J'en reviens toujours pas moi-même, et je ne suis toujours pas convaincu de ne pas juste faire la plus grosse connerie de toute mon existence. En même temps, je sais que je dois quand même arrêter de stagner, et ça vaut pour tout. Il y a des changements que je dois faire, des décisions que je dois prendre depuis trop longtemps, et au lieu de reculer sans cesse, il faut définitivement que je prenne mon courage à deux mains et que je fasse ce qui doit être fait. Ou en tout cas, ce qui peut être fait, sans m'inventer des excuses.

Bien sûr, que j'allais finir par accepter le poste de concierge que Dumbledore me propose. J'ai fait mine d'avoir besoin de temps, de ne pas savoir où j'en suis, mais on va pas se mentir, j'étais très conscient de comment les choses allaient se passer. Je vais donc changer radicalement de vie, et je sais pas ce que ça va donner. Et je me dis que c'est l'occasion aussi de mettre certaines choses à plat.

J'ai décidé de frapper à la porte d'Arabella dans cette optique-là. Bon, pas seulement, mais ça en fait partie, quoi. Je me suis dit plusieurs fois en chemin que je le dirai enfin, et qu'au pire, la franche humiliation à laquelle j'aurais forcément droit passerait plus facilement, parce que dans le pire des cas, je vais passer mon année dans une école perdue dans le trou du cul de l'Ecosse. Dans tous les cas, on ne se reverra pas avant un bail. D'ailleurs, c'est aussi pour ça que je veux la voir, parce que je sais ça, qu'on se reverra pas avant un bail. Et d'un autre côté... je devrais justement en profiter pour partir en catimini. Pas envie de la blesser. Pour rien, en plus. Je déteste les au revoir. Et si je lui dis et qu'il se passe autre chose ? Est-ce que je provoque pas le foirage d'absolument tout ? Je sais pas, j'en sais rien.

Trop tard, je frappe à la porte, le panier qui contient une Missy agitée sous le bras. J'en oublierais presque que c'est pour elle que je suis là, surtout. Pauvre Missy... c'est con mais j'ai pas envie de la laisser. Sauf que j'ai pas le choix.

-Salut, désolé d'arriver sans prévenir, je voulais te parler d'un truc...

Je vois dans son regard qu'elle est soucieuse. Elle a vu que j'avais emmené Missy avec moi, et du coup, elle s'inquiète. C'est normal, bien sûr, mais elle doit pas s'inquiéter. Y a que moi qui ai de bonnes raisons de m'inquiéter. Elle, elle a juste à écouter ce que j'ai à lui dire. Si j'arrive à le lui dire, ce qui est vraiment une autre affaire. Franchement, je sais pas si je vais en être capable. Peut-être pas. Comme le bon gros lâche que je suis, je me vois bien faire marche arrière et ne pas aller au bout de ce que je devrais dire.

Ce serait pas la première fois que ça m'arriverait. Et ce sera pas la dernière fois non plus. C'est comme ça que je suis, faut croire que c'est mon mode de fonctionnement et que je sais pas faire les choses autrement. J'ai bien conscience que c'est pathétique, je le précise quand même. Mais c'est pas parce qu'on a conscience d'être pathétique qu'on arrive à l'être moins. C'est justement parce qu'on est pathétique que c'est d'une difficulté sans nom d'arrêter de l'être. Faut du courage et de la ténacité pour ça. Et moi, j'ai ni l'un ni l'autre.

- Non, non, t'en fais pas, Missy va bien, je la rassure d'office avec une esquisse de sourire vaguement convaincante. Et le reste des mots veut rester bloqué dans mon esprit. Mais il faut que je parle, il faut que je m'exprime. Ce n'est plus possible. Mais... je peux plus m'en occuper. C'est pour ça que je suis là.

