. Et après cette expériences, elle ne prendrait pas le risque de recommencer. Iris ramassa les quelques livres qui étaient sur son bureau pour les ranger dans les placards. Au moins comme cela elle ne voyait plus Andreï qui devait être dans son dos jusqu'à ce qu'il soit sorti. Après quoi elle irait se terrer au fond de ses appartement quelques heures. Ah ça lui apprendra à vouloir essayer de se sociabiliser...

Parler était quelque chose dont Iris était tout à fait capable. Mais il y avait un certain nombre de discours différents et possible. Elle parlait pour ses cours, parlait parfois à ses collègues les plus doux et calmes, parlait pour dire ce qu'elle voulait lorsqu'elle faisait ses courses ou autre banalités du genre. Mais elle ne parlait pas aux gens de manière personnelle. Elle ne leur demandait pas comment ils allaient, ne cherchait pas à savoir si ils avaient un problème quelconque et autre conversation un peu moins banales. Seulement voilà, Iris avait essayé de le faire parce qu'elle avait été touchée par l'un de ses élèves qu'elle sentait en difficultés. Pourtant elle avait une sorte de don pour sentir ce genre de choses. La possibilité de voir le trouble des gens que d'autres ne voyaient pas. Le langage de leur corps lui parlait parfois bien plus que leurs mots.

Mais dans le cas du jeune Armyanski, pas besoin d'être particulièrement douée pour voir qu'il avait un problème. Peut-être pas grand chose. Ou au contraire quelque chose d'horrible. Mais il se passait quelque chose avec lui. Et Iris avait eut envie de faire un effort pour lui. Elle avait essayé de le faire parler, de lui apparaître comme une femme gentille qui cherchait à lui faire du bien. Elle voulait juste l'aider, quoi qu'il puisse lui arriver. En fait, elle avait simplement pensé qu'il l'éviterait, qu'elle parlerait dans le vide, et qu'il partirait tranquillement. Ou alors qu'il l'écouterait et lui parlerait, même si avec une femme comme elle, ce n'était pas ce qu'on pensait faire en premier. Mais il n'avait fait ni l'un no l'autre.

Ce charmant garçon qu'Iris avait cru voir n'était en fait pas du tout là. Andreï lui avait donné ce qu'elle prenait un peu comme une grande gifle. Il n'avait pas même cherché à l'entendre. Ce garçon l'avait juste envoyé bouler. C'était une réaction à laquelle elle ne s'était pas du tout attendu. Et cela faisait même assez mal. Elle avait pensé que lui, il était plutôt gentil et qu'il avait un minimum de considération pour elle et ce qu'elle faisait. Mais en fait il avait l'air de se contenter de suivre les cours, et encore. Quel dommage... alors elle avait laissé tomber. Il lui faisait même un peu peur maintenant. Il était imprévisible. Elle n'avait pas tout vu. Elle n'avait pas compris tout ce que ce corps avait à dire. Et si elle avait vu la détresse, elle n'avait pas vu l'agressivité qui était pourtant venue avant vers le professeur.

-C’est tout ?

Iris se sentait déjà assez coupable. Elle n'avait pas osé aller plus loin. Elle avait eut peur. C'était idiot, mais c'était comme ça. Et en tant que professeur, elle devait peut-être insister un peu. Seulement voilà, elle ne voulait pas insister. Parce que si jamais il n'aimait pas son discours ou tout simplement être seul avec elle et parler, alors elle serait dans une position délicate qui ne lui plairait pas. Elle ne se tourna pas pour autant. Oui, c'était tout, elle n'avait rien à ajouter. Qu'il s'en aille, puisque c'était ce qu'il voulait faire ne premier lieu. Elle ne le retiendrait pas.

-Vous allez pas insister plus ?

Qu'il insiste ainsi avait tendance à perdre un peu Iris. Il li avait dit de ne pas insister. Alors pourquoi est-ce qu'il le faisait maintenant? Non, vraiment, elle ne suivait pas ce garçon. Lui qui avait été si direct avec elle devenait presque doux maintenant, curieux... elle ne comprenait rien. Iris se tourna timidement vers lui, un peu perdue par ses réactions...

