Confiance et défiance sont également la ruine des hommes.

Quel étrange moment elle avait vécu, et que singulière fut sa « rencontre » avec les nouveaux. Ce n’était pas la première fois qu’elle les voyait. Pour la plupart, elle les avait au moins croisé, si ce n’est parlé, mais c’était la première fois qu’ils se rencontraient dans l’optique singulière de s’ associer.

S’associer… le terme semblait irréel, si éloigné de toute préoccupation adolescente, et pourtant, c’était le mot qui convenait le mieux, car sans cette volonté commune de nuire à à un ennemi commun, jamais leurs chemins ne se seraient croisées de la sorte.

La situation, bien qu’elle ne voulut pas l’admettre, l’avait mis très mal à l’aise. Elle se sentait passée au crible, testée, examinée. Il était désagréable de sentir ainsi que l’on vous jugeait, que l’on décidait ou non de la confiance que l’on pouvait vous accorder.

Bien que l’épreuve fut désarmante, Pomona crut s’en être sortie avec succès, même la rouge et or à la chevelure et au tempérament de feu. Ce fut d’ailleurs elle qui la contacta pour mettre au point leur « rendez-vous » secret.

Cette soudaine impression de faire partie d’une forme de société secrète lui plaisait étonnamment, autant que cela l’intriguait, et pour autant, elle savait que rien, absolument rien n’était gagné.

Dans une moindre mesure, elle paraissait avoir été acceptée, mais il allait encore falloir qu’elle leur fasse accepter Miyria. Elle n’avait pas encore osé aborder le sujet avec eux, elle se disait qu’il valait mieux faire les choses graduellement, et attendre que leur confiance soit complète pour leur suggérer de faire encore confiance à quelqu’un d’autre, une autre vert et argent qui plus est.

Meredith lui avait signalé qu’elle voulait -non, n’exagérons rien - qu’il fallait qu’elles se rencontrent. Elle n’avait pas spécifié les tenants et aboutissants. Elle lui avait juste demandé de trouver un lieu de rendez-vous discret, où elles ne risqueraient pas d’être dérangées, et Pomona avait immédiatement pensé aux créneaux.

Il n’était effectivement pas rare qu’elle s’y rende lorsqu’elle voulait lire au calme, et l’endroit était généralement désert. Du fait que les journées, en ce mois de mars, étaient encore fraiches, il y avait encore moins de chances de rencontrer qui que ce soit.

Elle vint au rendez-vous un peu à l’avance, elle avait toujours été quelqu’un de ponctuel. Quand elle arriva, Meredith n’était donc pas encore présente, et ce fut tout naturellement que Pomona s’adossa contre un créneau, sans prendre garde au vide derrière elle. Elle n’en avait pas peur, elle y était habituée.

Elle tira un livre de son sac et entreprit de le lire en attendant que la rouge et or arrive. Elle avait plusieurs minutes devant elle, elle parviendrait peut-être à finir son chapitre. Cette attitude pouvait sembler nonchalante, mais en vérité, Pomona luttait contre sa curiosité. Elle brûlait de savoir quel était le motif de ce rendez-vous, et ce qu’on attendait d’elle, car pour sûr, il devait s’agit de quelque chose que l’on voulait qu’elle fasse.
Lire lui permettait seulement d’ignorer toutes ces questions qui s’imposaient à elle.

En faisant preuve d’un peu (beaucoup) de bonnes volontés, Ginny devait admettre qu’Hermione avait vu juste, concernant Pomona Fitz. Cette fille avait l’air réglo. Elle était intelligente, fichtrement intelligente, tellement que Gin’ perdait le fil en l’entendant parler parfois, et c’était un bon point, d’être très intelligent, quand on s’attaquait à un morceau particulièrement intelligent lui aussi, deux cerveaux n’étaient pas de trop dans leur petite équipe. Elle n’avait pas l’air de mentir non plus sur ses intentions, même si la rouquine n’en était pas sûre à cent pour cent. Elle aurait bien aimé glisser un peu de veritaserum dans son jus de citrouilles, juste pour vérifier, mais sa suggestion avait tout de suite été rejetée, et elle n’avait pas insisté… même si elle restait sur ses gardes, elle imaginait mal que Pomona mentait, elle avait l’air intègre. Et puis, elles semblaient avoir en commun cette frayeur, cette véritable peur qui vous happe le ventre, concernant Jedusor. Ce n’était sûrement pas la pire personne à qui l’on pouvait décider de faire confiance, et si même Gin’ le pensait, la décision des voyageurs de lui remettre le journal du futur seigneur des ténèbres ne devait pas être complètement insensée.

