« Are we still friends ? » | Oly & Lena |

Olive H. & Elena G.

« Are we still friends ? »

Il y a des jours comme ça où nos pensées nous mènent à des endroits imprévus. Je ne me souviens pas vraiment pourquoi j'en suis arrivée là, dans ce petit quartier de Pré-au-Lard. Le vent s'infiltre sous mon manteau et me fait frissonner. Qu'est-ce-que je suis venue chercher derrière cette porte sur laquelle je n'arrive pas à frapper ? Des réponses, ou bien des questions ? Il y a un tas de choses dont j'aurais aimé lui parler, et pourtant je sais que les trois quarts ne franchiront jamais mes lèvres. Je n'ai pas de place dans ma vie pour une véritable amitié. Il m'arrive de me demander ce qui se serait passé si Olive et moi n'avions pas pris des chemins différents. Elle travaille pour Tom mais elle ne semble pas avoir tellement le choix. Je sens qu'elle ne comprend pas pourquoi je me suis attachée à des valeurs telles que celles qui animent les Chevaliers de Walpurgis. Depuis combien de temps est-ce-que je suis là, droite comme un piquet, incapable d'esquisser un mouvement ? Que je me décide à frapper ou que je prenne la fuite, il n'y aura pas une grande différence. J'ai comme un mauvais pressentiment. C'est un peu comme si je sentais que je tenais là une dernière chance de dire à Olive que je l'apprécie. Et après ? Qu'est-ce-que ça changera ? Je serai toujours la même garce au service de Jedusor. Rien ne changera à cause de quelques mots.

Après un énième soupir, j'avance ma main vers le panneau en bois. Une fois de plus, j'arrête mon mouvement et laisse retomber ma main le long de mon corps. Tout ceci est absurde. Si ça se trouve, elle n'est même pas chez elle. Pourtant il est tard, elle n'est certainement pas en train de travailler ou quoi que ce soit de ce genre. Pourquoi est-ce-que je crains tant d'affronter ses yeux sombres ? Olive s'est toujours amusée à me juger et ça ne m'a jamais fait cet effet. Je n'ai pas peur, c'est autre chose. Je me demande si cet acte changera quelque chose à notre destin à toutes les deux. Et si c'est le cas, serait-ce en mal ou en bien ? Je me pose trop de questions au lieu d'agir. Je pense à Caleb que j'aurais pu aller voir au ministère au lieu de geler ainsi dehors, comme une idiote. Au final ça aurait eu bien plus de sens à mes yeux. Mon copain est une valeur sûre, je sais ce qui m'attend quand je vais le voir, je sais où nous en sommes dans notre relation. Avec Olive, c'est le trou noir. Je ne sais pas vraiment ce que je suis pour elle à présent. Je ne sais même plus ce qu'elle est pour moi. Plus jeune, je rêvais d'être son amie, et du jour où j'ai cru que ce serait possible, tout a basculé. Si nos vies avaient été différentes, je pense que nous aurions pu être proches. Finalement, mes doigts rencontrent la surface dure de la porte. Comme je n'entends aucune réponse, je recommence un peu plus fort, avec moins d'hésitation. Peu importe ce qui pourra être dit ce soir, je veux poser mon regard une dernière fois sur cette fille que j'admirais tant et qui ne semble plus qu'être l'ombre d'elle-même.

La porte s'ouvre en grinçant et je détaille une fois de plus ce visage incroyablement pâle et creux. J'ignore comment lui expliquer ce que je fais là. A sa place, j'aurais peut être claquée la porte en la refermant, l'air de dire que j'étais pas une auberge. Sauf qu'Olive n'est pas comme ça, elle a des qualités que je n'ai jamais eu et la générosité en fait partie. Elle ne me laissera pas geler sur le pas de sa porte, ça lui donnerait trop mauvaise conscience. Je découvre une grande fatigue sur les traits de mon ancienne camarade qui n'était déjà d'ordinaire pas bien fraîche. Comme je le craignais, la mort de Morgan a laissé de profondes cicatrices. Je crois vaguement savoir qu'Olive avait un faible pour le garçon. Je est presque sûre qu'il a été assassiné par l'un d'entre nous, puisque ça ne peut pas être Luna, je le sais, c'est moi qui avait volée sa baguette. Je n'ose imaginer dans quel état je serais si Caleb venait à mourir, surtout dans de telles circonstances. Je serais sûrement même pas capable de me lever de mon lit. Je me racle la gorge et essaye de prendre une mine calme et amicale.

« Euh... Salut Oly. Je suis venue prendre de tes nouvelles. Je peux entrer ? »

« Are we still friends ? »

La fonction edit pour récupérer le code n'est pas mon amie...

