ft. Leta Lestrange

Il y avait deux choses vraies que beaucoup de gens répétaient bien souvent et qui étaient arrivées dans la vie de Xena. La première de ces choses, c’était que les enfants étaient des éponges qui absorbaient toutes les émotions qui les entouraient. Alors qu’elle n’était qu’une petite fille, Xena avait fait siennes la peur, la solitude, l’angoisse et la violence. Toutes ces choses dont sa vie était pleine, toute ces choses dont sa vie débordait. Car, après tout, comment faire autrement ? Comment fermer les yeux quand elle voyait le sang couler du visage de sa mère, mélangé aux larmes qui coulaient de ses yeux ? Comment ne pas voir les bleus sur ce corps si frêle ? Comment être sourd aux cris déchirants qu’elle poussait dans l’appartement ?

La deuxième chose qui s’était avérée véridique, Xena en étant l’exemple concret, c’était que la haine n’était pas quelque chose qui se créait, mais quelque chose qui se transmettait. Frédéric Hart avait vécu et vivait encore aujourd’hui avec une haine sans nom, ancrée au plus profond de lui. Xena n’était pas sa fille et, pourtant, elle avait hérité de lui cette colère sourde et infatigable qui lui tordait les tripes à chaque instant, la broyant, l’enflammant de l’intérieur sans jamais lui laisser le moindre répit. Parfois, c’était si intense que Xena avait juste besoin de cogner. Trouver quelque chose, ou quelqu’un, et le réduire au néant par la force de ses poings. Comme lui, comme Frédéric avant elle. Mais elle ne se laissait que rarement aller. Parce qu’elle n’était pas comme lui, parce qu’elle refusait d’être comme lui.

Alors Xena vivait avec cette duplicité en elle : d’un côté, elle semblait toujours calme, posée, froide et distante du monde qui l’entourait. De l’autre, c’était un condensé de rage pure qui, si elle venait à être lâcher sur quelqu’un, pourrait causer des dommages funestes. Ces deux facettes d’elle-même lui donnaient parfois l’impression d’être complètement folle. Et le pire, pire encore que d’avoir toute cette colère en elle, c’était de ne trouver aucun écho à tout ça au dehors, chez personne.

Ça avait un peu changé quand Xena avait rencontré Leta. Elle était plus jeune, alors, et son aînée l’avait prise sous son aile, sans trop que la gamine ne comprenne pourquoi. Mais dans l’était instable de Leta, dans le caractère imprévisible de sa personnalité, Xena avait trouvé un miroir. Un miroir difforme, comme dans les cirques, certes, mais tout de même.

Alors, ça ne dérangeait pas Xena de se rendre dans l’Allée des Embrumes pour retrouver Leta. Ça ne la dérangeait pas de côtoyer l’endroit le plus mal famé du Londres Sorcier pour la voir. Après tout, ici, il y avait comme ces notes de son ancienne vie qui lui revenait en pleine figure, elle n’était donc pas si mal à l’aise que ça. C’était même plutôt le contraire : elle avançait avec une certaine aisance au milieu des paria, des rebus de la société qui avaient choisi de s’exiler ici.

Xena arriva dans un pub peu reluisant. Elle n’en fit pas cas, poussa la porte, entra. Des discussions à voix basse, des regards torves, des présences menaçantes. Par Merlin, si Xena avait été en poste, elle aurait eu de quoi coffrer ici. Mais, pour aujourd’hui, elle dissimulait juste son visage sous une capuche, mettant son insignes au placard. Elle était la première arrivée, de toute évidence : Aucune trace de Leta dans les parages. Alors la jeune femme alla à une table, au fond, et attendit.

Quand sa protectrice arriva, Xena lui fit signe. Etrangement, un mouvement d’affection, d’attachement, la prit. Elle en aurait presque souri. Leta était une des personnes qu’elle appréciait vraiment, dans sa vie de solitaire. Et ce n’était pas sain. Mais Xena n’était pas saine non plus. Alors, tant pis pour tant pis…

- Bonjour, salua Xena quand Leta s’assit en face d’elle. Tu as l’air fatiguée. Tu t’en sors ?

