Les Callahan ne sont pas une grande famille de sorciers. Descendants, par le père, d'une tripotée d'Irlandais, gitans, malfrats, éleveurs de chevaux et par la mère d'une poignée d'italiens appauvris, endettés et rejetés par la société, Rory Callahan n'a jamais eu aucun espoir d'être sauvé par son héritage. Dès sa naissance, le gamin savait qu'il faudrait marcher sur les autres pour avoir un semblant d'égalité. Drôle de conception s'il en est, Rory a appliqué la doctrine à la lettre pour s'en sortir.

Il voit le jour à Galway, le 7 Juillet 1906, un jour atrocement chaud pour la région – il faisait au moins vingt-cinq degrés. A ce moment-là, tout est compliqué pour son père, Eamon Callahan. Recherché par la police Irlandaise pour plusieurs méfaits, il se voit obligé d'imposer à sa nouvelle petite famille une vie d'itinérances sans réel confort. La mère de Rory, moldue de son état, aurait décidé de le suivre sans broncher car trop apeurée de risquer une branlée. Il faut bien dire que le père n'était pas un saint, et il avait la main lourde. Pourtant, elle, elle voulait vivre quelque chose. Elle était actrice – enfin, elle grappillait de petits rôles où elle pouvait, sans jamais éclater au grand jour – et rêvait d'une vie bien meilleure pour elle et sa descendance. A vrai dire, elle avait fuit avec ses parents la lointaine région des Pouilles, en Italie, pour échapper à la précarité et aux nombreuses dettes qu'avaient ses parents, jadis. Elle avait donc touché le gros lot en se retrouvant coincée avec un type comme Eamon, à fuir la police, à revendre des chevaux et à trafiquer des paris pour obtenir quelques rations de nourriture. Oui, elle s'en voulait de tous ces choix et il y a fort à parier qu'elle en eût voulu à son premier fils d'incarner l'une des pires périodes de sa vie... car si la naissance d'un enfant était un événement réjouissant, ici, c'était tout bonnement l'enfer.
Rory grandit donc dans un environnement étrange, coincé entre les embrouilles, les méfaits et une éducation marginale. Descendants d'un clan gitan Irlandais, Eamon avait une vision très précise de ce à quoi son fils devait se conformer, et la première chose c'était de ne jamais se conformer. De camp en camp, Rory découvrit la vie par lui-même, en se démenant par ses propres moyens. Une enfance qu'il qualifierait volontiers d'heureuse. Son père lui apprit les rouages du métier : monter à cheval, se bagarrer, organiser des paris truqués, et ramener, quoiqu'il en coûte de la thune au foyer.
Tout ceci ayant eu son importance car malgré leur itinérance, Eamon, lui, voyait plus loin. Il s'imaginait déjà installé comme un ponte de la pègre quelque part en Irlande, et il ne lâchait pas de vue l'objectif. L'empire d'Eamon grossissait sans que l’opulence ne pointe le bout de son nez. Le père Callahan disait toujours qu'il valait mieux se faire dans l'ombre. Ce n'est qu'en 1915 que Rory comprit qu'il n'était pas voué à une vie classique. Première apparition de ses pouvoirs magiques lors qu'une bagarre avec d'autres gamins d'un clan adversaire, où, sans le vouloir, il avait réussi à envoyer par télékinésie une caisse remplie de carcasses de poulets avariés sur John, la terreur du terrain vague. Merde alors, celle-ci, il ne l'avait pas vue venir. Quand son père l'apprit, ce fût, au grand étonnement de son fils, une explosion de joie. Banquet improvisé s'organisant, le désormais pas si petit clan d'Eamon Callahan, fêta l'entrée du dernier dans le monde magique.
A cette époque, le clan avait posé roulottes autour de Limerick. Un coin gangrené par différents groupuscules s'arrachant le contrôle de la pègre. La petite guerre de la région vit Eamon sortir vainqueur après avoir soumis – ou éliminer – tous ses opposants. Désormais à la tête d'un véritable petit empire mafieux, Eamon atteignait tranquillement son objectif. Et Rory en profita.
