I

l était incroyable de remarquer à quel point Clyde, en quelques mois seulement de travail, avait su se montrer parfaitement dispensable. La plupart de ses collègues en oubliaient presque qu'il travaillait toujours bel et bien au ministère tant il savait se faire oublier. En employé discret ? Non, que nenni ! Disons plutôt qu'il était tellement inefficace et agaçant que la plupart de ceux qui travaillaient avec lui avaient apprit à ne plus compter sur sa petite personne et à se débrouiller sans lui. Et ça convenait très bien au fils Hornby, qui ne devait le fait de ne toujours pas avoir été viré qu'à son nom de famille. Certes, son attitude exaspérait tout autant son père que ses collègues, mais le patriarche ne pouvait se permettre de virer son propre fils, ça faisait de la mauvaise pub. Et si ce dernier finissait à la rue, la pub serait encore plus mauvaise. Oh, ne pensez pas que son attitude de détaché totalement tête à claque ne lui valait pas quelques... déconvenues, Clyde s'était fait tirer les bretelles plus d'une fois. Mais le fait est qu'il s'en fichait royalement, et qu'il avait apprit à écouter les engueulades sans les entendre.
En bref, Clyde, en perpétuel glandeur et procrastinateur de talent, s'était trouvé la bonne planque : un boulot dans lequel il pouvait... eh bien... glander et procrastiner. Au point qu'il finissait par se choisir lui-même ses horaires de travail. Et autant dire qu'il n'était pas rare qu'il quitte le ministère bien plus tôt que prévu, le tout sans éveiller les soupçons de personne, puisque voilà un moment que ses collègues avaient abandonné l'idée de compter sur lui, de lui confier la moindre tâche, ou même de s'intéresser à son travail.

C'est donc alors qu'il devrait être confiné derrière son bureau qu'il se baladait tranquillement, les mains dans les poches, sur le chemin de traverse. Sifflotant, il profitait de ces ruelles assez vide, examinant les différentes vitrines sans avoir pour autant l'intention d'acheter quoi que ce soit. À vrai dire, il cherchait davantage à s'occuper qu'à véritablement faire des emplettes. Il ne savait juste pas comment meubler son temps (hors de question pour lui de retourner à l'appartement si vite, surtout si sa chère et tendre épouse s'y trouvait, il serait toujours temps plus tard de profiter d'une de leurs délicieuses joutes verbales). Comment ? La réponse s'imposa d'elle-même lorsque Clyde découvrit Fawcett, assis sur un banc, en train de rire tout seul comme le pauvre demeuré qu'il était, lisant et se gavant de friandise. Un sourire s'esquissa sur les lèvres du jeune homme. Voilà qui saurait parfaitement l'occuper.

Un peu de compassion ne ferait pas de mal, dirait certain, mais la compassion, selon Clyde, c'était une véritable perte de temps. Il était bien plus drôle de se moquer de ce pauvre type que d'avoir pitié de lui. Il était la plus facile des cibles existantes en ce bas monde. Il avait beau être plus âgé que l'aîné de la fratrie Hornby, Clyde ne lui donnait pas plus de cinq ans d'âge mental. Déjà que certains diraient sans mal que le jeune homme n'est pas très évolué, il avait l'air d'un prix Nobel en comparaison de son futur interlocuteur. En bref, une proie de premier choix.

- C'est toujours mieux que d'être bête et gentil. répliqua-t-il dans un sourire innocent. Puis, lui arrachant son livre des mains. Houuu je vois qu'on est passé de la crêche à la maternelle ! T'es sûr de réussir à suivre, Fawcett ? Y'a beaucoup de texte dans ce bouquin.

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C

lyde roula des yeux. Non, pour ce gosse attardé, il ne savait vraiment pas avoir la moindre compassion, il n'inspirait en lui, tout au contraire, qu'une vive exaspération, et celle-ci n'allait qu'en augmentant à mesure que ce type totalement dérangé lui parlait comme s'il avait deux ans. Il y avait des gens qu'il était, selon Clyde, vraiment nécessaire d'interner à Sainte-Mangouste de toute urgence... Enfin, si ce type était encore en liberté, il fallait croire que tout le monde ne l'entendait pas de cette oreille. Dommage... Ou pas, en même temps, car si l'homme qu'il avait en face de lui avait dû finir en cellule psychiatrique, Clyde perdrait par la même l'une de ses cibles favorites. Bon, disons le tout de même, même pour quelqu'un comme Clyde, qui était loin d'être de nature à vouloir se compliquer la vie, s'en prendre comme il le faisait à Aiden lui semblait beaucoup trop facile, parfois... et si c'était distrayant la plupart du temps, l'aîné des Hornby n'aurait parfois pas été contre le fait que cet homme soit capable, au moins, de lui lancer des remarques assassines niveau "collège" plutôt que "maternelle" et soit capable de saisir ce second degré que le jeune homme se plaisait à employer lorsqu'il s'en prenait à autrui (et à ben y réfléchir, cela arrivait très souvent).