L’affection ne rendait pas Xena moins rêche. Elle ne connaissait pas la douceur, bien malgré elle. Mais y avait-il vraiment besoin de douceur entre elles ?

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ft. Leta Lestrange

Xena avait une forme étrange d’affection pour Leta. Elle n’avait pas envie de la protéger, elle n’avait pas envie de la dorloter ou de la faire aller mieux, parce que ce n’était pas son rôle – et ce n’était celui de personne, au final. Mais elle aimait la compagnie de la sorcière. Elle aimait parler avec elle, être avec elle. Elle se sentait aussi bien qu’elle pouvait l’être avec Leta. C’était comme trouver un écho, trouver un miroir en face d’elle. Certes, ce miroir était un peu ancien, un peu abîmé, déformé, mais il renvoyait toujours l’image, et l’état dans lequel il était ne manquait pas d’une certaine beauté. Xena sentait une force brute sous l’apparence parfois calme de Leta. Une force instable, qui menaçait d’exploser à tout moment, et Xena se sentait proche de cette énergie violente qui vibrai sous la surface.

Elle se doutait que Leta trouvait également en elle cette réflexion. Elles étaient liées, d’une certaine façon. Elles s’étaient trouvées un peu par hasard et, si Xena n’avait pas totalement était contre cette idée, on aurait pu parler de destin. Car Leta était un des avenirs possibles pour Xena. C’était un des chemins qu’elle pouvait emprunter par ses actions. Mais cela n’intéressait pas la jeune femme : elle ne se souciait pas de son avenir. Xena ne faisait jamais de projets. Elle agissait dans le présent, sombrait parfois quelques temps dans le passé, mais ne se projetait que très rarement plus loin. Comme Leta, elle se laissait porter par ce qu’elle faisait sur l’instant. Encore un point commun entre les deux sorcières.

- Je te dirais bien d’essayer de te reposer, mais ça ne se contrôle pas, ce genre de chose.

Xena en savait quelque chose. Elle dormait peu, voire parfois pas du tout quand son esprit refusait de la mettre en veilleuse. Le moindre bruit la tirait du sommeil. Son corps était toujours prêt à réagir, à se défendre, à attaquer. Elle était toujours sur le qui-vive, ne se détendait jamais vraiment. Un peu comme Leta, qui ne faisait qu’avancer, sans jamais se poser.

- De toute façon, vu la situation, ma question est stupide, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Et tout est comme d’habitude au Ministère. Les gens sont lents, ils paressent, j’ai l’impression qu’ils sont toujours au ralenti. Ou alors, c’est moi qui vais trop vite, va savoir. En dehors de ça, rien de nouveau, toujours les mêmes affaires qui tournent en boucle, vol, drogues, crimes…

Au final, Xena n’avait jamais vraiment quitté le milieu dans lequel elle avait grandi. Elle était juste passée de l’autre côté de la barrière mais elle regardait toujours cette violence dans les yeux, lui faisant face, basant sa vie sur elle. Et pourtant, étrangement, elle aimait son travail. C’était une des seules choses qui lui plaisaient vraiment. Quel dommage que ce ne soit qu’une façade, une décision qu’elle n’avait pas prise. Elle était là comme un pion, une marionnette qu’on avait envoyé là pour exécuter un tour. Quelle tristesse.

- Ton échappée n’est pas passée inaperçue, bien sûr. Ce n’est pas une grande priorité, mais c’est sur la table. Après tout, ils ont un dossier coriace sur toi.

Oui, « ils ». Xena, elle, se fiche bien de ce qu’a pu faire Leta. Qu’elle ait enlevé un gosse, ça lui passe franchement au-dessus. Les gens font bien ce qu’ils veulent tant que ça n’influe pas sur sa vie. On pourrait penser qu’avec ce qu’elle a vécu étant enfant, elle penserait différemment, mais ce n’est pas le cas. Elle a fini par trouver du bon dans la violence. Certes, elle a souffert, elle a subi, mais, aujourd’hui, elle est forte, plus forte que la plupart des gens qui l’entourent, et elle survivra. Les autres… ceux qui l’ont eu belle… Ce ne sont que des moutons, des créatures dociles qui se laissent portées.