-Et bien je... Je croyais que vous vouliez partir...

Iris s'assit à son bureau. Elle ne comprenait pas. Il était vraiment compliqué ce garçon. Et elle ne savait pas bien où il allait finir par arriver mais quoi qu'il en soit elle serait mieux assise.

-Je suis désolée mais... je ne vous suis pas bien.

En règle générale, Iris Sanders était une femme intelligente, clairvoyante et toujours des plus modestes. Autant dire qu’avec Andreï, elle changeait un peu. Elle devenait perplexe, timide voire même un peu impressionnée. Etrange de voir à quel point un garçon comme lui pouvait lui faire changer ses habitudes. C’était surtout sa réaction qui avait fait tout drôle au professeur. D’habitude, soit on ne prenait même pas le temps de l’écouter, soit au contraire on attendait qu’elle ait fini pour partir sans avoir retenu grand-chose de ce qu’elle avait dit. Dans le cas d’Andreï, il avait régit de telle sorte que maintenant, c’était lui qui tenait les rênes. Etrange n’est-ce pas? En fait pas tant que cela. Iris était une femme qui restait logique… à sa manière. L’agressivité la poussait à se plier au bon vouloir de celui qui l’avait été. Celui d’Andreï donc, qui lui disait ne pas vouloir rester et l’écouter une seconde de plus. Trop sensible. Iris était définitivement beaucoup trop sensible. Si ils savaient. Si ils savaient tous, à quel point il était facile de l’avoir. Elle ne serait certainement plus à Poudlard si ils avaient appris. Elle était comme ça, elle ne savait pas lutter. C’était arrivé, à de très rares occasions. Mais après elle avait eu des remords. Trop attentionnée et bien trop gentille. Un mélange plus qu’explosif tout ça…

Andreï ne savait sans doute pas ce qu’il avait en main. Un mot et il la ferait s’agenouiller devant lui. Une phrase et elle pleurerait en lui demandant pardon. Qu’il s’emporte et elle s’effondrerait. Heureusement pour Iris, elle avait eu un peu raison. Andreï Armyanski n’était fondamentalement pas quelqu’un de méchant. Une chance, vraiment. Parce que maintenant, elle était vraiment perdue. Il la déstabilisait, et très facilement. Elle avait eu l’impression de pouvoir le comprendre, et puis non, et puis si… il devenait compliqué de s’y retrouver avec tous ces changements! Un autre professeur aurait sans doute puni ce garçon pour lui avoir parlé de la sorte. Mais pas elle. Parce qu’il l’avait pris par surprise (et qu’elle avait peur des représailles…). Iris se retrouvait donc assise à son bureau, attendant de savoir ce qu’il avait en tête à la fin…

-Ben... généralement, quand un professeur demande à parler à l'un de ses élèves, il laisse pas tomber sous prétexte que l'élève en a pas envie. J'veux dire... Un élève a jamais envie de causer à son prof, c'est genre... une règle d'or, vous voyez...

On aurait dit qu’il lui parlait une autre langue. Iris le regardait sans vraiment comprendre. Elle comprenait ce qu’il disait, les mots qui franchissaient ses lèvres. Mais le sens de ces paroles lui échappaient un peu. Comment était-il passé de paroles si agressives à un ton si doux. Elle ne le comprenait pas. Et cela lui faisait un peu peur. Comment prévoir ce qu’il ferait si elle n’était pas capable de savoir où il la menait simplement par les mots.

-Oui je… je vois.

Admettons. Admettons qu’elle comprenne ce qu’il voulait dire. Les rôles n’étaient-ils pas inversés? Agissait-elle encore comme un professeur ou était-elle finalement devenue l’élève? Idée perturbante qu’il fallait pourtant envisager maintenant. Il fallait qu’elle se ressaisisse. Seulement, maintenant, lorsqu’elle levait les yeux vers lui, elle ne voyait que son refus et laissait tomber. Faible, voilà tout ce qu’elle trouvait pour se définir maintenant… c’était tout de même triste.

-Bon, je vous laisse quelques minutes, d'accord ? Posez moi les questions que vous avez à poser, faites moi les remarques que vous avez à me faire, et on n'en parle plus. Ça marche ?