Le voir le menacer ainsi avec sa baguette était un spectacle bien plus amusant que terrifiant. Un autre homme, avec la même carrure, le même physique, mais un esprit différent, pointerait sur lui sa baguette comme Aiden était en train de le faire, Clyde s'inquièterait sans doute, il était même probable qu'il aurait prit la tangente depuis un moment déjà. Mais de la part de Fawcett, il ne craignait absolument rien (ou en tous cas n'imaginait pas pouvoir craindre quoi que ce soit). Les quelques étincelles qui avaient jailli de sa baguette étaient certainement à peu près tout ce que cette dernière serait capable de produire entre les mains de celui qui la possédait. Même si Clyde n'était pas le sorcier le plus puissant de tous les temps, s'il se lançait dans un duel avec lui, il ne mettrait pas deux secondes à en faire son affaire. Et c'était fort de cette conviction, d'ailleurs, que l'employé du ministère, le livre de son interlocuteur toujours en main, n'avait pas envisagé de lancer le moindre sort. à la place, il préféra laisser son sourire s'élargir.

-Tu ferais mieux de lâcher ça, tu vas finir par te blesser, le sermonna-t-il comme on sermonne un gamin (ce que Clyde considérait qu'il était, dans le fond). Puis, jetant un oeil à l'ouvrage qu'il tenait entre ses mains : Dis, à quel point est-ce que tu veux le récupérer, ton bouquin ?

Serait-ce un début de chantage qui venait de montrer le bout de son nez ? Oui, c'était bel et bien le cas. Quoi ? C'était malhonnête ? Il était honteux de profiter ainsi du retard mental dont souffrait un pauvre homme innocent ?
Oui. Oui, ça l'était.
Et alors ?

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C

lyde avait bien fait de ne pas s'inquiéter du mal qu'Aiden aurait potentiellement pu lui faire, armé de sa baguette, s'engager dans un duel magique dont il serait sorti victorieux au bout d'un seul sort n'aurait pour lui été ni stimulant, ni amusant. Là, au moins, il assistait à un spectacle qu'il trouvait des plus risibles, et il ne pouvait s'empêcher (et pourquoi s'en empêcherait-il, d'ailleurs?) d'afficher le sourire le plus moqueur au monde. Sa tentative pour lui faire du mal avait été pathétique, et particulièrement comique à regarder.

Demandez pourquoi Clyde s'en prenait ainsi à Aiden, alors que le pauvre n'était pas responsable des troubles mentaux dont il souffrait, il vous répondra que des moments tels que celui-ci, qui faisaient sa journée, méritait bien qu'il houspille ce brave gars pour laquelle il n'avait jamais eu la moindre once de compassion pour lui, il n'arrivait pas à ce sentir mal devant le spectacle de son humiliation, pour lui, il n'était rien d'autre qu'un objet de distraction quelconque. Et il n'aurait pas mieux pu occuper ce temps qu'il ne passait pas à son boulot que de cette manière. Ce n'était rien d'autre qu'un jeu, au bout du compte. Les gamins aimaient jouer, après tout, non ? Et Aiden n'était jamais rien d'autre qu'un gamin coincé dans un corps d'homme, que l'on pouvait chahuter sans mal, en s'ôtant, au fond, la vague culpabilité que pourrait entraîner le fait de s'en prendre à plus petit que soi. Puisque, c'était très prévisible, Aiden était totalement infichu de se servir de sa baguette, ne lui restait plus, donc, qu'à le menacer avec la répartie cinglante d'un chiot venant de naître, et à faire tomber toutes ses friandises au sol, ce qui venait de donner à Clyde une idée particulièrement délicieuse, qui avait toutes les chances de ne pas l'être tant aux yeux de Fawcett. Bouuu qu'il avait peur. Aucun doute, il n'avait pas fini de s'amuser, avec ce type coincé dans le monde de l'enfance.

