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a pression était telle sur ses frêles épaules en ce moment que la jeune femme ne savait plus trop où elle en était. Alors qu'elle laissait la vitrine d'une échoppe de Pré au Lard lui renvoyer sa propre image Audrey suspendit ses pas. Comme attirée par ce reflet où elle peinait à se reconnaître, elle laissa ses doigts venir caresser la surface polie, redessinant ses traits comme figés dans une dureté qu'elle ne se connaissait pas. Son regard était comme vide, dénué de toutes émotions. Comme si ce gouffre qu'elle sentait en elle transparaissait. Le vide... Audrey était une coquille vide et qui se désespérait de jamais pouvoir redevenir celle qu'elle était avant que Johanna ne tombe sous les coups de ces fous furieux de Grindelwald et de ses hommes. L'homme était mort mais il aurait été étonnant que quelques inconscients pervers ne tentent pas de lui succéder. Et ne tentent de plonger le monde dans une violence qu'elle ne supporterait plus. Non, jamais plus Audrey ne pourrait endurer la perte d'un être cher. Jamais non plus elle ne pourrait craindre que cela arrive. C'était trop dur !

Pesant, cédant une fois de plus à cette colère qui refusait de la quitter, la jeune femme se baissa et, ramassant une brique non loin de là, la lança violemment dans la vitrine qui lui avait fait miroiter une réalité qu'elle voulait ignorer, nier jusqu'aux tréfonds de son âme. Puis, une fraction stupéfaite par son acte elle s'enfuit, courant sans même prendre le temps de se retourner, laissant le vent souffler loin de ses tympans ces hurlements et ces insultes que le propriétaire du magasin lui adressait un poing rageur levé. Audrey courait, laissant le vent la porter loin de ce village, de ce monde qu'elle ne comprenait plus et auquel elle se sentait parfaitement étrangère. Comme si la vie l'avait exclue au moment même où un dieu auquel elle se refusait à croire désormais avait si injustement repris la vie de sa sœur. Elle courait, entendant les battements de son cœur tambouriner en son sein, faire battre ses tempes. Sans même s'en apercevoir elle avait dépassé les silhouettes bariolées et massives des habitations et s'en était allée se perdre au milieu de ces champs qui cernaient Pré au Lard. Audrey ne s'arrêta de courir que lorsque, le souffle court et le cœur menaçant d'exploser tant il battait fort, elle tomba à genoux en plein milieu d'un champs. Là, la tête baissée, les larmes coulant à ses yeux clairs, elle hurla. A s'en époumoner, à s'en briser les cordes vocales. Audrey hurlait pour que sa peine et sa douleur la quittent. Mais celles ci demeuraient ancrées à elle et la jeune femme cessa, retombant dans un silence que seuls ses pleurs venaient trahir. Puis alors qu'elle allait de nouveau céder à la violence un oiseau d'une espèce qu'elle ne connaissait pas vint doucement virevolter à ses côtés. Son long ramage soyeux et pastel frôlait le bras de la jeune fille, ses yeux d'onyx plongeaient dans les siens semblant y distiller une bienvenue quiétude. Alors Audrey se calma.Instantanément. S'asseyant sur ses talons, les larmes roulant sur ses joues pour mieux venir mourir à ses lèvres, elle tendit une main amicale et tremblante vers ce singulier visiteur à plumes. L'oiseau se laissa caresser avant de relever la tête et d'ancrer son regard derrière Audrey. Se retournant, celle-ci vit une silhouette familière. Esquissant ce qui se voulait être un sourire, laissant ses longs cheveux venir masquer son visage humide, elle murmura
Il est beau, n'est-ce pas ?

Comme entrée en matière on pouvait largement mieux faire mais Audrey était démunie et épuisée. Elle se sentait lasse et seul ce seigneur des airs venu la trouver comme s'il avait pu sentir sa détresse l'empêchait, la retenait de se laisser sombrer comme une partie d'elle-même l'aurait pourtant tant voulu ! Puis elle regarda la jeune femme se tenant devant elle. Et Audrey lui sourit.

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lle évoluait dans la foule comme si cette foule n'existait pas, comme si elle s'y trouvait seule, avançant dans cette bulle imperméable, dans ce monde à part entière qui savait l'isoler même au beau milieu de la cohue. Mais quand bien même la bleue et bronze disposait de cette aptitude hors normes à ce que l'on pourrait qualifier d'ignorance à peine volontaire, elle aimait à se retrouver dans un état de solitude bien réel. Il y avait longtemps que Pré-au-lard, si charmant soit ce village, ne revêtait d'intérêt pour Luna plus pour la nature qui environnait l'endroit que pour les divers commerces qui se trouvaient là. Il y avait, tout autour de Pré-au-lard, des recoins de verdure particulièrement agréables et attrayants, que peu de personnes connaissaient, néanmoins. La faune et la flore avaient su à merveille y prendre leurs droits (même si, l'hiver approchant, ils en perdaient quelque peu), et la blondinette aimait à y faire ce que, après tout, elle faisait de mieux : rêvasser. Ce loin des quolibets et des regards inquisiteurs, qui s'étaient fait plus que nombreux depuis son procès. Certes, elle avait été innocentée, mais ce terme juridique n'avait pas grande valeur aux yeux de ses camarades. Elle faisait avec, oui, mais de temps à autres, le calme, la nature, et rien d'autre, faisait un bien fou à la demoiselle, qui, au fond, était une naturaliste dans l'âme.

La solitude dans laquelle elle pensait pouvoir se plonger était toutefois très relative, elle le comprit lorsqu'un cri, de toute évidence humain, à la fois déchirant et libérateur, résonna à ses oreilles au cours de sa promenade. Intriguée, et supposant sans trop y croire que la personne venant de hurler s'était peut-être fait mal, elle alla chercher la source de ces éclats de voix... Le tout pour, finalement, tombée nez à nez avec Audrey Chaser, la soeur de Daniel. Était-ce elle qui venait de crier ? L'on pouvait en douter tant elle affichait à présent le plus apparent des calmes (en dépit des quelques larmes qu'elles cherchaient à lui cacher, et qui embuaient son regard). Ses yeux rivés vers cet oiseau au plumage superbe, qu'elle semblait presque avoir apprivoisé.

-Il est magnifique. admit-elle de son habituelle voix douce, admirant  à son tour l'oiseau qui daigna leur tenir compagnie quelques secondes encore avant que de déployer ses larges ailes et de s'envoler. C'est peut-être ton cri qui l'a attiré, suggéra-t-elle d'un léger signe de tête. Il a cru répondre à l'appel de l'un de ses congénères.

Elle rendit à Audrey son sourire, bien que le sien demeura très réservé. Quiconque, à ses yeux, portait le nom de Chaser, valait qu'elle se méfie ne serait-ce qu'un tant soit peu.  Elle venait, comme à son habitude, de parler de ce qu'il aurait peut-être fallu taire, de ce qui pouvait gêner, avec ce naturel qui était le sien. À ses yeux, il n'y avait après tout aucun mal à laisser s'exprimer sa rage, sa colère, ou tout autre sentiment. Ce pouvait même être salvateur.

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