Non, ce n'est pas pour ça que je suis là. Enfin si, c'est en partie pour ça, mais pas que. Si ça me déchire le coeur (comme quoi, j'en ai vraiment un) de me séparer de Missy, c'est pas l'idée de m'en séparer que me noue l'estomac, c'est autre chose. Un truc qui veut m'oppresser sans raison car au fond je sais très bien comment ça va finir.

-On m'a proposé un boulot. A Poudlard, t'imagines ? Du coup, je pense pas que je puisse l'emmener. En fait, je ne l'ai même pas demandé. Donc, voilà...

Voilà, non. Je dois dire plein d'autres choses. Mais je m'arrête là.

Je vois la surprise s’afficher sur son visage et j’essaie de déterminer s’il y a plus, ou moins, dans son comportement, comme pour m’encourager à me lancer ou encore à taire définitivement ce que je pense et ressens, à l’enfermer dans une boite à double tour pour ne plus jamais en parler. Mais je ne suis pas doué pour ça (qui a dit que j’étais doué pour rien ?), pour déchiffrer les gens. J’essaie, j’essaie, mais ça donne rien de franchement valable. Est-ce qu’elle est ravie ? Peinée ? Un peu des deux ? Ou juste indifférente ? En tout cas, ce qui est sûre, c’est que ça l’étonne. Je pourrais me vexer, moi qui me vexe toujours pour rien, mais je la comprends. Son attitude est normale. J’ai été le premier surprise, d’ailleurs. Qu’est-ce que je vais aller foutre à Poudlard, moi, je vous le demande ? J’en ai pas l’ombre du début du commencement de la moindre putain d’idée. Mais j’ai accepté, j’y vais.

L’entendre me féliciter me rassure quand même un peu, je me dis au moins que je fais pas la pire connerie du monde. Je sais que ça peut avoir l’air de rien, mais ça veut dire beaucoup pour moi. Vous n’imaginez pas la pression que je me mets tout seul, et je pense que vous pouvez pas non plus imaginer la valeur que la moindre réponse de la part d’Arabella a pour moi. Elle me demanderait, là, tout de suite, d’oublier la requête de Dumbledore et de continuer à m’ennuyer à mon poste actuel, je le ferais, et j’hésiterais pas un instant.

-Oh, c’est vrai ? Dans ce cas…

Je jette un œil au panier de Missy et je me sens un peu con, j’ai même pas pensé à demander si je pourrais la garder avec moi, je me suis dit que ce ne serait pas accepté ou toléré, point à la ligne. Je me sens un peu stupide, à présent, et en même temps soulagé. J’avais aucune envie de me séparer de Missy. Je me suis attaché à elle, l’air de rien. Et elle est ce qui fait le lien entre Arabella et moi, la seule vraie raison qu’elle a de me parler, selon moi, donc forcément, ça compte pour quelque chose.

-Je vais être concierge là-bas… Enfin, larbin, plutôt, si tu veux mon avis. C’est Dumbledore qui est venu me trouver. Je comprends toujours pas pourquoi, mais… C’est la seule occasion que j’aurais jamais d’aller là-bas alors…

Elle ne me demande pas d’explications, je sais très bien, mais je ne peux pas m’empêcher de me justifier, comme si je devais me justifier, m’excuser d’accepter ce poste, alors qu’au fond, même si j’y comprends pas grand-chose, je me trouve quand même chanceux.

Maintenant qu'Arabella assimile mieux la situation, je sens qu'elle est véritablement heureuse pour moi, et le plaisir qu'elle a à savoir que ma vie est en train de prendre un nouveau tournant me rend heureux, moi aussi. Arabella peut savoir mieux que beaucoup d'autres ce que ça représente pour moi d'aller à Poudlard, même si c'est trop tard, même si ce n'est pas pour y étudier. Elle le sait forcément parce que pour tous les enfants de sorciers nés sans pouvoir comme elle et moi, c'est un peu... le Graal, en fait. C'est cet idéal qu'on effleure du bout des doigts et qu'on ne pourra jamais entendre, sur lequel on projette tous nos fantasmes d'humains lambda, qui n'avons pas une once de magie en nous.

