Aux armes citoyens! (Lysandre)

De la fatigue. Il était rare que Pomona soit ainsi exténuée. La dernière fois où elle s’était retrouvée dans un tel état de fatigue mentale datait, à vrai dire, de novembre dernier, où peu après l’agression de Jo, le jour de son anniversaire, elle n’avait plus trouvé le sommeil et ressentit une profonde lassitude alimentée par sa crainte.

Aujourd’hui, sans avoir rien vécu de plus grave que ce jour-là, elle ressentait exactement le même état de fatigue. Elle espérait d’ailleurs que rien ne serait jamais plus grave que ce moment de sa vie…

Elle était rarement fatiguée d’habitude, pourtant, sans pour autant être la personne la plus énergique du monde. Elle possédait une hygiène de vie rigoureuse qui lui évitait les coups de mou ou même de tomber trop souvent malade. Elle mangeait sainement, veillait rarement. Ce genre de règles de vie qui en auraient importuné plus d’un mais qui en quelque sorte, la rassuraient Elle aimait qu’il y ait un certain ordre dans son existence. Elle ne supportait pas le désordre.

C’est certainement, d’ailleurs, parce qu’elle ne supportait pas le désordre, qu’elle se sentait si mal dernièrement. L’ordre de son existence était complètement bouleversé, elle ne s’y était pas attendue, et en faisait désagréablement les frais.

Voilà tout à coup qu’elle était fiancée. À quelqu’un qu’elle n’appréciait même pas (mais quel garçon ou être humain appréciait-elle? À choisir, il valait certainement mieux que son destin soit malgré elle lié à Morgan qu’à un imbécile tel que Caleb). Voilà qu’elle se retrouvait au cœur d’un combat qui échappait à son contrôle : entre ses planifications avec Miyria, son association avec les nouveaux, le journal de Jedusor et les révélations déroutantes qu’elle avait découvert dans le dossier personnel d’Olive, sa vie partait à volo.

Alors forcément, elle se sentait exténuée. Elle avait du mal à se concentrer en cours, et ses résultats commençaient à s’en faire sentir. Rien de gravissime, mais passer de notes optimales à des efforts exceptionnels lorsqu’on était habitué à la première option, cela n’avait rien de bien agréable, surtout au regard d’une perfectionniste telle que Pomona Fitz.

En cours, ce jour-ci, elle parvenait à peine à demeurer attentive aux propos de Mrs Mathews tant ses yeux la menaçaient de se fermer d’eux-mêmes. Elle espéra que cela ne se voyait pas trop, le professeur de défense contre les forces du mal était de ces personnes dont il ne valait mieux pas être dans le collimateur. Elle était déjà dans celui d’un prédateur suffisamment dangereux pour ne pas vouloir en ajouter un autre.

Elle fut heureuse que le cours soit fini. C’était le dernier de la journée, et elle ne demandait qu’à aller se reposer. Elle hésitait à aller voir Mrs Sparkley pour lui demander un médicament miracle qui la remettrait d’aplomb, mais elle oublia cette possibilité. Elle n’avait pas la moindre envie de la voir l’assaillir de questions comme la dernière fois qu’elle lui avait proposé son aide.

Elle fut des premières à quitter la salle de classe, chose très rare, chez elle, puisqu’elle ne se précipitait pas, généralement, et ne se joignait pas à la cohue dont la vie semblait dépendre de leur sortie express de leur salle de classe.

C’est à peine si elle remarqua que l’une des jumelles Farnsworth attendait à l’entrée dans la salle. Comment aurait-elle pu deviner que c’était elle qu’elle attendait ainsi, de pied ferme?

Elle ne le comprit que lorsque Lysandre le lui signifia clairement.

Cela faisait quelques minutes que Lysandre patientait dans le couloir. Pourquoi ? Pour attendre Pomona, et lui parler. Là encore, cela soulevait des questions. Certes, Lysandre avait déjà parlé quelques fois à la serpentard, et elle l'avait trouvé plutôt sympathique, mais pas au point de se retrouver à l'attendre aux fins de ses cours...

