Sortant de la salle de classe vide où j'avais passé un bon moment en compagnie de Vincent, je traversais les couloirs sans plus trop me précipiter, le regard brillant et un peu dans le vague, avec un sourire niais et heureux sur les lèvres. Mon bonheur était si bien ancré en moi que pour la première fois de ma vie je m'écartais pour laisser passer les gamins, et m'excusais quand je bousculais quelqu'un. Beaucoup d'élèves qui me connaissaient s'étaient retournés sur moi avec un air ahuri qui semblait traduire un grand : " Mais qu'est-ce-qui lui arrive à celle-là ? Elle est malade ? ". Par un curieux procédé que je ne saurais expliquer, l'amour de Vincent avait su masquer tous mes problèmes et m'avait rendu gentille et serviable. Réalisant que la situation n'était pas forcément la meilleure pour ma réputation - que j'avais eu tant de mal à forger -, je décidais de rentrer à la salle commune. Aussi soudainement que pour esquiver un cognar, je tournais dans le couloir pour me diriger vers la tour des Serdaigles. Chemin faisant, je réfléchissais à la dernière phrase de Vincent, juste avant que je m'en aille, alors qu'il m'avait serré dans ses bras pour m'embrasser tendrement : " Je t'aime, Elena ". Ces quelques petits mots passaient et repassaient dans ma tête comme la plus belle et la mieux rythmée des mélodies du monde entier. Cette promesse d'avenir que j'avais lue dans ses yeux à cet instant précis, resterait gravée dans ma mémoire à jamais.

Alors que j'atteignais enfin les escaliers pour grimper à la salle commune, une voix m'interpela. Ce n'étais pas n'importe quelle voix. C'était une voix que j'adorais et que je redoutais en même temps. La voix d'une amie, mais aussi la voix de la plus grande rapporteuse de ragots de toute l'école. Malheureusement, il était trop tard pour faire l'innocente qui ne l'aurait pas entendue, trop tard pour s'enfuir, trop tard pour essayer d'avoir les joues d'une couleur naturelle. Au souvenir des lèvres de Vincent sur les miennes, je ne pouvais pas m'empêcher de rougir comme une idiote. Et la voix se rapprochait, bien contente que je me sois arrêtée pour l'attendre. Enfin elle arriva à côté de moi, un sourire amusé sur les lèvres. Olive Hornby.

<< Salut Oly', tu vas bien ? >> Dis-je avec tout le naturel qu'il me restait.

Mon sourire s'évapora de mes lèvres en un instant. Mon mince espoir que la nouvelle du décès de mes parents n'était pas encore arrivée aux oreilles des élèves de Poudlard venait de partir en fumée. En même temps, comment avais-je pu croire qu'Oly passerait à côté d'un ragot aussi croustillant. D'un autre côté, je devais en effrayer plus d'un, avec un air aussi joyeux sur le visage, alors que je suis en plein deuil. Et encore, heureusement que personne ne savait que j'étais le meurtrier tant recherché par les aurors ! Je grimaçais. Si je savais que c'était par dégoût de mes défunts parents, ce n'était pas le cas d'Oly qui allait très certainement croire qu'elle venait de me rappeler un évènement douloureux. Mon but principal était et restait d'être la plus normale possible, même si pour cela je devais prétendre être triste, alors que mon coeur avait des ailes. Heureusement, avec une enfance comme la mienne, j'avais vite appris à prendre un air déprimé...

<< J'essaye de pas paraître trop déprimée, pour que les gens arrêtent de venir pleurer pour moi. J'aime pas qu'on me plaigne. Mes parents sont morts, et c'est pas ma tristesse qui les ramènera, alors autant tourner la page. >>

J'avais comme l'impression que mon amie n'était pas persuadée par mon copieux mensonge, mais je n'avais pas dit mon dernier mot. On ne m'appelait pas " la vipère bleue " pour rien. Coeur de serpentard et cerveau de serdaigle, personne, jamais, ne pourra me coincer. Avec un petit sourire triste incroyablement réussi, je continuais de noyer les restes de méfiance chez la petite Hornby, qui pour une fois, semblait bien naïve. Je glissais alors la main dans mon sac et en sortais un assez imposant grimoire où le titre était gravé en doré : " Les Dangers de la Magie Noire ".

