Se retrouver en présence d’Anna lui faisait un bien fou, bien plus qu’elle ne l’aurait supposé en se rendant chez son amie. Elle avait été certaine qu’elle passerait un bon moment, comme à chaque fois qu’elle voyait son interlocutrice, mais elle ne s’était pas imaginée que leur conversation puisse être à ce point agréable et libératrice.

Ce n’était pas seulement une conversation aimable entre deux amies proches, qui bavardaient de tout et de rien entre deux tasses de thé. Ce genre de situations avait toujours pour résultat des conversations creuses et sans substance. On se donnait l’impression d’avancer, enfermés dans des bulles, mais ce n’était pas le cas. Ce n’était pas ce qu’elle éprouvait là maintenant.

Leurs discussions n’étaient pas vaines ou inutiles, et Lindsay prenait pleinement conscience de ce que chacune pouvait apporter à l’autre. Sans lui avoir tout apprit de ses maux, elle lui avait révélé quand même plusieurs de ses tourments, et cela avait permis à Lindsay de la soutenir et de la conforter dans ses choix, ses décisions. La commerçante voulait vraiment croire qu’elle avait pu être utile à Anna, lui permettre de relativiser, de positiver, de se sentir mieux.

Elle voulait le croire d’autant plus que, de son côté, c’était bel et bien ce qui s’était passé. Elle lui avait fait part de ses ennuis, de ses problèmes, de l’impasse dans laquelle elle avait l’impression de se trouver, et Anna avait réussi à trouver les mots justes pour l’apaiser pour de bon. Ou en tous cas pour un moment.

Et maintenant, elle avait le sourire bien plus facile que ces dernières semaines. Elle qui avait toujours croqué la vie à pleine dents se sentait si soulagée de comprendre que sa bonne humeur n’était pas partie au loin sans possibilités de retour, qu’elle avait plus à offrir que ce qu’elle pensait à son enfant à naître.

Enfin, et grâce à Anna, elle parvenait à faire ce que toute mère en devenir devrait être capable de faire sans qu’elle y ait jamais réussi, accaparée par les tensions présentes dans son couple : elle se projetait. Et que cela pouvait être agréable. Elle s’y voyait comme si elle s’y trouvait : sur un banc, à bavarder avec Anna, profitant des rayons du soleil pendant que les enfants joueraient au parc.

-Oui, tu as raison. Et puis, ils iront peut-être à l'école ensemble si les âges sont proches. Même si je t'avoue que je me moque de l'âge de l'enfant que l'on me confiera.

Lindsay comprenait parfaitement où Anna voulait en venir. Ce que cette dernière voulait, c’était pouvoir enfin quelque chose du trop-plein d’amour qu’elle éprouvait, de cet instinct maternel comme gravé dans ses veines. Lindsay était passée par là, elle comprenait complètement.

"Tu sais, Anna. Quelque soit l’âge, le sexe, ou la nationalité de cet enfant, il sera le plus chanceux qu’on puisse imaginer, puisqu’il t’aura pour mère.
Elle pensait tout ce qu’elle disait, Anna serait une mère absolument incroyable, et Lindsay voulait vraiment qu’on lui laisse l’opportunité de le prouver."

"Et si tu as besoin de mon aide en quoi que ce soit, tu sais que je suis là."

Lindsay était tout simplement une femme adorable. Le genre de femmes qu'on aimerait avoir près de soi tout le temps. Il arrivait souvent qu'Anna envie James. Pas pour être marié à son amie bien sûr. Elle n'avait pas ce genre d'attirances. Mais parce qu'il passait (normalement) beaucoup de temps avec elle, qu'il prenait (normalement) soin d'elle, qu'elle était (normalement) là pour lui. Mais Anna ne savait pas tout ce qui se passait dans le couple de ses amis. Elle aussi restait bercée d'illusions. Peut-être que c'était mieux finalement. Elle était capable de mettre beaucoup de choses de côté pour essayer d'aider ses amis. Ce n'était pas la meilleure chose à faire en ce moment. Mais elle aimait tellement Lindsay. Et même si c'était égoïste, elle savait qu'elle en avait besoin même. Il n'y avait qu'à voir comment elle était avant sa visite et maintenant. Maintenant que son amie état là, ça allait mieux. Anna se sentait déjà mieux, plus tranquille. Elle était toujours tellement gentille. Il leur était arrivé de se voir juste comme ça, sans raison, sans véritable conversation non plus, juste pour le plaisir. Mais aujourd'hui, elles avaient besoin d'autre chose. Et elles arrivaient sans mal à le comprendre. C'était agréable même. Rassurant.