La réponse était un peu particulière, et Lysandre n'était pas encore tout à fait sûre de ses conclusions. Parfois, elle se demandait si elle ne devenait pas parano... Mais tout de même, les faits étaient là. Yseult, bien qu'elle ne soit pas dans sa classe, était dans sa maison. Elle la voyait assez souvent, et s'entendait assez bien avec. Bon, Melody était plus proche d'Yseult qu'elle, et du coup, Lysandre avait un peu plus de mal à l'approcher depuis que Melody ne voulait plus voir sa sœur...

Pourtant, il aurait fallut être myope pour ne s'apercevoir de rien. Tout Poudlard s'était rendu compte du changement qui s'était opéré en elle après le drame de la Chambre de Serpentard de l'année dernière. Ce boute-en-train était devenu une fille morne et triste. Et cela avait un peu inquiété Lysandre, bien que sur le coup, elle avait mis ça sur le compte des événements particuliers du moment.

Au début du mois, tout avait changé. Ou plutôt, tout était revenu à la normale. Yseult, la vraie Yseult, telle qu'elle la connaissait, était réapparue. Le sourire aux lèvres. Lysandre s'en était réjouie, mais n'avait pas pu s'empêcher de trouver étrange et dérangeant ce qu'elle avait vu ce 5 avril. Voir une Yseult sortir en sautillant des toilettes de Myrtle, suivie quelques instants plus tard par ce type de Serpentard. La première question qu'elle s'était posé avait été « Qu'est ce qu'il foutait dans les toilettes des filles ? ». Mais cette question avait vite était remplacée par une autre lorsqu'elle s'était retrouvée non loin de la serdaigle au dîner du soir.

C'est un peu perturbée qu'elle s'était couché ce soir là, ayant du mal à trouver le sommeil. Elle avait laissé passer quelques jours avant d'aller demander à Sean, l'un de ses amis, quand exactement Yseult était redevenue elle-même. La réponse ne fit qu'augmenter le mystère, car il s’avéra qu'elle coïncidait avec l'épisode des toilettes, faisant remonter à la surface ses questions concernant Daniel Chaser.

Elle avait essayé de comprendre le lien entre ces deux là, se donnant des claques mentales quand son imagination mettait en place des situations totalement improbables. Elle en venait même à se dire qu'il s'agissait d'une simple coïncidence et se traiter de folle paranoïaque. La vue de Miyria dans les couloirs lui remémora la conversation qu'elles avaient eu au début de février, à l'infirmerie. A partir de cet instant, les idées de Lysandre ne lui semblaient plus si stupides que ça... Miyria lui avait dit que Pomona et elle combattait plus ou moins un serpentard. S'agissait-il de Chaser ? Après tout, Miyria et Daniel ne s'entendaient tout simplement pas du tout. Alors se faisait-elle des films ?

Elle avait pesé le pour et le contre toute la semaine, avant de se décider. Autant être fixée. Ayant un peu peur de passer pour une idiote avec ses théories bizarres auprès de Miyria, elle préféra opter pour Pomona Fitz. Alors elle avait demandé à un septième année de Serdaigle ses horaires. Et voilà où elle se trouvait à présent.

La porte s'ouvrit soudainement, lui faisant tourner la tête. La silhouette de Pomona sortit de la salle. N'hésitant pas, sachant que si elle se laissait un temps mort, elle finirait sans doute par abandonner ses plans foireux, Lysandre l'interpella. Contente qu'elle ne l'ignore pas complètement et s'approche d'elle, la serdaigle lui adressa un rapide sourire un peu nerveux.

Elle patienta quelques secondes le temps que le flot d'élève s'éloigne légèrement. Parler fort de ce genre de choses l'embêtait un peu. Après tout, elle n'était sûre de rien, et ne voulait pas passer pour une psychoteuse de première.

