Comme d'habitude, la journée a été rude. J'sais pas pourquoi on est obligés de se payer des profs pareils. Non mais franchement, ils ont pris une option " le sadisme pour les nuls " quand ils étaient à l'école ? Bande de barges. C'est pas comme si un seul élève se plaignait trop juste pour le fun, non non ! Tous les jeunes se plaignent ! Mais bon, qui va écouter des gamins ? Le problème avec les adultes, c'est qu'ils ont tendance à oublier beaucoup trop vite qu'ils étaient à notre place y a pas si longtemps que ça. Et attention j'dis " les adultes " mais je précise que cette catégorie s'appliquent aussi aux jeunes diplômés qui étaient encore des nôtres l'année dernière. C'est pitoyable de voir à quel point certaines personnes changent en si peu de temps. De morveux on passe à demi-dieu. Moi quand je vois ça, j'me dit que ce serait pas plus mal de foirer mes examens, juste pour rester à Poudlard plus longtemps. Grandir, ça m’intéresse pas. J'ai déjà eu un aperçu de la vie d'adulte en m'occupant de mon déchet de père, et je souhaite pas tellement le rejoindre dans sa galère. Franchement, qu'est-ce-que je vais devenir une fois que j'aurai plus le répit des quelques mois d'études loin de la maison ?

Ct'aprem j'ai croisée Penny dans les couloirs, elle avait l'air d'aussi bonne humeur que moi. La tête des bons jours, quoi, avec les yeux plissés et les cheveux en pétards. En cours, on joue un peu à celui qui tient le plus longtemps endormi sans se prendre un coup de livre en travers de la tronche. On se soutient le plus possible, on s'aide pour les devoirs, et même comme ça on a toujours l'impression que les nuits sont trop courtes. J'me demande comment font les mecs qui ont pas une super copine comme la mienne pour les tenir éveillés sur un devoir de potions toute la nuit. Peut être qu'ils ont des supers pouvoirs ? Enfin bref, pendant le dernier cours j'ai remarqué un méga bruit à côté de moi, le genre vortex intersidéral, v'voyez l'genre ? Alors avec un sourire, j'ai demandé à Penny si elle avait caché le yéti sous son pull ou si c'était son estomac. Allez savoir pourquoi, ça l'a pas fait rire. En fait, j'ai même pris une baffe. Faut croire que je l'avait cherchée celle-là. Un jour faudrait que j'me trouve un bouquin style " les filles en dix leçons ", ce serait pas mal. A force de prendre des coups toujours du même côté, j'vais finir par avoir une tête avec un côté plat. Remarquez, chui plus à ça près hein, ça ira avec mon corps de girafe transgénique.

Et puis là, ben c'est l'heure du repas, et j'ai pris soin de me mettre en face de Penny et non pas à côté d'elle. On sait jamais, au moins avec la table entre nous ce sera plus dur de me gifler. J'appelle ça la " table pare-baffes ". Ingénieux, n'est-ce-pas ? Mouais, je trouve aussi.

« Hey Penny-tencière, tu peux m'passer le plat de pâtes, steuplait ? »

Si je prend les spaghettis en travers de la gueule, c'est qu'elle est vraiment de mauvaise humeur. C'est peut être la semaine délicate du mois ? Vous savez, celle où vaut mieux tracer la route et pas poser de questions aux nanas.

Contrairement à ce que je craignais, le plat de pâtes est arrivé sans encombres dans ma main tendue. Bon, on dirait que le moment de crise est passé. Je cherche le regard de Penny par en dessous sans vraiment réussir à l'accrocher. Elle a l'air pensive, réservée. En fait c'est pas la première fois qu'elle est comme ça, un peu absente. Je sens bien que quelque chose la tracasse, mais une fille c'est pire qu'une huître. Une fois qu'elle a décidé de se fermer, pas moyen de l'attraper. Je doute qu'elle ai envie d'en parler, sinon je serais déjà dans la confidence depuis longtemps. Je me demande si ça a un rapport avec un garçon. Dans ce cas c'est vrai que je serais un piètre conseiller étant moi-même extrêmement pas au courant de ce que les filles aiment. Je lève les yeux au ciel alors qu'elle s'excuse de m'avoir giflé. C'est n'importe quoi. Comme si cette frêle petite princesse pouvait faire mal à un mec de ma taille et de ma carrure. Je faisais ça pour dramatiser, rien de plus. Je me sers une bonne dose de pâtes puis repose le plat un peu plus loin. Je hausse les épaules en réponse à ses paroles.

