Elle savait qu'il faudrait qu'elle se montre un peu plus sérieuse et fasse moins souvent l'école buissonnière. Elle séchait les cours de plus en plus régulièrement, au grand désespoir de ses professeurs... Et le pire, c'est qu'en soi, la bleue et bronze aimait la plupart de ses cours (même si comme pour tous ses camarades, il y avait quelques professeurs qu'elle se serait bien épargné d'avoir), elle était même une élève plutôt brillante. Si elle séchait, ce n'était pas par véritable rébellion à l'égard du corps enseignant ou par absence d'envie d'étudier, c'était uniquement pour mettre en rogne sa génitrice. Depuis leur dernière conversation, le soir de Halloween, elles avaient toutes les deux atteint un évident point de non retour. Elles n'étaient plus capables de communiquer ou de savoir se parler correctement.. Entre elles, était née une immense animosité, teintée d'amour, bien sûr, mais noyée sous ces flots de ressentiment. Oui, elle voulait avant tout exaspérer sa mère, à qui l'on apprenait au jour le jour les cours que sa fille désertait (c'était là le seul avantage lié au fait que sa mère soit encore à l'école de magie), mais au fond, l'école buissonnière commençait à l'ennuyer un peu. Elle avait fait quelques virées à Pré-au-lard, oui, mais on en faisait vite le tour, de ce village, et Poudlard, à l'heure où tout le monde étudie, était ennuyeux à mourir. Sans compter qu'elle ne pouvait même pas s'isoler à la bibliothèque si elle voulait éviter qu'on la tire par les oreilles jusqu'à sa salle de classe. Alors au final, ce temps libre qu'elle s'occtroyait, elle l'employait... à rattraper les cours qui lui manquaient, justement... Tu parles d'un comble.

Cette fois, elle avait choisi de profiter d'un temps bizarrement assez beau et étrangement ensoleillé pour un début de mois de novembre pour aller s'isoler dans le parc de Poudlard, son livre d'histoire de la magie entre les mains, plume, encre et morceau de parchemin soigneusement rangés dans son sac. Elle avait fait quelques pas dehors quand elle aperçut une silhouette adulte, assise dans l'herbe. Elle songea, dans un premier temps, à faire marche arrière, elle n'avait aucune envie de se retrouver nez à nez avec l'un de ses professeurs, mais elle comprit rapidement qu'il y avait quelque chose de différent dans le comportement de cet homme, et il ne lui semblait pas l'avoir vu un jour à la table des professeurs. Hésitante mais curieuse, elle choisit de se rapprocher.
Elle sursauta légèrement en l'entendant prendre la parole.

-Dis, t'sais comment j'peux entrer à Poudlard ? J'veux étudier, moi aussi !

Louisa arqua un sourcil. C'était quoi ce délire ? L'homme en face d'elle semblait avoir la trentaine bien tassée, mais parler comme l'aurait fait un gamin venant tout juste de sortir de la maternelle !

-'Suis plus intelligent qu'avant, maint'nant ! J'suis un grand dans ma tête, j'ai l'droit d'être ici ! Mais faut que j'parle à quelqu'un...J'dois faire quoi ?

La bleue et bronze se recula d'un pas alors que leurs regards se croisaient. À présent, elle ne pouvait plus faire comme si elle ne l'avait pas vu. Et elle ne se sentait pas très rassurée. Si c'était une blague, elle était de très mauvais goût. Et si ce n'en était pas une bah... Louisa trouvait sincèrement ça flippant.

-C'est quoi ce bordel ? Vous êtes qui au juste ? demanda-t-elle, sur ses gardes.

-Mon frère, y m'a dit qu'les gros mots, c'était pas bien. Faut pas en dire, c'est pas poli...

Non mais... sérieusement ? C'était une blague. C'était forcément une blague. Aucun être humain un tant soit peu sensé (et laissé en liberté, qui plus est) ne pouvait VRAIMENT s'exprimer comme ça, ce n'était pas possible. On lui faisait forcément une farce. Encore un coup fourré de la guilde, si ça se trouve. Ou alors ce type se la jouait comédien raté à la Beery et se trouvait très drôle à l'heure actuelle, dans son rôle de composition que l'on pouvait trouvait soit attendrissant, soit pathétique, soit profondément flippant (Louisa ne savait pas trop où elle se situait encore, mais elle n'optait pas franchement pour la première option à l'heure actuelle, dans tous les cas). Croisant les bras, elle gardait une certaine distance. Elle ne voulait pas donner l'impression de se laisser duper si facilement si c'était une farce. Et si ce n'en était pas une... autant garder ses distances, dans ce cas. Elle préféra ne rien répondre à ça, attendant de voir où tout ça était supposé la mener. Qu'est-ce qu'elle aurait pu lui répondre, de toute façon ? La bleue et bronze tenait son langage extrêmement fleuri de sa mère, elle en était particulièrement fière, et n'avait pas l'intention de changer ça un jour. Ça faisait partie de sa personnalité, après tout. "Bordel" était par ailleurs le juron le moins injurieux qu'elle était capable de prononcer.