Et quand les portes de l’abattoir se dresseront devant elles, il sera déjà trop tard.

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ft. Leta Lestrange

Xena ne supportait pas perdre le contrôle. Elle avait pourtant passé la majorité de sa vie à se laisser porter par la tempête qui bousculait son quotidien… et c’était bien pour ça qu’elle refusait que ça arrive une fois de plus. Son emploi du temps était précis, ses réactions étaient précises, ses gestes, ses décisions… Néanmoins, Xena sentait bien que tout ça, ce n’était que de la surface. Qu’au fond d’elle, il y avait quelque chose qu’elle ne maîtrisait pas, et qu’elle ne maîtriserait sûrement jamais.

Et elle savait que Leta comprenait ça. C’était ce qui était agréable avec elle : elle savait, voilà tout.

Tout comme elle savait que son travail pouvait passablement lui taper sur les nerfs. Attention, il ne fallait pas s’y tromper : s’il y avait bien une chose dans sa vie que Xena aimait réellement, c’était son travail. C’était le fruit du hasard plus que d’une véritable décision, puisque c’était Tobias qui avait décidé qu’elle travaillerait à la Police Magique, mais elle s’était découverte plutôt douée pour ça et appliquée dans son travail. Néanmoins, elle ne supportait pas le manque d’implication qu’elle constatait chez ses collègues. Elle les trouvait lents, mais lents ! Parfois même totalement incapables. Comment est-ce que Nobby pouvait accepter de s’entourer de ce genre de personnes ? Ce n’était pas pour se vanter, mais heureusement que Xena était là pour être efficace. Avec elle, ça ne traînait pas.

Enfin bon, parfois, cette lenteur avait de bon côté. Quand ça concernait le dossier de Leta, par exemple.

- J’ai essayé de récupérer le dossier, mais ils l’ont confié à quelqu’un d’autre, ce qui n’est pas plus mal. Si j’avais traîné en longueur, ça aurait paru suspect, tandis que c’est monnaie courante pour Jefferson, alors si en plus tu te fais discrète, il mettra des années à faire quoi que ce soit de probant, répondit Xena en haussant sèchement les épaules.

Jefferson n’est pas bien doué avec la théorie. En revanche, lorsque l’arrestation est effective, là, il peut être… utile. Alors Xena ne s’inquiète pas vraiment : non seulement, avoir confié ce dossier à cet homme montre à quel point il n’est pas une priorité, mais en plus, le temps que Jefferson trouve une piste valable, on a le temps.

- Je ne m’en fais pas pour ça : c’est pas maintenant qu’ils vont te coller aux basques, tu peux être tranquille. Profite.

Dire de profiter à Leta, pour beaucoup, ce serait une mauvaise décision. Mais quoi ? Lui dire de se cacher, de faire attention ? Ce n’est pas aussi simple – rien n’est simple. De plus, Xena a confiance en sa « marraine la bonne fée » : elle est loin d’être bête, elle sait ce qu’elle a à faire. Elle n’a pas besoin que Xena fasse du babysitting. De toute façon, la Baguette d’Elite a bien d’autres choses à faire.

- D’ailleurs, une idée du prochain mouvement, ou bien tu comptes rester dans le coin pendant un moment ? Tu dois t’ennuyer comme un rat mort ces derniers temps, y’a pas grand-chose à faire dans le coin.