T_T

Vu que je dors sur place, j'ai modifié dans le message, et envoyé directement, donc j'ai perdu ce texte.
Oui, j'suis une boulette. Désolé u_u'

Je suis plutôt surprise qu'Oly me laisse entrer chez elle sans se méfier. D'un autre côté je ne représente pas une grande menace toute seule. La porte se referme derrière moi alors que mon regard détaille vaguement l'appartement. Étant habituée au luxe, j'avoue assimiler cette endroit plus à une ruine qu'à un domicile. La peinture sur les murs est écaillée et envahie par l'humidité, les portes ne ferment pas, je n'aperçois aucune source de lumière en dehors des fenêtres encrassées. Sachant ma camarade très à cheval sur ses principes de politesse, je la laisse démarrer la conversation comme ça lui chante. Je m'attendais à presque tous les saluts possibles, mais je ne pensais pas qu'elle commencerait par parler de Tom. Je souris de façon rassurante et hoche la tête négativement. S'il m'avait envoyée voir Oly, je ne serais pas venue la chercher chez elle. J'aurais trouvé un endroit plus secret ou plus...propre.

« Absolument pas, je suis venue de mon propre chef. »

L'inquiétude que je lis dans ses yeux est légitime. Je sais qu'elle n'aime pas du tout la situation dans laquelle nous nous trouvons. Olive est très loin de porter Tom dans son coeur, pourtant elle semble lui obéir sans rechigner. Je ne lui poserai pas de question à ce sujet, de toute façon elle ne me répondra pas. Et puis je ne suis pas sûre d'avoir envie de savoir. Je me contente de retirer mon manteau et mes gants pour les poser dans l'entrée. Je fais comme chez moi, même si j'admet que ce n'est pas très distingué. Je me racle la gorge en cherchant une phrase d'approche un peu plus prometteuse.

« La vérité c'est qu'on ne s'est plus parlé depuis longtemps et j'ai le sentiment que tu t'éloignes de moi. Ton état semble s'être dégradé et que tu le croies ou non, je me fais du soucis pour toi. »

Sur ces mots, je cherches dans mon sac le cadeau que je lui ai acheté. Comme c'est un sac sans fond, je fouille avec une grande difficulté, faisant tomber des piles de livres et autres objets dont je préfère ne pas me séparer. Finalement mes doigts se referment sur un grand sachet. C'est un sac coloré fermé d'un joli ruban blanc et d'un cachet de cire. Dedans, il y a du thé. Ou plus précisément le thé le plus cher et le plus parfumé d'Angleterre. J'ai dépensé sans compter, me disant que ce serait mieux de lui offrir quelque chose d'utile et d'agréable plutôt qu'une breloque tape-à-l'oeil.

« Je t'ai apporté ça, j'espère que ça te plaira. »

« Are we still friends ? »

Le sourire qui s'étire sur les lèvres de l'ancienne Serdaigle apparait comme ambigu à Olive. La peur, sûrement, d'entendre le contraire lui fait envisager tous les possibilités, et les négatives d'avantage encore. Ce n'est que lorsqu'elle secoue la tête négativement et prend la parole pour démentir qu'Olive est fixée.

La respiration qu'elle avait retenu reprend lentement un rythme normal, alors qu'elle se persuade que tout va bien. Et peu à peu, elle commence à voir le passage d'Elena Gordon dans son appartement non plus comme une intrusion dans sa sphère privée, mais plutôt comme si qu'il est réellement, une visite... amicale?

Au fond, Olive s'est toujours demandée ce que la Serdaigle avait bien put lui trouver. Et aujourd'hui encore, elle se pose la question, sans obtenir d'avantage de réponses. Et puis, les questions arrivent. Est-elle venue uniquement pour prendre des nouvelles? Ou a t-elle quelque chose derrière la tête? Et si oui, qu'est-ce que ce quelque chose peut-il bien être? Ah, Olive se pose effectivement des questions. Sa curiosité naturelle, mêlée à la méfiance qu'elle ressent envers Elena ne font pas bon ménage... Elle laisse ainsi ses pensées divaguer alors qu'elle rassemble les parchemins vierges, étalés sur la table, en un tas ordonné qu'elle pose sur une commode, ceux-ci étant bientôt suivis par la plume d'oie et l'encrier. L'écriture est reportée à une date ultérieure...

- La vérité c'est qu'on ne s'est plus parlé depuis longtemps et j'ai le sentiment que tu t'éloignes de moi. Ton état semble s'être dégradé et que tu le croies ou non, je me fais du soucis pour toi.

Soupirant à l'écoute de ces mots, Olive se tire une chaise et s'assoit dessus. La conversation qui s'annonce semble porter la promesse d'ennuis pour elle. Son état actuel, Olive n'a pas vraiment l'envie d'en parler... Cela ne servirait à rien, sinon à raviver des plaies de son côté de toute manière, non?

Alors qu'Elena fouille dans son sac, Olive prend la parole. Elle n'a pas l'intention d'être amicale avec Elena. Après tout, ce n'est pas comme si elle l'avait déjà été. Mais elle n'a pas non plus l'intention de l'emplir de méchancetés. Simplement d'être elle-même.

- Tu ne devrais pas t'inquiéter... D'un côté, mon état ne regarde que moi, et de l'autre... Je ne sait pas si on peut vraiment dire qu'on n'ait jamais été des amies...

