A

u moins, ce singulier interlocuteur, que le directeur ne s'était pas attendu la moindre seconde à retrouver dans son bureau, ne semblait pas réticent au dialogue. Tout au contraire, même. Il devait penser que suffisamment de bonne volonté de sa part suffirait à ce que l'on accède à sa folle requête. C'était tout bonnement impossible, bien sûr. Si Aiden Fawcett n'avait jamais pu faire ses classes en ces lieux, il y avait bien sûr une raison, raison inaltérable que le fait qu'il ait à présent, et de loin, dépassé l'âge requis, ne pouvait clairement qu'accentuer. Bien sûr, en ne lui explicitant pas clairement ces raisons, Dippet ne faisant que nourrir une crédulité et des espoirs qu'il aurait peut-être mieux fait de taire. Mais ne rien dire pour le moment, et attendre le tuteur du jeune homme, espérant entre temps éviter tout écart de conduite de sa part lui avait semblé être le plus logique, le plus raisonnable, mais aussi et surtout le moins dangereux, sans le moindre doute possible. Il fut plutôt satisfait qu'Aiden lui donne sans rechigner les informations qu'il lui demandait. Si elles étaient imprécises, elles suffiraient malgré tout au hibou qu'il enverrait à Erwan Fawcett pour trouver son chemin. Il inscrivit rapidement les informations recueillies sur une enveloppe, y glissa sa lettre rédigée à la va-vite, et la tendit à la jeune Sparkley, qui ne semblait que demander à s'exécuter suite aux directives qu'il lui était donné. Bien plus dissimulée que sa mère, cette petite ! Quoique l'envie manifeste qu'avait la demoiselle de quitter le bureau sur le champ devait y être pour beaucoup.

Le directeur pensait avoir la situation plus ou moins en mains. C'était sans compter sur ce qui se passa ensuite, et qui vint lui rappeler, une fois n'est pas coutume, qu'il n'était pas grand chose qu'il sache véritablement contrôler, malheureusement pour lui. Aiden s'était servi de sa baguette, et si Dippet avait craint un résultat bien pire, il n'en demeura pas moins que certaines de ses affaires ne s'en sortirent pas complètement indemnes. D'un geste de sa propre baguette, il rangea les livres tombés de sa bibliothèque, alors que la bleu et bronze en profitait pour prendre congé et se rendre à la volière. Le directeur ne la retint pas. C'eut été stupide, mieux valait que cette affaire soit réglée au plus vite.

-Il est interdit d'utiliser votre baguette dans son bureau sans y être autorisé.

Son ton n'était pas désagréable, juste informatif, il espérait que ces simples mots suffiraient à empêcher le jeune homme de réitérer. Après tout, s'il tenait tant à intégrer l'école, il devait être soucieux de son règlement, non ?

-Votre frère sera informé de votre venue ici sous peu. Il aurait été préférable que vous veniez en sa présence, d'ailleurs.

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L

e directeur de Poudlard, sans doute trop sentimental (ce n'est pas la première fois qu'on lui ferait ce reproche), ne pu s'empêcher de ressentir un pincement au coeur en voyant le degré de fragilité de son interlocuteur. ll était compliqué de savoir comment réagir vis à vis de lui. Il savait bien que, d'une manière ou d'une autre, il lui faudrait refuser ce pourquoi il était venu ici. Il était tout à fait évident qu'il ne pourrait pas lui accorder d'étudier ici... et d'un autre côté, se contenter d'un "non" catégorique ne lui semblait pas franchement approprié. Les parents du jeune homme l'avaient de toute évidence brimé. Bien sûr, son retard mental ne pouvait échapper à aucune perception, mais l'absence de soutien des Fawcett n'avait peut-être pas aidé, en réalité (enfin, ce n'était qu'une supposition... il ne connaissait rien de la situation familiale de l'homme qu'il avait en face de lui). Ce qui était certain, c'est que Dippet ne se sentait vraiment pas de fouler au pied les rêves et les espoirs du pauvre Aiden... ou en tous cas, il comptait bien le faire en douceur.

-Je suis certain qu'ils apprécieraient les efforts que vous déployez afin de vous améliorer.

À vrai dire, il n'en savait rien. Les propos d'Aiden donnait l'impression que les parents du jeune homme l'avaient toujours considéré de leur vivant dans l'absence la plus totale de considération, partant du postulat qu'il n'arriverait à rien, qu'il n'était pas la peine d'essayer... Mais inutile de formuler un tel constat en présence de son interlocuteur, d'autant qu'il ne faisait qu'avancer des arguments sans en être certain.

-Vous savez... Il n'est guère possible d'intégrer l'école après l'âge requis... Oui, il avait conscience que ses propos seraient mal accueillis par Aiden, mais c'était un point sur lequel il ne pouvait tout de même pas lui mentir. Néanmoins, puisque votre soif d'apprendre vous a mené jusqu'ici... je trouve votre volonté d'apprendre tout à fait admirable. Nous pourrions envisager une solution annexe. Comme... des cours par correspondance.

