L'amitié est la communauté des secrets. (Rudolf)

L'amitié est la communauté des secrets.

La plupart du temps, Nozéa préférait quand même largement ne pas se pencher de trop sur son enfance, sur ses parents, sur sa vie de famille… bref, toutes ces choses d’avant. Avant d’être complètement virée de chez ses parents, Nozéa avait été heureuse dans sa vie, mais maintenant ce n’était que des mauvais souvenir. Cependant, tout n’était pas à jeter dans son enfance quand même, et tout le monde n’était pas à jeter. Nozéa avait gardé quelques contactes d’autrefois, comme Rudolf. Par chance, l’homme avait en prime l’habitude de passer pas mal de temps en Angleterre où elle vivait maintenant, contrairement à l’époque où Rudolf était à l’école à Beauxbâtons.

Nozéa appréciait grandement la solitude, elle n’avait aucun souci à rester plusieurs jours vautré dans son appartement sans voir personne. Cependant, par moment, ça faisait du bien de passer du temps avec des personnes qu’on appréciait et Nozéa appréciait Rudolf Brand. Ce jour-là, la jeune femme était quand même d’une bonne condition, elle se sentait bien. Elle n’était pas toujours en forme, mais ce jour-là, elle était bien… alors c’était sans doute le bon moment pour sociabiliser.

Ou en tout cas, ce n’était pas le pire des moments. Ils avaient rendez-vous avec Rudolf dans un pub de Londres. Nozéa avait fait l’effort de s’habiller un peu correctement, mais elle ne pourrait pas vraiment faire quelque chose concernant son état physique. Elle avait toujours son teint pâle, qu’elle avait simplement un peu maquillé pour essayer de sauver les meubles et éviter d’inquiéter de trop son ami, parce qu’il n’était évidemment pas au courant de son état. Personne ne devait l’être. Elle se doutait que les choses ne se passeraient pas bien pour elle si ses proches – pour le peu qu’elle en avait bien sûr – devaient connaître la vérité. Elle avait donc fait l’effort de paraître plus présentable, mais ce n’était vraiment pas une mince affaire et elle ne pouvait pas entièrement cacher les cernes de son visage.

Quand elle arriva sur place, elle était largement en avance. Ce n’était pas vraiment qu’elle appréciait de l’être, mais ça lui mettait une certaine pression de tenter de passer un moment normal avec un ami. Elle avait eu besoin d’arriver bien en avance et c’était le cas. Alors elle s’était installée dans un coin du pub, avec d’ores et déjà un verre d’alcool devant elle histoire de finir de se donner du courage. Mais quand elle vit Rudolf entrer dans le pub à son tour, elle se détendit bien rapidement. Elle était heureuse de pouvoir le voir.

« Salut Rudolf ! » Dit-elle en se levant quand il s’approcha d’elle. « Comment tu vas ? C’est génial qu’on puisse se voir, ça faisait longtemps ! »

La faute à celle qui ne sortait pas tant que cela de sa grotte, qui passait des nuits à hurler à la mort dans une cage, qui mettait de nombreux jours à se remettre de sa transformation et se préparait des jours avant sa prochaine transformation.

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Q

uand on demandait à Rudolf son opinion sur l’un ou l’autre de ses matchs, et surtout sur ses défaites, le jeune homme avait une réponse toute faite à y opposer à chaque fois. Il répondait toujours qu’il ne servait à rien de se focaliser encore et encore sur le passé et qu’il était préférable d’aller de l’avant, tout simplement. C’était un mode de pensée auquel il croyait véritablement. Oui, il employait cette formule pour l’esbrouffe, pour se la jouer en présence des journalistes qui l’interviewaient, mais il y avait tout de même du vrai dans ses propos. Le joueur de Quidditch n’était pas d’un naturel nostalgique, ou à s’appesantir sur le passé. Mais il faisait parfois des exceptions. Après tout, il n’allait pas cracher sur les meilleurs moments sous le prétexte de demeurer fidèle à ses principes. Aussi, même s’il regardait rarement en arrière, il ne rejetait pas le passé.

Cela se constatait notamment dans le champ de ses relations. Rudolf n’avait pas gardé beaucoup de contacts remontant à son enfance ou à son adolescence, il entretenait difficilement ses relations quand le temps et la distance venaient les compliquer, mais il savait faire des exceptions. Gabrielle, la pauvre Gabrielle qui était dans une bien difficile situation dernièrement, était la première de ces exceptions, et la plus évidente, mais Nozéa en était une autre.