Dans un sens, c'est vrai. Même si Olive et Elena se sont parlé de manière assez régulière durant leur scolarité, c'était surtout car Olive s'amusait à l'embêter... Et en y pensant, les personnes pouvant se targuer d'être ses amies sont rares. Extrêmement peu nombreuses seraient un joli qualificatif. Même concernant Inès et Lou, Olive ne sait plus comment les considérer. En y repensant, elle a l'impression qu'elles ne se sont rassemblées que dans un but, répandre des ragots et des commérages, et que, le temps aidant, elles sont devenues plus proches. Mais, est-ce que des vraies amies s'en seraient prises de la sorte à sa cousine? Non, sûrement pas. Pas sans venir d'abord lui en parler, et lui demander en premier lieu d'arranger le problème qui les opposait. Mais cela n'a plus vraiment d'importance à vrai dire... La distance liée à la fin de la scolarité d'Olive a aussi joué son rôle. Elle n'a plus vu Inès depuis. Et elle n'a vu Lou qu'à la réunion des Chevaliers...

Les vraies personnes qu'elle puisse qualifier d'amies, ce sont Eden. Et Jo, aussi, même si le lien familial qui les lie y soit pour beaucoup. Sur ce constat, Olive lève les yeux vers Elena, la fixant sans ciller alors qu'elle lui tend son cadeau. Avec elle, Olive n'a jamais su vraiment à quoi s'en tenir.

- Je t'ai apporté ça, j'espère que ça te plaira.

Elle jette un bref regard au sachet de thé qui trône à présent sur la table, remarquant du premier coup d'œil qu'il s'agit de thé, et sa provenance. La boutique fournissait (et fournit toujours d'ailleurs) le manoir des Hornby, bien qu'à présent qu'elle vit séparée de ses parents Olive ne se permet plus ce luxe...

- Merci.

C'est un remerciement fade qu'elle lui offre en réponse. Mais même si le cadeau qu'elle vient de recevoir à du coûter cher à son interlocutrice, Olive n'a plus vraiment le coeur à se réjouir de cadeaux, quels qu'ils soient. Le cadeau le plus cher à ses yeux n'a pas de prix, et reste hors de sa portée. La vie. L'amour. Elle cligne des paupières, délaissant pour un temps ses pensées dont la pente est dangereuse pour elle, passant à autre chose.

- Est-ce que tu es plus heureuse, Elena?

C'est une question qu'elle se pose. Le changement qui s'est opéré en l'ancienne Serdaigle l'a toujours surprise, et maintenant qu'elle s'est enfoncée jusqu'au cou dans le bourbier que représente Tom, elle se pose la question, simplement.

Ses paroles me blessent mais comme d'habitude rien n’apparaît sur mon visage de glace. Mon petit sourire amical n'a même pas cillé. C'est vrai, nous n'avons jamais été de véritables amies. Au fond, je doute d'avoir une bonne notion de l'amitié puisque mon meilleur ami est devenu mon amant et que le reste de mes compagnons ne sont là que pour donner une impression de vie sociale normale. Peut être que je n'ai rien à faire ici, tout simplement. Pourtant, quelque chose m'empêche de bouger, mes pieds refusent de faire demi-tour et de me mener loin de ce visage fatigué et blafard. Elle ne m'a jamais dit de quoi elle souffrait, mais elle n'a jamais prétendu pour autant que tout allait bien. Je reste là, comme l'illusion d'une fille qui n'a aucun problème avec le fait qu'une camarade l'ai presque envoyée chier. Peut être qu'il aurait été plus malin de me sauver, de courir loin de toute responsabilité, mais je sais que je fais partie de ce qui ronge Olive. La maladie ne fait pas tout.

Je la regarde fixer le sachet de thé sans grande conviction et je reconnais là un trait reconnaissable d'Olive. Les cadeaux, ça a jamais été son truc. C'est pour ça que je lui ai offert quelque chose de consommable et périssable. Ses remerciements rentrent par une oreille et ressortent par l'autre. Je n'ai que faire de ce mensonge. Si elle n'en veut pas, qu'elle me le dise, sinon, qu'elle se taise. Parler pour ne rien dire n'a jamais été une chose tolérable dans mes habitudes. je respecte trop la beauté des mots pour cela. Les mots sont des armes. Les mots sont des dons. Les mots ne se gaspillent pas.

Sa question me déstabilise beaucoup, si bien que cela se voit presque sur mon visage. Mes sourcils s'arquent vers le haut et mes paupières s'écarquillent légèrement. Si je suis plus heureuse ? Je ne suis pas certaine qu'on puisse dire cela. J'ai abandonné tout ce qui faisait de moi un être humain ordinaire. J'ai vendue mon âme au diable en échange d'une vie moins misérable, j'ai abattu de sang froid les seules personnes qui tenaient vraiment plus à moi qu'à eux-mêmes. Je ne suis pas sûre que tout ceci soit affaire de bonheur. La survie est essentielle, la joie n'arrive qu'au second plan. L'amour, le bonheur, la fierté, tous ces sentiments sont des faiblesses. Je soupire et m'installe sur une chaise face à elle. Je n'ai pas la force de mentir ou de feindre l'ignorance. De toute façon c'est trop tard, la faille est visible.