-Mais oui, je vais te le rendre, ton bouquin, calme-toi. Lui répondit-il sans pour autant esquisser le moindre mouvement afin de rendre son dû à son interlocuteur. Mais à une condition... bah oui, forcément, il allait y mettre ses condition. D'abord, je veux que tu manges ce que tu viens de faire tomber, ça se fait pas de polluer la voix, publique, comme ça. Allez, on se met par terre et on mange le plancher, plus vite que ça. Sourit-il, serrant fermement le livre entre ses mains, afin de pouvoir palier à l'éventualité que son interlocuteur cherche à lui arracher son bien s précieux des bras au lieu de faire sagement ce que Clyde venait de lui demander de faire.

Il ne savait pas s'il se laisserait aller à une telle humiliation pour un simple bouquin de gamin, mais de la part d'Aiden, Clyde s'attendait à tout. Et puis, sa curiosité piqué à vif, il avait grand hâte de découvrir quelles pouvaient être les limites de l'homme en face de lui (qu'il avait par ailleurs du mal à qualifier d'homme), si limites il y avait, tout du moins.

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S

i Clyde n'avait pas été quelqu'un d'aussi flemmard et je m'en foutiste, s'il avait eu ne serait-ce qu'un tantinet plus d'ambition, il aurait pu être un manipulateur de premier ordre. Je n'entends pas par là qu'il avait véritablement le charisme nécessaire à de telles prétentions, mais la manipulation en soi était un jeu qui, de toute évidence, lui plaisait énormément. À l'instant, par exemple, le jeune homme prenait un véritable plaisir, si malsain soit-il, à faire tourner en bourrique ce pauvre Aiden, qui n'avait de toute évidence rien demandé à personne, et était encore moins à même de se défendre. C'était là d'ailleurs que se découvraient les limites de son machiavélisme. Faire du mal et abuser de l'esprit de quelqu'un ? Oui, avec grand plaisir ! Mais que la tâche ne soit pas trop ardue tout de même. Avec un cerveau aussi diminué en face de lui que celui de ce gosse attardé qu'était Aiden, il s'amusait comme un fou. S'il avait fallu faire preuve de plus de réflexions et de tactique, il aurait clairement et très rapidement trouvé le jeu bien moins séduisant.

Pour l'instant, en tous cas, il ne se lassait pas de ce petit jeu cruel. Et comme l'inverse aurait-il pu être possible, alors qu'il fonctionnait si bien et que Clyde était clairement en train de gagner la partie ? Oui, certains d'entre vous argueront sans doute que c'était une partie gagnée d'avance, et qu'il n'y avait pas de quoi être fier. À cela, Clyde vous répondrait seulement que tout l'intérêt du jeu et de gagner, peu importe les voies détournées par lesquelles on passe pour y parvenir. Il trouvait ça drôle, hilarant, même, que de voir Aiden se rendre ainsi malade en se forçant à avaler toutes les friandises déversées au sol. D'autres auraient trouvé ce spectacle un peu glauque ou se seraient apitoyés, Clyde, lui, trouvait juste ça grotesque, et il avait bien l'intention de voir ce plaisir durer. Alors, comme une promesse est bien plus facile à reprendre que toute autre chose de plus tangible, il choisit de revenir sur la sienne sans le moindre scrupule.

-Tu dois vraiment tenir à ce livre, hein ? Il esquissa un sourire mauvais. S'il est aussi important pour toi, alors je ne suis pas sûr que tu l'ai encore mérité. Oui, il avait l'intention de faire durer le plaisir (ou le supplice pour Aiden en l'occurrence), les meilleures choses avaient une fin, oui, mais si la fin pouvait arriver le plus tard possible. Tu n'as pas l'air très bien, dis donc. Tu dois être barbouillé. On a pas idée de manger aussi vite, en même temps. Puis, lui lançant un aguamenti en plein visage, jusqu'à ce qu'il soit détrempé. Bois un coup, ça aide à digérer.