-J'm'appelle Aiden. Aiden...euh...Fawcett. J'veux rentrer à Poudlard, mais...mais j'sais pas trop comment faire...

"Ben t'y es, pauvre andouille" furent les premiers mots qui vinrent à l'esprit de la deuxième année, mais elle préféra garder sa réflexion pour elle. Elle n'oubliait pas qu'elle avait potentiellement affaire à un psychopathe. Dans le doute, elle ne tenait pas spécialement à l'importuner ou à lui donner prétexte à s'en prendre à elle. Bon d'accord, il avait l'air franchement inoffensif, mais on ne pouvait pas lui en vouloir de se méfier. Cet Aiden (si c'était bien son nom) ne ressemblait à personne qu'elle ait rencontré jusqu'alors, et cette rencontre la perturbait franchement.

- T'as vu ? J'sais les faire tout seul, maintenant ! C'est mon frère qui m'a appris, pour que j'devienne grand. Il est gentil, mon frère...Tu veux devenir ma copine ? Et toi, tu t'appelles comment ? T'aimes bien Poudlard ? T'es gentille ? T'aimes bien les livres ? Moi, j'adore Babitty Lapina ! Maintenant, j'sais la lire tout seul ! Tu...Tu veux bien être ma copine, alors ? J'en...J'en ai pas beaucoup...

Encore plusieurs pas en arrière. Par la barbe de Merlin, pourquoi s'était-elle laissée abuser par sa curiosité ? Elle aurait dû l'ignorer et passer son chemin, comme elle savait si bien le faire avec la plupart de ses camarades, ça aurait été une solution saine, et ça lui aurait évité de se retrouver dans ce genre de situation où elle ne savait tellement pas quoi penser de son interlocuteur qu'elle se sentait rappelée à son statut de simple pré-ado, incapable d'agir en situation de crise.

-Whowhowho... Minute, papillon ! Déjà, une question à la fois, ok ? Et c'est moi qui les pose en premier. Ensuite, si c'est une blague, elle est franchement douteuse. Enfin, si c'en est pas une... mais t'as quel âge, bon sang ?

"Ben...J'sais plus. Y a l'âge dans ma tête et pis l'autre...J'me rappelle plus..."

Oh... Louisa commençait à comprendre. Il ne se foutait pas d'elle, de toute évidence pas, l'homme en présence de qui elle se trouvait semblait juste souffrir d'un déficit mental, comme s'il était coincé dans un âge qui n'était pas son âge physique. Est-ce que ça rassurait la bleue et bronze de le savoir ? Pas franchement, non. Il avait l'air plutôt inoffensif, comme ça, mais s'il était dérangé mentalement, il se pouvait qu'il ait des sautes d'humeur, ou elle ne savait quoi. Elle était de plus en plus hésitante quant à la manière de se conduire. Elle hésita à appeler sa mère à la rescousse. Dans ces moments là, se réfugier dans les jupes de sa mère semblait rassurer, et puis, elle était infirmière, elle saurait quoi faire. Mais non, trop de fierté. Et puis, vu ce qu'elles s'étaient dits la dernière fois qu'elles s'étaient parlées, elle préférait encore parler à un psychopathe éventuel que d'affronter sa génitrice.

"C'est pas une blague. J'comprends pas c'que tu veux dire...J'blague pas. J'veux aller à Poudlard, et pis m'faire des copains, et...et j'veux faire comme t...tout le monde..."

Pour le moment, Louisa ne disait rien. Elle se contentait d'évaluer la situation, de se faire une idée des risques qu'elle prenait en restait avec cet homme. Seulement après, elle choisirait de fuir en courant (option qu'elle trouvait dangereuse), ou de rester et d'essayer de faire preuve d'au moins un peu de patience à l'égard de cet homme pas comme les autres... Bon, cela dit, pas de chance pour Aiden, même en étant encore une enfant elle-même, elle détestait par dessus tout les gosses, assez mature pour son âge, on la considérait parfois comme une adulte dans un corps de gosse (même si sa maturité avait ses limites)... alors se trouver avec un gosse dans un corps d'adulte...

