L

e désir à l'état pur. C'était ainsi que Gwendall ne pouvait s'empêcher de qualifier le lien étrange qui le liait à Sasha. C'était au-delà de tout ce qu'il avait pu ressentir pour d'autres femmes. Bien sûr, nombreuses avant elle avaient su éveiller en lui ces pulsions charnelles qu'il s'était aussitôt empressé de satisfaire. Mais sitôt les avait-il conquise qu'elles ne l'intéressaient déjà plus. En vérité, voilà ce qui faisait de lui jusqu'alors un célibataire endurci : les femmes avaient leur usage, allaient et venaient, et lui, il se lassait, sans aucune considérations pour elle, sans aucun regard en arrière. Il ne savait se perdre en elle, il se satisfaisait juste d'une présence ponctuelle qu'il oubliait bien vite. Avec Sasha, tout était différent, une obsession comme l'on peut en concevoir sans y croire vraiment. À peine ses yeux posés sur elle, elle l'avait fasciné. Et alors qu'il avait déjà obtenu d'elle cette communion de leurs deux corps qui aurait dû tout naturellement l'inviter à passer à autre chose. Il en demandait encore. Encore, indéfiniment. Il ne pensait pas pouvoir se lasser d'elle. Ce voile ténu de mystère enveloppait toujours leur relation, même s'il en avait appris un peu plus sur elle, et inversement, c'est ce qui lui avait laissé croire un temps qu'il se laissait duper par ses sentiments. On ne peut aimer, après tout, qui l'on ne connaît pas. Et pourtant, pourtant... si ce n'était pas ce terme qu'il fallait mettre sur ce qu'il ressentait, alors aucun terme n'existait, c'était plus puissant que tout.

Bien sûr, c'était du désir avant toute autre chose, mais puisque même assouvi, cette même impression, cette même dépendance, demeurait, comment ne pas croire qu'il y avait tout de même autre chose. Ainsi allongée sur ce canapé, nue, offerte, il ne voulait pas seulement la posséder, il voulait la garder, pour tous les jours de sa vie. Mais voilà bien une réflexion qu'il gardait pour lui. Pour qui l'aurait-elle prit? Ils se connaissaient à peine, finalement, tous les deux, ils étaient liés dans le sang et les plaisirs formels de la chaire, cela suffisait-il à y aller des plus grandiloquentes déclarations ? Non, il l'aurait certainement fait fuir. Il ne voulait pas la faire fuir. Son coeur s'était déjà serré, plus tôt, à l'idée qu'elle abandonne tout. Il savait qu'il ne pourrait pas la laisser filer entre ses doigts. En un rien de temps, elle lui était devenue bien trop importante. Pour ne pas dire indispensable. Ses doigts parcouraient sa peau nue, et le contact de leurs deux épidermes engendrait inévitablement un court-circuit dans son cerveau, des frissons dans tout son être. Personne, jamais, n'avait su avoir cet effet là sur lui. Comme dirait bêtement certains, il était mordu, ni plus ni moins. Ses mains s'égarèrent de plus en plus bas le long de la ligne fine de son ventre, pour s'attarder finalement dans ses trésors d'intimité. Appliqué à lui procurer le plus de plaisir possible, ses lèvres embrassant les siennes le plus langoureusement du monde.

code by Mandy

I

l y avait, dans la façon dont Gwendall traitait Sasha, dans l'effort qu'il déployait à lui procurer autant de plaisir que possible, une sorte d'aveu à peine volontaire, comme s'il désirait que ce que ses gestes cherchaient à produire, chaque fibre de son être l'entende comme une vibrante déclaration, cette même déclaration qu'il n'exprimait pas à voix haute. Plus tant par incertitude que par simple... crainte ? Oui, c'était bien cela, de la crainte. C'était assez honteux à admettre, mais pour autant, il ne pouvait nier qu'il s'agissait bel et bien de cela, la crainte qu'elle le rejette, ou qu'elle le trouve absurde et parfaitement ridicule. Il combinait avec des émotions nouvelles, et il n'était pas franchement certain de les gérer de la meilleure manière possible. Il ne savait les imposer à Sasha sans penser qu'il se ferait logiquement rejeter. D'aucun diraient qu'il faudrait essayer pour savoir, lui répliquerait qu'il ne tolérait pas la moindre défaite, encore moins si elle était le fruit de déclarations hasardeux dont il ne pouvait présumer qu'un mauvais accueil. Alors si les mots auraient pu engendrer le rejet, il pensait avoir plus de chance avec les gestes. Sasha l'ignorait certainement, mais il était rare que, dans l'acte sexuel, il prenne autant soin de sa partenaire. D'ordinaire, il songeait avant tout à son propre plaisir, à sa seule satisfaction, ceux de la personne qui partageait son lit passait à un plan complètement secondaire, de fait. Oui, il était égoïste, foncièrement égoïste, et pour cette raison, il n'avait jamais su aimer quelqu'un d'autre que sa soeur... Avant Sasha, Sasha qui lui faisait découvert tout sous un autre jour, même quelque chose d'aussi trivial que l'acte sexuel. Au-delà de son impatience, il savait faire preuve d'une infinie douceur. Et alors qu'il tentai de la mener par ses soins aux confins du plaisir, son regard plongé avec délice dans le sien. Et alors, elle prononça ces quelques mots, ces mots qui le prirent complètement au dépourvu, était-ce parce qu'elle était saisie de plaisir, ne pesait-elle plus ses mots ? En tous cas, lui, il les entendait à la perfection, et il les appréciait comme jamais, plus encore que toutes les promesses que pouvaient se faire leurs corps l'un à l'autre.

