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st-ce qu'Andreï était sûr de son choix ? Ne nous mentons pas, pas du tout. Il mettait un pas dans l'inconnu, et il avait déjà l'impérieuse envie de rebrousser chemin, mais il n'en ferait rien. Même s'il avait peur, même s'il ressentait un peu trop fort la présence des détraqueurs et que cela l'angoissait, même s'il n'était même pas certain que ça en vaille la peine, même si rien ne lui garantissait qu'il aurait ne serait-ce que l'occasion ou la possibilité de revoir June, il n'avait aucune intention de rebrousser le chemin. Il savait pertinemment à quoi il s'engageait. C'était son choix, sa décision, et il n'en changerait pas. De toute façon, c'était un peu trop tard, son contrat était signé, et il n'allait quand même pas abandonner dès sa prise de poste, ce serait absolument et résolument absurde, pas vrai ?

Alors Andreï, aussi vaillamment que le lui permettait les circonstances, acceptait de se plier à ce jeu sordide, une partie qu'il avait accepté de rejoindre de son propre chef, sans être sûr pour autant que c'était une bonne chose, ou même qu'il y gagnerait quoi que ce soit... Il était pour le moment accompagné d'un autre gardien qui tout en le faisant traverser les couloirs y allait de son commentaire sur les règles qu'il lui faudrait respecter, non sans lui adresser au passage un petit pitch bien senti sur chaque prisonnier qui croisait leur "route" (en même temps, où pourraient-ils être d'autres).

Dans la voix de son "collègue" (même si c'était ce qu'il était techniquement, Andreï avait tout de même beaucoup de mal à le considérer comme tel, il devait bien l'avouer, il ressentait combien cet homme méprisait, détestait tous ces sorciers qu'on avait parqués en cage comme ultime jugement (pour ceux qui ne subiraient pas plus tard le baiser du détraqueur). Peut-être devrait-il éprouver la même haine viscérale, mais Andreï en était bien incapable. Il n'oubliait pas d'où il venait, ce pourquoi il était là, et surtout ce qu'il avait fait, et en ce sens, il était bien incapable de regarder aucun de ces hommes qui avaient sans doute, certes, commis des crimes atroces, sans se demander ce qui les avait menés là, et surtout s'ils avaient ne serait-ce que l'ombre d'un regret.

L'homme l'introduisit auprès des prisonniers à voix haute. Andreï n'était pas à l'aise avec l'idée qu'ils connaissent tous, tout à coup, son nom et son prénom, mais il ne protesta pas. Les présentation faite, le gardien ajouta quelques mots à son adresse pour lui suggérer d'aller le trouver s'il avait des questions ou si les choses se passaient mal, puis il prit congé, laissant Andreï seul et un peu hébété, face à une cellule qui s'avérait être celle de Jester Bulstrode.

   

   

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ndreï avait la ferme intention de procéder à son tour de garde le plus silencieusement du monde, et, si c'était possible, sans daigner croiser le regard de ceux qui occupaient les cellules alentours. C'était cruel, quelque part, et il en avait bien conscience, mais il n'avait pas envie de mettre de nom sur ces visages, il voulait s'appliquer à les déshumaniser aussi bien que la prison et les détraqueurs se chargeaient déjà de le faire, car s'il décidait de s'impliquer émotionnellement, plus qu'il ne le faisait déjà, il risquait vraiment de se faire plus de mal que nécessaire.

Une part de lui savait que cette démarche n'était pas la bonne, car c'était même parce qu'il savait qu'il y avait des humains, au-delà des criminels amassés là, derrière ces barreaux, qu'il avait décidé de faire ce travail. Il pouvait prétendre qu'ils étaient tous des criminels et qu'ils avaient tous mérité leur sort, mais il savait pertinemment, en son for intérieur, que ce n'était absolument pas le cas, que ça ne pouvait définitivement pas l'être, parce qu'ils avaient tous leurs histoires, leurs raisons, et pour quelques assassins chevronnés, il y avait aussi des personnes comme June qui étaient au fond bien meilleures que ce qu'on voulait présenter d'eux, et qui auraient mérité que la Justice leur laisse une chance. Oui, il devrait sans doute les considérer au regard de leur potentiel et de leur personnalité, pas au regard de leurs actes, mais il s'en révélait absolument incapable en fin de compte. Il ne pouvait regarder aucun de ces individus dans le blanc des yeux, et moins il s'attardait sur eux, mieux ce lui semblait être. Sauf que même s'il refusait leur attention, ça ne voulait absolument pas dire que la réciproque était vraie, et il devait rapidement s'en rendre compte.