Lindsay elle-même était rassurante en fait. Elle permettait à Anna d'espérer encore un peu. Et ses idées étaient tellement attirantes. Oui, leurs enfants joueraient ensemble. Ils grandiraient ensemble. Ils seraient heureux ensemble. Anna et Lindsay parleraient ensemble d'eux et de leurs petits exploits. L'une parlerait de la première vrai nuit du sien et l'autre du premier mot de son petit bout. Le genre de choses qu'on faisait souvent entre mères et amies. La seule chose qui pouvait complexer Anna c'était James. Enfin, pas lui véritablement parce qu'ils étaient amis. Mais plutôt le fait qu'il accompagnerait sa femme et qu'elle de son côté serait... et bien, pas accompagnée justement. Elle savait qu'elle aurait cette impression d'être le cheveu dans la soupe, de na pas être comme eux. Pas parce qu'elle regrettait de ne pas être remariée. Non, ça c'était une bonne décision, elle le savait. Mais parce qu'elle aurait l'impression de ne pas pouvoir accéder à leur monde. Elle aurait son enfant, mais eux seraient trois dans une famille, une vrai. Celle d'Anna partait en fumée. Ils seraient tout au plus deux à avancer comme ils le pourraient.

-Tu sais, Anna. Quelque soit l’âge, le sexe, ou la nationalité de cet enfant, il sera le plus chanceux qu’on puisse imaginer, puisqu’il t’aura pour mère.

Que de flatteries de sa part. Elle était décidément bien gentille. Mais il y avait aussi un peu de vrai dans ce qu'elle disait. L'âge, le sexe, la nationalité, tout ça Anna s'en moquait bien. Enfin, si tout se passait bien, son enfant serait Russe. Puisque c'était là-bas qu'elle avait fait sa demande. Et si possible, pas un adolescent non plus, ça serait sympa. Mais sinon, trois ours ou trois ans, c'était pas le plus important. Et même si elle avait fait cette demande dans un établissement sorcier, elle n'irait pas vérifier la pureté du sang de l'enfant qu'on lui donnerait. Il pouvait ne pas avoir la moindre faculté magique, c'était pareil. Bon, Anya râlerait peut-être un peu. Mais sa sœur s'en moquait. De toute façon vu comme c'était parti, peut-être qu'un jour elle ne se parleraient plus. C'était ce qui était arrivé pour leur mère et leur tante. Pourquoi pas elles?

-Et si tu as besoin de mon aide en quoi que ce soit, tu sais que je suis là.

Oui, de toute façon, elle aurait Lindsay. C'était le plus important. Anna sourit se permit de revenir dans les bras de son amie. Elle allait la faire pleurer avec ses bêtises. C'est qu'elle était un peu sur les nerfs en ce moment. Mais ce n'était pas grave. Elle était sa meilleure amie.

-Oui, je sais. Et moi aussi... pour toi et le bébé. Et puis je ne suis pas très occupée de toute façon.

En effet, ce n'était pas le temps qui lui manquait. Et si elle pouvait en accorder un peu plus à Lindsay, ce n'était pas une mauvaise chose. C'était bien l'une des rares personnes qui le méritaient vraiment aux yeux d'Anna.

-Je tiens à toi Lindsay. Tu fais tellement pour moi. J'espère que je pourrai en faire autant pour toi un jour.

