La pauvre bibliothécaire. Quelle triste nouvelle. C'était du moins ce que Morticia était contrainte de dire comme les autres. Parce que autrement, elle s'en fichait pas mal. Cette femme n'était pas quelqu'un qu'elle irait pleurer. Enfin, pour le moment il n'y avait pas de raisons puisqu'elle n'était pas morte. Mais tout de même. Et on trouvait Morty désagréable. Que faudrait-il dire de cette chouette. Après tout, on ne la connaissait pas vraiment. Et puis il faut franchement être un boulet pour tomber dans le coma après avoir heurté une table. D'ailleurs, Morticia n'y croyait pas du tout à cette histoire. C'était bien trop gros.

Elle avait donc décidé de mener sa propre petite enquête. Loin d'elle l'idée de dénoncer qui que ce soit, l'action était bien trop belle. Mais juste pour savoir. Sa curiosité étant un peu toujours la plus forte. Alors elle avait convoqué la personne qu'elle pensait la plus capable de le faire tout en ayant quelque chose à en tirer. La question était non seulement de savoir si elle avait visé juste, mais aussi de savoir si la fameuse personne viendrait bien au rendez-vous. Après tout, Elena avait certainement mieux à faire...

La jeune femme se présenta tout de même, pour le plus grand plaisir de Morticia qui l'invita courtoisement à prendre place devant elle. Prenant un air tout à fait neutre, elle préparait sa tactique. Elena ne semblait pas encore savoir quel serait le sujet de la conversation. Mais cela ne saurait tarder.

-Quel terrible choc cela a du être pour vous. Votre mentor qui fait cette attaque. D'autant plus que c'est vous qui l'avez trouvé. Vraiment, je suis désolée.

Ce n'était un secret pour personne que Morticia n'appréciait pas cette femme. Aussi ne prenait-elle pas même la peine de dissimuler le fait que sa désolation était factice. Si Elena avait un rapport quelconque avec cette histoire, elle ne manquerait pas de le remarquer. Autrement, Morty passerait une fois de plus pour une femme sans cœur qui 'a que faire du sort de sa collègue bibliothécaire. enfin... ancienne collègue.

Ces deux femmes-là était très dangereuses, c'était évident. Mais vous imaginez un peu les deux ensemble? Et bien voilà ce que ça donne. Deux comédiennes nées qui se regardent et enchaînent les ronds de jambes. Pitoyable mais très distrayant. Bien que quelques années les séparent, aucune n'avait réellement sa place ici. Morticia était une folle furieuse et Elena... aussi. En fait Elena aussi était une folle furieuse. Au final il aurait fallut les mettre l'une comme l'autre dans une cellule capitonnée sous surveillance de médecins. Mais pas ensemble. Pas dans la même pièce comme c'était le cas aujourd'hui.

Lorsqu'elle était en cours, Elena était au moins une bonne élève. Je ne parle pas des quelques rares élèves qui avaient de bons résultats ou dans le même goût. Mais bien d'une élève attentive et visiblement passionnée. C'était suffisamment rare pour le souligner tout de même. Et à bien y réfléchir, elle devait être une des rares personnes à ne jamais être allé à l'infirmerie à cause d'un cours de son professeur. Encore une chose remarquable tout de même.

S'obligeant à ne rien laisser transparaître mis à part ce qu'elle voulait, Morticia savait que sa nouvelle collègue en faisait autant. Que c'était amusant.

« Je vous remercie pour votre soutient. Fort heureusement je ne suis pas facilement bouleversée et j'ai pu reprendre le travail rapidement. Les élèves doivent pouvoir s'appuyer sur nos ouvrages afin de réussir leurs études. »

Alors du soutient, Morticia n'avait rien contre le fait de lui en apporter. Elle n'avait rien contre la jeune femme. Mais il fallait qu'il y ait un prétexte valable au moins! Alors que là, visiblement, le professeur n'était pas la seule à rester totalement indifférente au sort pour le moins tragique de l'ancienne bibliothécaire. Quand aux élèves... qui se souciait encore d'eux ici? Sérieusement. La vie de Poudlard avait beau tourner autour d'eux, il s'en passait tellement d'autres...