- Euh, salut. Désolée de te déranger, je... Enfin, j'espère que ça t'embête pas.

Après tout, elle avait peut être d'autres choses de prévues. Et peut être aussi pas trop l'envie de perdre du temps avec elle... Lorsque Melody n'était pas à ses côtés, elle n'était jamais vraiment sûre d'elle. Mais si le clash n'était pas arrivé, c'était à sa sœur que Lys' aurait parlé, et non à Pomona. (ce qui en soit aurait été largement moins intéressant:) )

- Tu as parlé à Yseult récemment ?

- Euh, salut. Désolée de te déranger, je... Enfin, j'espère que ça t'embête pas.

Pomona, jusqu’à ce que Lysandre prenne la parole, avait douté que ce soit véritablement à elle que la bleu et bronze avait l’intention de parler.

Il n’y avait aucune raison au monde qui puisse véritablement justifier le fait que Lysandre Farnsworth lui adresse non seulement la parole, mais décide de l’attendre à la fin d’un cours.

D’une façon ou d’une autre, ce devait avoir son importance. Pomona avait identifié Lysandre comme étant une jeune fille discrète. Certes pas aussi asociale que la vert et argent pouvait l’être, mais ayant plus de difficulté à aller vers les autres que son exubérante jumelle. À moins qu’elle ne se soit trompée et qu’il s’agisse de Melody et non de Lysandre? Pomona était une physionomiste, mais il lui arrivait comme beaucoup de se tromper dans ce genre de situations.

Pomona ne répondit rien, elle n’était pas de ceux qui envoyer promener les autres dès qu’ils s’adressaient à elle. Qui plus est, elle était retenue de faire ou de dire quoi que ce soit par sa coutumière curiosité.

Elle se contenta ainsi d’un vague signe de tête qui signifiait qu’elle avait un peu de temps.

Pomona restait cependant interdite. Elle ne comprenait pas ce qui pouvait pousser la jeune fille à venir lui parler. Certes, elle était comme beaucoup au courant des déboires amoureux de Lysandre, qui la poussaient peut-être à de désespérées tentatives de sociabilisation comme celle-ci, mais cela ne semblait pas tenir la route.

- Tu as parlé à Yseult récemment ?

Pomona haussa un sourcil. Elle pensa comprendre. Bien sûr, elle se trompait.

Comme tout le monde, l’attitude nouvelle d’Yseult Neils ne lui avait pas échappé, et cela rendait son cas plus intéressant encore. Elle était en peu de temps passée successivement de l’enfant enthousiaste à l’élève dépressive, avant de se montrer à nouveau heureuse et enthousiaste.

De nombreuses rumeurs circulaient à ce sujet, et curieuse comme elle l’était, Pomona s’interrogeait également. Mais à l’instar de beaucoup, elle savait que Mrs Sparkley donnait des séances de psychanalyse à la jeune fille. Plutôt que d’envisager un changement miracle, elle préférait croire en l’efficacité de son mentor… ou à des signes alarmants de skizophrénie.

"Pourquoi me poser cette question? Tu veux une analyse pragmatique de la fille étrange qui épie ses camarades et prend des notes?"

Elle était certaine que c’était pour cela, et même si elle s’en défendrait, cela la vexait un peu. On ne lui parlait que lorsque ce qui la rendait folle au regard des autres avait soudainement de l’intérêt pour eux.

"Comme tout le monde, j’ai constaté qu’Yseult Neils avait changé, et comme tout le monde, j’ignore pourquoi."

Si elle avait su quelque chose, d’ailleurs, elle ne l’aurait certainement pas révélé à la première personne venue. Les seules qui parfois avait le privilège de connaître ses observations, et ce qu’elle écrivait dans son carnet, étaient Miyria, et dans une moindre mesure, Yuûki.

