Elle se tenait assise à sa place, attablée en compagnie de ses parents et de leurs si importants invités, autour de cette profusion de mets et de vins plus onéreux et délicieux les uns que les autres. Discrète et effacée comme il seyait à une jeune personne de son âge et de son rang, ne prenant la parole que si on l'y invitait, répondant toujours avec courtoisie et concision. Cassandre sentit glisser sur elle les regards emplis de fierté de ses parents ce qui amena à ses lèvres un sourire radieux. Ses joues rosissaient, officiellement de timidité mais bien plus réellement de vanité, quand elle entendit toutes ces éloges dont on ne cessait de l'abreuver. Douce mélopée à ses oreilles de jeune fille un peu trop consciente de ce qu'elle était et de ce qu'elle serait encore plus demain. L'humilité et la timidité n'étaient que des artifices dont elle se servait au même titre qu'elle usait de ce maquillage pour travestir son visage. Son regard vint s'ancrer à celui de sa mère, celle à qui la jeune héritière devait d'être cette si parfaite jeune fille de bonne famille qui n'avait pas son pareil pour séduire son monde, faire s'embraser les regards et fondre ces cœurs qu'elle prenait ensuite le plus grand des plaisirs à écraser du bout de ses talons. Car, non, Cassandre n'était pas cette jolie petite chose fragile qu'elle se complaisait à montrer aux autres... Très loin de là même. Et il suffisait souvent de bien peu pour que le vernis ne se craquelle et ne laisse apercevoir la face bien sombre de la demoiselle.

Alors que ses parents abordaient le sujet, ô combien sujet à polémiques, des futures noces de leur fille, celle-ci sembla se tendre et ses doigts se crispèrent sur cette flûte de cristal qui se brisa. Cassandre était peut-être docile et malléable quand cela pouvait servir ses intérêts ou ses ambitions démesurées elle n'en demeurait pas moins une véritable petite sauvageonne qui ne supportait pas qu'on cherche seulement à lui imposer sa volonté. Et ses parents, s'ils ne le savaient pas encore, ne tarderaient pas à le comprendre. Et de la plus cinglante et violente des façons ! Déjà elle rabrouait cet innocent et bien empressé elfe de maison qui se précipitait pour la soigner. Un flot d'injures à peine voilées et quelques coups plus tard elle se levait sous les yeux médusés de l'assistance et tirait sa révérence avec facétie et provocation. Cassandra n'écoutait même plus ni les suppliques de sa mère ni même les menaces de son ombrageux père. Ils l'avaient faite ? Ils n'avaient qu'a assumer maintenant !

Le monde n'était qu'un gigantesque terrain de jeu pour cette manipulatrice née qui se targuait de pouvoir faire plier quiconque devant sa volonté. Déterminée et brillante, élève plus que prometteuse, elle avait le plus beau des avenirs devant elle. Mais celui-ci serait ce qu'elle avait décidé d'en faire ! Libre et libertaire autant que libertine, Cassandre était à l'image de ce serpent Mamba Noir qui était son animagus. Nul ne pouvait l'apprivoiser si elle ne l'avait décidé. Et mieux valait éviter d'avoir à jamais affronter ses courroux... des plus mortels !

Enfermée dans sa chambre qui tenait plus de la suite que de la chambrette de petite fille, Cassandre restait sourde à ces poings qui tambourinaient sur sa porte et lui intimaient l'ordre de sortir. Soupirant, laissant sa main opaline venir défaire le chignon lâche qui retenait prisonnière sa longue et soyeuse chevelure chocolat, elle erra de sa démarche aussi féline qu'aérienne, jusqu'à ce haut miroir où elle se contempla. Certaines personnes se mésestiment ou, au contraire, se jugeaient bien mieux qu'elles ne l'étaient réellement. Cassandre, elle, se contentait de se voir telle que ce miroir lui montrait : belle. Très belle même. Plus grande que bon nombre des jeunes filles de son âge elle dépassait même bien des garçons. Sa silhouette longiligne et sa nuque élancée lui conférait un port altier et venait un peu plus renforcer cette confiance en elle dont elle ne manquait déjà pas. Une peau de nacre qu'elle aimait à oindre des plus précieux onguents. Une taille fine que les mains d'un homme eurent pu saisir. Un buste menu où s'épanouissait une poitrine fière et généreuse dont elle n'était pas peu fière. Cassandre aimait ce corps qui était le sien, adorant plus que tout ces longues jambes effilées, dont elle entretenait le galbe par ce sport qu'elle pratiquait avec assiduité. Lorsque son regard d'un bleu si clair qu'il tirait sur le turquoise lui montra son visage angélique et encore poupin, elle étira ses lèvres finement ourlées et charnues en une moue enfantine. Ses traits étaient fins et dégageaient la plus trompeuse des apparences. Cassandre le savait, elle donnait toujours cette double impression ? Un visage d'enfant posé sur un corps de femme. Quel cocktail pouvait-il y avoir de plus fatal ? Aucun !