<< Tiens, je l'ai enfin fini. Très instructif, ce bouquin. >>

Le sourire moqueur qui s'était affiché sur le visage malveillant d'Olive n'était pas pour me rassurer, bien au contraire. Adossée au mur un peu en retrait, elle m'observa et déclara sur un ton ironique à faire froid dans le dos :

<< Oh. Oui oui, tu fais ça très bien, je te rassure... >>

De toute évidence, elle ne croyais pas à ma tristesse. En fait, moi même je n'y croyais pas, puisque je savais pertinemment que c'était moi et moi seule l'auteur de ce meurtre. Mes parents avaient passé leur vie à gâcher la mienne, à détruire mes rêves et mes chances de m'élever au dessus d'eux et de leur destin futile. Ils étaient bien mieux là où ils étaient à présent, à l'abri de ma colère et de la honte. Connaissant Oly, je m'attendais à une série de questions ayant pour but d'en apprendre le plus possible sur le décès prématuré de ma famille, histoire d'avoir des faits à révéler à son public adoré. Pourtant, elle semblait penser à quelque chose d'autre de plus profond, de plus intense, quelque chose qui ne me disait rien qui vaille... Elle fit durer ainsi le plaisir, prenant tout son temps pour récupérer le grimoire et le ranger dans son sac. Après quoi elle m'expliqua qu'elle le ramènerait à la bibliothèque lorsqu'elle l'aurait fini. La bonne Lena voulait la remercier de sa sollicitude, tandis que la mauvaise sentait venir un mauvais coup. Un mauvais coup qui ne vint pas, puisqu'elle me salua et s'éloigna à grandes enjambées.

Alors que je tournais les talons pour m'engouffrer dans la salle commune des Serdaigles, j'entendis Olive se retourner vers moi. Au plus profond de ma conscience détraquée, la gentille Lena se demandait ce qu'avait oublié de lui dire son amie, cependant que la vilaine Lena proposait vigoureusement d'accélérer le pas. Pour une fois, je décidais d'écouter la première, même si elle était souvent de mauvais conseil. A la question d'Oly suivit un lourd et glacial silence de mort, qui prouva qu'une fois de plus, la diabolique Lena aurait pu m'empêcher bien des ennuis...

<< J'espère que Dawnley va bien, au fait ! Et le rose te sied parfaitement au teint Lena... >>

D'un coup, je m'arrêtais sur place, tendue, incapable de me retourner pour lui faire face. Comment savait elle ça ? Comment avait elle pu s'approprier de tels renseignements sans m'avoir espionnée ? Et surtout, à quoi pouvait bien lui servir cette rumeur ? Il y avait des sujets bien plus croustillants dans cette école. Moi qui ne tenais pas à ce que cette histoire remonte jusqu'aux oreilles de Tom... J'étais fichue. Rougie au niveau des joues, je me tournais finalement vers Olive, et me contentais de répondre :

<< Je peux savoir de quoi tu veux parler ? Allons ma belle, sois directe, dis ce que tu penses au lieu de tourner autour du pot. Que souhaites tu savoir sur ma vie que tu ne saches pas déjà ? >>

A l’écoute de sa petite phrase, Elena Gordon s’était arrêtée net. Figée sur place, comme si on avait cryogéniser un pauvre écureuil. Comme de l’eau qu’on aurait subitement mise au congélateur pour faire des glaçons.

Olive avait visé juste. Juste, mais… Jusqu’à quel point ? Elena s’était-elle figée juste parce qu’elle venait de lui prouver qu’elle savait qu’elle était amoureuse ? Ou parce qu’il s’agissait de Dawnley ? Au fond d’elle, olive avait envie de croire à la seconde hypothèse. Car bien sûr le mérite lui en serait plus grand. Car soyons objectif. Voir deux personnes s’embrasser, et on déduire que l’une d’elle est amoureuse, il ne faut pas être un génie. En déduire d’après de vagues observations l’identité du prétendant, c’est tout de suite plus classe.

Telle une fille sur laquelle on aurait renversé un pot de peinture rouge, Lena se retourna vers sa camarade. C’était Olive qui menait la conversation, qui l’amenait peu à peu vers ce qu’elle voulait entendre. Mais à ce moment là, c’était à Lena de répondre. Car après tout, peut-on appeler cela une conversation si seule l’une des personnes prend la parole ? Non, pas vraiment…Et puis, il y a pas mal de réponses cachées dans les tirades des autres.

- Je peux savoir de quoi tu veux parler ? Allons ma belle, sois directe, dis ce que tu penses au lieu de tourner autour du pot. Que souhaites tu savoir sur ma vie que tu ne saches pas déjà ?

