Plus rien ne semblait tourner rond dans cette vie qui, jusque-là, avait été si parfaitement huilée... Tout était si parfait ! Nemesis avait tout ce dont elle avait cru rêver : elle était une brillante avocate, riche et belle, et allait bientôt convoler en justes noces avec un homme merveilleux ! Tout le monde ne parlait d'ailleurs plus que de cela ! Le tout Londres sorcier se réjouissait de ce mariage qui promettait d'être une fête des plus grandioses ! Et, en effet, les Mayfair comme les Colloway n'avaient pas regardé à la dépense pour que leurs enfants s'unissent dans ce faste et cette opulence qui les caractérisaient si bien ! Et, plus les semaines passées, plus la date se rapprochait, et plus Nemesis semblait plonger dans une dépression sévère. Elle qui, lorsque le jeune politicien lui avait demandé sa main, n'avait pas boudé sa fierté -à défaut de son réel enthousiasme- avait perdu tout goût à ces préparatifs qu'elle tentait de freiner autant qu'elle le pouvait. La salle qu'elle avait elle-même choisie lui semblait maintenant ridiculement petite et lugubre. Le traiteur ne cessait de revoir un menu qui ne trouvait jamais grâce à ses yeux. Les fleurs lui semblaient hideuses et sa robe de mariée juste vulgaire ! Tristan redoublait d'efforts pour répondre au mieux à ses caprices et Nemesis en aurait presque rougi de honte... Si seulement elle avait connu la signification ! Mais non, elle n'avait pas honte... Elle ruinerait ses propres noces s'il le fallait ! Tout plutôt que de devoir épouser celui qu'on lui avait si pernicieusement choisi au détriment de cleui qu'elle savait, maintenant plus que jamais, encore aimer.

Alors qu'elle pénétrait dans ce bar elle hésita, déjà prête à tourner les talons et à s'en retourner calmement chez elle. Une femme de son rang et de son sang, une femme honnête et fiancée, ne devait pas traîner ainsi dans les bars en compagnie d'un homme avec lequel elle avait jadis couché ! Mais Charlie n'était pas qu'un simple amant. Pour oublier Kieran, et bien avant que Gwendall ne lui soit imposé, elle avait connu bien des hommes. Elle voulait oublier, panser des plaies qui ne s'étaient jamais refermées... Du moins jusqu'à ce qu'il ne lui revienne ! Charlie n'aurait sans doutes du n'être que l'un de ces hommes de passage. Aussi vite aguiché qu'oublié. Mais non... La première nuit en avait entraîné une seconde. Puis il y avait eu d'autres nuits, des journées entières même où ils n'avaient pas quitté le lit. Pourtant, aussi délicieuse soit cette liaison, il leur manquait le principal ! L'amour. Nemesis appréciait sincèrement le jeune sorcier mais elle ne l'aimait pas. Et elle doutait que, de son côté, Charlie lui porta le moindre sentiment amoureux ! Ils avaient donc décidé de rompre et de se contenter d'une amitié qui, elle au moins, ne les ferait jamais souffrir. C'était bien connu : les histoires d'amour finissaient mal et pas qu'en général ! Tout le temps ! Pas besoin d'être sorcier pour le savoir ça !

- Comment vas-tu Charlie chéri ? dit-elle en se jetant au cou de son ami déjà installé au bar. Observant sa mine quelque peu défaite elle grimaça avant de déposer sur sa joue un chaste baiser et de lui dire Tu as une mine affreuse mon chou ! Et si tu me commandais un verre avant de me raconter tes derniers déboires ? Et prends-moi quelque chose de fort ! J'en ai besoin je le crains... puis, allumant sa cigarette elle demanda, l'air boudeur Je suppose que tu as reçu l'invitation à mon mariage non ? Tu comptes venir ? Enfin... Si jamais il a bien lieu et, ça, c'est pas gagné !