Cette idée lui était venue quasi instinctivement, et il l'avait prononcé avant même d'avoir le temps d'y réfléchir, le tout demandant forcément de la mise en place. Au-delà du fait qu'il craignait un peu l'instabilité d'Aiden, il s'était tout simplement laissé apitoyer par son discours. Faible ? Influençable ? Oui, on parlait de Dippet, après tout.

-Nous en parlerons dès que votre frère nous aura rejoint.

Et il espérait qu'il ne tarderait pas à venir... Ce n'est pas que la situation lui était plutôt inconfortable, mais oui, elle lui était effectivement inconfortable. Comme beaucoup d'autres. Il aurait plus de facilité à gérer la situation dès lors que le représentant légal du jeune homme les aurait rejoint. C'était plus que nécessaire, en la circonstance.

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E

nfin, le frère d'Aiden fit son entrée dans le bureau directorial. Il était temps ! Dippet avait toutes les peines du monde à savoir comment réagir en présence de cet homme-enfant qui avait le don de lui inspirer à la fois de la pitié et une légère angoisse. Il le mettait mal à l'aise. Et c'est certainement pour cette raison que les minutes qui s'écoulèrent entre le moment où Louisa l'avait conduit jusque dans son bureau et celui où, enfin, Erwan fit son entrée, semblèrent si longues à Dippet. Pourtant, non, il n'avait pas été long, pas le moins du monde , c'était même inespéré qu'il arrive aussi vite alors qu'il était sans doutes au travail, et qu'il avait fallu attendre que le courrier lui soit transmis. Une chance oui, qu'il ait pu se libérer si vite, même si celle-ci devait apparemment s'accompagner de réprimandes. Erwan ne fit en effet preuve d'aucune civilité, ni ne fit montre d'une quelconque marque de politesse, alors que sans un "bonjour" ni quoi que ce soit d'autre, il lui ordonna presque de se parler. Dippet avait horreur de cette sorte de situation, et pourtant, elles lui étaient familières, il n'était pas rare qu'on le prenne de haut, ou qu'on ne le considère pas le moins du monde, en dépit du rang qu'il tenait. Bon, le frère avait des raisons de ne pas manifester l'enthousiasme le plus grand qu'on puisse imaginer, mais après tout, c'était Aiden, qui avait franchi le seuil de l'école, c'était lui qui avait bravé les interdits pour se rendre ici. Dippet ne se sentait en rien fautif de quoi que ce soit. Certes, il aurait peut-être dû se montrer plus clair à l'adresse de son destinataire, lui apprendre plus directement qu'il ne rejoindrait jamais l'école de magie (c'était bel et bien ce qu'il avait dit, mais il semblait qu'Aiden ne l'ait pas entendu de cette oreille), mais face aux comportements imprévisibles du jeune homme, on pouvait comprendre qu'il n'ait guère voulu se montrer trop brusque. Les propos d'Erwan ne faisaient jamais que le conforter dans ses positions, d'ailleurs. Une potion pour le sommeil pour éviter un cataclysme imminent ? Et on lui reprocherait de n'avoir pas été complètement sincère, hein...

-Merci d'avoir prit la peine de vous déplacer. Parce que lui, ne comptait pas oublier les convenances. Je crains malheureusement de ne rien avoir de la sorte dans ce bureau, je peux demander à notre infirmière d'en amener une si cela vous semble nécessaire.

Même si, en ce qui le concernait, ça ne l'enchantait pas. Avoir affaire à la fille Sparkley, qui lui amenait avec elle son lot d'ennuis divers, c'était une chose, avoir affaire à Sparkley mère, c'était déjà bien moins engageant. L'une de nos élèves a trouvé votre frère dans le parc, et l'a amené dans mon bureau. Que dire de plus ? Pour le moment, il préférait ne rien ajouter. Si des somnifères étaient nécessaires, il garderait la partie qui concernait les aspirations manifestées par Aiden et le soucis que Dippet s'était senti de l'aider dans la mesure de ses possibilités.

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À

la demande d'Erwan, et puisqu'il n'y avait apparemment pas d'autres alternatives, Dippet accepta de faire appel à l'infirmière. Très franchement, s'il avait pu s'éviter de faire appel à Sparkley mère, c'eut été avec plaisir, mais aux grands maux les grands remèdes. Quoi qu'il en soit, il semblait ne pas y avoir d'autres choix. La magie du jeune homme semblait effectivement incontrôlable, et nécessiter d'être régulée, dépendant très clairement des écarts de caractère d'Aiden, qui pouvaient effectivement être assez violents. Quitte à devoir gérer les foudres de quelqu'un, il préférait encore que ce soit de la part de celui qui savait contrôler sa magie, même s'il ne semblait pas bien prompt à se montrer compréhensif vis à vis de l'attitude qu'il avait pu avoir avec son frère, dans le seul but, lui aussi, d'avoir à affronter une tornade au beau milieu de son bureau (qu'aurait dit Erwan, hein, s'il avait administré à son frère ce même somnifère qui allait lui être donné maintenant dans l'unique but de le calmer et de ne pas le mettre face à la réalité de cet impossible auquel il tenait tant à accéder. Dippet rédigea une note à l'intention de l'infirmière qu'il envoya voler, l'aide d'un sortilège, quelques étages plus bas, en direction de l'infirmerie. Ne restait plus qu'à attendre. Attendre dans un silence de plomb. Le directeur n'osait rien dire. Rien ne semblait véritablement approprié pour détendre l'atmosphère. Lui proposer une tasse de thé ou de café ? Il aurait été capable de lui en renverser le contenu en plein visage. Ah, il y a vraiment des moments où il échangerait sa place contre n'importe quelle autre au monde.