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C

e qu'il pouvait être pathétique, par Merlin ! Clyde n'avait jamais vu une chose pareille ! Ce type était incroyable, et pas au sens le plus mélioratif du terme. D'accord, il avait un véritable problème psychologique, mais l'aîné des Hornby était parfaitement incapable de ressentir ne serait-ce qu'un semblant de compassion à l'égard de son interlocuteur. Peut-être parce qu'il trouvait que ressentir de l'empathie était une sacrée perte de temps... ou juste parce que ce gamin le faisait rire, lui donnait par moments envie de le baffer, mais jamais, ô grand jamais de le serrer dans ses bras. Sans être un monstre, il n'était pas non plus un exemple de vertu ou de compassion. En fait, Clyde était l'archétype même de l'individu égoïste, qui ne levait jamais le petit doigt pour venir en aide aux autres, il n'allait certainement pas changer d'attitude ou d'état d'esprit, c'était même hors de question. D'autant qu'il commençait à peine à s'amuser. Oui, ce pauvre garçon était dans un état pitoyable,  mouillé, malade, tentant de se réconforter en se serrant contre sa peluche pathétique. Il n'était pas encore au bout de ses peines, vraiment pas. Clyde avait plus d'un tour dans son sac, en dépit des apparences, et il comptait bien aller au bout de ses idées toutes plus ignobles et dégradantes pour son interlocuteur les unes que les autres.

-T'en fais pas, il en saura rien, ton Ewan, je vais te rendre ton livre, et ce sera comme si rien ne s'était passé, rien du tout.

Il avait prononcé ces mots d'un ton sympathique, presque rassurant. Un temps, l'on eut pu effectivement croire qu'il ne voulait que le bien de son interlocuteur, mais un temps seulement. C'était très mal connaître le jeune homme que de croire qu'il allait en rester là, se montrer enfin humain, aimable et compréhensif et laisser son interlocuteur tranquille. Endormir une fraction de seconde son interlocuteur pour le mettre ensuite face à la plus amère des désillusions, voilà quel était son but, et il était d'autant plus simple à atteindre qu'à l'heure actuelle, Aiden semblait avoir digressé jusqu'à atteindre le quotient d'un pauvre chieur en couche-culotte. Que ce soit clair, il allait pas jouer les baby-sitters ! Il préférait clairement poursuivre sur sa lancée.

-Mais il faut que t'apprennes que dans la vie, on a rien sans rien. Il lui parlait avec la même lenteur que celle que l'on utilise lorsqu'on parle à un gosse, mais en même temps, c'était exactement ce qu'il était à ses yeux, rien qu'un pauvre gosse, même s'il était techniquement plus âgé que lui. La patte de ta peluche contre ton bouquin, qu'est-ce que t'en dis.

Vu la façon dont il s'accrochait à cette fichue peluche comme si elle était vivante, Clyde imaginait sans mal quel supplice ce serait pour Aiden que de démembrer cette pauvre chose stupide à laquelle il semblait tenir comme à la prunelle de ses yeux. Et tant mieux, c'était ce qu'il voulait, le mettre au supplice, pour sa simple distraction (parce que vous vous doutez bien qu'un morceau de peluche, ce n'était pas ce qu'il rêvait de posséder le plus au monde, en vérité).

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A

h ça, c'est sûr, Clyde ne s'y était pas attendu. Il avait toujours considéré Aiden Fawcett comme un débile profond et un taré, oui, mais ce genre de tarés inoffensifs qui ne feraient pas de mal à une mouche. Après tout, si, dans sa tête, il n'était qu'un gosse, il devait en avoir l'innocence, non ? (quoique Clyde n'était pas certain d'avoir été un gosse gentil et adorable, à aucun moment de sa vie, il lui semblait plutôt - et au dire de ses parents également - être un petit diable en couche-culotte). Du coup, quand une pure colère vint assombrir le regard de son interlocuteur, l'aîné des Hornby fut clairement décontenancé et prit de cours. En même temps, c'est sûr, il l'avait cherché. Il avait voulu voir quelles étaient ses limites, le pousser dans ses retranchements ? Eh bien, il semblait qu'il y soit effectivement parvenu, mais le résultat n'était de loin pas celui auquel il s'était attendu.

