Olympia s’éclipsa dès la fin du cours et parcourut le château en long et en large, afin de semer les éventuels curieux –être nouvelle n’avait pas que des avantages, malheureusement- et les personnes trop collantes qui auraient pu vouloir l’aborder. Elle ne cherchait pas vraiment à être invisible, juste à ne pas donner l’impression de se rendre régulièrement à un endroit précis –ce qui pourrait inciter à faire des recherches pour deviner pourquoi.
Cela la mettrait en danger, car ce qu’elle s’apprêtait à faire était non seulement interdit mais aussi illégal. Elle risquait bien plus que des heures de colle si elle était découverte, et Edward aussi, bien que son sort lui importât moins que le sien, en bonne égoïste –elle préférait se dire dotée d’instinct de préservation.
Curieusement, lorsque Morticia l’avait présentée à Edward, elle avait tout de suite su qu’ils sympathiseraient. Après tout, ils avaient à peu de choses près un caractère assez semblable, bien qu’il réagisse plutôt rapidement aux provocations alors qu’elle préférait ruser. Ils s’étaient trouvés des points communs –dont leur mutuelle attirance pour la magie noire-, avaient partagé leurs centres d’intérêts –qui comme tous les protégés de Morticia tournaient autour du sang, de la torture et du meurtre, tout ça en agitant un morceau de bois- et étaient devenus… amis. C’était la première fois qu’Olympia pouvait vraiment considérer un garçon comme un ami, et elle s’en étonnait encore. Pourquoi n’était pas la question qu’elle se posait, elle savait qu’elle appréciait Edward parce qu’elle retrouvait une part de sa noirceur –comment l’appeler autrement ?- en lui. Non, la réelle préoccupation d’Olympia lorsqu’elle y pensait –et elle y pensait beaucoup, c'était de savoir quelles seraient les conséquences. Elle ne modifierait pas ses décisions en fonction de lui, du moins actuellement, mais si l’affection –étrange- qu’elle portait à Edward contrariait ses plans ? Et si ses décisions n’étaient plus objectives ? Elle n’osait pas penser à l’ordre que lui donnerait son père. Cesser tout contact, dans le meilleur des cas.
Elle vérifia à l’aide d’un sort que personne ne la suivait –donner des cours de magie noire obligeait à être prudents- et continua à avancer. L’excès de secrets pouvait-il conduire à la paranoïa sans que l’on ne s’en rende compte ? Parce qu’elle commençait à saturer, avec tous les complots qu’elle tramait…
La magie noire, même sous sa forme théorique –elle n’était pas stupide et comptait finir sa scolarité sans être renvoyée- était fascinante, encore plus à enseigner. Son ego déjà très développé s’enorgueillissait de cette position de supériorité qu’elle occupait face à Edward, qui était plus âgé qu’elle de surcroît. Elle se sentait pleine de joie –quelque peu perverse, de savoir qu’elle dominait l’autre et qu’il lui était inférieur. Cependant, elle aimait bien Edward. Il était comme une boule d’argile bien tendre, que l’on peut modeler afin d’obtenir à peu près ce que l’on veut. Elle allait en faire un homme implacable, impitoyable, froid, dur, qui n’a pas peur d’utiliser tous les moyens à sa disposition.
Elle sourit lorsque, entrant dans la pièce, elle vit qu’il était déjà là. Tant mieux, elle n’aimait pas attendre, les autres l’attendaient, elle, elle exigeait qu’ils soient à l’heure. Elle le héla, car il était plongé dans ses pensées :
« Salut ! »
Affligeante banalité.