-Je vous en pris, c'est normal. Mais il me semble donc que cette situation ne vous est pas trop pénible.

Sourire faux et voix douce. Une fois encore, une personne extérieur aurait vu tout cela comme tout à fait normal et attentionné. Mais les deux femmes savaient se comprendre... à leur manière.

Cette petite était véritablement passionnante. La digne élève que Morticia ne pouvait pas se vanter de trouver dans toutes ses classes. Mais ce genre de conversations, aussi peu cordiale qu'elle puisse être, c'était assez agréable et très divertissant. Elena était douée. Et elle le savait. Ceci dit, Morticia ne s'en plaignait pas. C'était un peu une qualité. Et elle était assez peu rependue malheureusement. Alors si le professeur pouvait profiter un peu d'une personne telle qu'elle à qui le mensonge et la manipulation, ce n'était pas de refus. Sans compter que la jeune femme devait être la seule ancienne élève à savoir reconnaître le peu de qualités de Morticia.

« Mais je suis comme vous, professeur Mathews. Je suis choquée par cet accident fâcheux qui a privé l'école d'une brillante bibliothécaire. Bien sûr je ne suis pas effondrée car je ne la connaissait pas très bien, mais je suis consciente de cette perte. La pauvre était si vieille, elle n'a certainement pas du comprendre ce qui lui arrivait. »

Choquée, bah voyons... en tout cas, une chose était certaine: la bibliothécaire ne devait pas avoir compris grand chose de ce qui lui était arrivé. Ou ne devait au moins pas s'attendre à finir dans le coma... mais le fait est qu'elle était partie pour faire un très très long voyage et qu'Elena avait l'air de moins en moins innocente. Quel délice. Mais Morticia n'avait jamais eut de doutes sur son avenir. Il était plus que certain qu'elle s'en sortirait très bien.
La brune sourit doucement, faussement rassurée de savoir qu'elle n'avait pas de problèmes à cause de ce tragique événement.

« Naturellement, je suis certaine que la présence des aurors dans l'enceinte de l'école a du vous mettre à l'aise. C'est toujours agréable de se sentir en sécurité quand on a rien à cacher, n'est-ce-pas ? »

Pour une fille comme Elena, il ne devait pas être bien compliqué de comprendre que Morticia n'était pas une femme très nette. Et ce n'était pas la présence de ces types à l'école qui allait la rassurer. Mais bon, elle ne devait pas être la seule à avoir des choses à cacher...si? Enfin, que ce soit l'un ou l'autre, Elena savait que les Aurors dans le château n'étaient pas les bienvenus chez Morty.

-En effet, c'est très rassurant. Et étant tout à fait en règles, je n'ai pas grand chose à me reprocher.

C'est cela, en règles. Et pas grand chose à se reprocher. Ça aussi on pouvait en douter très sérieusement. Elle-même ne se leurrait pas.
Elena avait saisit un des objets qui trônaient sur le bureau de son ancien professeur. Une petite boite qui menaçait de s'ouvrir et de délivrer le crâne de son premier serpent. Un sublime python blanc qu'elle aimait beaucoup. Un objet symbolique qu'elle aimait garder ici. Morticia fronça un peu les sourcils en la voyant la tourner dans ses mains comme cela, ne lâchant pas des yeux sa petite boite.

« La vie, professeur, c'est si fragile. J'espère de tout mon cœur que ma pauvre mentor réussira à sortir de son coma. Pour un cœur âgé comme le sien, il y a toujours un risque de mort, vous savez ? Ce serait terrible... »

Et bien ça ne serait pas Morticia la plus inquiète. Loin de là. Et quelque chose lui disait qu'Elena non plus ne se retournerait pas dans son lit la nuit. Cela faisait plaisir de voir tant d'affection entre collègues...