Elle n’avait pas nié. Et en soit, cela voulait dire déjà pas mal de choses. Si Olive avait suggéré que la Serdaigle puisse entretenir une relation amoureuse avec Daniel Chaser, elle aurait sûrement sauté au plafond, à la fois en colère et dégoûtée qu’Olive ait pu proférer de telles inepties… Enfin, c’était ce que notre miss supposait. Et avec la réponse de la Serdaigle, la probabilité que sa supposition soit exacte venait d’augmenter de plusieurs points.

Un vague sourire s’afficha sur les lèvres de notre Serpentard. Prenant le temps de ramener la bandoulière du son sac, qui avait légèrement glissée, sur son épaule Olive observa sa camarade. N’en déduisant pas grand’chose de plus, elle se décida à parler, décidant que sa théorie s’était avérée juste.

- A vrai dire, il me manque encore le pourquoi du comment. Je veux dire… Comment ça se fait que toi… commença t’elle en accentuant le dernier mot tu te soit accoquinée avec l’un des deux toutous de Jedusor.

Réfléchissant en même temps qu’elle posait sa question à Elena, elle avala un instant de travers. Se pourrait-il que… Après tout, Elena avait changé depuis la rentrée. L’emprunt de bouquins malsains à la bibliothèque, le caractère ombrageux qu’elle avait développé,… Ajouté à sa toute nouvelle relation avec Danwley… Et au fait que Gordon semblait se rapprocher peu à peu d’elle, Olive Hornby.

- A moins que…

Les sourcils d’Olive se froncèrent, et observant Elena d’un regard en biais, elle recommença sa phrase, murmurant juste assez pour que la serdaigle l’entende.

- A moins que toi aussi… ?

Il s’agissait autant d’une question que d’une interrogation personnelle. Tournant légèrement la tête, elle observa Elena avec une attention renouvelée, où se mêlait également un peu d’anxiété. De côté du serment, elle ne s’inquiétait pas. Elle avait tout bien pesé avant de formuler sa phrase, et le « toi aussi » ne s’appliquait pas à elle et à Elena, mais à Vincent et Elena. Un détour de plus pour assurer sa survit, en quelque sorte.

- Je ne traine pas avec un toutou de Jedusor si ça peut te rassurer. Vincent le respecte, mais je compte beaucoup plus à ses yeux que n'importe quel élève dans cette école.

Booon. Ca, au moins, c'était fait. Elena sortait avec Vincent. Bizarre venant de la part de quelqu'un qui ne pense qu'à lui, ou presque. Cependant, à la description que Lena fit de Dawnley, notre serpentard ne pu s'empêcher de lever les yeux aux ciel, un sourire moqueur accroché aux lèvres. L'amour rendait vraiment aveugle.

- Comment ça " moi aussi " ? Olive, tu ne me cacherais pas quelque chose d'important ?

Ouvrant la bouche comme pour parler, Olive resta dans cette position un court instant, sans qu'aucun son ne sorte. Avant de refermer prestement la bouche, se rendant compte du ridicule de la situation. Détournant le regard, notre demoiselle avisa Dawnley qui s'avançait. Mais crotte quoi. Il était déjà en cours avec elle et partageait sa salle commune, et Olive devait encore se le coltiner quant elle était à l'autre bout du château, en train de parler avec une serdaigle?!

Protecteur, il s'était arrêté entre les deux jeunes filles, s'attirant le regard courroucé de la verte et argent. Elle ne l'appréciait pas, et avait le bonheur de voir que ce sentiment était partagé. Sans doute n'appréciait-il pas que sa belle soit en train de parler avec la vipère...

- Il y a un soucis Lena ? Elle t'agace à propos de tes parents ?

Ben tiens... Elle avait toujours le mauvais rôle, hein? Comme si tu n'embêtais pas les autres non plus toi. Et genre qu'il allait faire quelque chose si c'était le cas... Cette façon qu'il avait d'agir énervait fortement Olive, qui, gamine, ne pu s'empêcher de tirer la langue au... Serpentard qui lui faisait dos.

- Non, non non, ça va. C'est une amie. Que fais tu ici ?
- J'ai entendu ta voix, comme tu devrais déjà être dans ta salle commune et que je suis préfet, je voulais vérifier que tout allait bien.