Contre toutes attentes, c’était Ginny qui s’était proposée pour se charger de la transaction. Très franchement, elle ne faisait pas du tout ça de gaieté de cœur. Mais ça allait être fait de toute manière, et Gin’ était parfaitement conscient des dégâts qu’elle avait causé. Tout ce qu’elle pouvait faire à l’heure actuelle, c’était tenter de réparer le plus possible. Et pour faire ça correctement, le mieux c’était de se porter volontaire dans ce genre de situations, non?
Après que les voyageurs aient choisi de faire confiance à la serpy, elle lui envoya donc une lettre, dans laquelle elle lui demandait où elles pourraient se retrouver, en restant à l’abris des regards (Gin’ aurait eu des centaines de suggestions à faire, à commencer par la salle sur demande, mais il fallait éviter de donner l’impression qu’elle connaissait le château comme sa poche). Pomona avait suggéré les créneaux, choix plutôt censé, étant donné que c’était un endroit où Gin’ n’avait jamais pensé à mettre les pieds durant toute sa scolarité.

On voulut lancer quelques sortilèges au journal, pour s’assurer qu’il ne les compromettrait pas eux, mais en soi, ce cahier semblait désespérément inutile. Malgré tous les efforts d’Hermione, ses pages restaient vierges, et si Jedusor n’avait pas semblé si décidé à le cacher et perturbé par sa disparition, on aurait vraiment pu croire qu’il était anodin. Le seul indice qui vous mettez la puce à l’oreille était le "T. E. Jedusor" sur la tranche du journal, une chose qui portait son nom était forcément une mauvaise chose.

Quelques minutes avant l’heure précise du rendez-vous, Gin’ s’était mise en route, le journal caché entre les pages d’un manuel, au fin fond de son sac. Elle s’imaginait tellement poisseuse qu’elle voyait bien le préfet des verts et argent lui tomber dessus en chemin. Ça n’arriva pas, encore heureux, et elle pu retrouver Pomona en un morceau. La jeune fille était déjà là, en train de lire un bouquin… Comment pouvait-on vouloir lire un bouquin à un moment crucial?
D’accord, c’était peut-être pas si crucial que ça, mais pour Gin’, tout ça avait de l’importance. Ce cahier, il avait l’air de rien, mais il réveillait des souvenirs horriblement douloureux en Ginny. Elle se rappelait de toutes les heures qu’elle avait pu passer, plume à la main, à se confier à Tom, en croyant qu’il était son ami, qu’il était le seul être au monde à pouvoir la comprendre… Ce journal avait l’air inoffensif, mais elle avait bien failli mourir à cause de lui.

"Salut…" dit-elle d’un ton un peu morne à l’adresse de Pomona. Elle ne risquait pas de se montrer chaleureuse par-dessus le marché!

"Salut…"

Pomona s’était attendue à ce que l’accueil de la jeune fille ne soit pas bien chaleureux. De ce que Pomona avait pu comprendre de Meredith, d’un point de vue comportemental, elle s’attelait à rejeter, souvent violemment, ceux qui n’appartenaient pas au groupe social auquel elle était affiliée.

Pomona était une intruse, qui venait s’incruster au sein d’un groupe au sein duquel Meredith pensait très certainement qu’elle n’avait pas sa place. Rien d’étonnant à ce que leurs relations ne soient pas immédiatement au beau fixe. D’autant plus que ni l’une ni l’autre n’étaient véritablement des êtres sociables, capables de facilement s’intégrer.

"Salut."

Sa réponse fut prononcée sur un ton identique. Les formules de politesse semblaient presque être de trop, tant il était évident pour l’une comme pour l’autre qu’elles étaient là pour parler "affaires". Et quelles affaires.

Elle examina quelques instants Meredith, animée par sa curiosité habituelle. Elle la fixa de bas en haut, cherchant un indice qui pourrait la mettre sur la voie, lui permettre de savoir ce que les nouveaux attendaient d’elle exactement.

