Il était une fois...
Il y a trente-deux ans de cela...Une épaisse couche de brume recouvrait l'océan d'un halo grisâtre, dans cette densité brumeuse se perdait le moindre écho de voix, la moindre lumière stellaire. La nuit avait rarement été aussi calme, et il fallut attendre l'appel de sa soeur pour que la jeune fille cesse de se perdre dans sa contemplation silencieuse.
-Anne, soeur Anne, ne vois-tu rien venir? s'exclamait-elle depuis la chambre voisine.
La concernée poussa un soupir las.
-Ne me le fais plus répéter, je te l'ai déjà dit, je ne vois que le ciel qui...
Elle n'acheva pas sa phrase. L'épaisse couche de brume s'était teintée de jaune, des dizaines d'ectoplasmes orangés agitaient soudain la surface de l'eau.
-Quoi? Le ciel qui quoi?
Alarmée par ce silence, la jeune fille de la chambre voisine s'était précipité auprès de sa soeur, et instinctivement, suivit son regard. Des bateaux, leurs bateaux s'avançaient tranquillement vers la plage.
-Ils sont revenus!
Ce devait être un jour historique... et en quelque sorte, c'en fut un en effet... A l'heure où les explorateurs remirent les pieds sur l'île de Féerie, il parut évident à chacun que ce jour demeurerait à jamais gravé dans les mémoires. Nul n'aurait pu plus lourdement se tromper, certes, mais nul n'aurait pu le deviner. Ils étaient tous revenus, pas un ne manquait à l'appel, fringants, un large sourire aux lèvres, bien que le visage marqué par la fatigue, plus que jamais satisfaits. Quand Ellis Corenin avait assuré à tous, à grands renforts de sourires enjôleurs, qu'il allait prouver que la surface du monde était plus vaste que les féeriens ne l'entendaient, il avait été pris pour un fou. Que pouvait-il exister au-delà de l'île? L'île de Féerie, c'était le monde, un monde entouré d'eau. Et pourtant, les preuves étaient là, Ellis Corenin revenait d'un autre monde, un monde qui se situait à l'extrême des limites franchissables de l'océan. Il fallut aux explorateurs fournir de nombreuses preuves et de multiples témoignages afin d'être crus. Quand tous eurent parlé, il devint évident qu'ils disaient la vérité. Il existait bel et bien, cet autre monde, au soleil plus éclatant que le leur, au sable plus chaud, aux moeurs différentes.
Une nouvelle expédition fut donc organisée et Dorian Lydre, le roi de Féerie en personne, se déplaça jusqu'à ce nouveau monde, que l'on nomma "royaume de l'autre bout de l'océan" (ses habitants n'ayant apparemment jamais songé à lui donner un nom)... A son retour, le roi ébloui par tant d'exotisme, voulut que ces deux mondes ne vivent plus en vis-à-vis, mais côte à côte, que les Féeriens apprennent de ces gens, tout comme ils apprendraient d'eux. Sitôt dit, sitôt fait, quelques semaines plus tard, le royaume de l'autre bout de l'océan fut investi par des dizaines de chercheurs, esthètes, et autres guerriers, chargés d'observer, d'analyser, de contenir... cette peuplade étrangère. Ils s'engagèrent à leur apprendre leur langue et leurs coutumes, tout en observant les leurs avec une remarquable distance. Cela dura quatorze ans...
Il y a dix-huit ans de cela... -Pourquoi est-ce que tu insistes comme ça? soupira la jolie brune tout en se hissant hors de ses draps.
-Parce qu'ils pensent tous que c'est faux... mais moi je sais que non. répliqua l'homme qui lui tenait compagnie, tout en caressant du bout des doigts la peau dorée de son interlocutrice.
-Peut-être. Mais même si c'était le cas, je ne pourrais pas leur faire ça.
-Et pourquoi pas? Il lui adressa un sourire amusé. Tu ne crois pas que le jeu en vaut la chandelle? Il déposa un baiser au creux de son cou. Vivre ici, ensemble, heureux pour toujours?
La jeune fille baissa les yeux.
-Si, bien sûr... céda-t-elle d'une voix soudainement plus faible.
***
Précautionneusement, Nathaniel se glissa hors de la maisonnette, adressant au bouillonnant soleil de midi un sourire vainqueur...qui fut également accueilli par les deux autres individus qui l'avaient attendus.
-Alors? l'interrogea fébrilement Anthony.
Nathaniel haussa les épaules, sans jamais se départir de son sourire.
-Tu pensais vraiment que j'échouerais?
Cette remarque fut accueilli par le rire moins que sincère d'Edgar.
-C'est parfait.
***
-Des voleurs! Ce sont des voleurs! Je ne veux plus jamais les revoir dans mon royaume! Plus jamais!