« Non Olive, je ne suis pas plus heureuse. J'ai sacrifié ce pourquoi tu te bats : la vie. »

Je marque une pause, le temps de sentir le masque de pierre glisser le long de mon visage et le poids de ma culpabilité envahir mes épaules. Je ne suis plus qu'un pantin et cette idée ne me réjouis pas tant que ça. Mon respect envers Tom est irréfutable et complet, mais je ne peux m'empêcher de jeter parfois un coup d’œil en arrière.

« Je devrais être plus heureuse, j'ai une belle maison, je suis riche, j'ai un petit-ami merveilleux. J'ai tout ce que la vie peut offrir de meilleur. »

Moi-même je continue de chercher la vérité dans ces belles paroles.

« Mais je ne suis qu'un pantin articulé. C'est le prix à payer. »

« Are we still friends ? »

Apparemment, elle ne s'attendait pas à cela. Et à vrai dire, c'est quelque chose qu'Olive apprécie dans les échanges qu'elle a, bien que peu nombreux, avec Elena Gordon. La déstabiliser. L'étonner. La surprendre. Tout en restant celle qu'elle est. Mystérieuse. Bien peu sont capables de la comprendre complètement, à vrai dire. De savoir, de comprendre la mécanique qui a fait d'elle ce qu'elle est devenue... Certains s'y sont essayé, comme Aelycia Swan. Certains ont quelques indices. D'autres ont passé suffisamment de temps avec elle pour la connaître un peu. Elle se demande si quelqu'un pourrait la comprendre, elle, dans son entièreté. Et elle se réjouit de ne pas connaître la réponse à cette question...

Avec cette conversation, Olive a l'impression de revenir dans le passé. Dans cette bibliothèque, où Elena Gordon la surprise pour la première fois. Où elle a attisé sa curiosité. Elle avait cherché à comprendre, cette fois-ci. Mais sans vraiment le vouloir. A présent que plus rien n'avait réellement d'importance, elle pouvait creuser plus profondément...

- Non Olive, je ne suis pas plus heureuse. J'ai sacrifié ce pourquoi tu te bats : la vie.

Et même ainsi, Elena arrivait à la décontenancer. Plus que la réponse, c'était la suite qui la surprenait. C'était donc ainsi qu'elle la voyait? L'image qu'Olive renvoyait à Elena? Celle de quelqu'un qui... se battait pour la vie? Cette phrase lui laissait un arrière goût amer. Non... Olive ne se battait pas pour la vie. Peut être se battait-elle, égoïstement, pour sa vie à elle. Sa survie. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler Morgan, et la vie qu'elle lui avait ôtée... Elle ferma ses paupières, légèrement plus longtemps qu'un clignement ne l'autorisait. Chassant ses pensées, qui ne la hantait que trop souvent. Se focalisant sur son invitée surprise.

- Je devrais être plus heureuse, j'ai une belle maison, je suis riche, j'ai un petit-ami merveilleux. J'ai tout ce que la vie peut offrir de meilleur. Mais je ne suis qu'un pantin articulé. C'est le prix à payer.

Et à ce moment-là, Olive ne peut s'empêcher de laisser un ricanement sarcastique s'échapper d'entre ses lèvres. Elle parle d'être un pantin. Et dans sa tête, Olive ne peut s'empêcher de comparer leurs situations respectives... Et de trouver cette même comparaison complètement risible. Après s'être appesantie sur ses propres malheurs pendant presque une année scolaire, la situation d'autrui lui semble bien plus agréable que la sienne. On pourrait certes dire d'elle qu'elle a tendance à ramener tout autour de sa propre petite personne. C'est sans doute vrai...

- Un pantin... Tu n'as aucune idée de ce qu'un pantin peut ressentir Elena, je crois.

Elle se laisse aller contre le dossier de sa chaise, relevant le menton en signe de défi et plongeant son regard dans celui de l'ancienne Serdaigle. La richesse ne veut rien dire... C'est une chose qu'Olive a appris très jeune. Un constat qui s'est imposé de lui-même. Grandir entourée de luxe ne l'a pas rendue heureuse. Et à la richesse s'ajoutait les traditions, parfois étriquées, de ses parents. Quant à l'amour... Olive préférait ne pas s'étendre sur le sujet. C'était un bien précieux... dont la perte pouvait s'avérée fort cruelle.

- Saches que l'on a toujours le choix... Il n'y a que l'absence de volonté qui construit des barrières infranchissables.

Elle laissa sa phrase flotter entre elle deux un instant, avant de poser un coude sur la table et de fourrer son menton sur la paume de sa main.

- Dis moi, à quoi tiens-tu le plus, Elena?