Il n’y avait rien d’anormal cependant chez Meredith (hormis son attitude négative, mais elle lui était caractéristique), rien qui ne puisse l’aiguiller, en tous cas, sauf peut-être le fait qu’elle portait son sac de cours, alors qu’elle n’avait pas cours avant. Peut-être transportait-elle quelque chose qu’elle souhaitait lui montrer? Ou peut-être revenait-elle seulement de la biliothèque (même si Pomona ne l’y avait vu que très peu depuis son arrivée).

" Pourquoi est-ce que tu voulais me voir?" lui demanda finalement la vert et argent.

Il était évident qu’elles ne tourneraient pas autour du pot. Elles n’étaient pas amies, et il faudrait certainement immensément de temps pour qu’elles le deviennent un jour, s’il advenait qu’elles le deviennent. Meredith ne serait sans doute pas déçue de pouvoir expédier au plus vite cette conversation, et Pomona était particulièrement curieuse de savoir ce que l’on pouvait bien attendre d’elle.

Elle ne s’était pas attendue à être contactée de la sorte, il faut le dire, ni à ce qu’on lui confie une mission de quelque sorte que ce soit. Ses recherches sur Jedusor étaient demeurées infructueuses, malgré les efforts qu’elle fournissait pour en apprendre plus, comment les nouveaux, en un même laps de temps, avaient pu découvrir autre chose? Et quelle chose?

Oui la curiosité était de loin le plus grand défaut de notre ethnologue en herbe, et en cet instant précis, elle la travaillait. Elle voulait elle aussi que les choses aillent au plus vite, pas tant pour se débarrasser de Meredith que pour enfin savoir ce que l’on attendait d’elle.

Elle croisa les bras, marquant ainsi, et très involontairement, son impatience, attendant, ses yeux foncés ne lâchant pas les prunelles de son interlocutrice.

L’avantage, quand on magouille avec quelqu’un comme Pomona Fitz, c’est qu’on a pas à s’attendre à de longues minutes passées à se regarder dans le blanc des yeux et à se raconter sa vie comme si quelqu’un était vraiment intéressé. La serpy (la vache, elle était en train de dealer des horcruxes avec une serpentard, c‘était ça, toucher le fond?… elle n’avait pas conscience de la moitié de ces infos, et déjà elle trouvait ça totalement dingue et inconscient) ne tourna pas autour du pot, et lui demanda directement ce qu’elle attendait d’elle. Elle avait dû comprendre que Gin’ voulait en finir le plus vite possible avec tout ça. Si elle avait accepté de faire des efforts et s’était portée volontaire pour remettre le journal à Pomona, c’était uniquement parce qu’elle avait une dette à payer, et qu’elle voulait se racheter, certainement pas parce qu’elle faisait confiance à Pomona. Cette fille n’était p’têt pas aussi vicieuse que tous ses amis verts et argents, mais elle n’avait pas été envoyée dans cette maison pour rien. Ceux qui atterrissaient là finissaient toujours mal. C’était pas qu’un vieil adage ridicule, c’était la vérité vraie, pour preuve monsieur face de serpent.

Gin’ ôta son sac à dos et l’ouvrit, tirant de sa cachette le fameux journal de Jedusor. Elle prit la peine de le feuilleter quelques secondes, des fois que, miraculeusement, une inscription soit apparue entre deux (c’était pas le cas). Ce simple geste la fit frissonner de haut en bas. C’était un geste anodin peut-être, mais qu’elle avait fait tellement de fois à ses onze ans, quand elle était encore cette stupide élève naïve qui pensait qu’il n’y avait rien de plus intelligent que de répondre à une feuille de papier quand celle-ci vous adressait la parole, que le reproduire n‘avait rien d‘innocent. Elle espéra que son frisson était passé inaperçu, mais elle en doutait fort. Pomona était une observatrice, apparemment, elle n’aurait pas laissé ça lui échapper, d’autant plus que son attention était toute focalisée sur elle. Ça mettait la rouquine particulièrement mal à l’aise, d’ailleurs. On a pas idée de regarder les gens comme ça. C’est pas poli, en plus!

"Tiens." fit-elle en lui tendant le fameux journal.

Tout en le faisant, elle sentait un nœud dans son estomac. Elle avait vraiment le sentiment de faire une horrible bêtise, et de le faire en son âme et conscience, en plus! Si on lui avait dit qu’elle allait faire un truc pareil il y a à peine un mois…

"On veut juste que tu le caches, c’est tout. C’est dans tes cordes?"