Andreï s’était assis face à elle finalement. Il lui laissait une seconde chance. Tableau assez pathétique en fait. Mais tant pis. Elle avait peut-être besoin de ça en fait. Qu’on la pousse un peu. Iris essaya de faire comme si il ne s’était rien passé, de reprendre du début. Elle le fit le plus discrètement possible, mais il lui fallait récupérer un peu de son courage déjà bien maigre. Il fallait qu’elle reprenne sa place.

-Et bien… même si je peux effectivement pas prétendre vous connaître, j’avais l’impression que quelque chose n’allait pas…

Une première étape. Lui accorder ce qu’il fallait effectivement reconnaître sans pour autant tout lui céder. Iris était craintive, elle n’était pas pour autant aveugle. Elle voyait bien qu’Andreï n’était pas en forme. Elle restait très douce avec lui. La jeune femme n’était pas rancunière, elle ne lui en voulait pas d’avoir essayé d’éviter la conversation. Au fond, c’était sans doute cela qu’il avait voulu en premier lieu.

-J’imagine que d’autres vous l’ont déjà proposé… mais si je peux vous aider?..

C’était un peu idiot de dire cela maintenant. Pourtant elle voulait sincèrement faire quelque chose pour lui si il y avait quelque chose à faire. Ça, de toute façon, ça serait à lui de le décider.

-Je ne peux pas savoir à votre place ce dont vous avez besoin. Je vous demande simplement de garder à l’esprit que vous n’êtes pas totalement seul…

Iris osa un petit sourire timide. Elle pensait avoir repris ses marques. Elle était repassé au-dessus. A lui de voir si il avait eu raison de la laisser faire ou non.

Iris le savait bien. Le peu de personnes au courant de son existence ne l'appréciaient pas particulièrement. Soit il s'en moquaient complètement, soit il la trouvaient trop bizarre. Elle était particulièrement discrète, n'en disait que le moins possible sur elle, refusant la plupart des contacts humains qu'elle pourrait avoir tout de même. Tout cela la rendant tout sauf attirante aux yeux d'un peu tout le monde. Voire même un peu étrange. Le genre de professeur dont on n'hésite pas à se moquer parce que de toute façon elle ne le voit pas. Sauf qu'elle le voyait très bien. Elle ne disait rien, mais Iris savait très bien ce que l'on disait d'elle. Cela ne lui faisait pas particulièrement plaisir, mais qu'elle dise quelque chose ne servirait pas à grand chose. Sans compter qu'elle n'avait rien à leur dire. Ils ne la connaissaient pas, et ils ne devaient pas le savoir. Elle préférait encore qu'ils se moquent d'elle et disent qu'elle était nulle plutôt que leur dire le pourquoi du comment. Cela ne les regardait en rien. Cela ne regardait personne.

Andreï était un premier pas qu'Iris voulait faire vers les autres. Elle avait eu bien du mal à lui parler d'ailleurs. Au début, il lui avait fait comprendre qu'elle ferait mieux d'aller se faire voir. Ce n'était peut-être pas faux. Et Iris avait été plus que tentée de le faire. Mais finalement il était revenu vers elle. Iris lui avait proposé une aide qu'elle n'était même pas certaine de pouvoir vraiment lui fournir, même si elle en avait l'envie. Après tout, Iris était quand même une gentille et attentionnée à la base. Mais bon, elle verrait. Il n'avait encore donné aucune réponse.

-Je vous remercie. Mais je vois pas vraiment comment vous pourriez m'aider...

Si en plus Andreï avait des problèmes trop imposants, Iris aurait effectivement du mal à faire quoi que ce soit. Et puis, elle ne le forçait à rien non plus. Après tout, c'était lui qui décidait. Mais elle s'en voudrait si, plus tard, elle apprenait qu'elle aurait pu l'aider, et qu'elle n'avait rien essayé, elle aurait du mal à l'accepter. Parce qu'au fond, c'était aussi elle qui ne faisait pas l'effort d'insister. Les autres professeurs l'avaient sans doute déjà fait. Mais pas elle. Iris restait toujours en retard par rapport aux autres à ce niveau. Parce qu'elle n'osait rien. Alors qu'elle voyait sans doute les problèmes avant les autres.