Môssieur le préfet en chef, bien propre sur lui et gentil à souhait... On aura tout vu, décidément...

- C'est adorable. Je te vois demain au déjeuner ?
- D'accord. Bonne soirée les filles !

En soupirant, Olive lui tourna délibérément le dos. Et puis quoi encore. Comme si Olive allait lui sourire et lui faire au revoir en agitant la main... Il faut arrêter de croire au père Noël, hein... Décembre, c'est fini maintenant. Elle jeta un regard à la serdaigle et soupira bruyamment.

- Ecoute Lena, Danwley EST un toutou de Jedusor, que tu le veuille ou non... Quant à la seconde partie... Je doute fortement que nombriliste comme il est, il tienne plus à toi qu'à lui-même, tu sais...

Farfouillant dans son sac en continuant de parler, elle posa sur la rambarde le bout de parchemin qu'elle venait de sortir, elle écrivit rapidement quelques mots.

- Mais tu ne m'as pas vraiment répondu. Je sais que ce n'est pas vraiment le lieu pour parler de ça mais... Je crois bien que j'ai besoin de savoir.

Se redressant, elle lui adressa un demi-sourire, légèrement hésitant. S'approchant de la blonde, elle plaça un léger baiser sur sa joue tandis qu'elle fourrait dans sa main le parchemin plié et légèrement froissé.

- A bientôt Lena. Et répond-moi, d'accord?

Sur le parchemin, une petite phrase s'étalait. « Es-tu entrée dans le groupe de Jedusor? » Troublée, Olive était partie en trombe, laissant Elena seule, sur l'entrée de la tour de Serdaigle.

Un peu troublée par les paroles d'Olive, je grimpais jusqu'à la salle commune. J'y croisais deux ou trois visages familiers mais je n'étais pas du tout d'humeur à discuter. Sautant les marches quatre par quatre, j'allais m'enfermer dans ma chambre. Évidemment mon hibou attendait déjà sur le bord extérieur de la fenêtre. Des fois je me demandais vraiment comme il faisait pour savoir que j'avais besoin de lui. Enfin bref, après tout ce n'était qu'un piaf sans cervelle, et sa présence ici ne pouvait être qu'une coïncidence, point barre. Je dépliais le petit bout de parchemin et lisait la petite phrase grattée à la plume en long, en large et en travers. Que penser de tout cela , Était-ce un piège ? Était-il seulement possible qu'Olive soit dans le même cas que moi ? Si c'était le cas nous aurions peut être trouvée chacune une personne à qui tout confier, avec qui partager nos angoisses et nos soucis les plus sombres. A quel point était elle proche de Tom ? Et comment répondre à cette question sans laisser de traces ? Si je répondait oui et qu'Olive n'était pas dans le groupe de Jedusor, je me jetais dans la gueule du loup, mais si je répondais non, je perdais peut être la seule chance de savoir la vérité sur mon amie serpentarde. Cela valait il le coup de prendre un tel risque en me dévoilant ouvertement ? Non. Je devais trouver une phrase que comprendrait un membre du groupe, et pas les autres... Mon cerveau se mit à tourner à une vitesse fulgurante, je devais trouver quelque chose à dire, et vite. Finalement, une lueur d'espoir se dessina dans l'horizon de mon esprit. J'attrapais donc un bout de parchemin vierge, et me mettais à rédiger ma réponse.

" Pour savoir bien utiliser la magie, il vaut mieux d'abord apprendre à la contrer. Vive les livres. "

Je savais qu'elle était intelligente et qu'elle comprendrait sans détour. Le livre que je venais de lui donner se nommait " Les Dangers de la Magie Noire ", et expliquait comment contrer la magie noire. Donc, le message était clair si Olive acceptait ce qu'elle lisait sur le parchemin ou non. Car pour savoir utiliser la magie noire, il fallait d'abord apprendre à s'en défendre. Je relisais ma phrase pour vérifier qu'il n'y avait aucune faute d’orthographe ou de lexique, puis la donnait à mon hibou. Gracieux et rapide, il déploya ses ailes et s'envola sous le ciel sombre et sans étoiles de cette soirée en Angleterre. Certaine qu'une réponse ne tarderait pas à arriver, je m'installais sur le rebord intérieur de la fenêtre, laissant le carreau entrouvert, dans l'attente de mon hibou fidèle. Le temps des révélations était enfin arrivé.

[ Désolé c'est un peu court mais je savais pas trop quoi dire d'autre ^^ ]