Le hochement de tête que lui avait adressé Pomona l'avait mit en confiance. Oui, la Serpentard avait un peu de temps devant elle. Et apparemment, elle semblait bien vouloir lui en accorder un peu. Même si elle n'avait l'air vraiment enthousiaste. Mais bon, Lysandre ne la connaissait pas suffisamment bien pour reconnaître ce genre de chose. Peut être était-ce simplement sa façon d'être... Plusieurs rumeurs qualifiait Pomona Fitz de fille étrange. Elles n'avaient peu être pas tort...

Elle avait hésiter à poser cette question, puis avait lancé ses mots un peu rapidement. Le sourcil que la brune haussa la fit se sentir stupide. Elle ne comprenait pas ? Elle avait peut être parlé trop vite et avait mâché ses mots... Ou alors, c'était sa question en elle-même qui était stupide, et Pomona ne voyait pas l'intérêt de répondre à cette dernière...

L'objectif de Lysandre, c'était de savoir si Pomona avait remarqué le changement qui s'était opéré chez la petite Serdaigle. Il y avait fort à parier que oui, mais Lysandre laissait un doute en place. Ne rien négliger.

- Pourquoi me poser cette question? Tu veux une analyse pragmatique de la fille étrange qui épie ses camarades et prend des notes?

Écarquillant les yeux, la rouquine ne put s'empêcher d'ouvrir bêtement la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, cherchant désespérément une justification qui ne venait pas. Elle ne s'était pas attendu à ça. Certes, le fait qu'elle vienne parler à la septième année était bien étrange. Improbable pour tout dire. Mais le portrait que Pomona peignait d'elle-même était pour le moins... Dérangeant.

Ne trouvant rien à dire, Lysandre se contenta de se taire. Mal à l'aise à nouveau, comme une gamine prise en faute. Elle n'aurait peut être pas dû venir, au final... Alors qu'elle s’apprêtait à s'excuser, cherchant les mots adéquats dans sa cervelle, Pomona reprit la parole.

- Comme tout le monde, j’ai constaté qu’Yseult Neils avait changé, et comme tout le monde, j’ignore pourquoi.

Elle avait continué la conversation, dissipant une partie de sa gêne. Ainsi, Pomona l'avait remarqué... L'utilisation du « tout le monde » lui donna l'impression d'avoir posé une question vraiment stupide. Regardant un instant aux alentours, la jeune fille s'assura que le principal concerné n'était pas présent. Et puis, d'une voix faible elle se lança.

- Je crois que c'est lui... Enfin, je pense. Il n'a rien à faire dans les toilettes des filles... Et puis, elle est sortie juste avant lui, donc il doit avoir quelque chose à voir avec le changement d'Yseult. On redevient pas heureuse en un instant...

Oh non, c'était même quasiment impossible. Si le remède miracle existait, Lys l'aurait peut être tenté. Oublier le drame tragique qui s'était dérouler en février la soulagerait sûrement... Mais la notion d'oubli la dérangeait... Au fond, Lysandre savait qu'elle ne voulait rien oublier de sa vie. Parce que c'était ce qui la caractérisait le mieux. C'était ce qui avait fait la personne qu'elle était aujourd'hui. Tout simplement.

Levant le regard vers Pomona, elle continua.

- Miyria m'a dit que vous... Enfin, que vous vous dressiez contre un Serpentard. C'est lui ? Et, dans une voix où perçait l'angoisse, Il est vraiment dangereux ?

Car au fond, ce qui l'avait poussée à venir parler à Fitz, c'était la crainte. La peur qu'une telle chose lui arrive à elle. Ou quelque chose de pire... Elle le croisait dans les couloirs. Dans le parc. A tous les repas... Heureusement, elle ne partageait pas sa classe. Elle eut rapidement une petite pensée pour Pomona.

- Je crois que c'est lui... Enfin, je pense.

Lui? Les sourcils de Pomona se froncèrent. L’attitude et les propos de Lysandre étaient décidément bien énigmatiques. L’emploi de ce seul pronom personnel, sans aucune désignation plus précise qui puisse lui dire de qui son interlocutrice voulait parler…

Il n’y avait aucune raison à cela, mais quand elle entendait prononcer « lui » dans ce genre de phrases, elle pensait inévitablement à Tom Jedusor.