"Je...J'ai été méchant pour qu'tu veuilles pas être ma copine ? 'Voulais pas...'Suis désolé..."

Louisa se mordilla légèrement la lèvre inférieur. Dire à cet homme qu'elle acceptait d'être son ami pour éviter de le froisser était une option, mais elle n'avait pas franchement envie de se faire coller aux basques par ce type si elle avait le malheur d'accepter d'être sympathique avec lui. Cruel dilemme.

"J'veux juste apprendre la magie et plein d'trucs ici. A la maison, c'est pas pareil. Mon prof, y m'apprenait que des sorts bêtes et faciles. Si j'vais à Poudlard, je...j'pourrais travailler, comme mon frère, et y sera plus obligé d's'occuper d'moi. Y sera content..."

Ok, c'était peut-être bizarre, mais Louisa était convaincue qu'il ne lui montait pas un baratin. Aiden, à cause de son handicap, ne devait pas avoir pu aller à Poudlard. Il vivait apparemment sous la tutelle de son frère, et devait avoir regretté de e pas avoir intégré l'école de magie. Donc, au moins, il avait de la famille, quelqu'un chez qui le 'rendre'.

"J'peux alors ? J'peux rentrer à Poudlard et pis travailler comme un grand ?"

Louisa, dans une grande inspiration, prit le parti de rester calme, et plus conciliante que d'habitude, surtout pour s'éviter des ennuis.

-C'est pas moi qui décide de ça, tu sais ? Il faut aller voir le directeur de l'école, pour ce genre de demande. Oh oui, l'emmener chez le directeur était sûrement la meilleure façon d'agir. Tu es venu seul ? Pourquoi ton frère n'est pas avec toi ?

Elle aurait préféré.

-Oh. Merci.

De rien ? Aiden oublierait certainement ses remerciements quand il apprendrait qu'elle ne voulait le présenter qu'à Dippet que pour se débarrasser de ce qui ressemblait fort à un problème à ses yeux. Enfin, encore fallait-il qu'il le comprenne. C'est qu'il ne semblait pas être futé, ce pauvre homme. Bête, mais pas bien méchant, voilà à quelle conclusion en était arrivée la bleue et bronze. Il se pouvait toujours qu'elle se trompe, c'est sûr, mais il lui semblait quand même que son interlocuteur n'était pas à catégoriser parmi les psychopathes. Ou pas les dangereux, en tous cas. C'était déjà ça. Le bureau directorial, c'était pas la porte à côté. Si elle devait prendre sur elle de l'accompagner jusque là, mieux valait qu'il soit inoffensif, même si elle gardait l'espoir de croiser un enseignant ou n'importe quel adulte en chemin pour la “débarrasser” de lui. Merlin, elle serait même ravie de croiser sa mère, pour l'occasion ! Et tant pis si elle devait se faire réprimander pour avoir sécher les cours. Y'a des priorités, dans la vie. Eh oui !

-Ben euh... Erwan, y travaille... Suis sorti et j'ai prus l'bus magique pour v'nir ici...C'est mon idée à lui ! Si j'peux aller à Poudard et tout... mon frère, il aura notre grande maison pour lui tout seul et j'pourrais grandir un peu dans ma tête. J'travaillerais duuur, c'est juré !

Louisa envisageait très fort d'anéantir immédiatement et un à un les espoirs d'Aiden, mais elle se retint. Ouais, elle commençait à penser qu'il ne lui ferait pas de mal, mais c'était pas la peine pour autant de prendre des risques inconsidérés, hein ! Folle, il lui arrivait de l'être par moments, mais suicidaire, elle ne l'était certainement pas. Si quelqu'un devait apprendre à son interlocuteur qu'il avait autant de chances d'être admis à Poudlard que Beresford d'être considéré comme sexuellement attirant (par quelqu'un d'autre que sa cinglée de génitrice), ce ne serait pas elle qui s'en chargerait. Tout comme elle s'épargnerait le fait de lui faire remarquer que, au point où il en était, travailler dur, même en accentuant la voyelle d'un ton agaçant, n'y changerait rien.

-Dis, c'est un secret, hein ? Faut pas que mon frère y sache, sinon j'vais avoir une nounou et j'pourrais plus sortir comme j'veux. Bah, si j'vais à Poudlard, y pourra pas m'mettre une nounou ! Et pis ici, j'pourrais être un grand et sortir si j'veux. Et j'dormirais plus comme les bébés, c'est pas drôle.