-Ah si, vous pourriez demander à vos collègues de me lâcher la grappe, ça me ferait des vacances.

Cette remarque la fit un peu sourire, malgré elle. Iris savait par expérience que ses collègues pouvaient être particulièrement lourds quand ils le voulaient. Elle pensait avant et surtout au professeur de potions. Lui, elle l'évitait le plus possible. Elle ne l'aimait pas. Il lui faisait même un peur peur. Alors pour continuer sur sa lancé et essayer d'être agréable pour Andreï, ce qui changerait certainement de ses habitudes, elle décida de lui répondre entre confidence et plaisanterie.

-Je ne suis pas certaine qu'ils m'écoutent. La technique que je vous conseil, c'est de les éviter. C'est plus difficile qu'il n'y parait, j'ai des années de pratique derrière moi.

Cet air à la fois sérieux et caricatural, Iris n'avait pas du tout l'habitude de le porter. Mais elle essayait. Pourquoi pas après tout. Andreï avait fait les choses de façon différente. Pourquoi pas elle?

Iris n'était pas du genre à aller vers les autres, leur parler d'elle pendant des heures, tout leur dire de sa journée, et tout ce que beaucoup d'autres professeurs faisaient souvent. Elle ne se plaignait que très rarement, pour commencer, ce qui n'était pas le cas de tout les adultes de ce château. Et puis surtout, elle savait rester discrète. Certains auraient bien besoin de faire un peu comme elle de temps en temps. Enfin, c'était leur problème. Mais tout cela ne voulait pas dire qu'iris était une femme morne et ennuyeuse. Pas du tout, elle avait tout de même de l'humour. Et si elle avait des amis, ils la trouveraient certainement adorable. Bon, elle n'en avait pas vraiment, mais c'était principalement son choix à elle. Choix qu'elle essayait de changer doucement en ce moment. Elle avait même parlé un certain temps avec Gabrielle. C'était plutôt un bon départ. Et puis cela s'était plutôt bien passé aussi.

Avec Andreï, c'était visiblement plus délicat. Mais maintenant qu'ils savaient à peu près à quoi s'attendre, ça avait l'air d'aller un peu mieux. Iris avait même tenté une petit touche d'humour. Le succès n'était pas garanti, c'est certain, mais elle avait essayé. Et puis, visiblement, c'était bien passé quand même. Elle avait bien l'impression de voir un léger sourire sur le visage d'Andreï. Oui, un léger sourire. Pas mal pour une femme qui ne parlait pas, hein? Oui, là, elle était plutôt fière d'elle. Surtout qu'elle ne le voyait pas sourire souvent, même aussi peu. Alors Iris était contente de voir que c'était encore possible. La classe, non?

-Donc vous me suggérez de ne plus aller en cours ?

Euh... pas tout à fait, non. Bon, Iris avait bien vu que c'était de l'humour aussi, et donc une victoire au passage... mais du coup c'était pas tout à fait ça. Elle ne pouvait quand même pas lui dire comme ça se sécher les cours. Surtout qu'elle lui en donnait aussi, des cours... Bah oui, forcément, c'était pas ce qu'elle voulait. Mais bon, il y avait des façons de dire les choses. Et si il le prenait avec humour, autant continuer. Être le professeur qui faisait les réflexions désagréables et les remontrances, à la base, c'était pas son truc du tout. Alors si en plus il le prenait bien, autant continuer gentiment...

-Uhm... Pas exactement non.

Concrètement, elle n'avait aucune emprise sur lui, et ne cherchait pas particulièrement à en avoir. Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait prétendre avoir. Enfin bon, Iris n'était pas quelqu'un d'énervant de toute façon. Et Andreï, maintenant qu'ils étaient plus calmes, avait effectivement l'air d'être un garçon plutôt gentil. Elle était un peu soulagée de voir qu'elle ne s'était pas totalement trompé dans les premiers temps.

-Vous feriez sans doute un très bon avocat, ils adorent faire dire aux gens ce qu'ils n'ont pas dit. Ou un journaliste peut-être, ils sont doués dans l'exercice aussi...