Pas forcément sympa, l’approche, mais Gin’ n’avait pas forcément envie d’être sympa, il faut dire. Puis les faits étaient les faits, c’était tout ce qu’ils demandaient à Pomona. Déjà qu’eux-mêmes ne comprenaient pas tout, Pomme aurait sûrement encore plus de mal à voir en quoi c’était si important, cette histoire de journal, mais Gin’ espérait qu’elle ne poserait pas trop de questions, elle ne se sentait pas d’y répondre. Mais si la serpy était aussi curieuse que ce que Gin’ pensait, elle ne se priverait pas.

Pomona regarda Meredith fouiller dans son sac, sa curiosité s’intensifiant.

La rouquine sortit de son sac ce qui ressemblait à un cahier, à la couverture noire. Pomona ne comprenait pas, mais elle-même collectant bon nombre de précieuses informations dans un carnet de format à peu près similaire, elle savait à quel point des choses anodines comme celles-là pouvaient ne pas l’être.

"Tiens."

La vert et argent récupéra le cahier que Meredith lui tendit. De près, il n’avait pas grand-chose de plus exceptionnel…

C’est ce qu’elle crut, du moins, jusqu’à ce que ses doigts rencontrent la surface cabossée de l‘étiquette collé à la couverture, là où le nom du propriétaire du livre était inscrit.

Elle sentit son cœur s’emballer légèrement en découvrant l’inscription dorée qui recouvrait l’étiquette en question.

"Tom Elvis Jedusor". Serait-il possible…? Elle voulut immédiatement en avoir le cœur net, pendant que Meredith lui posait sa question, elle feuilleta les pages du journal.

"On veut juste que tu le caches, c’est tout. C’est dans tes cordes?"

Pomona se sentit habitée d’une légère déception, quand elle constata que toutes les pages du cahier étaient vierges, mais elle la dissimula, pour mieux acquiescer.

Bien sûr que cacher ce journal était dans ses cordes, mais sa présence soulevait une multitude de questions telles qu’elle ne savait pas par quoi commencer.

Ce journal appartenait à Tom Jedusor. À quoi servait-il exactement? Un journal intime? Pomona avait beaucoup de mal à imaginer Jedusor confier ses secrets et ses humeurs à un journal intime…

Quelle importance avait ce journal? Voilà une autre question qu’elle se posait. Il avait forcément de l’importance, sinon les nouveaux ne montreraient pas tant d’efforts à le cacher… ce qui la conduisait à la dernière question qu’elle se posait.

Comment les nouveaux avaient-ils réussi à obtenir ce journal? S’il avait de l’importance, Jedusor n’avait pas dû le laisser à portée de mains.

Toutes ces questions… qui l’invitaient de plus en plus à s’interroger sur les voyageurs, et sur ce qu’ils lui cachaient, sur leur implication dans toute cette affaire…

"Je le cacherais, ce n’est pas un problème."

Elle marqua une pause. Assaillie par un flot de questions multiples, elle ignorait par lesquelles il lui fallait commencer, ni comment aborder les sujets qui l’intéressaient sans craindre que Meredith se ferme à elle, elle qui semblait hostile à la moindre question.

"Est-ce que c’est un journal intime?" osa-t-elle enfin demander, après avoir mesuré les possibilités pour que son interlocutrice puisse répondre à sa question.

Elle était infiniment curieuse de savoir ce que ce carnet pouvait contenir, ou aurait dû contenir. Si c’était vraiment un journal intime, comme elle osait le supposer, quelle source d’information cela pourrait être, si elle parvenait à décrypter ces pages blanches!

Ce pourrait être une avancée spectaculaire dans ses recherches. Elle avait hâte de partager cela avec Miyria.