Un secret de polichinelle, ouais ! Louisa espérait bien que, à la seconde même où Dippet verrait Aiden, il contacterait son frère, le fameux Erwan, pour le renvoyer chez lui. C'est pas qu'il lui était complètement antipathique, hein ! Mais qu'elle le veuille ou non, elle la mettait mal à l'aise. Qu'il ait une nourrice sur le dos et dorme comme les bébés H24, c'était encore le mieux qui puisse lui arriver aux yeux de la bleue et bronze, qui n'était pas bien conciliante, c'est sûr.

-T'sais où il est, l'directeur ? J'vais lui dire que je veux être élève etn comme ça, on pourra être copains ! Dis, j'sais pas comment tu t'appelles. T'as pas de prénom ? Je peux t'appeler Nini ? Comme la p'tite sorcière dans le livre que mon grand frère y m'a lu y'a pas longtemps. Tu veux bien me montrer le directeur, Nini ?  S'teuplaît !

Ouais qu'il devienne copain avec le dirlo, tiens ! Ça lui ferait au moins un ami, au mal aimé de service, et qu'ils copinent entre eux et très loin d'elle, ça lui convenait bien. Et s'il pouvait cesser de l'appeler “Nini”, au passage ! Louisa n'avait pu s'empêcher de grimacer en entendant ce surnom qu'il était hors de question qu'elle conserve. “Nini”.. Et puis quoi encore ? Qu'il aille au diable.

-Je m'appelle Louisa. Ne t'avises plus jamais de m'appeler “Nini”. Elle regretta vite le ton qu'elle venait d'employer, surtout parce qu'elle craignait de la part de son interlocuteur une crise de colère qui se retourne contre elle. Le bureau du directeur est là-haut. Dit-elle en montrant la tour en question du doigt, s'exprimant comme on parle à un gamin de cinq ans. Allez, suis-moi, je t'y conduis.

-Je...J'trouvais qu'Nini, c'était un joli prénom. Et pis...La Nini du livre, elle est gentille et intelligente....

Bah rien à foutre, de l'héroïne de son bouquin, qui à coup sûr, ne devait pas faire plus de vingt pages et se décliner en plusieurs variantes stupides et ridicule de type : Nini à la plage, Nini à l'école, Nini à la montagne... Très peu pour elle. Non, non, et cent fois non. Les héros que Louisa appréciait le plus et auxquels elle acceptait d'être assimilée devaient être nés d'univers plus complexe, et posséder une personnalité plus fouillé et complexe qu'un simple "elle est gentille et intelligente", Louisa aimait la littérature, la vraie, et foulait au pied tout ce qui s'en éloignait. Oui, la description d'Aiden, qui ne connaissait de toute façon fichtrement rien d'elle, ne correspondait pas. Elle était certes intelligente, mais gentille... c'était à mille lieux d'être le cas.

-Mais il a pas peur du vide ? Y doit être fort et courageux, l'directeur !

Louisa ne pu s'empêcher de rouler des yeux à cette réflexion. Il manquait décidément plus d'une trentaine de cases à son interlocuteur. Il ne fallait pas avoir inventé la poudre pour comprendre que ce bon vieux Dippet ne l'avait pas inventé davantage. Il était qualifié de presque tous, ouvertement ou dans son dos, de poule mouillée et de chiffe molle, incapable de s'imposer ou de prendre en main Poudlard. La bleue et bronze était du même avis que tous ceux qui émettaient cette opinion peu flatteuse : Pour elle, le directeur de Poudlard avait le cerveau qui fonctionnait au ralenti. Elle préféra ne faire aucune réflexion là-dessus. Il aurait été particulièrement vain de débattre sur le sujet avec un type comme Aiden, qui avait des capacités de compréhension visiblement très limitées. Elle ne su s'empêcher d'avoir un mouvement de recul quand elle sentit sa main se serrer dans la sienne. Non mais oh ! Encore un peu et elle allait lancer l'alerte pédophile. Sérieusement.

-P...Pardon...Erwan, y me tient tout l'temps la main quand on sort. Y veut pas m'perdre...Peux...Peux t'prendre la main, s'il te plaît ?
-Je m'en fiche totalement, que tu ai prit des habitudes louches, bordel ! N'essayes même pas de me toucher ou tu vas t'en prendre une.

Elle avait bien envie de le laisser en plan, mais il y avait un directeur auquel il fallait qu'ils rendent visite. Elle fit donc traverser le parc à Aiden, installant le plus de distance possible entre eux deux. Quelques minutes plus tard, ils étaient à l'intérieur du château.

-"Ca va aller...On va voir l'directeur et pis il va être d'accord et ça ira. Erwan, y s'ra fier..."