-À personne d'autre, jamais.

Et ce qu'il aurait pu dire uniquement pour la forme, il en pensait chaque mot. Lui mentir aurait été se mentir à lui-même. Et il n'en avait pas envie, pas à l'heure où elle lui laissait nourrir l'espoir de ne pas être le seul à penser ainsi qu'il pensait. Ses mains quittèrent l'intimité de la jeune femme pour se glisser le long de son dos, avant qu'il ne lui adresse un nouveau baiser et n'unisse leurs deux corps de la plus charnelle des manières. Alors que le mouvement de leurs bassins s'accélérait, deux même que le rythme de leurs souffles, il prononça ces mots qu'il ne s'imaginait pas prononcer, ces trois mots en apparence anodins, mais qui ne l'étaient au fond jamais.

-Je t'aime.

code by Mandy

C

es trois mots qu'il venait tout juste de prononcer pouvaient bien sembler très naturels à certains. Gwendall en connaissait en masse, des individus qui prononçaient ces mots à tort et à travers, au point que ces derniers finissaient par ne plus rien signifier du tout. Et ces gens là, il les méprisait, considérant qu'ils n'avaient de toute façon rien comprit à ces sentiments. Ces derniers étaient forts, singuliers, on ne rencontrait pas mille personne que l'on puisse dire "aimer" dans son existence, et il fallait faire ce genre de déclarations avec parcimonie. Mais ce n'était jamais que son point de vue, et s'il possédait ce dernier, c'était sans aucun doute parce qu'il ne semblait pas franchement d'un naturel à savoir s'attacher à qui que ce soit. En fait, il ne savait s'attacher à personne. C'est plus ou moins ce qu'il avait cru avant que son chemin ne croise celui de Sasha. Il pensait ne pouvoir jamais aimer que sa soeur. Et même à Nemesis, pourtant, il ne pensait jamais avoir dit très concrètement qu'il l'aimait. Bref, Sasha était une exception, une sublime exception, même. Mais à l'heure où ces mots, qui lui étaient venus des plus naturellement, avaient franchi le seuil de ses lèvres, et même s'il pensait chacun d'entre eux avec une infinie certitude, sur laquelle il ne comptait certainement pas revenir, il avait craint de les avoir prononcé trop tôt, s'il y avait véritablement un moment pour qu'il soit approprié. Oui, il était inexplicablement tombé sous son charme, mais cela ne signifiait en rien qu'elle devait partager ses sentiments... Alors, quand elle lui dit ressentir la même chose, son coeur s'emballa, et ce n'était pas seulement dû aux efforts physiques qu'ils fournissaient l'un comme l'autre, et qui les menèrent jusqu'à la plus parfaite des jouissances.

Gwendall déposa sur les lèvres de Sasha le plus tendre baiser qui puisse être avant de se redresser légèrement. C'était ainsi, et il était heureux de ne plus avoir à le nier. En sa présence, il se sentait... bien. Extrêmement bien, comme il ne savait jamais l'être autrement. D'ordinaire, une multitude de pensées traversait son esprit, qui ne savait jamais être parfaitement apaisé. Cette fois, rien. Ou rien de négatif, tout du moins, juste un sentiment agréable de quiétude. Il avait trouvé celle qui lui procurait la paix, l'équilibre, si étrange cela puisse-t-il sembler... Et quand bien même l'avenir avait toutes les chances du monde de lui faire oublier ce sentiment d'harmonie.

-Reste avec moi, cette nuit. lui dit-il, la caressant tendrement, avant de déposer un baiser au creux de son cou.

Cette nuit, puis toujours, c'était pareil. Leur relation venait de gagner en importance et en intensité. Et cela allait changer les choses plus qu'il ne l'aurait imaginé.

code by Mandy