Si certaines personnes de son entourage trouvaient son amitié avec James Hopkirk des plus étranges elles comprenaient encore moins ce qui unissait une femme du monde comme elle à un artiste quelque peu désargenté comme Charlie Craven. Et pourtant, oui, ces deux-là s'adoraient. A une époque ils avaient même bien cru s'aimer. Avant qu'ils ne réalisent que ce n'était là qu'une attirance sexuelle qui, aussitôt assouvie, leur avait permis de se consacrer à une amitié bien plus équilibrée et enrichissante qu'elle ne le semblait de prime abord. Nemesis aimait ces moments simples et détendus qu'elle passait chaque fois que Charlie était dans le coin. Avec lui les règles tacites étaient claires : ils oubliaient tous leurs ennuis, parlaient, plaisantaient et s'amusaient sans jamais penser à ce que le lendemain serait. Jusque là la poupée cherchait juste à s'échapper de ses obligations professionnelles, ou à plaisanter sur ces petits rien qui, et par Merlin ce que cela pouvait aujourd'hui lui paraître pathétique, lui pourrissaient alors la vie. Et Charlie, lui, lui contait tous ces petits maux que la belle blonde s'efforçait toujours de guérir. Elle passait pour être un monstre de glace et, oui, elle l'était la plupart du temps. Mais il y avait aussi des êtres qui, comme Charlie, savaient faire sortir le meilleur de la jeune femme. Passant ses bras autour du cou du séduisant sorcier, lui adressant son plus beau sourire

- Peur ? Serais-je devenue aussi laide que ces grotesques représentations que les Moldus font des sorcières ? puis riant aux éclats elle feignit de bouder avant de laisser sa tête venir doucement reposer au creux de l'épaule de son ami et, jouant avec l'une de ses boucles blondes, elle demanda Et ne me mens pas... Depuis que l'on se connait, les seules fois où je t'ai vu aller bien c'était... après que nous ayons fait l'amour ! dit-elle en plaisantant avant de reprendre, plus sérieusement cette fois Et si tu me disais plutôt ce qui ne va pas ? Tes oeuvres se vendent bien, non ? L'autre jour j'ai cru en voir une exposée dans une galerie londonienne... C'est bien la première fois qu'une boutique moldue m'intéressait d'ailleurs !

Mais tout sourire disparut de son visage et son regard se voilà légèrement quand son ami rebondit, pour le coup un peu trop bien, sur cette presque révélation qu'elle venait de lui faire. Soupirant tout en s'éloignant quelque peu de Charlie elle fit signe au barman de leur apporter directement la bouteille. Ils allaient en avoir besoin. Jouant un instant avec son verre, elle le vida d'un coup. Un second suivit car nécessaire. Puis elle daigna reposer son verre sur le comptoir avant de tenter de prendre la parole. Mais les mots lui manquaient, se bousculaient dans sa tête sans qu'elle parvienne à les mettre dans le bon ordre. Elle était pourtant loin d'être ivre ! S'énervant, s'agaçant elle-même, Nemesis soupira longuement. Puis, comme si elle prenait son courage à deux mains, elle fit face à son ami et lui balança d'un coup

- Je l'étais...Sincèrement... Enfin je veux dire tu m'as vue ... Je sautais partout et j'avais les mêmes yeux qu'un Boursouflet dopé mais... Je ne le suis plus. grimaçant et rougissant d'un coup elle poursuivit Tu te souviens de Kieran O'Connell ? Et bien... Il est de retour à Londres.

Nemesis le savait, Charlie ne pouvait pas avoir oublié qui était Kieran. Combien de fois lui avait-elle parlé de cet homme, de son premier amour qui avait disparu du jour au lendemain ? Tellement de fois qu'à la fin Charlie ne l'écoutait même plus. Pourtant il avait été là pour la soutenir quand leurs noces avaient été annulées. Et, aujourd'hui que Nemesis voulait annuler un autre mariage, Charlie était encore là.