Louisa fronça les sourcils. Elle avait tout d'abord cru qu'Aiden s'adressait à elle avant de se rendre compte qu'il n'en était rien et qu'en fait, ses propos étaient adressé à son ours en peluche. Merlin, mais elle était vraiment en présence du pire cas social qu'elle ait jamais rencontré ! Elle n'avait jamais vu quelqu'un comme lui.... Et franchement, en fait, elle s'en était très bien passée. Elle essayait de passer outre, d'ignorer les regards moqueurs sur leurs passages, de dissiper son malaise... C'était pas forcément réussi, mais elle faisait ce qu'elle pouvait. Elle ne rêvait plus que d'une chose : arriver le plus rapidement possible au bureau du directeur, et se décharger de ce fichu boulet accroché à sa cheville.

"J'crois que les autres, y m'veulent du mal...Y...Y z'ont un regard pas gentil..."

Du mal, peut-être pas, mais effectivement, les regards que posaient les élèves sur leur passage n'étaient effectivement pas très agréable ou très engageants. Mais c'était surtout qu'ils l'observaient comme un phénomène de foire. Normal, au fond. Si Louisa n'avait pas été si peu soucieuse de son image, elle aurait certainement catégoriquement refusé de s'afficher en présence d'Aiden. Mais puisqu'elle s'en fichait... Et qu'elle voulait être débarrassée... Elle sentit ses doigts agripper sa manche. Dans un premier temps, elle voulu lui frapper le dessus de la main pour l'arrêter, mais l'entendant dire qu'il se sentait mal, elle choisit de ne pas aggraver la situation. Allez savoir ce qu'il lui ferait si elle s'avisait de le repousser maintenant. S'il piquait une crise au beau milieu du château, elle n'était pas certaine de réussir à le gérer. Déjà que là, maintenant, elle ne savait pas exactement ce qui allait se passer, et si elle allait tout gérer...

"C...C'est loin ? M'sens pas bien...."

Loin ? Un peu, ouais, le bureau du directeur, depuis le parc de Poudlard, c'était pas la porte à côté. Ces deux lieux étaient à peu près à l'opposé l'un de l'autre. Il fallait traverser plusieurs couloirs, et surtout monter un nombre conséquents d'escaliers pour arriver où on voulait. En gros, Louisa n'était pas encore arrivée. Ils venaient à peine de traverser un couloir du deuxième étage. D'accord, il y avait peut-être un chemin plus court. Mais même après une année d'étude dans l'école de magie, elle ne connaissait pas encore le château par coeur et tous les raccourcis utiles.

"On va y arriver...Promis..."

Une fois de plus, Aiden parlait à sa peluche. C'était vraiment... pathétique. Alors qu'ils arrivaient au troisième étage, une idée traversa l'esprit de Louisa.

-Si tu te sens pas bien... je peux t'emmener à l'infirmerie, si tu veux, on est juste à côté.

C'est vrai, ils n'étaient qu'un deux pas, et même si Louisa détestait l'idée même de voir sa mère, ça lui permettrait d'être... débarrassée plus facilement. Il fallait savoir faire des concessions, parfois. Dans les cas d'urgence...

Je...Je sais pas... M'sens pas...bien...

Louisa cru tout d'abord que ces mots signifiaient qu'il voulait effectivement se rendre à l'infirmerie. Ce ne serait pas du luxe, selon elle. Il était en piteux état. Apparemment, l'homme-enfant souffrait d'un maladive hyperémotivité qui amplifiait chaque contrariété ou situation inattendue, inhabituelle ou encore embarrassante. Parce que ça aurait été trop simple s'il s'était agi d'un simple illuminé qui parlait à sa peluche. D'accord. Elle n'était définitivement pas la personne la plus apte à agir de la bonne manière, c'était de bon coeur et sans le moindre soucis qu'elle acceptait de laisser à d'autres ce genre de contrariétés absurdes. Et si elle pouvait le faire le plus tôt possible, ce serait encore mieux. Croyant donc qu'il lui suffirait de faire les quelques pas qui les mèneraient à l'infirmerie, elle se sentit un peu soulagé. Un peu... C'était bien la première fois qu'elle avait ce genre de sentiments lorsqu'il fallait qu'elle se rende en ces lieux, souvent, cela signifiait soit qu'elle était très gravement malade (elle ne se déplaçait pas là pour rien), soit qu'il fallait qu'elle parle à sa mère pour une raison X ou Y. Dans tous les cas, ce n'était jamais bien glorieux. Mais alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres d'arriver, Aiden sembla se raviser.

"Le di...directeur..."