Pomona avait l’air sûre d’elle. En même temps, c’est sûr, elle connaissait forcément plus de sortilèges pour dissimuler tout ça qu’elle. Pomona était intelligente. Et puis, c’est vrai, Tom ne pourrait pas faire le lien entre eux tant qu’ils étaient discrets, et il n’irait jamais chercher chez elle. Oui, elle allait le cacher bien comme il le fallait, ce n’était pas le problème. Le problème, c’était qu’elle posait des questions. Bon, dans un sens, c’est vrai, c’était plutôt normal, qu’elle s’en pose. Déjà, c’était une fille curieuse, Gin’ l’avait bien compris, mais même quand on était pas curieux, quand on vous demandait de planquer un truc, on avait forcément envie de savoir ce qu’était le truc en question et pourquoi il fallait le planquer. À la place de Pomme, Ginny se serait sûrement posée autant de questions, mais elle était à sa propre place, et à cette place, elle n’avait franchement pas envie de répondre à tout ça. Elle aurait nettement préféré que Pomona fasse oui de la tête et s’en aille, mais il fallait pas rêver. Gin’ fut très tentée de remballer bien sèchement son interlocutrice, mais elle se retint. Ça aurait vraiment été idiot de la mettre en boule (si ça lui arrivait de se mettre en boule), déjà parce qu’ils avaient besoin d’elle, et qu’elle ne voulait pas tout faire foirer, et ensuite parce que ses questions étaient légitimes, au fond, et pour tout ce qu’elle risquait pour eux, elle méritait bien une réponse. Bon, pas une réponse détaillée, c’est sûr, mais quelque chose qui ressemblait à un début d’explication, c’était déjà pas mal.

"Oui. C’est son journal."

Ce satané journal qui avait gâché une année entière de sa vie et hanté ses nuits les plus mouvementées. Pomme semblait aussi perplexe qu’elle face au fait que le futur voldy écrivait un journal à la Bridget Jones (même si ses pensées ne devaient pas être les mêmes mot pour mot, question de chronologie), et Gin’ vit qu’elle était déçue en voyant qu’il n’y avait rien d’écrit du tout là dedans, mais elle ne le releva pas, elle n’avait pas envie de lancer d’elle-même des sujets de discussion qui pourraient s’avérer sans fin. Très peu pour elle.

"Il sait qu’on le lui a prit, il n’est plus en sécurité chez nous…"

Comme ça, elle répondait au quoi et au pourquoi. D’accord, ça laissait encore tout plein de questions en suspens, mais c’était le maximum que Gin’ pouvait faire pour Pomona, au-delà, c’était juste impossible, pour son propre bien-être et pour que leur précieux mensonge ne soit pas découvert, déjà qu’ils le mettaient sérieusement en péril avec tout ça. Elle fixa la vert et argent un bon moment, se demandant si elle allait encore insistant. Elle l’invitait, et pas franchement subtilement, avec son regard, à laisser tomber l’idée de l’interroger. Elle en savait déjà beaucoup beaucoup trop. Et le blason qu’elle portait jouait toujours en sa défaveur, elle ne l’avait pas oublié.

"Oui. C’est son journal."

Son journal. Quand bien même Meredith lui confirmait ce qu’elle pensa it, elle avait du mal à croire que c’était vrai.

Elle n’imaginait absolument pas que Jedusor puisse tenir un journal, ça lui ressemblait si peu. Ce livre ne devait pas être comme les autres, Pomona en avait l’intime conviction, rien d’autre ne pouvait justifier que ce simple objet provoque tant de remous.

Pomona, d’ailleurs, réalisa qu’il n’était pas prudent de garder le journal entre ses mains, aux vues de tout le monde.

Si quelqu’un venait à arriver et les découvrait, il ne serait pas évident de se justifier.

Elle s’empressa donc de ranger le journal dans son sac, très soigneusement.

"Il sait qu’on le lui a prit, il n’est plus en sécurité chez nous…"

Pomona fronça les sourcils. Une fois de plus, cette remarque soulevait une immensité d’observations et d’interrogations diverses.

Comment avaient-il trouvé ce journal? Pourquoi avaient-ils trouvé ce journal? Comment Jedusor avaient su que c’était eux? Qu’est-ce que ça impliquait?

Etablir une relation de confiance à partir de tant de zones d’ombres, c’était infiniment compliqué. Pomona se demandait si elle ne devrait pas révéler aux nouveaux ses propres secrets, pour qu’ils acceptent de lui confier les leur.

Certains rapports étaient donnants donnants. Mais elle savait que c’était une entreprise dangereuse, d’autant plus qu’elle ne serait pas forcément efficace. Ça n’avait absolument pas fonctionné avec Olive, quand elle avait tenté la même approche, et Meredith était nettement plus farouche.

À vrai dire, il fallait sans doute mieux qu’elle garde cette possibilité pour plus tard, peut-être lorsqu’elle se trouverait avec un des nouveaux qui se montrait plus réceptif… avec Aulne, par exemple. Ce marché serait certainement plus simple à respecter, et porterait sans doute davantage de fruits.

"Très bien."