Tous les deux, ils se connaissaient depuis leur plus tendre enfance, et pour cause, leurs parents avaient fait leurs classes à Beauxbâtons en même temps. La suite, et l’histoire familiale complexe de Nozéa l’avait éloignée, mais il ne l’avait pas oubliée. Il savait qu’elle était en Angleterre, et quand lui-même avait quitté l’Allemagne et le régime nazie pour venir s’installer à Londres avec ses parents, il avait immédiatement cherché à reprendre contact avec elle, et c’était comme si ces années sans nouvelles n’avaient eu qu’une bien mince incidence sur une amitié encore sincère et vivace.

Depuis, ils se voyaient quand ils le pouvaient, même si ce n’était pas toujours simple. La faute à personne, estimait sincèrement Rudolf, qui n’en ferait certainement pas le reproche à son amie. Lui-même était très souvent en déplacement, pour disputer l’un ou l’autre match de Quidditch à travers le globe en compagnie des Busards. Quant à Nozéa, il avait bien relaqué qu’elle était moins disponible, mais il acceptait toujours ses excuses sans les remettre en question. Rudolf voyait rarement plus loin que le bout de son nez, c’était, il faut bien le dire, l’un de ses plus grands défauts.

Cette fois, cependant, ils s’étaient trouvé un créneau pour se voir, et Rudolf en était ravi, il avait l’impression qu’il n’avait pas passé du temps avec son amie depuis une bonne éternité. Elle arriva parfaitement à l’heure au rendez-vous, dans le pub où ils avaient décidé de se rejoindre. Elle était cernée, elle semblait fatiguée, mais là encore, Rudolf n’en tirait aucune conclusion hâtive.

-A qui le dis-tu, à force de décommander à tour de rôle, j’ai cru qu’on y arriverait jamais ! Tu vas bien ? Tu as l’air fatiguée. Tu as veillé tard cette nuit, avoue, suggéra-t-il avec tout ce que ça sous-entendait à ses yeux.

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Il suffisait en soit que Nozéa se retrouve juste quelques secondes en présence de Rudolf pour que la jeune femme se dise qu’elle était bien là où elle se trouvait et qu’elle allait apprécier la présence de son ami. Ça lui arrivait de donner des excuses pour ne pas sortir de chez elle, pour ne pas passer du temps avec son ami, mais quand elle se retrouvait en sa compagnie, elle se rendait vite compte qu’elle avait besoin de le voir. Elle afficha un grand sourire quand l’homme affirma qu’à force de décommander à tour de rôle, il pensait qu’ils n’arriveraient jamais à se voir. Au moins, Rudolf ne donnait pas le sentiment de lui reprocher le fait qu’ils n’avaient pas pu se voir avant. Alors que de son côté, Nozéa considérait que s’ils n’avaient pas pu se voir avant, c’était vraiment de sa faute. Parce qu’elle n’était pas suffisamment disponible pour son ami.

Au moins, Nozéa était rassurée de se dire que son ami ne lui en voulait pas et ils allaient pouvoir profiter d’un moment ensemble. Même si forcément, il était évidemment qu’ils allaient devoir passer par les questions basiques sur ce qu’ils devenaient, sur comment ils allaient et ce genre de question que Nozéa préférait largement éviter parce qu’elle n’avait aucune envie d’aborder ces sujets.

« C’est exactement ça, comment as-tu deviné ? » Répondit-elle, quand Rudolf lui demanda si elle avait veillé tard cette nuit, raison pour laquelle elle avait l’air fatiguée. Forcément, puisqu’il lui trouvait déjà une raison pour justifier le fait qu’elle était fatiguée, elle n’allait pas se retenir d’utiliser cette raison. Une raison qui n’était pas si fausse que ça en soit, puisqu’il lui arrivait bel et bien de veiller très tardivement… notamment, une fois par mois quand son corps l’empêchait de dormir la nuit entière. « Donc j’avoue je suis un peu fatiguée. Mais je vais bien en dehors de ça. » Ou pas, mais elle n’avait pas l’intention d’entrer dans les détails non plus. Ce n’était pas un manque de confiance envers Rudolf ou non, mais elle ne se voyait pas de parler de tout cela avec lui, elle ne s’en sentait pas capable. « Et toi alors ? T’es sacrément occupé en ce moment ? »

Elle suivait un peu la vie de Rudolf dans la presse forcément, mais en même temps elle avait conscience qu’il ne fallait pas vraiment se fier aux journaux. Elle préférait largement que Rudolf prenne la peine de lui raconter ce qui arrivait dans sa vie, et si possible s’ils pouvaient prendre la peine de se concentrer sur la vie de son ami. Comme ça, il était possible qu’ils parlent le moins possible de sa vie à elle. Pour la simple et bonne raison qu’elle n’avait pas grand-chose à dire sur sa vie, pas grand-chose qu’elle avait sincèrement envie de dire. Elle préférait largement éviter certain sujet et… sa vie tournait autour de ces sujets, tout simplement.