Voilà en effet que le gosse attardé se montrait purement et simplement incontrôlable, orientant contre Clyde des objets qui auraient été susceptibles de lui faire vraiment mal, si leur trajectoire n'avait pas été déviée au dernier moment. Le temps que Clyde mette la main sur sa baguette, il aurait eu toutes les chances de se prendre un banc en pleine tronche... et il n'en aurait pas mené large, c'est certain... D'ailleurs, s'il devait être tout à fait honnête (ce qui lui arrivait très rarement), il n'en avait absolument pas mené large, sous les assauts d'Aiden, devenu complètement hors de contrôle. Pour peu que les choses se soient passées différemment, il aurait vraiment pu avoir mal... Mais ça n'avait pas été le cas, et sitôt la situation redevenue à son avantage, Clyde avait retrouvé son sourire goguenard, moyen pour lui de dissimuler un certain soulagement à présent que l'orage était passé. Ça lui servirait de leçon, il apprendrait à se méfier, la prochaine fois. Cela étant, maintenant qu'il vomissait ses tripes sur le sol et retrouvait un état particulièrement pitoyable, il lui semblait à nouveau parfaitement inoffensif. Mais Clyde se méfiait un peu plus. Il gardait à présent sa main serrée contre sa baguette, l'autre main tenait toujours ce livre, qui demeurait l'objet de convoitise de ce crétin de Fawcett.

-Pas la peine de t'emporter comme ça, mon grand, le voilà, ton précieux bouquin.

Et le livre à son interlocuteur il rendit effectivement, mais pas de la manière dont Aiden l'aurait voulu, c'était à parier, il le rendit par morceaux, en arrachant les pages une à une et les envoyant voler sur son interlocuteur. Tant pis s'il devait encore manquer de se prendre un banc en plein visage, le jeu, à ses yeux, en valait la chandelle. Et il était curieux, c'est un fait, de savoir ce qu'allait être la réaction d'Aiden à présent. La colère ? Le désespoir ? Dans tous les cas, il avait sa baguette, cette fois, et il saurait palier à toute éventualité.

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P

réparé à l'éventualité de voir la magie d'Aiden faire une nouvelle fois des siennes (il avait compris la leçon, le gosse attardé avait beau ne pas savoir ce qu'il faisait, sa magie pouvait être puissante quand il le désirait... et d'autant plus dangereuse que, justement, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il faisait), Clyde eut immédiatement le réflexe, en voyant Aiden se saisir de sa propre baguette, de lancer un sortilège de protego. Le charme du bouclier eut pour effet de faire rebondir le sortilège lancé par Aiden, quel qu'il fut. Quand, dévié, l'éclair de lumière violette atteint le sol, elle le brûla en partie, et Clyde se félicita d'avoir était suffisamment attentif un jour dans sa vie pour se laisser apprendre ce sortilège des plus utiles. Ce devait même devenir son sortilège fétiche. Un enchantement qui permettait de se protéger sans attaquer, de laisser l'autre se fatiguer à attaquer tandis qu'on se contentait d'attendre soi-même à l'abri de son bouclier magique ? Il achetait, vous imaginez bien !

Le sortilège rompu, et la "catastrophe" évitée, Clyde put reporter toute son attention sur Aiden, qui à présent pleurnichait sur le sort de son bouquin. Merlin que ça pouvait être pathétique ! L'aîné des Hornby n'avait jamais aimé les geignards. Ils lui donnaient toujours l'irreprescible envie de leur coller une bonne paire de gifle. L'envie seulement, parce qu'il était très rare que Clyde agisse vraiment. Contrairement à ce que cette scène pouvait aisément laisser croire, il n'était ni brutal, ni violent. Il avait simplement un sens de la "taquinerie", du jeu, et de l'amusement qui, parfois, menait à des cas aussi extrêmes que celui-ci. On pouvait l'en blâmer, c'est certain, mais Clyde se défendrait toujours d'avoir fait quoi que ce soit de mal ou de répréhensible, surtout en la circonstance.

Le jeune homme ne comprit pas ce qui arriva à son interlocuteur / sa victime quand il commença à hurler de douleur, sans, pour autant, qu'il ait fait quoi que ce soit. Clyde pensa, du coup, que la perte de son livre avait plongé Aiden dans un état second. Pas très crédible, c'est sûr, mais comme il n'arrivait de toute façon pas à comprendre son interlocuteur quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse... pourquoi pas ?

-Ne te mets donc pas dans tous ces états ! Clyde adressa à Aiden un sourire agréable et encourageant (donc forcément suspect) avant d'ajouter. Tu sais, on peut le réparer, ton livre, il y a un sortilège, pour ça. Son ton était soudainement sympathique et encourageant. On eut presque pu croire qu'il avait des remords quant à son comportement de tantôt, et cherchait à présent à s'amender en l'aidant à réparer ce livre qu'il avait tantôt détruit. En vérité, c'était très mal le connaître. Quand il se lançait dans un jeu, il jouait jusqu'au bout. Tu vois, il suffit de pointer ta baguette sur le livre et de prononcer ce sort. In-cen-dio. Tu te sens capable de le faire ?