Se résigner à ne pas poser de questions alors qu’il y en avaient tellement qui lui traversaient l’esprit était un supplice, pour elle, mais si elle voulait avoir une réponse quelconque, ce n’était pas auprès de Meredith qu’elle devait la chercher, elle en avait bien conscience.

"Il ne le retrouvera pas, c’est promis."

Ce n’était pas une promesse en l’air, mais elle espérait tout de même réussir à la tenir, ce dont elle n’était pas du tout certaine. Jedusor était un individu dangereux, machiavélique… et, Pomona en était certaine, capable de tout. Si ce journal lui importait vraiment, elle ne voulait pas savoir jusqu’où il était capable d’aller pour avoir ce qu’elle voulait.

Quoi qu’il arrive, elle ferait au mieux, en tous cas.

"Il y avait autre chose?"

Pomona en doutait, mais comme la transaction touchait à sa fin, elle voulait avoir la certitude qu’aucun détail d’aucune sorte n’avait été omis, afin qu’elle puisse se quitter l’une l’autre, et vaquer à leurs occupations respectives.

Arrêter maintenant lui donnerait forcément une impression d’inachevé, mais elle avait bien compris que ménager Meredith, adepte des sautes d’humeurs, était le meilleur moyen de s’attirer ses faveurs et sa sympathie. Car cela faisait également partie du jeu.

Pomona avait l’air très sûre d’elle, et Gin’ se sentait en proie à des sentiments totalement contradictoires. D’un côté, c’est vrai, elle avait envie de baisser enfin cette fichue garde qui la rendait folle et de faire confiance à la serpentard, mais d’un autre, elle n’en avait aucune envie, et ce n’était même pas parce qu’elle trouvait Pomona louche (si on oubliait ses histoires de carnet, parce que ça c’était quand même méga louche), mais parce qu’elle avait sa fierté, et elle était trop fier pour se dire qu’elle pouvait avoir tord, que tous les verts et argents n’étaient pas forcément de méchants adeptes de face de serpent. Elle n’était pas encore prête à dire haut et fort ce qu’elle commençait à penser tout bas. Pas sûr qu’elle le serait un jour. Elle hocha légèrement la tête. En même temps, au point où elles en étaient, elle pouvait plus lui arracher le journal des mains en disant que finalement, elle avait changé d’avis. Ce qui était fait était fait. Et puis bon, quand même, elle dormirait peut-être mieux en sachant que ce journal maudit était à des mètres et des mètres d’elle, et pas à un mur de sa chambre.

Pomme lui demanda s’il y avait autre chose. Ouais, y’avait un tas de choses. Un tas de choses bien chiantes, toutes plus horripilantes les unes que les autres. Mais Gin’ n’allait parler d’aucune de ces choses. Que la serpy fasse ce qu’elle avait à faire, le reste on verrait plus tard. Ce qui était sûr, c’était que si Pommy voulait comprendre quelque chose à ce qui passait, il valait mieux qu’elle compte sur quelqu’un d’autre que Gin’ et sa patience devenue légendaire. Gin fit non de la tête.

"Non, on te tient au courant."

Elle avait parlé d’un ton froid et un peu haché. Elle avait un peu l’impression de se la jouer société secrète, mais c’était peut-être ça, au final, ils formaient une mini société secrète qui essayaient d’évincer le mal à sa source. Faire ça comme ça, ça avait un côté un peu ludique qui rendait la situation moins effrayante, ça avait du bon. Mais c’était un peu ridicule en même temps, non?
Elle laissa passer un petit silence, puis…

"Bon eh bien. Voilà. À plus tard."

Bah quoi? Elle n’allait pas se raconter leurs vies non plus?
Gin’ n’attendit pas que Pomme lui réponde et tourna les talons. Même à elle, qui n’était plus vraiment elle-même, en ce moment, c’était très bizarre, de partir comme ça, mais qu’est-ce qu’elle pouvait dire d’autre? Si elle ne partait pas tout de suite, elles allaient juste se regarder en chiens de faïence sans rien se dire, c’était complètement inutile. Elle quitta donc les créneaux, sans un regard pour Pomona, décidée à rejoindre sa salle commune, à dire vite fait à Hermione qu’elle avait accompli sa mission, et à faire n’importe quoi qui puisse lui faire oublier ce moment très bizarre qu’elle venait de vivre.
Bon. Au moins, ça c’était fait.

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