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'Albus Dumbledore a vu quelque chose d'exceptionnel en moi pour faire le choix de m'embaucher à Poudlard, je vais éviter de m'aventurer sur ce terrain-là au risque de me faire du mal inutilement, je crois bien, mais j'aime bien l'idée qu'elle puisse le penser, qu'elle puisse s'imaginer que je porte en moi quelque chose de si grand, de si fort, que cela puisse justifier que l'on s'intéresse à moi en ces termes... Je pense pourtant que je ne m'avance pas vers un destin exceptionnel non plus. Je vais simplement faire le larbin, mais dans un cadre magique au sens le plus strict du terme. Et c'est déjà pas si mal.

-Peut-être que je pourrais m'arranger pour te faire visiter, au moins une fois ? je suggère en me sentant pousser des ailes alors que j'ignore si c'est vraiment possible, ce que je raconte.

Il y a de bonnes chances que non. Je suis en train de m'égarer un peu. Mais j'aimerais tellement partager ça avec elle, et voir ses yeux briller en voyant tout ce qui fera sûrement briller les miens aussi. Un petit rêve qui se réalise.

Je sens le rose me monter aux joues quand elle ajoute que je vais lui manquer. Le malaise est palpable, et je suis de moins en moins sûr d'être capable de lui dire ce que je veux lui dire. Mais si je devais guetter une occasion, ben... l'occasion est là.

-Tu vas me manquer aussi mais... enfin, ça nous empêchera pas de nous voir, pas vrai ? J'ai pas du tout envie de m'éloigner de toi...

Le seul fait de voir le regard d'Arabella s'illuminer étire sur mon visage un sourire qu'ils sont très peu à pouvoir prétendre avoir déjà vu sur mes lèvres, en fait, je crois bien qu'elle est la seule à avoir ce pouvoir-là sur moi. J'espère que je ne lui donne pas de faux espoirs, j'espère vraiment que la promesse que je lui fait, totalement en l'air et sans savoir si ça a la moindre chance de marche, pourra être tenue. J'aime l'idée qu'on se promène tous les deux dans les couloirs de Poudlard, sans personne pour nous en empêcher, sans personne pour nous faire remarquer que notre place n'est pas ici. Une sorte de revanche sur la vie, en somme. Je ne peux que remarquer que ça me plairait sacrément.

Enfin, on va éviter de mettre la charrue avant les hyppogriffes et redescendre un peu sur terre, hein, ça vaut mieux. Enfin, je dis ça mais j'ai l'impression de planer à cinq mille. Sans être encore sûr d'être capable de dire ce que je dois dire, je m'en sens de plus en plus dans la possibilité. Parce que j'ai l'impression, infime mais quand même existante, qu'elle ne me rembarrerait pas si j'allais jusqu'au bout. Il y a quelque chose dans ses hésitations, quelque chose dans la manière dont ses joues rosissent légèrement (ce qui la rend particulièrement attirante, au demeurant, encore plus que d'habitude, ce qui veut dire beaucoup).

-Bien sûr, je réponds de façon directe et automatique quand Arabella me fait promettre que, sous le prétexte d'aller travailler à Poudlard, je ne vais pas tout à coup l'oublier.

S'il y a une promesse entre toutes qu'il m'est hyper-facile de lui faire, c'est bien celle-là. Je crois que même un sortilège d'amnésie ne suffirait pas à m'ôter Arabella Figg de la tête. Oui, je vous vois venir, c'est gnan-gnan, ce que je raconte, mais en attendant, c'est la stricte vérité.

-T'es pas facile à oublier, tu sais, j'ajoute avec un profond sentiment de malaise, et mon petit sursaut d'assurance d'il y a une seconde retombe dans mes chaussures. Pathétique. Je suis pathétique. Mais à force, je devrais le savoir.