Ok... Il voulait vraiment la faire tourner chèvre, ma parole ! Dans un soupir résigné, elle reprit donc le chemin qui menait au bureau directorial. Par la barbe de Merlin, pourquoi est-ce qu'il fallait que ce fichu bureau soit aussi loin et aussi haut ! Sûrement une façon d'afficher la supériorité de Mr le directeur... Dans le cas d'Armando Dippet, c'était clairement une aubaine, il n'avait pas beaucoup d'autres chances d'afficher cette supériorité en question. Le chemin qui devait les mener jusqu'à Dippet semblait, dans tous les cas, proprement interminable, et Louisa se sentait de plus en plus sujette aux crises de nerf les plus diverses et variées. Elle n'était pas quelqu'un d'extrêmement patient, il faut dire. Ou, plutôt, elle réservait sa patience à ce qui semblait le méritait, et cette situation, ça n'aurait logiquement pas dû être à elle de la gérer. Vraiment, comment ce type avait-il pu arriver jusqu'ici ? Ils montèrent quelques étages supplémentaires dans un silence appréciable. À ce rythme, il ne leur faudrait plus qu'une quinzaine de minutes pour atteindre le bureau.

Ou pas... En face d'eux, un groupe de septième année leur faisait barrage, visiblement très amusés par la situation. Si, déjà, en temps normal, certains d'entre eux, que Louisa reconnaissait parmi le groupe, avaient pris pour habitude et malin plaisir de s'en prendre à elle à chaque fois qu'ils en avaient l'occasion, sous le seul prétexte qu'elle était la fille de l'infirmière Sparkley, ils semblaient ravis d'avoir un nouveau prétexte à leurs saillies pas le moins du monde drolatique, et une cible supplémentaire, également.

-Laisse nous passer. soupira Louisa à l'adresse du meneur de bande, pas du tout d'humeur à gérer ça en plus du reste.

Louisa n'était pas très à l'aise en présence d'Aiden, ça c'est sûr, et on pouvait avancer sans trop d'erreurs qu'ils ne deviendraient sûrement jamais les meilleurs amis du monde, ni même très proches... à moins d'efforts que la bleue et bronze n'était pas certaine d'avoir envie de faire. Elle se disait que c'était sans doute la première et la dernière fois qu'elle aurait à gérer la compagnie de cet homme étrange, et très honnêtement, elle n'en était pas contente. Cela dit, ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas d'affection particulière pour l'homme qui l'accompagnait qu'elle devait le laisser se faire humilier. L'humiliation était en effet une chose qu'elle supportait très mal. On ne lui en faisait pas souvent subir, car on la savait prompte à montrer ses griffes, mais ça c'est certain... si Aiden mettait Louisa mal à l'aise, ces crétins qui leur barrait le passage la mettaient, eux, en colère. Cette manie de se ruer sur les individus au moindre prétexte, de flairer la faiblesse à des kilomètres pour se sentir supérieurs ! Elle exécrait ça plus que n'importe quoi d'autre. Et si elle devait choisir son camp entre les oppresseurs et l'opprimé, son choix était fait, d'emblée. Contres ces brutes complètement lâches, elle défendrait même son pire ennemi. Mais son pire ennemi faisait partie des brutes complètement lâches, donc... Elle sortit sa baguette de sa poche et la pointa en direction du leader, et alors qu'elle allait lui balancer en pleine figure une réplique cinglante en guise d'avertissement. Ils avaient beau être plus âgés qu'elle, si elle devait jouer de sa baguette, elle n'hésiterait pas. Mais au moment où elle allait parler, ce fut Aiden qui prenait la parole.

-B'jour...J'suis Aiden. Vais...Vais bientôt apprendre plein d'trucs avec vous. Et...euh...euh... On peut d'venir des copains...Hein ?

Louisa roula des yeux dans un soupir exaspéré. Merde... Il lui facilitait pas la tâche, là, sérieusement ! Qu'il soit retardé, d'accord mais... Un brin de lucidité, bordel.

-Tu l'as dégotté où ton p'tit copain, Sparkley ? T'as raclé le fond des poubelles, on dirait. se gaussait le crétin qui lui faisait face. La poubelle d'une école maternelle, apparemment.
-C'est le type qui se paye des allergies à son produit contre l'acnée qui dit ça ?