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J

ouer avec quelqu'un souffrant de déficience mentale, c'était également, par moments,  jouer avec le feu, au sens propre comme au figuré. En l'occurrence, le sens propre était de mise, puisque, même si Aiden obéit aux directives de Clyde, pour le plus grand plaisir de ce dernier, ce ne fut pas à son livre, auquel il semblait tant tenir, auquel il mit le feu, mais le banc qu'il avait su faire voltiger plus tôt. Plusieurs sortilèges d'aguamenti plus tard, le trouble était réparé, mais l'aîné des Hornby était tout de même rappelé à la dangerosité qui résidait ainsi dans le fait de s'en prendre à quelqu'un d'aussi instable psychologiquement qu'Aiden Fawcett. Par essence, il était imprévisible, et quand bien même Clyde avait le sentiment de maîtriser plutôt bien la situation, il avait conscience de peut-être être allé trop loin. Pourtant, non, toujours aucune compassion à l'horizon, juste une certaine lassitude. Tourner Aiden en bourrique, il trouvait ça drôle, mais arrivait toujours un moment où il finissait par trouver ce petit jeu ennuyeux et répétitif. Oui, Clyde, à sa manière aussi, était un enfant dans l'âme, de nature à passer d'un jeu à l'autre en toute inconstance, et à s'ennuyer rapidement. Tant mieux pour l'homme qu'il avait en face de lui, certainement.

Légèrement calmé, donc, par lassitude, mais pas seulement (oui, avouons le, il n'était pas certain de savoir palier correctement à l'une des prochaines réactions imprévisibles de son interlocuteur), Clyde observait l'état misérable dans lequel il avait laissé Fawcett. Bien sûr, c'était entièrement de sa faute, mais la culpabilité ne venait toujours pas l'assaillir. À ce stade, il ne fallait vraiment plus espérer ou envisager qu'il en ressente. Quelqu'un de plus concerné ou de plus altruiste aurait certainement décidé de s'amender, ne serait-ce qu'un peu, et aurait décidé d'emmener ce pauvre enfant perdu dans un corps d'homme à Sainte-Mangouste, ce n'était pas son cas. Bien sûr, il n'était pas cruel au point de laisser quelqu'un crever sur place. Mais pour autant qu'il le sache, Aiden n'était pas en danger de mort. Et tant que ce n'était pas le cas, Clyde ne voyait vraiment pas pourquoi il bougerait le petit doigt.

-Et voilà ce qui arrive quand on ne sait pas utiliser sa baguette correctement. dit-il d'un ton légèrement moralisateur. Bon, t'as pas un endroit où pleurnicher ? Tu commences à me fatiguer. Il croisa les bras. Transplane donc loin de ma vue, ça me fera des vacances ! Ah oui, j'oubliais, les bébés, ça ne sait pas transplaner.

Oui, c'était de la provocation pure et simple, et on ne peut plus gratuite, mais quitte à ce qu'il s'achève bientôt, autant faire au moins durer l'amusement jusqu'au bout. Qu'Aiden se félicite qu'il ait au moins cessé de faire preuve de violence, quand bien même cette violence était détournée. Quoi qu'il n'aurait pas été contre donner à son interlocuteur une leçon de transplanage improvisée, tiens.