Elle devait devenir paranoïaque, rien d’autre n’expliquait cette obstination à tout relier à lui, comme s’il était le centre du monde. De toute évidence, elle devrait attendre plus d’explications de la part de la serdaigle pour pouvoir comprendre.

-Il n'a rien à faire dans les toilettes des filles... Et puis, elle est sortie juste avant lui, donc il doit avoir quelque chose à voir avec le changement d'Yseult. On redevient pas heureuse en un instant...

Voilà bien des explications qui ne l’aidaient guère. Elle ne comprenait rien. Pourquoi s’obstinait-elle donc à ne pas dire de nom, comme si Pomona était supposée comprendre le fond de sa pensée?

La seule chose qu’elle parvenait à interprêter, c’est qu’un individu de sexe masculin serait à l’origine du changement d’humeur d’Yseult Neils, après elle ne savait pas quelle sordide histoire de toilettes.

…Pomona ne voyait toujours pas en quoi elle était concernée. Elle ne comprenait surtout pas pourquoi Lysandre semblait vouloir à tous prix la mettre dans la confidence, alors qu’elle n’en voyait pas les raisons. Elle était désappointée. Elles n’étaient pas amis, elles n’avaient jamais eu de conversations plus longues que celles-ci, alors à quoi tout cela rimait-il?

- Miyria m'a dit que vous... Enfin, que vous vous dressiez contre un Serpentard. C'est lui ?

Tout à coup, tout faisait sens. Et Pomona se demandait si elle n’aurait pas préféré ne rien savoir… -enfin, elle pensait cela maintenant, mais curieuse comme elle l’était, elle n’aurait jamais supporté de demeurer sans comprendre).

Elle avait donc eu raison de penser à Tom, quand Lysandre avait dit "lui", mais ce n’était pas certain pour autant. Lysandre lui apportait peut-être des informations qui pourraient leur être des plus utiles, mais malgré elle, Pomona n’arrivait pas à s’en réjouir pour le moment.

-Il est vraiment dangereux ?

Pomona, restée bloquée sur la remarque précédente, ne répondit pas. Elle se contenta de marquer un temps de silence.

"Miyria t’as dit ça…"

Il était rare que Pomona se sente blessée ou vexée, mais là, elle ne pouvait s’empêcher de resssentir un léger pincement au cœur.

Bien sûr, ne pas être qu’à deux dans la confidence les aiderait à aller plus vite, c’est pour cette raison que s’était créée cette association avec les nouveaux, mais savoir que Miyria décidait sans elle de divulguer leur secret à quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas tant que cela…

Elle se sentait stupide d’avoir le sentiment de partager quelque chose de spécial avec Miyria. À part Yuûki, elle n’avait pas d’autres amis qu’elle, et après la mort de Perséphone, Pomona pensait s’être assez rapproché d’elle pour qu’elle ne fasse pas ce genre de choses dans son dos. Nul doute que Miyria ne pensait pas à mal mais Pomona, elle, le prenait mal.

C’était sûrement un peu hypocrite de prendre si mal le fait qu’elle lui cachait quelque chose quand elle-même ne lui disait pas tout sur ce qu’elle avait appris sur Olive. Mais elle s’investissait vraiment pour leur projet commun. Elle avait convaincu les nouveaux de lui faire confiance, avait récupéré le journal de Jedusor, avait fouillé dans les dossiers de l’infirmière… en contrepartie, elle espérait un minimum de transparence. C’était la moindre des choses, non?

"Je ne risque pas de répondre à ta question si tu ne te montres pas un peu plus claire, lui qui?" répliqua-t-elle sans doute un peu trop froidement, ne dissimulant qu’à moitié son agacement.