Je la laisse faire ses remarques à haute voix, sachant que c'est ainsi qu'elle fonctionne. Olive n'a jamais été du genre à mâcher ses mots ou à préserver les autres. Le plus important, au bout du compte, c'est de se préserver soi-même. Curieusement, la jeune femme ne semble pas capable de faire l'un ou l'autre. Silencieusement, je la regarde et cherche à retrouver les expressions de l'amie que j'ai connue. Je ne souviens de notre discussion dans la bibliothèque, du troc de bouquins, de la salle des trophées, de la forêt interdite où ce loup-garou avait failli nous écharper. A l'époque, elle souriait encore même si c'était le plus souvent avec un air moqueur. Cette Olive là me manque un peu parfois. Mon regard transperce le sien sans gêne d'aucune sorte. Il y a au fond de son âme encore une petite étincelle de combativité que je croyais éteinte pour toujours. Tout espoir n'est pas perdu, je veux croire qu'elle redeviendra un peu elle-même avant la fin, quelle qu'elle soit. Un petit sourire amusé s'étire sur mes lèvres et se fige ainsi. Sa question ne me perturbe même pas. Contre toute attente, j'ai envie de parler de ça avec elle, même si cela signifie qu'elle connaîtra mes plus grandes faiblesses. Je suis fatiguée de lui cacher des choses. De toute façon, isolée comme elle l'est, je ne vois pas à qui elle pourrait raconter des idioties pareilles.

« Je sais ce que signifie être un pantin, à mes yeux. Nos estimations dépendent de nos différents vécus Olive, pas le contraire. Quand à la possibilité de faire un choix, c'est vrai, elle existe. Pourtant cela ne signifie pas que tout le monde arrive à faire le bon. L'erreur est humaine. »

Je marque un temps. Je n'ai jamais autant parlé avec une telle profondeur et sans penser autant mes mots que maintenant. Je ne suis pas parfaite, j'admet que j'aurais pu faire de grandes choses si j'avais choisi un autre destin que celui que j'arpente actuellement. Mais avec des " si ", on pourrait refaire le monde. Mon chemin n'est pas le meilleur ni le pire, c'est un chemin comme il y en a tant d'autres et je dois à présent m'y tenir. Je doute qu'Olive puisse comprendre mon raisonnement un jour, nous ne sommes pas pareilles, mais je pense pouvoir me contenter d'un hochement de tête.

« C'est une question bien égoïste que tu me pose là, Olive. Tout le monde répond généralement " ma famille " ou " mon amour ". Les plus gros menteurs sont ceux qui répondent " la paix " ou encore " la vérité ". Cependant, au fond d'eux, tous pensent à eux-mêmes. C'est à ma propre vie que je tiens le plus, je le dit sans honte. »

Mon regard glisse vers la fenêtre encrassée de poussière de l'appartement d'Olive. Je me perd peu à peu dans mes propres pensées, au point même d'oublier que je ne suis pas seule.

« Cela ne veut pas dire pour autant que je ne tiens pas aux petits bonheurs du quotidien. Sentir le vent dans mes cheveux, la caresse du soleil sur ma peau, l'eau fraîche qui me rend si légère, l'odeur du pain chaud sortant du four, le chant des oiseaux lorsque le printemps s'installe, les étoiles et le clair de lune qui inondent la terre d'une poussière argenté... Je tiens à toutes ces choses insignifiantes, parce que ce sont elles qui rendent nos vies meilleures malgré nos problèmes. »

Je soupire en revenant lentement à la réalité. J'ignore pourquoi je lui dit tant de choses. Nous avons le temps devant nous, une vie entière où nous pourrons faire des erreurs, les réparer pour en faire d'autres. La vie, au fond, ce n'est que ça. Un ensemble de choix, bons ou mauvais, que nous devrons assumer.

« Are we still friends ? »

- Je sais ce que signifie être un pantin, à mes yeux. Nos estimations dépendent de nos différents vécus Olive, pas le contraire. Quand à la possibilité de faire un choix, c'est vrai, elle existe. Pourtant cela ne signifie pas que tout le monde arrive à faire le bon. L'erreur est humaine.

Elle ne dit rien, se contentant de se taire. Elle n'a rien à dire. Ce qu'elle voulait dire, elle l'a déjà dit, au fond. Olive doute que son interlocutrice soit réellement un pantin, c'est un fait. Un autre fait est que, au fond, elle ne sait pas grand chose de la vie d'Elena Gordon. Elle ne se base que sur des suppositions, sûrement erronées. Mais il n'empêche qu'Olive ne peux s'empêcher de douter.

Et oui, effectivement, l'erreur est humaine. Combien d'erreurs a t-elle fait dans sa vie? Ont-elles fait? Trop, sans doute. Dans le cas contraire, Olive ne se serait pas retrouvée dans cette situation, non? Pensive, elle ne peux s'empêcher de se demander ce qu'aurait été sa vie si, ce jour-là, elle avait dit "non" à Tom. Si elle ne s'était pas lancée dans cette histoire de serment inviolable, de Chevaliers de Walpurgis et de legilimencie...

- Ou que tout le monde veut faire le bon... Ce n'est qu'un léger murmure, destinée à elle-même. Une remarque sans grand intérêt, qui a réussit à franchir la barrière de ses lèvres.

- C'est une question bien égoïste que tu me pose là, Olive. Tout le monde répond généralement " ma famille " ou " mon amour ". Les plus gros menteurs sont ceux qui répondent " la paix " ou encore " la vérité ". Cependant, au fond d'eux, tous pensent à eux-mêmes. C'est à ma propre vie que je tiens le plus, je le dit sans honte.