Dès les premiers temps de l'installation des Féeriens dans le royaume de l'autre bout de l'océan, le peuple colonisé avait voulu le départ de ces gens qui, de force leur extirpait peu à peu leur culture et leur vie... Mais Naruna Raddhal, alors sultan, n'entendait ces plaintes que d'une oreille. S'il aurait également voulu voir les étrangers partir, il conservait l'espoir d'obtenir d'eux plus qu'ils ne réussiraient à en obtenir à leur sujet. Il ne comprit que trop tard que les Féeriens avaient trouvé dans leur royaume bien plus qu'il ne leur été nécessaire. Les féeriens dérobèrent en effet à ce monde leur bien le plus précieux (bien que la majorité des habitants du royaume du bout de l'océan n'eurent pas connaissance de ce bien)... et le sultan décida de prêter à l'opinion publique une oreille plus attentive. Ainsi que les armes qui leur permettrait de se débarrasser enfin de ces intrus. La guerre était déclarée.
Si la guerre fut brève, elle fut cependant violente. De nombreux féeriens furent appelés en renfort, mais cela ne réussit que partiellement. Il y eut de nombreux mort, dans les deux camps. Naruna Raddhal, le sultan, fut assassiné dans son sommeil. Quelques jours plus tard, ce fut Dorian Lydre, le roi de Féerie, que l'on égorgea. Si le sultan avait un fils pour lui succéder, Dorian Lydre, lui, n'avait pas de descendants. En tant que premier conseiller du roi, ce fut Edgar Basiel qui devint le monarque temporaire de Féerie. Sous son commandement, la guerre prit un tour des plus particuliers. Edgar demanda un entretien avec le nouveau sultan, Adarsh Raddhal. Leur conversation dura longtemps, mais après de longs débats, ils en vinrent à cette décision : une déclaration de paix, par laquelle le peuple de Féerie promettait de quitter le royaume du bout de l'océan de manière définitive, à la condition que plus aucun des deux peuples ne cherche à rentrer en contact avec l'autre. L'accord fut signé, les féeriens quittèrent le royaume du bout de l'océan, le laissant bien plus pauvre et désolé qu'il ne l'était avant leur passage.
Dès qu'ils furent retournés en Féerie, Edgar fit appel aux sorcières les plus puissantes afin qu'elles dressent entre leur monde et le royaume du bout de l'océan une barrière invisible qui empêcherait à tout jamais les deux mondes de se rejoindre. Afin de saluer ses talents de diplomate, Edgar fut nommé roi de Féerie, et l'est encore à ce jour. Au cours de son premier discours officiel,il affirma que Féerie ne connaîtrait plus jamais ni la misère, ni la souffrance, ni la guerre... Une promesse à laquelle il allait en effet se tenir.
Aujourd'hui... -Seigneur, je vous promets… s'inquiéta-t-elle, s'inclinant mécaniquement.
-Pourquoi a-t-il fallu que tu compliques les choses? l'interrompit-il, de toute évidence peu soucieux des excuses qu'Eleonore pourrait lui donner.
-Seigneur, je…
-Nous comptions t’offrir tellement. Vraiment.
Il caressa son visage du bout des doigts. Elle frissonna.
-Pourquoi refuser?
Paralysée, elle n’osait plus bouger, et à peine respirer. Comme si le contact des doigts glacés sur sa peau blanche l’avait statufié.
-J’ai conscience du privilège que vous m’accordez, mais… je ne me sens pas prête, c’est tout. Peut-être que si vous nous laissiez davantage de temps, à Gabriel et à moi…
-Sais-tu ce qui arrive à ceux qui refusent, Eleonore ? Interrogea Edgar, ignorant ces derniers propos.
Elle fit non de la tête.
-Personne ne le sait. Personne ne refuse. Tu sais pourquoi ? Parce que personne n’est obligé, personne n’est soumis, et les choix individuels font le bonheur de tous. Toujours. Parce que tout le monde agit en vue d’une harmonie générale, tu comprends ?
Il marqua une pause.
-Féérie apporte à tous ce dont ils ont besoin, ni plus ni moins. J’essaie d’être le meilleur monarque possible. Je veux que cela perdure, tu sais…
Elle sentit les larmes lui monter aux yeux sans comprendre pourquoi, elle avait l’impression d’être redevenue une gamine, réprimandée sévèrement pour une bêtise honteuse.
-Tu as peut-être besoin de comprendre.
Il déposa sa main sur son épaule.
-Ne t’en fais pas, je vais t’aider.
Les dix-huit années de règne d'Edgar répondirent aux promesses qu'il avait fait aux Féeriens à son arrivée au pouvoir. Plus de souffrance, plus de guerre, plus de malheur. Aucun, jamais... Le mot d'ordre de sa politique? Le silence. Il fit en effet jurer sur l'honneur à tous les féeriens ayant connu l'époque de la guerre de ne plus jamais la mentionner, de faire comme si cet événement n'avait jamais eu lieu, afin que les générations suivantes n'aient pas à connaître l'existence de la moindre violence. Chacun se prêta au jeu, afin de préserver leurs enfants. L'existence du royaume de l'autre bout de l'océan, quant à elle, ne fut pas niée, il fut juste dit que les navires féeriens n'étaient pas encore assez perfectionnés pour se rendre jusque là, mais que quelques habitants de ce monde étranger s'étaient déjà aventuré sur l'île. Le royaume de l'autre bout de l'océan devint ainsi une sorte de mythe inaccessible, et un moyen de justification parfait pour Edgar... Car sa politique ne s'arrêtait pas là. En effet, éliminer le souvenir d'une souffrance passée, c'est une chose. Mais la douleur, la peine, la souffrance, sont des sentiments inévitables, si bien qu'Edgar dû faire preuve d'une certaine ingéniosité pour ne pas trahir sa promesse.