« Mais arrête, c'est bon je t'en veux pas. » Je marque une pause et un sourire de crapule s'étire sur mes lèvres, signe que je vais encore sortir une bêtise dont j'ai le secret. « C'est vrai quoi, c'est pas ta faute si McGonagall a plus d'humour que toi. »

Je recule de quelques bons centimètres en me préparant à un nouvel impact, qui curieusement ne vient pas. En fait, elle a déjà détourné son regard de moi et elle fixe le fond de son assiette. Je soupire. Si mes blagues fonctionnent pas, c'est qu'elle doit vraiment avoir un soucis. J'ai horreur de jouer au psychologue, mais je crois que je m'en sortirai pas sans avoir posé la question qui me brûle le bout de la langue depuis le début de la journée. Je lâche ma fourchette ( objet sacré, attention ! ) pour poser ma main doucement sur la sienne. Lorsqu'elle lève les yeux, les miens se plantent dans les siens.

« Penny, c'est quoi le problème ? Tu manges presque pas et tu ne réagis pas à mes blagues. »

Peut être qu'elle couve quelque chose ? Est-ce-qu'elle aurait de la fièvre ?

Je regarde Penny avec une grande attention, essayant de sonder son esprit sans vraiment y arriver. C'est dans ce genre de situation que j'aimerais être legillimens. Elle affirme que tout va bien mais en même temps elle me dit qu'elle ne veut pas que je m'inquiète. Je ne suis pas aussi stupide que j'en ai l'air, ça ce n'est qu'une image que je donne aux gens afin d'avoir le moins d'ennuis possible. Il a une seule chose que je n'ai jamais acceptée et que je n'accepterai jamais : voir une personne que j'aime souffrir sans pouvoir rien y faire. Je fronce les sourcils, prenant un air bien plus sérieux et bien plus méfiant qu'avant. Ce n'est pas dans les habitudes de ma meilleure amie de me cacher des trucs. On se dit toujours tout. Je ne supporte pas d'être laissé sur le carreaux.

« Ne me mens pas Penny. Quelque chose de tracasse, je le vois. Je te connais trop bien pour que ta petite tentative d'esquive fonctionne. Alors c'est quoi le soucis ? Quelqu'un t'as fait du mal ? » Dis-je très sérieusement.

Pénélope, c'est une fille douce et très gentille, avec un coeur en éponge. Ce n'est pas difficile pour elle de s'attacher à quelqu'un, et quand c'est le cas il arrive qu'elle tombe de haut. Se serait-elle entichée d'un garçon inaccessible ? Ou bien serait-elle devenue la victime d'une quelconque brute de l'école ? Je ne permettrai pas qu'on lui fasse du mal. Jamais. En attendant qu'elle accepte de me parler de son problème, je baisse la tête vers mon assiette et pique rageusement quelques pâtes sur les piques de ma fourchette. Moi qui suis un grand gourmand d'habitude, j'ai presque plus faim. C'est l'angoisse, ça. C'est le genre de truc qui peut me ronger de l'intérieur. Finalement, comme le silence dure, je relève les yeux et pose ma fourchette de nouveau sans avoir pris une seule nouvelle bouchée.

« Je suis ton meilleur ami. Si tu ne peux pas me le dire, je ne vois pas à qui d'autre tu pourrais en parler. »

C'est une conclusion un peu simple, mais qui ne manque pas de logique. Si elle ne me fait pas assez confiance pour me dire ce qui la chagrine, je ne vois pas comment je pourrais lui confier le secret de mes fiançailles avec Elyane.