Iris souriait largement maintenant, elle se sentait un peu mieux. Tant mieux ceci dit, si elle avait gardé ce malaise, cela aurait été moins bien pour la suite. Andreï aurait pu penser pas mal de choses. Et puis elle n'aurait rien pu dire contre. Mais bon, ça avait l'air de bien se passer.

Iris et l'humour ce n'était pas trop ça. Rien de très étonnant. Quand avait-elle était confrontée à l'humour, le vrai, celui qui marche? Bonne question n'est-ce pas? Et bien voilà, en l'absence de réponse, vous avez une explication pour son manque total de capacités humoristiques. Mais ce qu'il fallait voir ici, c'était l'effort. Elle avait essayé parce qu'elle était pleine de bonne volonté et qu'elle avait décidé de faire ces efforts. Andreï ne le voyait peut-être pas, probablement pas d'ailleurs, mais le principal était qu'Iris le sente et en soit satisfaite. L'humour c'était important mais il ne fallait rien abuser non plus en fait. Si elle y arrivait pour le moment cela ne voulait pas non plus dire qu'elle le ferait tout le temps d'ailleurs. Comme tout le monde Iris avait des hauts et des bas. Si elle était en haut pour le moment, rien n'indiquait qu'elle le resterait indéfiniment. D'ailleurs cela ne serait pas juste...

Ils étaient donc en train de plaisanter, à leur manière, certes. Au final cela se passait bien. Iris était bien moins stressée, son élève semblait également ne pas avoir à se plaindre. Elle y faisait un peu attention de toute manière. Le mettre mal à l'aise n'était clairement pas le but de son professeur. Flatter Andreï Armyanski n'était pas la chose la plus compliquée du monde en définitive. Pourtant elle ne serait pas capable de le faire sur un autre ton que celui de l'humour. Que ce soit lui ou quelqu'un d'autre d'ailleurs. Elle ne se le permettrait pas. C'était très personnel comme paroles, elle ne voulait pas entrer à ce point dans leur vie. Même si au final, elle pourrait faire un compliment sans aucune gêne et à presque tout le monde.

-Je serais nullissime dans les deux professions, à tous les coups.

Certes mais qu'il prenne la remarque avec le sourire et ne se vexe pas montrait au moins qu'il n'avait pas mal interprété les choses. Une autre petite victoire, pas bien glorieuse, mais tout de même. Ce n'était pas négligeable pour elle. Iris eu même un sourire à la réponse de son élève. Le genre à venir tout seul sans vraiment qu'on le remarque. Les petits discrets qui n'étaient généralement pas mal pris et qui passaient un peu tout seuls. Ceux fragiles aussi parfois. Que l'on pouvait perdre très facilement.

-Bon, je fais comment, pour les éviter, mes profs ? Je rase les murs ? Je m'enferme dans ma salle commune ? Même là ils seraient capables de venir me chercher.

Ah, là c'était une question tactique, presque militaire tout ça. Il fallait faire attention à beaucoup de choses. Parfois auxquelles d'autres ne penseraient pas. Mais depuis le temps qu'Iris évitait ses professeurs puis ses collègues, elle savait un peu quelles étaient les techniques plus ou moins sûres.

-Ah oui, certains vont très loin quand ils veulent voir quelqu'un.

Iris soupira un peu. Elle pensait surtout au maître des potions qui voulait souvent parler à des personnes qui ne le voulaient pas. Et il venait chercher ses pauvres victimes dans leurs meilleures cachètes.

-Sortez rapidement à la fin des cours, quitte à en anticiper la fin en rangeant certaines de vos affaires. Ne prenez pas les couloirs fréquentés quand vous savez qu'on vous cherche, c'est déjà moins évident. Et puis si jamais vous pouvez toujours venir ici. Très peu de mes collègues viennent ici et moi-même je n'y suis pas si souvent...

Quitte à être seule, autant l'être dans ses appartements, c'était son avis...