Lindsay était la meilleure amie d'Anna. Elle avait été la première à qui Anna avait fait confiance en Angleterre. Et aujourd'hui elle était la seule sur qui la brune pouvait encore vraiment compter. Elle ne le dirait pas, parce qu'Anna était un peu trop fière pour ça, mais ce qui lui avait le plus manqué, c'était sa présence. Juste sa présence. Une présence amicale et chaleureuse. Une présence qui l'empêcherait de rester ici sans voir personne ni même en avoir l'envie. C'était un peu idiot quand on y pensait. Mais pendant quelques temps, Anna n'avait plus eut envie de voir du monde. Juste comme ça. Parce que ça l'agaçait. Et pourtant, maintenant, qu'est-ce qu'elle était contente de revoir Lindsay. Elle l'aimait tellement. Elle était tellement de choses pour elle. Tout ça pour dire que maintenant qu'elle était là, Anna avait l'impression que tout allait mieux. Elle avait retrouvé son repère avec elle.

Sa petite remarque était ue façon un peu cachée de lui dire à quel point elle n'avait effectivement rien à faire de ses journée. Ce n'était pas compliqué comme calcul. Elle n'avait aucun travail. On lui avait toujours dit qu'elle n'en vait pas besoin. Alors jamais elle n'avait fait d'études. De toute façon, elle était mariée dès sa sortie de l'école. Pas besoin de faire autre chose que de rester à la maison à attendre son mari et prendre soin des enfants. Elle avait toujours été d'accord avec cette idée d'ailleurs. Mais maintenant, alors qu'elle n'était plus mariée et n'avait toujours pas d'enfants, qu'est-ce qu'elle devait faire de ses journées? Elle ne pouvait quand même pas reprendre ses études maintenant. Et des études de quoi d'ailleurs? Non, elle était mieux ici, avec ses chats et ses toiles. C'était bien aussi la peinture. Ça occupait bien et ça faisait plaisir quand on les offrait. Si elle le voulait, elle pourrait aussi en vendre. Mais ce n'était pas son but. Alors si elle pouvait avoir la visite d'une amie de temps en temps, elle n'était pas du tout contre. Loin de là. Si Lindsay le voulait, elle trouverait toujours les portes de ce manoir grandes ouverts. Pas qu'elle d'ailleurs. James aussi pouvait compter sur Anna. Et leur futur enfant aussi. Seulement, James ce n'était pas pareil. Il était adorable, un vrai ami lui aussi, mais Lindsay, c'était quand même ce qu'elle rapprochait le plus d'une sœur après Anya.

-Tu en fais déjà énormément pour moi, Anna, tu n'as même pas idée.

Anna lui fit aussi un sourire sincère. Elle était bien gentille Lindsay quand même. Elle ne pouvait pas faire tant que cela alors forcément, elle trouvait très gentille de lui dire ça quand même. Son amie était vraiment adorable. Anna lui pris la main pour la remercier. Elle ne savait pas vraiment comment lui exprimer autrement, il y avait encore certaines choses qu'elle ne savait pas trop exprimer seule.

-J'essaye de faire au mieux en tout cas, pour toi.

C'était normal pour elle. Que Lindsay l'ait acceptée était déjà quelque chose d'assez grand pour elle. Maintenant elle était vraiment une amie très proche. Alors tout ce qu'Anna pourrait faire pour elle serait fait. Et avec autant d'amour que possible. De quelle autre manière de toute façon? Sans y mettre du cœur, on arrivait à rien. C'était ce que pensait Anna.

-A propos du bébé... il y a une chose que je ne t'ai pas dite.

Ah? quelque chose qu'elle ne lui avait pas dit? Et bien, elle l'écoutait avec attention. Comme toujours d'ailleurs. Cela ne pouvait pas être si grave... si?..

-Vas-y, je t'écoute. Il va bien au moins?

Le sourir d'Anna avait laissé place à un regard compatissant lorsque la possibilité que le bébé n'aille pas bien lui était venue à l'idée. Voilà qui serait très embêtant tout de même. Et Lindsay serait certainement très triste si il devait arriver quelque chose à son bébé. Pauvre Lindsay. Anna devrait certainement être plus présente encore si c'était le cas. Mais elle le ferait. Si son amie en avait besoin, elle serait là.