-Oui, cela serait tellement triste. Mais je ne doute pas qu'elle s'en remette.

Elena était une menace au moins aussi importante pour Morticia qu'elle pouvait potentiellement l'être pour elle. Les deux jeunes femmes avaient simplement des méthodes différentes. Cependant, aucune ne dirait rien de l'autre car chacune avait des connaissances de l'autre. Si Elena avait l'intention de la maîtriser, Morty ne pensait pas faire de mal d'aucune manière à la jeune femme. Sauf si elle le cherchait réellement. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle avait de la sympathie pour elle. Elle ne lui mettrait pas de battons dans les roues parce que celui ne l'intéressait pas. Mais elle ne l'aiderait pas forcément non plus. Ce qu'elle faisait la regardait et le professeur ne s'en mêlerait pas à moins d'en avoir une raison suffisante.

« Oh, je ne doute pas qu'elle s'en sorte. Elle a la tête dure, si je puis m'exprimer ainsi. »

Voilà une remarque bien audacieuse de la part de celle qui avait effectivement éprouvé la solidité de cette boite crânienne. Morticia rit légèrement, comprenant tout à fait ce qu'elle disait. Mais la jeune femme repris rapidement un regard moins sympathique lorsque son ancienne élève ouvrit la boite pour en sortir le crâne de son serpent. Elle se permettait de manipuler ces petits os et des les analyser. Morticia ne savait pas ce qu'elle avait en tête, mais elle restait calme.

« Un python royal. Vous attachez de l'importance à des choses bien futiles, professeur. »

Futiles, certes, mais parler d'attachement était peut-être abusif. Ce serpent était plus un pense-bête qu'autre chose. La vivacité de l'animal, son histoire et le lien qu'il avait eut avec Morticia lui rappelait pas mal de choses. Pas toujours des plus agréables, mais nécessaires.

-Disons qu'il me rappel des choses à ne pas oublier. Comme tout objet et ancien être vivant il a son histoire. Histoire qui a croisé la mienne à un certain moment.

Morticia préférait rester un peu vague à ce sujet. Tout dans les sous-entendus un fois de plus. Mais ceux-là, Elena n'était pas obligée de les comprendre. Si elle n'y arrivait pas, ce n'était pas un drame. Dans le cas contraire, cela ne ferait sans doute que confirmer des doutes déjà existants.

« Les pythons royaux sont les plus petits du genre. On les appelle comme ça parce que la légende dit que Cleopatre en portait à ses poignets comme des bracelets... Ce sont des tueurs qui peuvent attendre des mois sans se nourrir et engloutissent leurs proies d'un seul coup. Pauvre souris, elle ne voit rien venir non plus... »

Ah, celui-là il était facile. Il ne fallait pas abuser. Mais commençons par le plus évident. Ces petits renseignements sur les pythons, Morticia les avait appris lorsqu'elle avait acquis le sien. Ceci dit, elle avait plus tendance à porter ses serpents comme des écharpes que comme des bracelets. Quand au sous-entendu... bon, c'était clair, pas besoin de rester dessus trop longtemps.

-Des créatures magnifiques et d'une patience infaillible. Cependant, je ne plaint pas cette souris. Ne pas voir venir sa fin peut être rassurant.

Morticia sourit aussi doucement avant de se lever pour rapidement passer dans la pièce d'à côté et de revenir avec son cobra.

-Mais vous ne devez pas non plus ignorer l'intérêt que je porte à ces animaux. Je me permettrait donc de dire que tous n'ont pas le même caractère. Ce cobra par exemple vit quotidiennement avec un python, mais reste agressif à l'extrême avec certaines personnes...