Poudlard fut une période étrange pour Rory. Les débuts furent complexes. Envoyé à Serpentard sans réel étonnement, il dût jouer des coudes pour se faire une place. Son statut de sang-mêlé, et son manque réel de connaissance et de savoir, le mettront en tête de ligne des élèves à harceler pour les quelques durs à cuire du système. Mais les malheureux étaient tombés sur un sacré numéro, qui leur rendit le change. Passé les deux ou trois premières années où il se battit une réputation de bagarreur tapageur, Rory commença à fonder son propre clan. Ou plutôt, s'associa avec d'autres petits caïds en vue de nombreux larcins. Le groupe fit régner un climat nauséabond dans l'école jusqu'à leur sortie. Rory se forgea une bonne réputation, fût régulièrement récupéré par la police magique pour des méfaits sans conséquence, et risqua plusieurs fois l'expulsion définitive après un renvoi de plusieurs semaines chez lui, au cours de sa sixième année. Il eût de nombreuses altercations avec les services de police moldus. Le problème c'était que pour Rory, il y avait un mal-être naissant. Fréquentant une petite partie de la haute des sangs-purs de Poudlard, les idées nouvelles de suprématie du sang l'atteignaient. Et il voyait en sa mère, une véritable honte ambulante. La vue des sangs-de-bourbe le rebutait, et l'idée même d'un moldu lui hérissait le poil.
Désireux d'être le portrait craché de son père – qui lui, n'en finissait plus d'élargir son empire – il rejeta sévèrement sa madone, et se prit d’affection pour son petit frère, Finnegan. Le gamin était de huit ans son cadet, et il était bien décidé à le former comme son père l'avait fait pour lui. La relation des deux frères était belle. Ils étaient soudés, toujours ensemble dès que le grand était à la maison et Rory savait que Finn serait un bon second à garder sous le coude. Mais le destin en décida autrement. Finn se révéla être un cracmol, et tous les espoirs d'alliance fraternelle furent réduits à néant. Rory rejeta à son tour son frère et lui rendit la vie impossible. Humiliation, rouage de coups, farces douteuses... il saccagea tout ce qu'il eût pu construire entre lui et le frangin. Un véritable gâchis.
Sorti de l'école de sorcellerie, Rory était un jeune sorcier à la réputation sulfureuse et au talent certain pour s'attirer les emmerdes. Il avait réussi à finir ses études avec un avis général mitigé. Ses examens étaient entachés par les écrits, et les matières théoriques où il peinait à suivre correctement. Néanmoins, ses compétences en matière de magie pratique lui permirent de sortir serein du collège de sorcellerie et de retourner au sein des siens : les loubards, les mafieux, les moins que rien, les saletés de voyous des bas fonds de Limerick.
Les choses s'envenimèrent lorsque âgé de vingt-quatre ans, Rory se retrouva mêlé à une sombre histoire de racket et d'extorsion liée au milieu du Quidditch. Le jeune homme avait entreprit depuis sa sortie de Poudlard, de s'immiscer durablement dans les coulisses du monde sportif sorcier. Il savait grâce à un contact qu'il y avait monnaie à récolter et il fallait rendre le Padre fier de lui. On n'apprend que lorsque l'on se loupe. Et Rory avait bien merdé cette fois-ci. Agression, racket, usage de sortilèges impardonnables, la police le remontait à grande vitesse. Planqué, il les attendait ces salauds. Diantre qu'il haïssait la police et ses sbires. Presque autant qu'il détestait les cracmols et les faiblards. « La vie, c'est la jungle mon grand » comme il aimait se le répéter. Il se savait cerné, ça l'angoissait. Il devenait violent pour un rien. Son père l'avait foutu dehors pour pas se griller lui-même. Quand tu tombes, c'est tout seul. Et tiens ta langue mon grand. Rory connaissait la chanson par cœur. Alors il s'était isolé.