C'est un sourire amusé et ironique qui se peint un court instant sur le visage blafard d'Olive. Oui, Elena a toujours sut l'intriguer. L'amuser. De par sa pensée, de par ses remarques. Elle aime à l'amener à réfléchir à certaines choses, à la mettre en difficulté.

- Cela ne veut pas dire pour autant que je ne tiens pas aux petits bonheurs du quotidien. Sentir le vent dans mes cheveux, la caresse du soleil sur ma peau, l'eau fraîche qui me rend si légère, l'odeur du pain chaud sortant du four, le chant des oiseaux lorsque le printemps s'installe, les étoiles et le clair de lune qui inondent la terre d'une poussière argenté... Je tiens à toutes ces choses insignifiantes, parce que ce sont elles qui rendent nos vies meilleures malgré nos problèmes.

Elle la laisse continuer sur sa lancée, sans y prêter attention plus que cela. La partie qui l'intéressait était la première à vrai dire. Et la question qu'elle s'apprête à lui poser est déjà là, mûrissant au fil de la liste de petits bonheurs qu'Elena lui fournit. Un sourire mutin fait son apparition, agrémenté d'une interrogation réelle.

- Donc tant qu'il ne te tue pas, tu accepterais n'importe quoi de sa part?

Cela prend l'apparence d'une question innocente. En réalité, Olive s'interroge. Jusqu'à quel point Elena et elle-même sont-elles différentes?

Je la regarde, j'observe ses expressions changer au fil de mes réponses. J'en fait sûrement un peu trop, en prenant cet air cérémonieux lorsque je parle, avec mes sermons stupides tirés de bouquins dont je ne me souviens plus vraiment. Tout ceci, ces changements de personnalité et d'expression, ce sont mes boucliers. Il est dur d'attaquer une personne si on ne sait jamais comment elle va réagir. C'est ainsi que je suis, le caméléon des émotions, tantôt sensible et tantôt dure comme la roche. Je suis comme le vent, insaisissable et brutal qui se faufile partout et que personne ne voit. Aux yeux de beaucoup, je ne suis qu'une petite serdaigle amoureuse de littérature qui a choisi de rester bosser à Poudlard pour éviter de faire face au véritable monde extérieur des adultes. Une victime parfaite, en vérité. C'est avec ce masque que je trompe les professeurs et m'introduit peu à peu dans leur vie bien rangée. C'est aussi comme cela que j'ai toujours été avec Olive : tantôt une victime et tantôt une drôle d'expérience qui aurait mal tournée. Je ne lui en veut pas de ne pas réussir à saisir mes pensées ou mes habitudes. Personne n'y arrive. Même moi parfois j'ai du mal à mettre de l'ordre dans ma tête ! La question qui suit me déstabilise pas mal.

« Donc tant qu'il ne te tue pas, tu accepterais n'importe quoi de sa part ? » me demande-t-elle.

Je marque une pause pour réfléchir. Ce n'est pas une question facile. Bien entendu en tant que dévoué pion de Tom, je devrais répondre oui sans hésiter, et c'est ce que j'aurais fait il y a encore quelques mois. Aujourd'hui je ne sais plus trop quoi dire. Les choses que je pourrais faire pour rester en vie sont si nombreuses que je ne peux les compter, mais je connais au moins une chose qui serait impossible : tuer Caleb. Je ne pourrais pas le faire, même si pour cela je devais offrir à ma vie une fin un peu plus précipitée, voire douloureuse. C'est étrange, d'aimer quelqu'un avec autant de force et de pureté. Dire que je croyais aimer Vincent, j'étais bien loin de savoir quel visage avait le véritable amour. Le sens du sacrifice, pour une personne comme moi, nécessite une réelle motivation. Je souris finalement et plonge mon regard sans hésitation dans celui curieux et suspicieux d'Olive. Je vais lui mentir, parce que de toute façon la vérité ne lui apporterait rien. Ma relation avec Caleb ne la regarde pas suffisamment pour savoir que je risquerais ma vie pour la sienne.

« Oui, n'importe quoi. »

Ainsi s'achève certainement les derniers fragments d'une amitié qui n'a probablement jamais vraiment existé. Mais dans ce cas, pourquoi est-ce-que je me sens si triste à l'idée que nos deux chemins se séparent ? Peut être que si j'avais été une toute autre personne, si ni elle ni moi n'avions été les pantins du destin, peut être que nous aurions pu être de véritables amies. De notre passé plein de souffrances et de chicanes, je ne garde aucune rancoeur ou peine. Je peux partir à présent, en paix avec moi-même. Nous ne sommes pas amies avec Olive. Je ne peux pas forcer tout le monde à m'aimer, et c'est certainement mieux ainsi.

« Are we still friends ? »

- Oui, n'importe quoi.