Lysandre n'avait jamais pensé que Pomona pouvait passer par toutes ces expressions. Lorsque ses sourcils s'étaient froncés, elle s'était demandé si elle n'avait pas fait fausse route. Pomona n'avait pas l'air de voir où elle voulait en venir, et Lysandre fut sur le point d'abandonner la conversation. Dire qu'elle s'était trompée de personne, même si cela faisait un mensonge plus gros qu'une citrouille ou pire encore, de sortir un « poisson d'avril ! »

Pourtant, elle n'en fit rien. Parce que lorsqu'elle prononça le prénom de Miyria, la lumière sembla se faire chez Pomona, faisant respirer un peu mieux le jeune Serdaigle. Le temps de silence qui s'en suivit mis ses nerfs à rude épreuve. Certes, ce n'était pas l'endroit idéal pour avoir une discussion du genre, mais elles étaient seules dans le couloir, et Lysandre songeait qu'elles n'avaient rien de particulier à craindre.

Dans son esprit, Daniel lui était toujours apparut comme un Serpentard apeurant et violent, capable de commettre des actes pas toujours glorieux. Rien que la situation de la petite Miller le confirmait. Mais elle voyait mal comment il pourrait surprendre les mots qu'elles échangeaient. Il n'avait pas le pouvoir de parler avec les murs tout de même. D'ailleurs, ce pouvoir n'existait pas à sa connaissance.

Elle avait espéré une réponse concrète, qui la fixerait sur les questions qu'elle se posait sans cesse depuis plusieurs semaines. Elle en fut pour ses gallions. Pas un simple oui ou non ne sortit de la bouche de la Serpentard. Seulement ces quelques mots.

- Miyria t’as dit ça…

Lysandre ne comprenait pas ce que voulait dire Pomona par là... Dans le doute, elle se contenta de hocher la tête. Avait-elle fait quelque chose qu'elle n'aurait pas dû ? Cependant, Pomona reprit la parole quelques instants plus tard.

- Je ne risque pas de répondre à ta question si tu ne te montres pas un peu plus claire, lui qui?

Le ton froid, dans lequel l'imagination de Lysandre percevait des accents agressifs la mit encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà. Tordant ses mains d'un geste nerveux, elle sentit son regard glisser au sol. Mine de rien, Pomona était en septième année, et elle uniquement en quatrième. La différence d'âge n'aidait en rien sa timidité et sans cet événement, les trois années qui les séparaient auraient sûrement formé une barrière trop importante pour la jeune Serdaigle.

- Ben... Daniel Chaser.

Le nom était finalement sortit d'entre ses lèvres. Pomona avait réussi à la faire douter avec sa question. N'avait-elle pas tiré les bonnes conclusions ? Miyria détestait Chaser. C'était même de notoriété publique. Alors c'était bien lui, le Serpentard contre qui elle et Pomona s'étaient dressées... Non ?

- Ben... Daniel Chaser.

Oh… Pomona resta un moment indécise. Partagée entre le soulagement de constater que Miyria ne lui avait pas tout dit, et l’étonnement d’entendre ce nom sortir de la bouche de Lysandre plutôt que celui auquel elle s’était attendue.

D’une manière ou d’une autre, son interlocutrice avait pensé que Chaser était derrière tout cela. Grossière erreur.

Certes, il n’était de loin pas la personne la plus agréable au monde et pouvait se montrer violent et agressif, mais Pomona ne l’avait jamais considéré comme quelqu’un de fondamentalement dangereux. Elle voyait plutôt en lui un garçon paumé, égaré… et amoureux.

Il fallait malgré tout qu’elle se penche sur les raisons qui avaient ainsi induit la jeune fille en erreur.

De ce qu’elle avait cru comprendre, Daniel était à l’origine du soudain changement d’humeur d’Yseult Neils, ce qui signifiait que Jedusor était à l’origine de ce qui arrivait à la serdaigle, puisque Chaser agissait clairement et mécaniquement sous les ordres du préfet des vert et argent.