Finalement, l'infirmière arriva, toujours aussi peu aimable. Elle se contenta d'un passage éclair, précisant au directeur, de ce ton si peu amène qui la caractérisait si bien, et à voix basse, afin qu'il puisse être seul à entendre, bien qu'elle réprouvait visiblement la situation, que quelques gouttes dilué dans un verre d'eau feraient très largement l'affaire. Tournant le dos quelques secondes aux deux frères, il remplit donc un verre à l'aide d'un sortilège d'aguamenti, et y versa quelques gouttes de la fiole que lui avait donné Sparkley, Sparkley qui n'avait pas demandé son reste et dors et déjà quitté le bureau. Dippet déposa le verre sur le bureau, l'air de rien, adressant à Erwan un regard entendu. S'il fallait employer des méthodes si peu protocolaires, que ce soit à lui de s'en charger. Sans oublier que cette idée était la sienne et qu'Aiden serait plus en confiance si c'était Erwan qui - disons le tout net - se tapait le sale boulot.

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ifficile de ne pas se sentir touché face au spectacle de ces deux frères. Quand bien même Armando Dippet manquait très souvent de tact, et visait régulièrement à côté lorsqu'il voulait bien faire et se montrer juge de la nature humaine, il comprenait l'attachement que ces jumeaux avaient l'un pour l'autre, et la difficulté que ressentait Erwan à l'idée de faire volontairement subir à son frère ce qu'il lui donnait à faire. Cela n'allait qu'en renforçant cet envie qu'il avait de venir en aide aux Fawcett, même s'il ne savait pas exactement quels chemins emprunter. Il ne pouvait pas réaliser le rêve d'Aiden, c'est une certitude, mais le briser définitivement lui fendait le coeur. Dippet était un hypersensible en plus du reste, autant dire que ça n'arrangeait pas le moins du monde son cas. Assistant, impuissant, à cette situation, il ne prononça pas le moindre mot, conscient qu'il risquait fort de dire quelque chose qui aurait le don de sortir l'oubliator de ses gonds ( et oui, il savait qu'il n'aurait pas le tempérament nécessaire pour riposter et faire face). Il attendit qu'Erwan reprenne la parole pour s'exprimer à son tour, plutôt soulagé, à vrai dire, de le voir plus prompt à se montrer aimable que colérique. Bien sûr qu'il pourrait utiliser sa cheminée pour s'en aller, ce serait bien plus pratique ainsi.

-Oui, bien sûr. approuva le directeur en acquiesçant vivement. Il y a de la poudre de cheminette dans le pot en fer.

Dippet fut surpris d'entendre Erwan s'excuser ainsi. Il n'était pas responsable, après tout, de ce qui était arrivé. S'il avait la responsabilité de son frère, il ne pouvait rien à ce qui s'était passé, il était au travail, et il était presque impossible de se rendre à Poudlard par ses propres moyens comme l'avait fait Aiden à moins de faire d'une véritable volonté de fer. Non, il n'était pas responsable de ce qui s'était passé. À vrai dire, le directeur était plus en position d'avoir à s'excuser que l'inverse, même s'il n'avait jamais fait preuve que d'intentions louables, intentions mal gérées. Comme souvent, somme toute. Ce n'était jamais les initiatives du directeur, qu'on lui reprochait, mais la manière parfaitement stupide et maladroite dont il les gérait. Vraiment stupides, vraiment maladroites.

-Vous n'avez pas à vous excuser. C'est moi qui m'excuse de ce qui vient de se passer.

Il hésita. Il songeait à cette idée qui lui était furtivement venue, de cours par correspondance, ou à domicile. Mais ces choses-là étaient longues à mettre en place. Il fallait obtenir des professeurs qu'ils y consacrent du temps (et il connaissait suffisamment bien les professeurs de Poudlard pour savoir que ce ne serait pas le cas de tous), et puisque ces derniers prenaient un malin plaisir à saper de toutes les manières possibles son autorité... Il allait néanmoins se pencher sérieusement sur la question. Mais mieux valait qu'il ait des certitudes avant de proposer son idée à son interlocuteur. Il avait fait suffisamment de fausses promesses pour la journée, et ce en pensant bien faire.

-Je vous souhaite... un bon retour.

Au final, c'est tout ce qu'il avait trouvé à dire.

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