Elle reste un moment ainsi à jauger Elena du regard, sans esquisser le moindre mouvement. Elle aurait pu douter de sa phrase. Mais ce n'était pas le cas. Avec le temps, Olive s'est rapprochée suffisamment de Tom pour commencer à comprendre. A comprendre une minuscule partie de cette espèce de fascination qu'il exerce sur autrui. Cette espèce de dépendance qu'il sait manier avec brio. Qu'Elena s'y soit engluée ne l'étonne pas au final. Que ce soit à ce point là non plus. Elena. Daniel. Lou. Et tant d'autres. Elle-même, alors qu'elle se sait le haïr pour ce qu'il lui a fait faire ne peut parfois pas s'empêcher de l'admirer. Et de le craindre, surtout.

Parmi toute la clique, combien seraient capables de tomber pour lui ? Cette question reste en suspens tandis qu'Olive s'affale contre le dossier de sa chaise en laissant échapper un soupir. Non, cela ne l'étonne pas. Et cela ne la déçoit pas non plus. Si son adhésion au groupe l'avait déçu, il faut cependant croire que son esprit s'était suffisamment attendu à cette suite logique pour qu'au final cela ne l'atteigne pas.

- Tu sais quoi Elena ? C'est moi qui ai tué Morgan.

Cela faisait bizarre. De le dire à voix haute. D'avouer son crime. Olive sentit son coeur s'emballer, et sa gorge se nouer. A vrai dire, Elena faisait partie des rares personnes avec qui elle pouvait parler de ce sujet. Car elle faisait partie des Chevaliers. Et car Tom avait levé l'interdiction les concernant.

Elle s'assura que sa voix ne tremblerait pas avant de continuer. Etrangement, elle avait ce besoin de se montrer forte face à sa camarade. De ne pas montrer sa faiblesse, quand bien même elle était sur le point de l'avouer. Elle planta son regard dans les pupilles de son interlocutrice avant de continuer.

- Je l'aimais. Et il le savait. Alors ne t'attend à rien de sa part.

Cela ne changerait peut être rien à ses convictions. Mais il fallait mieux savoir à quel genre de personne on obéissait aveuglément. Et elle appréciait suffisamment Elena pour la mettre en garde.

La phrase que prononce alors Olive est terrible, elle frappe mon esprit avec une violence spectaculaire. Je me doutais des sentiments de ma camarade envers Morgan et j'avais donc déduit que sa mort l'avait bouleversée, mais jamais je n'aurais pu imaginer que ce soit elle l'auteur du meurtre. L'information tourne, tourne et tourne encore dans mon cerveau sans que j'arrive à l'assimiler. Le fait que moi je tue des gens ne m'a jamais posé de problème de conscience ou d'estime personnelle, mais ça, ça me mine sincèrement. Comme je l'ai pensé un peu plus haut ( oui, ligne 13 ), je ne pourrais pas attenter à la vie de Caleb. Je comprend que ma camarade ai voulu obéir à Tom, mais à ce point ? Pourquoi ? Elle aurait pu refuser, si elle l'aimait tant que ça, non ?

Choquée par la nouvelle qui fait petit à petit son chemin jusqu'à ma conscience, je me laisse tomber sur une chaise face à elle. Mon regard n'a pas quitté le sien, comme si je ne pouvais plus me détourner de cette émotion terrible que je peux lire dedans. Ce n'est pas vraiment du chagrin ou de la pitié, encore moins de la colère ou de la rancœur. C'est au contraire l'absence de tout ceci qui m'intrigue. C'est comme si Olive avait juste arrêté de croire en la vie. Ses pupilles autrefois débordantes de malice et d'espièglerie ne sont plus que puits sans fonds ternes et désintéressés de monde extérieur. Je déglutis et reprend un peu contenance.

« Je vois. »

C'est à peu près tout ce que je trouve à répondre. Que pourrais-je dire pour soulager ce que doit être sa culpabilité ? Je pense que ce serait déplacé de lui dire " toutes mes condoléances ", étant donné la situation. Mais alors je comprends pourquoi elle m'a délivré ce message qui la pèse tant. Rien ne l'obligeait à me le dire. La raison est simple : s'il a pu forcer Olive à tuer Morgan, pourra-t-il me forcer à tuer Caleb ? Ma gorge se serre. Non, je ne dois pas douter de Tom, ses méthodes sont dures mais efficaces et rien n'arrive sans raison. Morgan avait sûrement mérité ce qui lui est arrivé. Voilà ce que je répète sans relâche dans ma tête pour me rassurer un peu. Un peu comme un lavage de cerveau consentant. Je ne veux pas réfléchir à cela, c'est tellement plus simple d'être un pion qui ne réfléchit pas !

« Je suis vraiment désolée Olive. Sincèrement. »

Une certaine humidité remplit mes yeux, mais j'ai bien trop de fierté pour la laisser rouler sur mes joues. Elena Gordon ne pleure pas pour les autres. Elena Gordon ne pleure même pas pour elle même. Jamais.

« Are we still friends ? »

Etrangement, c'est sûrement la phrase qu'elle a prononcé qui a fait le plus d'effet sur Elena depuis qu'elles se connaissent. Elle qui a toujours cherché à la perturber, à la choqué au fil de leurs conversation n'a même pas le courage d'admirer sa plus flagrante victoire.