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L'

embryon de réponse de Nozéa lui mit l'eau à la bouche, mais au lieu de lui donner plus de détails, la jeune femme en resta là et ne lui en dit pas davantage au sujet de la soirée agitée qu'elle avait passée. Quand ? Comment ? Avec qui ? Toutes ces questions étaient terriblement indiscrètes, mais il avait envie de les poser toutes autant qu'elles étaient. Dans tous les cas, il n'était jamais le dernier à se montrer indiscret, loin s'en faut. Le jeune homme était tout sauf du genre à garder pour lui ce qu'il avait en tête, loin, bien loin de là.

-Tu sais que tu ne vas pas t'en tirer avec une réponse à ce point évasive, pas vrai ? répondit Rudolf en la jaugeant de haut en bas, comme s'il pouvait deviner à la seule expression de son visage, à quoi elle avait occupé sa nuit.

Il avait envie de croire qu'il avait un sixième sens pour certaines choses, mais il n'était certainement pas voyant malgré tout, et donc, certaines informations pouvaient aisément lui échapper. Et il n'aimait pas ne pas être au courant des potins les plus croustillants, surtout quand ils concernaient ses amis les plus proches. Pas vraiment de respect pour les barrières personnelles de chacun ou la vie privée, c'est vrai, et ce peut-être parce qu'on ne lui laissait pas lui-même avoir une vie privée. La presse s'emparait du moindre de ses faits et gestes, limitant de ce fait le droit au moindre jardin secret. Ce n'était pas quelque chose qui l'intéressait forcément. Peut-être que ça l'avait intéressé un jour, mais il avait peine à s'en souvenir, c'était loin derrière lui, tout ça.

-Il va falloir que tu m'en dises beaucoup, beaucoup plus. Tu sais, tu peux me le dire, si tu as quelqu'un. Je serais vert de jalousie, évidemment, mais je comprendrais, ajouta-t-il, parce qu'il avait toujours été incapable de ne pas en rajouter une couche, et que si elle avait quelqu'un dans sa vie (ce qui restait une explication qu'il gardait bien évidemment à l'esprit - comment pourrait-il faire autrement, franchement ?), il avait envie d'en appprendre le plus possible. C'était sans doute l'information la plus croustillante qu'elle pourrait bien lui donner.

-Moi, je suis occupé, mais pas plus que d'habitude, c'est la rançon du succès quand on est à la tête d'une équipe de Quidditch parmi les plus réputées d'Europe.

Est-ce qu'il est en train d'en rajouter des caisses et des caisses ? Oui oui, et il voit difficilement pourquoi il s'en priverait. C'est un de ses grands pouvoirs, à n'en pas douter. Et il était absolument ravi de pouvoir rouler des mécaniques en présence de Nozéa.

-Je fais ce que j'aime et je le fais bien, alors tout va définitivement pour le mieux.

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La bonne humeur de Rudolf avait le don d’être communicative. Nozéa était déjà plutôt de bonne condition, mais il suffisait qu’elle ait passé quelques minutes seulement avec Rudolf pour se sentir encore mieux, pour se sentir bien plus légère. Même si les sujets difficiles n’étaient jamais loin. Le joueur de Quidditch lui avait trouvé une excuse parfaite à son état de fatigue, la jeune femme avait sauté sur l’occasion pour rebondir là-dessus, mais évidemment, ce n’était pas suffisant pour ce dernier. Nozéa ne savait pas réellement dans quel bourbier elle était en train de se jeter, mais Rudolf n’avait clairement pas l’intention de lâcher l’affaire sur une potentielle histoire qu’elle pourrait avoir.

À choisir, Nozéa aurait réellement adoré que son état de fatigue soit là simplement parce qu’elle avait passé une nuit de folie avec quelqu’un. Elle ne se voyait pas du tout avouer la vérité à son ami d’enfance, même si ça l’ennuyait de lui mentir également. Elle n’avait pas le choix, elle ne pourrait jamais lui dire la vérité. Elle tenait beaucoup trop aux peu de relations qu’elle avait encore, elle n’avait pas envie de prendre le risque de les gâcher en avouant ce qu’elle était.

Pour le moment, Nozéa avait surtout envie de profiter de la bonne humeur de Rudolf et cette façon qu’il avait de la faire rire. Parce que oui, elle ne pouvait pas s’empêcher de rire en entendant son ami en faire des caisses, toujours plus avec lui. Comme s’il pouvait vraiment être jaloux. Même s’il y avait quand même une grande part de vérité, l’homme était bel et bien à la tête d’une des équipes les plus réputés d’Europe, et il avait énormément de succès.