Bon. D'accord. Je sais pas pourquoi ça arrive, mais c'est en train d'arriver. Arabella vient de déposer ses lèvres sur ma joue. Alors je sais, je sais, c'est bête, c'est anodin, et y a pas de quoi s'enflammer pour autant. Y en a qui se font la bise pour se dire bonjour, même quand ce sont des inconnus, alors bon... faut pas que je commence à m'emballer. Mais en même temps, je connais Arabella, et Arabella me connaît. Y a des gestes de proximité qu'elle évite avec moi, pas par pudeur mais parce qu'elle devine que ça va me mettre mal à l'aise.

Et là, est-ce que je suis mal à l'aise ? Ben pas vraiment, en fait... En fait non, je suis bien, même. Je me sens bien, pour tout dire. C'est fou mais ouais, je suis bien. Je me sens léger. Désorienté. En fait c'est un peu bizarre parce que j'ai l'impression que mon corps a décidé de passer en pilote automatique. Vu la suite, je suppose que c'est un peu le cas, effectivement. Parce qu'il fallait bien que je sois déconnecté de moi-même pour profiter de cette ouvertur pour déposer mes lèvres sur les siennes.

Bon, qu'on se le dise, c'est vraiment pas grandiose. Pas à cause d'elle, hein, mais à cause de moi. Parce que ça dure une fraction de seconde à tout casser, puis je prends conscience de ce qui se passe, je réalise que je viens de l'embrasser, et les rouages de mon cerveau, en pause jusqu'ici, se remettent à fonctionner, mais à toute vitesse, comme pour rattraper le temps perdu. Alors forcément, c'est la panique totale, et résultat des courses, c'est du grand n'importe quoi. Je crois que je la dévisage pendant plusieurs longues secondes comme le dernier des crétins.

Puis je me recule, avec à l'esprit qu'elle va croire qu'elle me dégoûte à voir mon attitude. Mais c'est pas ça du tout. Non, en fait, je suis dégoûté de moi-même, là. Je me sens con, mais con, vous avez même pas idée... C'est. N'importe. Quoi.

-Désolé, c'était idiot, je suis vraiment désolé...

Je crois que je pourrais répéter un milliard de fois que je suis désolé juste pour être sûr qu'elle me croie. Je fais pas le fier, vraiment pas. J'ai envie de m'enfuir, là. Et de disparaître. Pitié.

J'ai l'impression que mon coeur est parti faire un tour sur la Lune, ou encore plus loin. Quelque part sur une autre galaxie. J'ai l'impression que j'ai plus le contrôle sur rien, ni sur mes paroles ni sur mes actes. Et je me sens plutôt stupide, et d'un autre côté, je me sens carrément heureux. C'est juste impossible à expliquer. J'ai envie de me frapper pour mon audace, et de me jeter des fleurs pour mon courage. Et pour que moi, Argus Rusard, je veuille me jeter des fleurs peu importe le contexte, faut vraiment que la situation soit pas comme les autres. Et clairement, elle est pas comme les autres. Cette situation est folle, improbable. Jusqu'ici, elle a eu lieu que dans mes pensées, et l'instant d'après, je me flanquais plusieurs bonnes paires de gifles pour me remettre les idées en place. Mais qu'est-ce qui se passe ?

Je sais pas ce qui se passe. On va me réponse que y a rien de compliqué à comprendre et que faut que j'arrête de déconner. Pas difficile d'observer la situation de l'extérieur et de comprendre que ben, c'est juste deux personnes un peu maladroites qui se plaisent et s'avouent enfin leurs sentiments après avoir tourné autour du pot pendant un bon moment. Ouais, il s'agit jamais que de ça, mais est-ce que je me sens plus à l'aise maintenant que ce constat est fait ? Je sais pas trop.