Elle aurait pu s'en douter... Après tout peut-être même était-ce ce qu'elle attendait de la part d'une des rares personnes au monde qui la connaissait suffisamment pour savoir ce que ces quelques mots qu'elle avait sciemment laissés s'échapper signifiaient vraiment. De la part, aussi et surtout, de l'une des encore plus rares personnes qu'elle aimait si sincèrement qu'elle ne pourrait lui tenir rigueur de se montrer franche avec elle. Nemesis n'avait jamais compris cette importance démesurée que la société pouvait accorder à cette pseudo vertu qui voulait que l'on ne se mente jamais ! Dans son métier elle mentait tous les jours et ses clients la payaient grassement pour cela. Si jamais elle avait du ériger la sincérité en valeur absolue alors elle aurait fait une bien piètre avocate ! Heureusement Charlie usa de l'une de ces métaphores dont lui seul semblait avoir le secret. Nemesis ouvrit de grands yeux de poupée devant cette image quelque peu étrange, il fallait bien le dire, mais qui lui plaisait. Même si, pour être honnête pour une fois, elle n'était pas certaine de saisir ce que son ami voulait lui dire. Riant doucement elle ébouriffa sa chevelure d'or avant de se blottir tout contre son ami. Prenant son verre et le faisant trinquer contre celui de l'artiste

Rassures-moi : tu n'es pas en train de me pousser à commettre cette énorme bêtise qui consisterait à quitter le plus parfait des fiancés pour m'enfuir avec mon amour de jeunesse n'est-ce pas ? puis, comme voulant prévenir toute réaction de la part du sorcier à ses côtés, elle le bouscula d'un léger mouvement d'épaule avant de siffler son verre et de reprendre Je plaisante Charlie rassures toi... Je sais parfaitement que tu n'es pas enchanté de voir ce fantôme réapparaître après tant d'années dans ma vie ! Tu ne l'as jamais aimé, non ? l'alcool aidant elle se laissa même aller à une confidence qu'elle ne lui avait encore jamais faite. Le regard ancré à celui du jeune homme elle murmura simplement, sans facétie ni moquerie Remarques tu sais le plus drôle dans toute cette histoire ? Si je n'avais jamais connu Kieran je pense que j'aurais pu tomber follement amoureuse de toi. Ton sourire craquant, ta timidité parfois maladive, ton côté artiste... Oui, je pense que je serais tombée amoureuse de toi ! Et alors si ça tombe toi et moi serions mariés et je n'aurais pas cet affreux dilemme à régler... avait-elle dit tout en laissant sa tête venir heurter le comptoir et en demeurant ainsi de longues secondes. Puis, relevant doucement sa tête de petite poupée elle dit en riant et en offrant un chaste baiser sur les lèvres cependant à sa Charlotte adorée J'ai besoin d'aide Charlie... Que dois-je faire ? Que ferais-tu à ma place... Pour la première fois depuis huit ans, depuis qu'il était sorti de ma vie, je me sens de nouveau perdu. J'aime Kieran mais... j'aime aussi Tristan. Je fais quoi moi avec deux hommes ? Aides moi...

Puis Nemesis se jeta sur son verre et le vida d'un trait avant d'en commander deux autres pour finalement se raviser et commander directement deux bouteilles. Puis, se laissant glisser de son tabouret, laissant la musique dans sa tête l'enivrer et la guider elle se laissa aller à oublier ses inhibitions -rares cependant- et entamant une danse qui eut fait pâlir les hommes de sa vie. Ondulant, laissant ses mains venir se perdre dans sa chevelure dorée avant de glisser le long des courbes de son corps elle sourit malicieusement à son ami et vint le chercher. Collant son corps au sien elle lui murmura, ses lèvres frôlant les siennes comme elles l'avaient déjà fait il y avait bien longtemps

Danses avec moi Charlie... Danses avec moi et fait moi tout oublier... Juste ce soir... Je veux oublier ma vie. Danses avec moi Charlie et fais moi ce cadeau... S'il-te-plaît : oublions ensemble, veux-tu ?

Nemesis était ivre et cela ne tarderait pas à leur causer bien des ennuis ! De terribles ennuis même !