Il arrivait qu'on la trouve étrange. Voire même bizarre. C'était en fait assez vrai, Iris était la première à l'admettre. Elle savait qu'elle ne faisait pas tout comme tout le monde. Et les réactions parfois un peu rapides n'arrangeaient pas sa réputation. Les élèves avaient bien souvent une imagination très fertile lorsqu'il s'agissait de leurs professeurs. Alors au moins geste un peu particulier il arrivait à Iris d'être un peu tout et n'importe quoi. Elle savait même que certains la croyaient schizophrène. Ou encore loup-garou. Pour presque rien en plus. Juste parce qu'elle était un peu particulière. Mais ce n'était pas si grave en fait, elle ne leur ferait jamais de mal non plus. En fait, ils ne devraient même pas avoir à s'en mêler. Mais il fallait qu'ils se mêlent de tout alors ce n'était pas comme si elle pouvait y faire grand chose. Et puis, en même temps, même elle ne s'avouait pas tout. Certaines choses restaient un peu trop compliquées et elle n'en avait tout simplement pas toujours l'envie. Parce qu'il fallait aussi un peu de volonté et que ce n'était pas son point fort.

Mais en ce moment, de la volonté, elle voulait croire qu'elle en avait un peu plus. Iris voulait sortir un peu de cette spirale infernale. Elle n'était pas sûre d'y arriver. Il lui arrivait aussi de se demander pourquoi elle essayait, si elle avait vraiment besoin d'essayer. Mais au bout d'un moment elle revenait sur son idée et tentait des choses. De petites choses, il ne faut pas abuser. C'était déjà beaucoup pour elle, Iris était facilement impressionnable. Ce qu'il fallait accessoirement penser à corriger aussi. Et cette fois c'était avec Andreï Armyanski qu'elle faisait ses petits tests. Là encore ce n'était pas non plus extrêmement difficile à la base. Disons simplement que le départ avait été un peu difficile. Maintenant, cela avait l'air d'aller. Ils s'essayaient même à l'humour. Forcément elle était déjà plus détendue. Ce qui ne pouvait que l'aider. Et cela aiderait certainement Andreï aussi. Il avait l'air de tout le temps faire la tête alors se détendre, même juste un peu, Iris pensait que cela ne pouvait pas lui faire de mal non plus...

-Bon, ça me coûte rien d'essayer de toute manière

C'est certain. De toute façon, il faisait ce qu'il voulait. Pour une fois qu'Iris se moquait qu'un de ses élèves fasse quelque chose qu'elle avait dit ou non. De toute façon, c'était pour lui. Même si pour le coup, si ce jeune homme s'en sortait grâce à ses conseils à elle, cela serait plus que satisfaisant. Ceci dit, elle était un minimum réaliste et savait qu'elle ne venait pas non plus de lui sauver la vie.

-N'empêche, pour une prof qui m'a demandé de rester à la fin du cours, vous avez de bons conseils pour que je ne recommence plus à laisser le moindre prof m'adresser la parole.

Amusant comme réflexion. Mais au moins il lui signifiait clairement même si un peu dissimulé qu'elle avait de bons conseils. C'était toujours ça de pris en fait.

-C'est gentil. Mais si vous voulez que ça marche, il va falloir chercher à connaître des choses sur vos professeurs. Pas leur surnom ou le nom de leur premier poisson rouge, ça n'a aucun intérêt. Je pense plutôt à ce qui les dissuaderait de vous parler.

Un genre de complément d'information. Si on parlait à quelqu'un de quelque chose qui ne lui parlait pas ou lui déplaisait, il était fréquent qu'il laisse tomber. Là encore, Andreï verrait bien sur le moment...

-Allez pas croire pour autant que ça m'emmerde pas, tout ça mais... merci... vous êtes plutôt cool.

Iris eut un rire un peu plus franc. C'était assez drôle de l'entendre dire ça. Et en même temps c'était gentil. Elle devait bien le reconnaître. Alors c'est avec un regard malicieux et toujours amusé qu'elle lui répondit.

-Et pourun élève qualifié difficile je vous trouve bien courtois avec votre professeur.

Elle ne lui demandait pas de l'insulter, Iris notait simplement qu'au final, elle appréciait qu'il ne soit pas si difficile qu'on le disait depuis quelques temps...