Son regard qui s'était planté dans celui de son interlocutrice lors de sa révélation tombe mollement vers ses genoux. Elle est heureuse d'être assise sur une chaise et non sur un tabouret. Car pour le coup, elle n'aurait sut dire si elle aurait été capable de résister à la gravité sans le dossier de sa chaise. Elle se sent vidée. Comme si cette déclaration, ces informations si lourdes pour elle avaient complètement aspiré le peu d'énergie qui lui restait lorsqu'elle les avait prononcées, libérées enfin de son silence. Olive était fatiguée... Fatiguée de cette vie à laquelle elle s'accrochait désespérément. Elle avait l'impression de d'y planter ses ongles avec ses dernières forces juste par habitude, ne trouvant aucune motivation nulle part pour ce geste. Il n'y avait plus rien pour elle ici... Ou si peu.

- Je vois.

Cela n'aurait servit à rien, n'est-ce pas? Quoiqu'elle venait de faire, Elena Gordon était bel et bien perdue, non? Elle avait pourtant eut la vague impression qu'Elena l'aurait pu être, sauvée. Sauvée de Tom. Parmi toute la bande, c'était à elle qu'elle avait pensé. Peut être trop aveuglément et rapidement d'ailleurs. Elle savait Lou trop éperdument amoureuse pour cela. Vincent trop peureux. Caleb trop impressionné. Et Daniel trop aveuglé et attaché. Il s'agissait peut être d'un choix par défaut après tout...

- Je suis vraiment désolée Olive. Sincèrement.

Elle cligna des yeux, surprise d'entendre à nouveau la voix d'Elena. Et, lentement, opina du chef. Sa douleur ne concernait qu'uniquement elle-même. Elena ne pouvait rien savoir des sentiments qui l'agitaient. De la douleur de l'avoir perdu. De la haine qu'elle éprouvait envers Tom. Et envers elle-même. Du regret de sa lâcheté. Des remords qui l'assaillaient sans cesse... Et pourtant, elle semblait avoir deviner une partie de tout cela.

Olive ne savait que lui répondre. Et à vrai dire, même si elle l'avait su, elle n'en aurait probablement pas eu le courage...

HS / Désolé, c'tout petit tout moche T_T

Un lourd silence s'installe dans la pièce. Bien sûr qu'elle ne sait pas quoi répondre. De toute façon je n'attendais pas à ce qu'elle se confesse à moi. Je n'ai pas vraiment la tête de l'emploi. Les minutes passent et le silence gênant se transforme en silence paisible. Nous nous sommes dit tout ce que nous avions à nous dire. A présent, la seule chose qui reste à faire est de tourner la page et avancer. Cela peut sembler simple en le disant ainsi, mais j'ai la désagréable impression que je laisse Olive en arrière. Elle n'a pas l'intention de continuer à avancer. Je peux le lire dans ses yeux. Sa volonté l'a abandonnée, et quand je songe à ce qu'elle vient de m'apprendre, cela ne me semble pas si incompréhensible. Continuer à avancer après ça, ce serait oublier Morgan et tout ce qu'il a représenté pour elle. Je n'ai pas vécu ce qu'elle est en train de vivre, je ne peux pas prétendre que je comprends ce qu'elle ressent, mais je ne doute pas qu'une horreur de ce genre m'arrive un jour. Et quand ça arrivera, je ne pourrai m'en prendre qu'à moi-même.

Mon regard détaille cette jeune femme au teint pâle. Nous ne serons jamais amies. C'est un bilan plutôt triste de notre situation. Je ne peux m'empêcher de me demander si nous aurions pu être proches, si Tom n'était pas intervenu dans nos vies. Sûrement pas. Qui pourrait le savoir ? L'avenir est un personnage bien sombre et bien mystérieux, on le croise rarement comme nous l'avions prévu et il ne réapparaît jamais deux fois au même endroit. Je soupire et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille en déglutissant. C'est à moi de faire le premier pas vers la sortie de cet appartement, et je crois que je n'ai jamais eu autant de difficultés à quitter quelqu'un. Mon cerveau me hurle :

* Allez, tire toi ! Laisse la avec ses ennuis et vogue le navire ! *

Mais mes jambes refusent de me porter. C'est ridicule, vraiment. Je vais la revoir bientôt, à la prochaine réunion, alors pourquoi cela ressemble-t-il tellement à des adieux ? Je regarde une dernière fois Olive dans son ensemble, puis le paysage que je distingue à peine à travers la fenêtre encrassée près de nous. Il est temps. Je me redresse lentement et fait un petit sourire désolé. Pourquoi je suis désolée ? Peut être d'avoir fait un mauvais choix de vie. D'être qui je suis.

« On a jamais vraiment été amies. Mais tu vas me manquer, Olive. »

Puis, sans un regard en arrière, je quitte l'appartement. Dehors, le froid m'enveloppe et je referme mon manteau en frissonnant. Il fait déjà nuit. Qui sait de quoi sera fait demain ? Quel autre désastre attend pour s'abattre sur moi ? En rentrant chez moi, je tremble un peu en songeant que peut être, ma vie aurait pu être différente. Moins triste.

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