« Je suis tellement contente que tout se passe bien pour toi ! » Nozéa décidait de ne pas mettre une seule seconde les paroles de Rudolf en doute quand il disait que tout allait définitivement pour le mieux, alors qu’elle était bien placée pour savoir qu’il était fort possible de mentir pour de bonnes raisons. Mais ce n’était pas parce que de son côté, elle se retrouvait à mentir que tout le monde le faisait. « Mais en même temps, tu le mérites, tu te donnes du mal pour tout ça ! »

Parce que même s’il en parlait légèrement, Rudolf travaillait dur pour son équipe, il n’était pas arrivé à son stade juste en claquant des doigts. Il s’était donné beaucoup de mal pour arriver où il se trouvait maintenant, et c’était incroyable de voir sa force de caractère pour arriver à ses fins.

« Ne va pas t’imaginer quoi que ce soit me concernant par contre. » Répondit-elle, le sourire aux lèvres. Elle savait bien que si elle n’enclenchait pas sur ce sujet, il allait de toute façon y revenir par lui-même. « Ce n’est pas parce que j’ai veillé tard la nuit dernière que j’ai quelqu’un dans ma vie. » Elle ne lui disait pas toute la vérité, mais elle n’allait pas lui inventer un si gros mensonge non plus. « Je ne suis pas prête du tout à avoir une relation sérieuse. » Il pouvait s’imaginer ce qu’il voulait pour le reste. « Je crois que je ne serais jamais prête à en avoir une d’ailleurs. »

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R

udolf afficha un sourire des plus sincères quand son amie lui assura être heureuse pour lui. Il savait que de sa part, ces paroles étaient tout à fait sincères, et ça le touchait sincèrement. Et en effet, il savait qu'il avait de la chance, et qu'il menait une vie que beaucoup d'autres lui envieraient. Elle n'était pas parfaite, pourtant. Par certains aspects, même, elle était terriblement chaotique, mais le joueur de Quidditch en prenait son parti. Les situations les plus complexes dans lesquelles il se retrouvait, il devait bien avouer, après tout, les avoir provoquées. Ce n'était pas vraiment comme s'il pouvait prétendre ne pas en avoir été au moins un peu responsable. Oui, à sa manière, il avait provoqué son sort et il ne pouvait certainement pas dire autre chose. Mais il faisait ce qu'il aimait, il avait la fortune, la réputation... des femmes à foison... Il serait bien hypocrite de se plaindre de tout cela, c'était certain.

-Eh oui, on a rien sans rien, confirma Rudy avec un sourire en coin quand Nozéa ajouta qu'après tout, il avait obtenu ce qu'il méritait parce qu'il s'était battu pour cela. C'était effectivement de cette manière que Rudolf le voyait lui aussi, et on aurait peine à le convaincre d'autre chose. Il avait pris les bonnes décisions aux meilleurs moments, et vraiment, c'était bien souvent comme ça que les choses fonctionnaient... même si ce n'était pas toujours suffisant malgré tout.

La concernant, cependant, Nozéa lui assura que non, elle n'avait personne dans sa vie, et Rudolf devait bien admettre être déçu de cette nouvelle. Il n'était jamais le dernier à discuter de sa vie sentimentale (si on pouvait vraiment parler de sentiments quand il n'était pas question de Gwen) mouvementée, mais il apprécierait d'en savoir un peu plus sur celle de son amie. Après tout, c'est à cela que les amis servent. Déjà que Rudy ne mettrait probablement pas Nozéa dans son lit, autant savoir qui pouvait y passer certaines nuits, pas vrai ?

-Qui te parle de relation sérieuse ? répondit Rudolf tranquillement. T'as le droit d'avoir quelqu'un sans que ce soit sérieux, tu sais. Je serais le dernier à te blâmer pour ça. En même temps, il serait carrément mal placé, même si en tant qu'homme, on acceptait sa conduite volage avec largesse quand Nozéa pourrait être mise au ban de la société si elle n'envisageait vraiment jamais de se ranger, de se marier, de fonder une famille... toutes ces merveilleuses joyeusetés. Y a vraiment personne personne ? Non parce que si tu recherches rien de sérieux, crois-moi que je connais des dizaines de collègues qui seraient ravis de te donner absolument ce que tu demandes.

Des joueurs de Quidditch qui ne profitaient pas de leur notoriété pour se trouver des maîtresses un peu partout, c'était bien plus rare que l'inverse, clairement.

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