Je vous arrête tout de suite. Je suis aux anges. Comment je pourrais ne pas l'être. Arabella Figg m'embrasse. Elle. M'embrasse. C'est fou. C'est agréable. J'adore être avec elle. Mieux que ça, je l'adore elle. Alors c'est parfait. Et donc, je me dis déjà que c'est trop parfait, et que d'une manière ou d'une autre, je vais tout faire foirer. Bien sûr que je vais tout faire foirer. On parle de moi, là. Comment est-ce qu'il pourrait en être autrement ? D'une manière ou d'une autre, je vais me foutre dedans, et elle va réaliser que je suis qu'une imposture, et qu'elle a rien à faire avec un type comme moi. Et en plus, je m'en vais à Poudlard, on se verra presque jamais. On dit pas loin des yeux, loin du coeur ? Il faut que t'arrêtes de penser, Argus... vraiment, arrête ça tout de suite. Y a des voix narquoises pour affirmer que ça doit pas être bien difficile pour moi ou alors j'hallucine ?

-Je... Allez, dire un truc intelligent, c'est le moment. Je sais pas quoi te dire, je pensais pas...

Alors non, ça, c'est pas intelligent, c'est complètement con. Bravo, Argus...

Oui, je veux bien croire qu'elle ne pensait pas que c'était ce que je pensais d'elle. Comment est-ce qu'elle l'aurait pu alors que je crois avoir un talent inné pour envoyer paître ceux à qui je tiens, pour détruire tout ce qui me tient à coeur. Je me déteste quand je fais ça. Je me déteste tout le temps, en fait... mais j'arrive pas à m'en empêcher, il faut croire. J'ai dû prendre sur moi pour ne pas juste me saborder encore une fois. J'ai tendance à vouloir gâcher les choses avant qu'elles ne se gâchent toute seule, comme si rien au monde de positif ne pourrait jamais m'arriver. Je sais bien que c'est bête. Je suis même capable de réaliser que je crée mon propre malheur... Mais voilà, c'est plus simple d'être malheureux en sachant pourquoi que de l'être sans comprendre comment. Ce qui ne m'empêche pas, dans un cas comme dans l'autre, de blâmer le monde entier, évidemment.

Quoique là, pour le coup, je suis tout sauf malheureux, et tout ce que je redoute, maintenant, c'est de faire un pet de travers. Si je gâche tout maintenant, je serais le seul à blâmer. Arabella n'aura aucune responsabilité à endosser pour cela. J'endosse la responsabilité de cette nouvelle relation que j'ai tellement peur de faire foirer... Je ne devrais pas songer tout de suite aux échecs que je vais éventuellement essuyer, mais ce serait mal me connaître que de croire que je suis capable de vivre quelque chose de bien.

-Pauvre de moi, je réponds, osant un trait d'humour quand elle me fait remarquer que je suis "condamné" à la voir tous les week-ends. Tout asocial que je suis, je ne considérerais jamais comme une corvée le fait de la voir.

En fait, c'est même tout l'inverse, elle est la seule personne que je connaisse que je pourrais voir absolument tous les jours de ma vie, je crois, sans jamais me lasser, sans jamais avoir le sentiment de perdre mon temps. Et c'est un privilège, vraiment, parce que beaucoup de monde n'ont pas cette "chance". Quand je dis que je suis quelqu'un de misanthrope, ce n'est pas une plaisanterie, loin de là.

-Je crois que je devrais pas avoir trop de mal à y survivre, j'ajoute avec un léger sourire avant d'oser l'embrasser de nouveau.

Dans son panier, Missy grogne et feule. A croire qu'elle est jalouse.

J'affiche un sourire en entendant la remarque d'Arabella. L'humour, ce n'est pas mon fort, il ne faut pas compter après moi pour les grosses parties de rigolade, clairement, et encore moins pour faire des blagues qui fassent mouche et ne tombent pas à plat, et pareil, ce n'est pas simple de réussir à me faire rire, mais la douceur et le naturel de la jeune femme fonctionnent à tous les coups sur moi, surtout parce que je sais qu'elle n'est que bienveillante envers moi. Et puis, oui, c'est plutôt drôle... Surtout que je ne la crois pas, même si Missy n'est pas juste un chat. En tant que chat-fléreur, il peut vraiment commencer à jouer les espions s'il le décide. Oui, Missy est très intelligente, tout à fait, je ne peux pas dire le contraire.