Il sursauta presque quand il entendit cet homme l'interpeler pour faire une remarque au sujet de sa mère. Bien sûr, il connaissait Anya Armyanski, un nom qu'il n'avait pas envie d'entendre, ni dans contexte ni dans aucun autre, en réalité. Mais bien sûr que beaucoup des hommes emprisonnés ici devaient la connaître en réalité... Et il ne savait trop si cette pensée l'inquiétait ou le mettait en colère. Sans doute un peu des deux en réalité.

-Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Vous étiez de grands amis tous les deux, c'est ça ? Amants, peut-être ? Vous seriez pas le premier ni le dernier - encore que si, peut-être le dernier, remarqua-t-il tout en ayant conscience du fait qu'en laissant parler son amertume comme il le faisait, il avait tendance à trop en dire.

Mais c'était plus fort que lui, en réalité. Il était incapable de rester de marbre quand on invoquait ainsi le nom de sa mère. Le sujet était trop délicat. Et le resterait sans aucun doute.
   

   

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A

u moment d'entendre la question de son interlocuteur, Andreï sentit un vent froid lui traverser l'échine - c'était la dernière chose qu'elle avait eu envie d'entendre, très clairement, mais il devait faire avec. C'était compliqué, d'entendre le nom de sa mère. Chaque fois qu'il intervenait dans une conversation, les mêmes sentiments l'envahissaient, toujours plus douloureusement, toujours plus violemment. La tristesse, la douleur, la culpabilité... Autant d'émotions qu'il ne se sentait pas capable d'endurer à l'heure actuelle, et encore moins en présence d'un presque-inconnue. C'était insupportable, vraiment. Il n'avait pas envie d'aborder ce sujet, mais il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Après tout, cette situation est particulièrement complexe en même temps qu'incongrue. Il ne devrait même pas lui répondre et il le savait très bien, cela ne servait à rien... ou bien il devrait se contenter de mentir, ce serait plus simple pour tout le monde. Mais ce n'était pas ce qu'il fit malgré tout.

-Elle est morte.

Son ton était sombre, il ne voulait rien ajouter d'autre. Il n'avait pas envie de l'empathie d'un prisonnier, pas plus que de ses remarques cyniques. En pur provocation, il avait envie d'ajouter "Je l'ai tuée", mais il ne le fit pas... c'était un sujet sur lequel il était préférable de ne pas s'épancher. La mort d'Anya Amyanski avait été une erreur terrible. La mort d'Anya Armyanski avait été une nécessité des plus absolue... c'était une chose de laquelle elle ne voulait surtout pas entendre parler quoi qu'il puisse advenir. Quelle importance cela aurait-il ?

Bien sûr, la curiosité d'Andreï était telle qu'il avait très envie d'interroger son interlocuteur au sujet de sa relation avec sa mère. Avaient-ils été amis ? Collègues ? Amants ? Partenaires de crime ? Mais à quoi cela lui servirait-il de savoir tout cela ? La réponse était des plus évidentes : cela ne lui servirait absolument à rien. Au mieux, cela lui ferait mal, beaucoup trop mal. Tous les souvenirs qu'il pouvait associer à sa mère n'étaient plus que douloureux, à présent. Il s'était senti abandonné, trahi, négligé... et il avait fait un choix si violent, si radical, qu'il le porterait sur sa conscience pour le restant de ses jours. Et puis il y avait June... Non, définitivement, il ne pouvait retirer aucune gloire ni aucun plaisir de tout ceci, bien au contraire, et cette situation ne le lui prouvait que trop bien en définitive. Il n'était pas prêt à avoir cette discussion, et pourtant, plutôt que de prendre la fuite, il restait là et endurait cette discussion qui ne lui plaisait pas le moins du monde et qui lui était terriblement éprouvante, et ce à bien des égards.
   

   

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