Sortir le serpent ne servait qu'à illustrer se propos. Cet animal que le peu d'élèves qui avaient croisé sa route avait menacé de ses crochet restait parfaitement calme avec Elena. C'était prévisible. Alors oui, c'était encore des paroles cachées et parfaitement illustrées. Morticia souriait, assez satisfaite de se faire comprendre. Elle signifiait à la fois ses forces, mais aussi le fait qu'elle n'était pas une réelle menace pour la jeune fille assise en face d'elle.

On pourrait croire que les deux jeunes femmes allaient se livrer une bataille sans mercis jusqu'à ce que l'une d'elles ne craque définitivement. Mais en même temps, il n'y avait pas de raison que cela arrive. Aucune d'elles n'avait de réelles bonnes intentions envers cette école (c'était ce que Morticia supposait puisqu'elle ne connaissait pas vraiment les motivations de son ancienne élève) et ne pouvaient donc que trouver un terrain d'entente. Chacune se laissait observer en prenant soin de se faire comprendre. C'était amusant. Finalement, pourquoi devraient-elle se faire la guerre? Pour une fois que Morticia tombait sur une personne capable d'actes aussi peu légaux, il serait dommage que cela se termine mal.
Elena se redressa et Morticia fit de même. La discussion semblait d'orienter vers quelque chose d'un peu plus sérieux. Le petit sourire amusé du professeur ne quitta pas pour autant son visage.

« Cette discussion ne pourra aboutir qu'à deux éventuels dénouements. La paix, ou la guerre. »

C'était une évidence. Mais Morticia n'était pas inquiète. Comme je l'ai dit plus tôt, les personnes comme elles étaient rares dans une école comme Poudlard. Alors il était fort probable que l'une pourrait un jour ou l'autre aider sa collègue. Elle la laissa pourtant finir avant d'ajouter quoi que ce soit. Cette chère Morty s'était peut-être un peu avancé. Mais le problème avec les gens comme elles, c'était de ne pas pouvoir savoir à l'avance ce qu'elles pouvaient penser.

« Je n'ai pas de temps à perdre et vous non plus. Il n'y aurait aucune utilité à nous tirer réciproquement dans les pattes. C'est pour cela que je vous propose un compromis. »

Toujours aussi assurée, Morticia était prête à entendre la proposition de la jeune femme. Les compromis, tout le monde pouvait y trouver son compte finalement.

« Je ne dirai rien, si vous ne dites rien. »

Qu'est-ce que je disais. Si Morticia acceptait cette offre plus que tentante, aucune n'aurait plus à s'inquiéter pour leurs secrets. Du moins, tant qu'aucune n'aurait l'idée de trahir la confiance de l'autre. Mais cela ne devrait pas poser de problème. Après une légère hésitation tout de même, la brune se redressa d'un coup pour lui répondre.

-D'accord. Je ne dirais rien de cette affaires... ou des suivantes. Je ne sais pas quels sont vos objectifs après tout. Mais tant que vos petites actions ne viendront pas m'ennuyer, je ne m'y opposerait d'aucune manière. Finalement, nous faisons ce que nous pouvons.

Morticia lui souriait doucement. Un peu sur ses gardes tout de même, elle ne voyait plus de raisons de vraiment s'inquiéter. Elles avaient un accord. Le professeur se leva légèrement pour récupérer le reptile qui était toujours sur le bureau afin de le prendre dans ses mains.

-J'ai toujours senti quelque chose venant de vous Miss Gordon. Et je ne tiens pas à vous barrer la route. Quelles que soient vos intentions, je doute que vous aillez à craindre l'une de mes réactions.

Et c'était vrai. Si elle avait senti qu'Elena Gordon n'était pas comme ses autres élèves, elle voulait lui laisser sa chance. Ce n'était peut-être pas très louable comme décision, mais Morticia était loin d'être un ange. Elle comprenait donc qu'elle puisse pencher de ce côté de la balance.