C'était sans compter sur son frère qui avait décidé lui aussi de monter parmi les petits voyous. Il avait décidé de se lancer avec une nouvelle bande à l'assaut d'un coup que Rory lorgnait depuis un moment. Ni une, ni deux, l'ancien Serpentard se retrouvait à arpenter les tréfonds de Limerick à la recherche de son jeune frère, âgé de seulement quatorze ans et en pleine pause scolaire estivale. Il n'eût aucun mal à lui mettre la main dessus et le passa à tabac. Son intention était claire, l'affront était total, la haine palpable, il allait tuer Finnegan Callahan de ses propres mains. Il le soumit au sortilège Doloris, plusieurs fois. Agrippant le cou de son frère pour l'étrangler, il serra de toutes ses forces. Finn allait crever, ce n'était qu'une question de secondes à cette étape-là. Mais c'était sans compter sur l'éternelle résistance des Callahan. Finnegan récupéra du bout de sa main un morceau de verre et entailla de la clavicule au menton le cou de Rory. Le sang coulait, l'autre se dégagea et prit la fuite. Le bordel avait rameuté la cavalerie et la police trouva, jonchant au sol dans son propre sang, le fils aîné d'Eamon Callahan.
Un long séjour à Saint-Mangouste plus tard, Rory ne pouvait plus parler correctement. Il fût obligé de réapprendre à parler,  lui laissant au passage un ton rauque, désagréable, une voix marquée et terrifiante. Finn avait aussi réussi à bien encré son frère en lui laissant pour cadeau d'adieu une épaisse cicatrice. Les forces de l'ordre achevèrent le travail en l'emmenant à Azkaban.
Huit ans plus tard, en 1938, à sa sortie de prison, Rory reprit la place qui lui était due au sein du clan désormais puissant de son père. Le second d'Eamon Callahan avait bien fermé son clapet durant son séjour et avait une épaisse réputation au sein de la pègre. On le respectait non pas par respect, mais par peur. Le type était instable et il avait failli tuer son propre frère. Ça imposait au moins de tourner sa langue deux fois dans sa bouche avant de l'ouvrir devant lui. Eamon, fier de son fils, le fit monter et lui donna accès à beaucoup de combines du clan. Il le plaça à la tête du QG principal : le fameux Emerald Pub, coincé au fond de l'Allée des Embrumes. C'était là-bas que tout se passait, toutes les combines, tous les paris truqués, tous les rouages, c'était l'antre de la mafia Irlandaise à Londres. Rory prit ses aises et dirigea pour son père les voyous sorciers du coin. Ce n'est qu'en 1940, lors du Blitz, qu'il prit définitivement possession de tout l'héritage de son prédécesseur lorsque celui-ci mourut dans un bombardement en même temps que sa mère.
Tout l'héritage ? Presque. Rory n'eût à cet instant cure de la part moldue de l'empire paternel. Car Eamon avait assuré ses arrières. Si ça plantait dans le monde magique, il avait étendu son influence jusque dans le monde moldu. Rory le savait mais avait choisi de ne pas s'y intéresser. Erreur stratégique dont son frère profitera plus tard. En attendant, il eût au moins la clairvoyance d'écrire à son cadet pour l'informer de la mort de leurs parents. Probablement une deuxième erreur stratégique car cela poussa Finnegan à remontrer le bout de son nez en Angleterre.
Mais voilà. Rien ne pouvait désormais satisfaire l'ambition du mafieux. Le contrôle des bas-fond était un acquis qui lui laissait un goût de trop peu. Lui, ce qu'il voulait c'était être quelqu'un. Qu'on le respecte, qu'on l'adule. Comme un gosse en manque d'amour, Rory voulait atteindre la haute. Il voulait faire parti de ceux qui dirigeaient. Politique, finance, peu importe. Il fallait qu'il s'élève, à tout prix.
C'est ce que promettait ce gamin sorti de Poudlard. Un certain Jedusor. Les contacts de Callahan, qui passaient au Emerald – qui désormais rameutait une bonne partie de la sphère puritaine et suprémaciste du monde magique – lui avaient confié que le type était hors norme. Qu'il y aurait un avant et un après. Il ne fallait pas louper le coche. Alors Rory avait suivi Jedusor, lui avait rendu bien des services, avait entreprit bien des saloperies pour lui, et était rentré dans ses rangs. Sans trop savoir pourquoi, ni où ça le mènerait. Mais il y croyait quand même. Il croyait qu'on le regarderait autrement un jour. Qu'il ne serait pas qu'un sale Irlandais pourri des bas fonds. Un jour, il serait quelqu'un.