-Oui, je l'emmène, je confirme alors simplement.

Puisque j'y suis autorisé, je ne me vois pas aller à Poudlard sans elle. Je suis un solitaire, c'est comme ça, mais c'est vrai que depuis que j'ai Missy, eh bien, je suis un solitaire avec un chat. C'est difficile à expliquer, mais Missy, c'est un peu comme ma fille. Je sais que c'est bizarre à dire, mais je le pense véritablement. En tout cas, oui, j'ai l'intention de l'emmener, il trouve que c'est mieux.

-Comme ça, je garderai un peu de toi avec moi.

Bon sang ce que c'est niais. Je vous en supplie, franchement, qu'on me fasse taire. Je me sens ridicule. Parce que le pire, c'est que je le pense, je le pense vraiment. Mais c'est pas une raison pour le dire malgré tout. Mais oui, forcément, je sais que ça va pas être simple, à Poudlard, je vais me retrouver entouré de sorciers qui vont tous se sentir supérieurs à moi (parce que c'est leur truc, à ces crétins), et j'aurais bien besoin de soutien. J'en aurais, à distance, de la part d'Arabella, mais ce ne sera pas la même chose. En tout cas, je ne sais vraiment pas comment ça va se passer, mais j'appréhende un peu moins maintenant que les choses sont plus claires entre nous deux. Elle ne peut pas savoir à quel point cette conversation me fait du bien. A quel point elle me fait du bien.

- Y a rien de plus difficile que de t'oublier, tu sais, que je lui dis avec sûrement beaucoup trop de sincérité, et que je regrette presque aussitôt.

Même s'il faut croire qu'on est ensemble, maintenant, et que j'ai réussi par je ne sais quel miracle à lui plaire et à la convaincre d'être avec moi, je sais que le but de la manoeuvre, maintenant, ça va être de la convaincre qu'elle a fait le bon choix afin qu'il ne lui prenne pas l'envie de faire machine arrière. A tout moment, si je dois être honnête, je m'attends à ce que la situation dégénère, qu'elle fasse machine arrière, qu'elle se dit que cette situation n'en vaut pas la peine. Et je sais que si j'en fais trop, je vais m'enterrer moi-même, et ce sera tout sauf une bonne chose.

Mais j'ai parlé normalement, avec le cœur. Et c'est vrai, y a rien de plus difficile que de ne serait-ce qu'essayer de l'oublier. Parce que j'ai tenté, quand je me suis dit que ça ne mènerait absolument nulle part, parce que je me suis dit que je m'accrochais à des espérances qui n'avaient aucune chance de mener où que ce soit. Bref, j'ai essayé de l'oublier, oui, sauf que c'est impossible, parce qu'Arabella Figg est une fille vraiment exceptionnelle, et que je trouve absolument magnifique.

Heureusement, Bella me donne une bonne occasion de rapidement me faire oublier ma réflexion, et c'est très bien comme cela. Elle me propose de sortir faire un tour à l'extérieur, et ça me va très bien. Je n'ai pas besoin de grand-chose dans tous les cas. Juste prendre du temps avec elle, marcher tranquillement, dans un parc, main dans la main, ça me va très bien. Surtout que ce ne sont pas des choses dont j'ai l'habitude, pour tout vous dire. Je découvre ce que c'est que d'être dans une telle situation, et j'ai envie de profiter de chaque moment, même si je ne sais pas du tout comment cette situation évoluera. Je continue de redouter de tout faire foirer. Je ne pense vraiment pas que ça pourra durer. Mais pour l'instant c'est là, c'est le début. Et il faut bien que j'en profite.

-Oui, avec plaisir.