Eh oui, l'avantage d'être la fille de l'infirmière, c'était que ce genre de détails personnels que ces crétins préfèreraient garder pour eux, Louisa les connaissait souvent (le secret professionnel ? Quesaquo ?).
Il n'en fallut pas plus pour que les hostilités soient lancées, et un crache-limace, que Louisa arriva à éviter de justesse, manqua fort de devoir la conduire à l'infirmerie qu'elle avait évité auparavant.
Ce fut à son tour de riposter avec un colloshoo qui bloqua le garçon sur place. Une victoire plutôt mince, étant donné leur sous-nombre.
Dans ce genre de situations, on est normalement content d'avoir un adulte avec soi. Mais là, en l'occurrence, Louisa s'en serait bien passée.

La situation était en train de totalement tourner à leur désavantage, au point même que Louisa songea quelques secondes à abandonner toute fierté et à appeler sa mère au secours, mais elle ne le fit pas, d'une part parce que c'était vraiment stupide (l'appeler au secours ne garantissait pas qu'elle l'entende) et d'autre part parce que non, elle était vraiment TROP fière, au point qu'elle préfèrerait encore appeler ce crétin de Beresford à la rescousse. Au final, elle faisait de son mieux pour esquiver les assauts de ses camarades, essayant, de son côté, d'attaquer du mieux qu'elle le pouvait. Elle parvint à adresser un crache-limace bien senti à l'un de ses "camarades", ce qui eut le don de perturber les autres... Mais pas tous... L'un d'eux avait trouvé judicieux de suspendre Aiden en l'air par la cheville, avant de s'en prendre à son ours en peluche. Cette scène pathétique serra le coeur de Louisa et décupla sa rage. Quelle fierté fallait-il avoir pour s'en prendre ainsi à plus faible que soi ? Bande de crétins...

Louisa chercha à venir en aide à Aiden, mais celui-ci se défendit tout seul, d'une façon qui eut le don de totalement surprendre la bleue et bronze. Elle ne comprit rien à ce qui se passait, elle vit juste l'"agresseur" lâché prise, soudainement troublé par elle ne sait quel mal. Quand il finit par s'en remettre, son regard se tourna vers ses amis. Un regard délicieusement inquiet.

-Venez, on se tire.

Ils semblaient tous du même avis que lui, et ils ne se firent pas prier pour finalement décamper, sous le regard soulagé de Louisa, qu'elle détacha finalement d'eux pour se tourner vers Aiden. Le pauvre, totalement paniqué, en proie, apparemment, à une crise de culpabilité, se frappant la tête contre le mur le plus proche tel l'elfe de maison moyen.

Avec infiniment de douceur, bien plus que ce dont elle était capable de manière générale, elle s'approcha de lui, l'invitant, repoussant son bras d'un geste de la main, de reprendre son calme et de cesser avec ce comportement destructeur. Puis son regard se porta sur la peluche décapitée.

-Reparo.

Les deux parties de la peluche se réassemblèrent. L'ensemble était très fragile, mais ça pourrait au moins tenir le coup jusqu'à ce que quelqu'un d'autre (son frère, peut-être) se charge de réparer ce jouet dans les règles de l'art.

-Ils sont partis. Tu n'as plus rien à craindre.

C'était vraiment étrange et déconcertant de parler de cette manière à quelqu'un qui avant peut-être le double de son âge, mais elle commençait à se faire à l'idée, et surtout, elle prenait la pleine mesure du problème auquel elle était confrontée à l'heure actuelle. Et auquel Aiden l'était tout autant.

Le pauvre Aiden semblait vraiment en piteux état. Il semblait aussi mal physiquement que mentalement, et du haut de ses douze ans, Louisa ne savait trop que faire pour porter un secours profitable à son aîné qui ressemblait fort à son cadet. Son exaspération de tout à l'heure, même si elle n'était pas partie suffisamment loin pour ne jamais revenir, avait laissé place à une véritable compassion. Même si certains avaient tendance à le croire, le corps de la miss n'était pas de pierre, elle ne prenait pas le moindre plaisir à voir autrui souffrir (à moins que cette personne l'ait véritablement mérité - ce qui n'était pas le cas d'Aiden... d'accord, il fallait faire avec son attitude particulèrement... éprouvante et singulière, mais c'était un état de fait dont il n'était pas responsable). Elle fut à nouveau tentée d'appeler sa génitrice, en le voyant peiner à se relever. Il avait besoin d'aide, c'est sûr...

"Mer...ci...Di...Directeur..."