Pomona voulait bien la croire, sur ce point, elle s’étonna même, son conflit avec le sixième année l’ayant rendue pour le moins paranoïaque, de ne pas avoir supposé plus tôt que tout cela pouvait être lié.

Lysandre pouvait avoir des informations intéressantes à lui céder, mais elle ne lui obligerait pas à dévoiler quoi que ce soit tant qu’elle ne serait pas sûre… sûre qu’elle pouvait lui faire confiance… sûre, surtout, que la jeune fille était consciente de ce dans quoi elle s’embarquait.

"Je vois…"

Elle regarda une nouvelle fois autour d’elle. Maintenant que tous les élèves avaient quitté leur salle de cours, le couloir était entièrement désert. Tant mieux, elles en arrivaient à un point de la conversation où il ne valait mieux pas être dérangé.

"Ce n’est pas lui." Elle marqua une pause. "Ecoute… est-ce que tu es sûre de vouloir être impliquée là-dedans? Je veux dire… est-ce que tu as vraiment envie d’entendre ce que je vais te dire? Tu risques d’être mêlée à quelque chose qui te dépasse… qui me dépasse, moi aussi, et surtout, à quelque chose de dangereux."

Elle plongea son regard dans le sien, pour lui assurer qu’elle n’exagérait pas. Lysandre était jeune, elle avait trois ans de moins qu’elle. Déjà qu’elle-même ne se sentait pas vraiment de taille à affronter Jedusor et sa bande.

Cependant, elle ne pouvait nier que Miyria et elle avaient besoin de soutien, et ce devait être pour cette raison que son amie avait parlé de tout ça à la serdaigle. Si son interlocutrice se sentait prête à prendre des risques - et les risques étaient réels, Pomona en avait déjà fait les frais - alors elle la mettrait dans la confidence.

Lysandre ne réalisait peut-être pas que ce qui risquait de lui arriver dépassait le stade de la simple querelle entre lycéens, ce qui lui échappait peut-être encore pour l’instant.

- Oui... Je pense que... Enfin, je préfère savoir.

- Oui... Je pense que... Enfin, je préfère savoir.

À ce stade de la conversation, Pomona ne savait pas encore si elle pouvait véritablement se permettre de faire confiance en Lysandre.

Le fait d’être curieux, de vouloir connaître certaine choses, et de trouver réponses à ses question était une chose, et même une très bonne chose aux yeux de la vert et argent, mais toute cette affaire ne s’arrêtait pas là.

Pomona avait bien conscience du mal que Jedusor était capable de faire, elle l’avait vu à l’œuvre… elle avait été sa victime. Elle comprenait l’ampleur que les choses pouvait prendre, mais il lui semblait que de son côté, la serdaigle ne le réalisait pas tout à fait. Comment l’aurait-elle pu, d’ailleurs, difficile d’imaginer ce qui se dissimulait vraiment sous ce visage d’ange. Difficile d’imaginer d’ailleurs que même le plus perturbé des adolescents de seize ans puisse aller aussi loin dans la vicissitude.

Avant de pouvoir accorder pleinement et définitivement sa confiance à la jeune fille, la septième année devait donc s’assurer de la fermeté de ses intentions. Il n’était pas bon d’être quelqu’un d’influençable lorsqu’on s’aventurait sur un chemin si dangereux. Jedusor était passé maître dans l’art de la manipulation, il fallait ne pas succomber à ses pièges, disposer d’une force moral qu’à certains moments, Pomona n’était elle-même pas certaine de posséder.

La jeune femme ne pouvait s’empêcher de voir en Lysandre une adolescente un peu trop fragile, plus fragilisée encore par ses récents tourments sentimentaux, et elle n’avait que quatorze ans. Presque quinze, certes, mais cela restait si jeune…

Pourtant, il fallait qu’ils soient plus nombreux, c’était un fait avéré. Alors il fallait peut-être baisser sa garde, accepter un risque calculé s’il pouvait leur permettre d’en découvrir plus. Après tout, son apparente innocence pouvait jouer en leur faveur, s’il y avait bien une adversaire que Jedusor n’avait jamais envisagé autrement qu’aux échecs (et le seul fait que Lysandre ait déjà réussi à le battre forçait le respect), c’était bien la bleu et bronze.