Sa solution était une île, une île déserte, coincée au milieu de l'océan, dont personne ou presque n'avait connaissance. Edgar y fit bâtir un château. Ce château contenait des cages. Ces cages contenaient des féeriens. Le but ici n'était pas tant d'écarter les fauteurs de trouble de la société, mais plutôt de glisser un voile sur l'implacable misère qui venait fatalement atteindre certains humains. La souffrance existait, soit, mais elle ne devait être vue. Enfants violés, maltraités, femmes battues, malades, dérangés mentaux... ou témoins de crimes abominables, tous étaient envoyé sur l'île, et les cadavres également étaient enterrés là-bas afin que le silence, jamais, ne soit brisé... et durant toutes ces années, il ne le fut pas, en effet. Jusqu'au jour où...
...Où le fils d'Edgar, Gabriel, demanda en mariage une paysanne de Piquiel (le village le plus renommé de Féerie), Eleonore... et où la concernée choisit de s'enfuir la veille de ses noces. En guise de punition, Edgar l'avait envoyé sur cette île joyeusement surnommée l'île des soupirs afin qu'elle y devienne gardienne, pensant ainsi ne plus jamais la revoir (les gardiens de l'île ayant généralement tendance à mourir prématurément). Une erreur qu'il semble devoir payer cher. Sur l'île, Eleonore a fait la rencontre de Nathaniel, le tout premier pensionnaire de cette "prison", avec la complicité duquel elle parvint à organiser l'évasion massive des prisonniers de l'île. Certains de ces prisonniers ont tenté de retourner à la vie normale, d'autres ont choisi une autre voix...Ce petit groupe organisé autour d'Eleonore et Nathaniel cherche en effet à mettre fin au règne d'Edgar, à briser le silence et à lever le voile sur les atrocités qui ont été cachées aux Féeriens depuis si longtemps... Par quel moyen? En brisant le mur invisible qui sépare Féerie et le royaume de l'autre bout de l'océan, afin que toute illusion disparaisse enfin, peu importent les conséquence.
La rébellion s'organise, et la menace se fait de plus en plus grande pour la famille royale. Une tension palpable, des murmures, des rumeurs, se répandent dans tout Féerie... et aucun habitant n'y est indifférent. De même, dans le royaume de l'autre bout de l'océan, les rumeurs vont bon trains, et l'on pressent déjà qu'une ère nouvelle s'annonce.
Comment cela se terminera-t-il? A vous d'en décider...
Résumé simplifié pour ceux qui s'y perdraient (parce que c'est vrai, c'est un peu long) :L'histoire se passe dans le mondes imaginaires des fées, des princesses et des crapauds miraculés (le monde des contes de fées, en somme), sur une île nommée Féerie. 32 ans avant l'époque qui nous intéresse, des habitants de Féerie ont découvert l'existence d'un autre monde, de l'autre côté de l'océan, monde qui, pour résumer, pourrait être assimilé à celui des contes des 1001 nuits. Suite à cette découverte, les féeriens décident de coloniser ce nouveau monde... mais les principaux concernés ne se laissent bien sûr pas faire et une guerre éclate (18 ans avant l'époque qui nous intéresse). Cette guerre finit par prendre fin suite à un accord passé entre le nouveau roi de Féerie, Edgar Basiel, et le nouveau sultan du royaume de l'autre bout de l'océan, Adarsh Raddhal (les deux anciens monarques ayant été assassinés durant la guerre). Il est décidé que les féeriens quitteront le royaume d'Adarsh à la condition que plus jamais les deux mondes n'entrent en contact l'un avec l'autre. L'accord est respecté, un mur invisible est dressé par magie entre les deux mondes. Conséquences de cela : le royaume du bout de l'océan est ruiné et dévasté, et Féerie connaît un âge nouveau de prospérité sous le règne d'Edgar, qui emploie des méthodes draconiennes afin que l'harmonie demeure en Féerie (les Féeriens qui ont connu la guerre ont interdiction d'en parler, et tout individu laissant à suggérer l'expression ou le témoignage de la moindre souffrance est envoyé en prison -prison dont tout le monde ignore l'existence, bien sûr - sur une île perdue au milieu de l'océan). Seulement voilà, cette harmonie menace d'être brisée à tous moments depuis qu'Eleonore, une jeune féerienne envoyée là pour devenir gardienne sur l'île, a participé à l'évasion massive des prisonniers. Parmi eux, un petit groupe, la rébellion, veut faire tomber Edgar de son trône en dévoilant la vérité à tout le monde, et plus encore. Pour se faire, ils comptent briser le mur qui sépare Féerie du royaume du bout de l'océan... Le trône d'Edgar est plus menacé que jamais... et chacun sent que l'heure est au changement.
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On attend plus que vous!!