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C

lyde était stupide, teigneux quand il le voulait, mais loin d'être obstiné. L'instant de l'amusement passé désormais, il était bien tenté de laisser Aiden à son sort et de vaquer à ses propres affaires. Quelque chose l'en empêchait néanmoins, il ne mettait pas exactement la main dessus, mais il supposait qu'il ne voulait pas que ce gosse attardé ait le dernier mot. L'aîné des Hornby manquait quelque peu de fierté, et le sens de l'honneur ne faisait pas exactement partie de ses qualités (si tant est qu'il en ait vraiment, des qualités), mais il ne pouvait tout de même pas laisser ce crétin fini de Fawcett avoir l'ascendant sur lui. Et c'était l'impression que lui aurait donné le fait de le laisser en plan au beau milieu du chemin de traverse. C'est Aiden, qui repartirait de cette … conversation ? Joute verbale ? Dispute ? Clyde ne savait même pas quel mot mettre sur la situation... la queue entre les jambes, et lui qui repartirait tête haute, ce point ci n'était pas discutable, et fort heureusement ! Il laissa donc Aiden discourir, parlant toujours comme ce bébé aux yeux de Clyde insupportable qu'il semblait être encore dans sa tête. Ce dernier le menaçait d'aller voir son frère et de le dénoncer. La belle affaire ! De ce que Clyde savait, le frère d'Aiden travaillait au ministère en tant qu'oubliator. Il avait, semble-t-il, le mérite d'être en pleine disposition de ses capacités mentales, ce qui n'était clairement pas le cas de son jumeau. Il était certainement un sorcier brillant, en tous cas plus doué que Clyde (ce qui, en soi, n'était pas difficile), mais cela n'inquiétait pas outre mesure l'ancien jaune et noir. Que pourrait donc Fawcett bis contre lui ? Au fond, il n'avait pas fait grand chose de mal. Ce n'étaient pas ces menaces, en tous cas, qui allaient dissuader le jeune homme d'adopter cet insupportable et intolérable comportement dont il prenait un malin plaisir à faire preuve. Clyde voulut monter d'un cran dans l'humiliation, mais Aiden fut plus rapide que lui et leva une nouvelle fois sa baguette vers lui. Clyde ne su distinguer le sortilège qu'il utilisa, ni n'eut le temps d'éviter la raie de lumière jaune, cette fois, qui vint atteindre son bras. Le sortilège fit effectivement effet. En quelques secondes, le bras de Clyde se recouvrit d'ignoble pustules. Clyde grimaça à la vue de se spectacle. Il lui suffit heureusement d'un « finite incantatem » pour résoudre le problème. Quand son regard se reposa sur Aiden, il était plus que jamais décidé à en découdre. Ça avait suffisamment duré, il était temps d'en découdre avec le môme dégénéré.

-Je ne suis pas sûr que ton frère appréciera de savoir que tu t'es baladé seul sur le chemin de traverse, agressé un passant, et endommagé des objets public. Dit-il très tranquillement, dans un fin sourire. Sa baguette était levée, cette fois. Il n'était plus question de faire preuve d'autant de légèreté que tantôt. Rends-toi à l'évidence, Fawcett, tu n'es rien qu'un crétin attardé, tout le monde le sait, tout le monde le pense. Même ton frangin ! Tu crois que ça lui fait plaisir de te tenir la main comme si t'étais encore à la maternelle ? Bien sûr que non ! T'es une plaie, pour lui, un boulet accroché à ses pieds. Et si tu disparaissais de sa vie, tu lui rendrais un grand service. Être un bébé, c'est pas seulement faire sur soi, tu sais ? C'est geindre sans arrêt, ne pas être capable d'assumer ses actes seuls, pleurnicher et se réfugier dans les jupes de son frère à la moindre contrariété. Crois-moi, tu n'es qu'un bébé. Et tout le monde le sait, les bébés, s'ils ne grandissent pas, ça ne sert à rien.

Les mots étaient durs, mais ils s'en fichaient. L'humiliation physique était une chose, mais si elle avait finie par le lasser, Clyde se sentait avoir encore quelques ressources en ce qui concernait un peu de torture mentale.

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D'

accord... Il fallait se lever de très bonne heure pour mettre Clyde Hornby mal à l'aise, mais là, en l'espace de quelques courtes secondes, Aiden venait de réussir parfaitement son coup. Oui, l'aîné des Hornby savait être quelqu'un de particulièrement odieux et cruel, il en avait montré la preuve pas moins de quelques secondes auparavant, mais il y avait une grande différence entre les mots que l'on pouvait prononcer, si impitoyables soient-ils, la portée qu'on voulait leur donner, et la façon dont ces mots en question avaient été entendus. Oui, Clyde avait voulu que ses insultes touchent son interlocuteur, qu'il se sente désemparé, mal à l'aise, qu'il verse des flots de larmes, mais réveiller ses pulsions suicidaires, ça non. L'ancien jaune et noir n'était pas à ce point mauvais ou insensible. C'était un joueur avant toute autre chose. Et il était en train de réaliser que le jeu dérapait très sérieusement. Ce ne fut que pour se redonner un minimum de consistance qu'il leva les yeux au ciel avant de prendre la parole, d'un ton qui tentait au mieux de dissimuler le trouble dans lequel Aiden avait su le mettre.