"J’aimerais en parler à Miyria avant." déclara-t-elle finalement.

Elle supposait que c’était la meilleure solution. Ce genre de résolutions, elles devaient les prendre ensemble, inutile d’accumuler encore d’autres secrets et sujets de tension, il n’y en avait malheureusement que trop entre elles. Dans les rares moments où la transparence était possible, il fallait en profiter.

"Je te tiens au courant rapidement, d’accord?"

Cette sentence faisait office d’au revoir. Passées les révélations, elles n’avaient de toute façon plus grand-chose à se dire, et ce n’était un secret pour personne que le fait que Pomona ne bavardait que très rarement, et jamais pour le seul plaisir de bavarder (à présent que Miyria et elle ne se fréquentaient volontairement plus, la notion de conversation plaisante lui devenait d’ailleurs presque étrangère).

Elle tourna les talons et n’accorda plus un regard à Lysandre, tout de même décidée à mettre sa promesse à exécution. Elle allait de ce pas envoyer un hibou à Miyria. Enfin, un hibou…

Un petit silence s'installa entre les jeunes, au cours duquel Lysandre supposa que son interlocutrice réfléchissait. Pomona était intelligente, et Lysandre pensait, sans trop de doute, qu'elle ne prennait pas de décisions à la légère, et surtout pas sans prendre le temps de la réflexion. A vrai dire, elle aurait sûrement fait une adversaire redoutable aux échecs dans la tête de Lysandre. Mais bon, le jeu ne plaisait pas forcément à tout le monde, et se faire obéir des pièces n'était pas une partie de plaisir au début. L'avantage, c'est qu'elles en venaient à vous faire confiance au bout d'un certains temps. Comme les êtres humains, en quelques sortes. Suspicieux au début, confiants à la fin.

- J’aimerais en parler à Miyria avant.

Un court instant, Lysandre se demanda si Pomona pensait qu'elle lui avait mentit, préférant d'abord s'assurer qu'elle avait bien eut une conversation avec Miyria avant de venir la voir. Un peu déçue par cette idée, elle relativisa l'instant d'après. L'affaire avait l'air sérieuse, alors autant de pas prendre de risques. Et puis... Elles étaient deux à être impliquées là dedans. Peut être que Pomona voulait simplement s'assurer que Miyria soit d'accord avant de lui révéler quoique ce soit.

- Je te tiens au courant rapidement, d’accord?

La serdaigle se contenta de hocher la tête en signe d'accord, bien que son avis semblait peu importer. Acquiescer pour la forme à cette question rhétorique lui semblait naturel. L'instant d'après, Fitz lui avait tourné le dos et s'éloignait ans le couloir. Bon... Elle avait sans doute des choses plus importantes à faire que de rester bavarder avec elle. Surtout que leur conversation avait été... Etrange. Lys' n'avait pas vraiment l'habitude d'être aussi sérieuse en parlant avec ses camarades Poudlariens, même s'ils avaient trois années de plus qu'elle. Et dans un sens, elle appréciait ça. Elle avait l'impression d'en ressortir grandit et plus mûre. Un peu angoissée aussi, par ce secret qu'elle ne connaissait toujours pas et qui semblait bien dangereux...

Se mordillant la lèvre inférieure, elle ramena son sac sur ses épaules et s'éloigna lentement de la salle de classe, pensive. Si ce n'était pas Daniel, alors qui d'autre ce fameux serpentard pouvait-il être ? Son esprit méthodique se mit à passer en revue les différents élèves répartis chez les verts qu'elle connaissait, se demandant s'il pouvait s'agir d'eux... Malheureusement, aucun ne retint particulièrement son attention et, un peu frustrée, elle choisit de retourner à sa salle commune...

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