En ce début d’année, l’ambiance au château était très mitigée. Chacun était ravi de retrouver ses amis (pour ceux qui en avaient bien sûr), tout en râlant allègrement à l’idée de retourner en cours. Ceux –nombreux- qui n’avaient cessé de repousser le moment d’attaquer la montagne de devoirs que leur avaient distribué les professeurs de l’école commençaient à réaliser qu’ils n’auraient jamais le temps de finir ne serait-ce que le quart de ce qu’il y avait à faire. Chez les septièmes années, l’année avait commencé différemment : chacun était survolté à l’idée de quitter l’école après les examens, mais paniquait devant les maintes possibilités professionnelles et les milliards de devoirs que les professeurs –toujours prêts à enfoncer leurs élèves chéris - distribuaient comme des bonbons.
Pour Harry, la problématique était un peu différente. Il avait toujours adoré Poudlard, tout particulièrement après deux mois d’enfer annuels passés chez les Dursley à regarder Dudley jouer les gros durs en martyrisant des gamins, à regarder la tante Pétunia arroser frénétiquement ses bégonias, à regarder l’oncle Dursley faisant les cent pas près du téléphone en attendant le coup de téléphone d’un client important et à regarder les trois réunis lui lancer des regards noirs en le traitant comme un pestiféré. Du coup, une fois de retour à l’école, il était aux anges. La répartition des nouveaux élèves, le banquet de début d’année, les amis retrouvés, les cours en pagaille, les professeurs exigeants, les escaliers infernaux et même l’amure grinçante qui tentait de fendre en deux tous les élèves qui passaient dans son couloir au sixième étage le faisaient sourire d’un air béat.
Cette année pourtant n’avait pas débuté ainsi. Ils étaient coincés depuis plus d’un an maintenant dans cette époque qui n’était pas la leur, et même s’ils avaient commencé à s’organiser, la situation demeurait dangereuse –surtout que Voldy junior ayant quitté Poudlard, il devenait très difficile de connaître ses plans. A présent, ce dernier ne reculait devant rien et l’avait bien prouvé : chantage, torture, assassinat… Il s’affirmait et devenait de plus en plus expérimenté, de mieux en mieux entouré. Difficile donc de rayonner de bonheur dans ces conditions.
Mais le problème qui occupait l’Elu en cet instant était un peu différent. Certes, aucun des Voyageurs n’abordait avec beaucoup d’entrain cette nouvelle année, d’autant que l’été n’avait pas été très reposant. Luna avait failli finir ses jours à Askaban ; Ron, malgré ses innombrables efforts pour avoir l’air détendu, sursautait au moindre claquement de porte ; Neville essayait tant bien que mal de remonter le moral de ses camarades tout en ressemblant à s’y tromper à un dépressif en manque de cachets, et Ginny… Et bien, Ginny n’avait pas beaucoup évolué depuis l’an dernier. Inutile de s’étendre sur le sujet.
Au milieu de cette jolie bande, Harry ne savait pas trop comment se comporter, d’autant plus qu’il se sentait assez mal placé pour les rassurer : chacun de ses amis s’inquiétait énormément pour sa famille. Or Harry n’avait pas de famille –ou quasiment pas, si on comptait Sirius. Mais Sirius avait maintes fois prouvé qu’il était capable de se sortir de situations en tous genres. Il avait donc beaucoup de mal à aborder le sujet avec les autres Voyageurs. Il déployait donc quelques trésors d’ingéniosité pour éviter au maximum d’avoir à leur parler. Lever aux aurores, petit déjeuner dans une Grande Salle quasiment déserte, cours, (nombreux) devoirs, dîner (où il mâchait très lentement de manière à avoir toujours quelque chose dans la bouche et donc à ne pas pouvoir parler) puis re-devoirs et enfin dodo. Pendant les pauses, il se débrouillait toujours pour trouver une tâche urgente et importante à effectuer.
Aujourd’hui pourtant, il ne cherchait pas à éviter ses amis. Au contraire, il était à la recherche de Ron, afin de discuter avec lui du cas préoccupant d’Hermione. Hermione, qui était toujours la plus stoïque d’entre eux, endurant et surmontant toutes les épreuves qui se présentaient avec un sang-froid légendaire, s’occupant de tous avec beaucoup de tact et de psychologie et ne se permettant aucun écart. Elle était méconnaissable. Sautes d’humeur incessantes, interminables crises de nerfs et sanglots rythmaient à présent son quotidien, ce qui perturbait beaucoup les autres Voyageurs. Harry n’était pas en reste. Lui qui considérait la jeune fille comme sa sœur s’inquiétait de la voir craquer ainsi, alors qu’elle était d’habitude garante de la cohésion du groupe et de la bonne santé mentale de ceux qui le composaient.
Harry franchit le portrait qui menait à sa salle commune d’un pas pressé, bousculant d’une épaule un rouge et or qui n’avançait pas assez vite à son goût. Ron s’y trouvait, assis près de la cheminée. L’Elu s’assit en face de lui après l’avoir salué d’un bref signe de tête.
- Alors, tu as vu Prudence ?
Au bout d’un an, il lui était à présent facile d’appeler Hermione par son nom d’emprunt. Presque naturel.