Cassandre regardait cet hôtel particulier qu'elle ne reverrait certainement pas avant très longtemps, elle le savait. Son père avait beau tenter de la rassurer, de lui dire que dès que ses obligation professionnelles le lui permettraient, ils reviendraient chez eux, à Paris, elle n'en croyait pas le moindre mot et lui lança le plus sombre des regards avant de s'en aller retrouver la chaleur rassurante des bras de sa mère. Celle-ci serra très fort son enfant dans ses bras, sa seule fille au milieu de ces trois autres enfants qu'elle avait portés. Cassandre était la dernière de la fratrie mais, curieusement, elle était la première dans le cœur de ses parents. Sa mère ne voyait que par elle et son père, politicien avisé et plus qu'ambitieux et talentueux, avait déjà provoqué l'ire de ses fils en proclamant que Cassandre serait son héritière. Elle était une fille, la dernière née mais, pourtant, elle avait toujours été et demeurerait à jamais sa préférée. La seule aux yeux de ce père qui ne voulait rien de moins que le meilleur pour elle.

L'enfance de la famille de la petite d'Halincourt avait été un rêve permanent. Grandissant auprès de ces parents qui lui apportèrent la meilleure des éducations tout en n'oubliant pas de céder au moindre de ses caprices -et par Merlin qu'ils étaient nombreux ! - et entourée de ces frères qui la jalousaient mais fondaient devant sa bouille angélique, elle ne manqua de rien. Sa famille était aisée et aussi puissante qu'influente. Aux yeux de tous ils passaient pour une longue et fière lignée de mages aussi sages qu'avisés. Très jolie fable, certes, mais qui dépeignait une famille qui n'existait guère que dans les esprits simplets de ceux pour qui les apparences prévalaient ! Cassandre avait toujours su que sa famille comptaient en son sein plus d'un adepte de la magie noire. Ses deux parents en premier ! Et, sur ce point au moins, elle était leur plus digne héritière. Très tôt elle avait manifesté le plus vifs des intérêts pour ces grimoires poussiéreux et sulfureux que son père ne l'autorisait à compulser qu'en sa présence. Avec une patience et une détermination sans failles elle en avait appris les rudiments suivant cet enseignement qui lui était offert.

Et qu'elle ne trouva pas dans cette ridicule école française où elle fut envoyé à ses onze printemps ! Les cours où elle excellait pourtant -statut social et apparences obliges – l'ennuyaient à mourir et l'idée de pouvoir intégrer Poudlard était peut-être la seule raison qu'elle avait de quitter sa France natale. Officiellement son père avait été nommé au Ministère anglais. Officieusement il comptait bien rejoindre un groupement de mages noirs. Voilà tout ce qu'elle savait, son père la jugeant encore un peu jeune pour prendre part à cet engagement que lui et sa femme avaient pris bien avant leur mariage et qui était bien plus dangereux que leur enfant ne semblait le penser. En parlant mariage d'ailleurs... Son père avait repris contact avec quelques unes de ses relations outre manche et il avait trouvés deux excellents partis pour son héritière. L'un des deux jeunes hommes ayant, pour l'instant, sa préférence. Il en avait parlé à sa fille qui n'avait pas manqué de lui faire comprendre son refus pur et simple de la chose en hurlant à s'en briser une corde vocale et en fracassant absolument tous les objets se trouvant à portée de sa baguette. Non, elle ne se marierait jamais ! Et encore moins avec un garçon dont elle n'avait pas même retenu le prénom et dont elle se fichait comme de l'an quarante !

D'ailleurs, ce n'était pas les garçons qui manquaient à Poudlard. Et encore moins dans cette maison du Serpent où elle avait été envoyée. Pour sa plus grande fierté tout comme pour celle de ses parents qui eurent éprouvé la pire des désillusions en la voyant envoyer ailleurs ! Cassandre était une fille sociable et des plus avenantes qui ne tarda pas à se faire autant d'amis que d'ennemis. Son franc parler et son côté direct lui valant autant d'inimitiés viscérales que d'amitiés sincères. Mais, en ce moment, un seul semblait réellement lui importer. Un charmant jeune homme qui ne la laissait pas de marbre et qui répondait au doux nom d'Ezekiel. Ironique en fait... Celui-ci n'étant autre que ce fiancé qu'on lui destinait.