-Dis pas de conneries... Même si t'essayais de te donner la mort, t'y arriverais pas, ce serait du gâchis, et de l'énergie dépensée pour rien, alors n'essayes même pas.

Ses propos pouvaient sembler assez désagréables, toujours, et au fond, ils l'étaient (on ne pouvait tout de même pas changer du tout au tout), mais ils dissimulaient tout de même une certaine inquiétude. Si d'autres s'amusaient à jouer de la crédulité d'Aiden au point de l'inviter vraiment à se donner la mort, qu'adviendrait-il ? Pour sa part, en tous cas, il était évident que Clyde n'aurait pas supporté d'avoir la mort d'Aiden sur la conscience, il avait déjà fort à faire quand il prenait en considération toutes les raisons qui lui laissaient penser qu'il avait été un mauvais frère pour Olive (oui, il avait fallu qu'elle meure pour qu'il s'en rende compte), pas question pour lui d'en rajouter.

-Tu veux aider ton frère ? Alors va le retrouver. Tu lui as pas dit que t'étais là, non ? Il doit être mort d'inquiétude. Alors rends lui service, retourne chez toi, et surtout, ne t'avises pas de... enfin tu vois... ce serait vraiment stupide.

Il eut plus de mal à dissimuler son malaise alors. Il faut dire qu'il n'était guère habitué à gérer des situations aussi délicates. De manière générale, il fuyait les conflits et les problèmes comme la peste, et s'en sortait plutôt bien pour ne jamais être mêlé à rien et avoir la paix (même si sa récente intégration dans la résistance risquait fort de changer la donne). Là, il préférait vraiment laisser Aiden aux bons soins de son frère. Ce serait mieux. Pour eux deux. Et le plus vite serait le mieux, c'est sûr et certain. Clyde n'était pas à l'aise. Du tout. Du tout.

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ar moments, Clyde s'était déjà surpris à espérer qu'Aiden, à un moment donné, finirait par avouer au commun des mortels qu'il se foutait de sa gueule, qu'il n'était pas malade le moins du monde, et qu'il se contentait de jouer avec les nerfs des autres. À cette seconde, l'aîné des Hornby l'espérait encore plus, tant le jeune Fawcett arrivait à le mettre mal à l'aise. D'accord, si tel était le cas, il n'aurait pas marché, il aurait couru, et sa fierté en prendrait en coup, mais il valait mieux ça, au fond, que la situation actuelle. Aiden qui le suppliait de l'aider à mourir ? En échange de... Raaaa mais c'est pas vrai ! Bien sûr qu'il n'allait pas faire ça. Clyde ne faisait pas grand cas de la vie des gens, et il aimait même en jouer, mais il n'allait pas aller jusqu'à achever celle de qui que ce soit, enfin ! Lui demander une telle chose alors qu'il venait à peine de perdre sa soeur, qui aux dires de certains ce serait suicidée, c'était d'un délicat, vraiment...

-Bon, t'es sourd ou tu le fais exprès ? Je t'aiderais pas à mourir, point barre.

Quelqu'un d'un peu plus attentif et consciencieux aurait certainement prit la peine de discuter posément, de regarder Aiden dans le blanc des yeux, et de lui expliquer toutes les raisons qui faisaient que la vie méritait d'être vécue, et devait être chérie. Ce n'est pas parce qu'il voulait encourager Aiden au suicide, loin de là, cette mort sur sa conscience lui pèserait bien trop, il en serait tout à fait incapable. Mais il n'allait tout de même pas faire comme s'il se souciait véritablement du sort de son interlocuteur. Il ne le supportait pas, ne s'en était jamais caché (loin de là - et la scène de tantôt l'avait clairement prouvé), il n'allait pas faire semblant maintenant....

-Rentre chez toi ou restes ici, c'est comme tu veux, moi je me casse.

Il aurait préféré qu'Aiden s'en aille en premier, c'est certain, parce qu'il n'aimait pas être celui qui arrêtait la discussion en premier d'une part, bien sûr, mais aussi parce que son malaise était tel qu'il devait même en être palpable. Si son interlocuteur lui parlait encore une seule fois de se tuer, il ne répondait plus de ses actes ni de ses paroles. Les mots réconfortants, c'était pas son fort. Il était loin, très loin d'être fin psychologue, mieux valait qu'il retourne auprès de son frère s'il voulait se laisser entendre raison. Enfin, s'il était véritablement possible que Aiden Fawcett et "raison" aillent de pair.

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