Oui, oui, le directeur. Il n'avait décidément que ce mot là à la bouche. C'est clair, il allait vite déchanter en rencontrant Dippet, qui l'enverrait sans aucun doute balader, lui dirait qu'il n'a pas le droit d'étudier, et appellerait son frère. Mais bon, le moment venu, ce ne serait plus de son ressort, et tant mieux, vraiment. Techniquement, et même si c'était un guignol, Monsieur le directeur était plus à même qu'elle de savoir quoi faire et de gérer le garçon. Entre l'infirmerie et son bureau, elle hésita. Finalement, le bureau étant plus proche, elle opta pour la solution numéro deux. Il ne la lâcherait pas, de toute manière, sans avoir obtenu gain de cause. Il le laissa s'accrocher à sa manche alors qu'ils montaient une dernière succession de marches pour se rendre au bureau directorial. Arrivée devant la fameuse statue qui dissimulait l'ultime escalier menant à ce bureau tant espéré, elle prononça le mot de passe qu'elle avait heureusement retenu de sa dernière entrevue avec le directeur (heureusement d'ailleurs, tout ce chemin parcouru pour rien, elle n'aurait pas apprécié). Il montèrent la dernière volée de marche. Enfin, ils étaient devant cette fameuse porte.

-Voilà, on y est. souffla-t-elle, légèrement essoufflée par leur marche. Elle attendit d'avoir retrouvé une respiration régulière, puis elle toqua à cette fameuse porte qu'elle avait eu tant de peine à atteindre.

Une légère appréhension serrait l'estomac de Louisa, nourrie par un grand renfort de "et si ?". Et si le directeur de Poudlard n'était pas là ? Et si elle devait se résoudre à rester encore un moment en présence d'Aiden ? Et si.... Et si rien du tout, finalement. La bleue et bronze ne chercha même pas à masquer son soulagement quand elle entendit Dippet, à l'autre bout de la porte, les inviter à entrer. Merci Merlin ! Pour une fois, le vieux crétin qui trimait à la tête de cette école où tout allait à vau-l'eau allait prouver sa vague utilité.

-Entrez, je vous prie.

Louisa s'exécuta, et, invitant du regard Aiden à le suivre, même si c'était inutile, au fond, elle pénétra dans ce bureau, bureau qu'elle ne connaissait pas très bien pour, heureusement, ne pas avoir eu souvent l'occasion d'y mettre les pieds. Ses yeux rencontrèrent ceux de ce bon vieux Dippet. Il avait l'air totalement décontenancé. Eh bien, bienvenue au club. Sauf que ça allait être son problème à lui, à présent, plus le sien. Sa tâche était accomplie, elle avait fait sa bonne action, il ne fallait pas lui en demander plus.

-De quoi s'agit-il ?

Par quoi commencer ? La fille de l'infirmière devinait toutes les questions que devait se poser ce brave dirlo, elle s'était posée les mêmes à sa rencontre avec Aiden, et elle n'était pas certaine encore d'avoir trouvé de véritables réponses à toutes les questions qui lui avaient traversé l'esprit... La bleue et bronze ouvrit la bouche, prête à déballer tout ce qu'elle savait avant de demander à prendre congé, mais Aiden jugea bon de parler avant elle.

-B'jour...M...M'appelle Aiden...Faw...Fawcett...Veux...Veux être élève...Vais b'coup tra...travailler.

Ah bah ça, avec ce genre de discours, il allait tout comprendre, Dippet, c'est sûr. Déjà qu'il avait deux de tension, ils n'étaient pas sortis de l'auberge (oui, le jugement que Louisa portait sur le directeur était peut-être légèrement influencé par celui de sa génitrice).

-Veux étudier...S...Suis pas un bébé...J'sais...écrire...et pis...faire d'la magie...

Louisa poussa un léger soupir. Il fallait vraiment qu'elle intervienne ou ils n'étaient pas sortis de l'auberge.

-Je l'ai trouvé dans le parc de Poudlard. Oui, on dirait qu'elle parlait de lui comme d'un chien égaré... mais en même temps, est-ce que c'était complètement éloigné de la réalité ? Je ne sais pas comment il est venu jusqu'à l'école. Je sais juste qu'il s'appelle Aiden Fawcett et comme vous le voyez il souffre de... enfin, il n'est pas très... Oh bref, vous m'avez compris. Inutile de parler de la partie "je veux étudier", ce n'est pas comme si c'était vraiment possible, en fait. Il a un frère qui s'appelle... Erwan, je crois. L'information importante qui pourrait permettre à la situation de se dénouer.

Voilà voilà, elle avait dit tout ce qu'elle savait. Elle fut tentée d'ajouter un : "j'peux y aller, du coup ?" mais elle préféra s'abstenir. Elle n'avait pas d'estime pour Dippet, certes, mais elle savait quand même quand se montrer polie. Elle espérait que Monsieur le directeur aurait la présence d'esprit de lui dire de disposer.