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ft. Leta Lestrange

Xena menait, en apparence, une vie très simple : elle se levait le matin, allait au travail, mangeait, continuait à travailler, rentrait chez elle le soir et recommençait tout le lendemain matin. Sans jamais faire de vagues, elle passait plus ou moins inaperçue dans la masse. Pourtant, rien n'était aussi simple qu'il n'y paraissait, car Xena marchait constamment sur le fil du rasoir. En tant que membre de l'Hydre, elle cachait beaucoup de choses, jouait sur les apparences bien plus souvent que ce qu'on pouvait soupçonner, surtout au Ministère. Son travail, elle ne l'avait pas choisi, même si elle l'aimait beaucoup : c'était Tobias qui avait décidé de cette couverture. Alors, en un sens, Xena était une espionne au sein du Ministère : elle écoutait, regardait et, quand elle le pouvait, elle intervenait en faveur de son camp pour faciliter les choses.

Malheureusement, cette fois-ci, elle n'avait rien pu faire pour le cas de Leta. Ça la dérangeait, en un sens : pour une fois qu'elle aurait aimé aider quelqu'un – et ce pas forcément dans l'intérêt de l'Hydre – elle se retrouvait impuissante. Xena ne pouvait plus que s'assurer que Jefferson soit encore moins assidu qu'à l'accoutumé. Elle comptait également faire en sorte d'effacer les traces de son amie autant que possible, mais elle ne pouvait pas faire de miracles. Entre Leta et sa place dans l'Hydre, Xena privilégierait toujours la seconde option, peu importait à quel point elle appréciait sa « marraine ». Après tout, c'était le serment qu'elle avait fait à Tobias et, sans ça, Xena n'avait plus rien…

Enfin bon. Le cas de Leta n'était qu'en suspend, Xena le savait. Elle ne pourrait que retarder l'inévitable. Parfois, Xena admirait ce côté de Leta, cet aspect que d'autres redoutaient – et que Leta elle-même devait détester, quelques fois. Cette façon qu'avait son amie de se laisser aller à ses impulsions, cette liberté spontanée que son inconscient prenait comme une bombe qui explose soudain… Et puis Xena se souvenait qu'elle, elle n'avait pas le droit à ce genre de coups de folie et elle durcissait sa carapace, donnait un coup de clé supplémentaire pour resserrer la vis. Et puis, qu'y avait-il d'enviable à ses embardées brutales ? Celles de Xena ne s'étaient jamais bien finies, la jeune femme savait bien que ce n'était pas quelque chose de bon…

En écoutant Leta, Xena réfléchit. Elle aurait bien aimé être utile à son amie, mais c'était compliqué… Elle-même avait les pieds et les poings liés par Tobias. Elle ne pouvait pas prendre de décisions trop importantes sans le contacter avant car elle se devait d'agir dans son intérêt… Mais d'un autre côté, laisser Leta de côté n'était pas une solution. A la laisser désoeuvrée, Ignatius s'exposait à davantage de coups d'éclats de sa part. L'occuper, au moins un peu, avec de petites affaires, était plus indiqué pour lui permettre d'agir efficacement.

- Ignatius est prudent, ça peut se comprendre, répondit lentement Xena. Mais je pense qu'il fait une erreur. Il devrait te confier des missions. Pour ma part… Je ne sais pas si je peux faire grand-chose. Je mène mes petites enquêtes de mon côté, j'ai quelques pistes à suivre. Ce serait surtout de l'observation, expliqua la jeune femme. Pister, se renseigner… Tu serais tentée ? C'est tout ce que j'ai à te proposer pour l'instant.

Il fallait toujours chercher, débusquer les ennemis. Le savoir, c'était le pouvoir, Tobias ne cessait de le répéter. Néanmoins, ce n'était pas une mince affaire : les quelques pistes potentielles que Xena avait en tête étaient des personnes du Ministère avec quelques habitudes étranges, certains comportements qui pouvaient potentiellement indiquer une appartenance aux Mangemorts, peut-être… Alors lancer Leta à leurs trousses pouvait être une prise de risque. A voir.

De toute façon, Leta était une prise de risque à elle toute seule.

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ft. Leta Lestrange

La réponse de Leta n’étonna pas Xena. Il était certain que la discrétion n’était pas son point fort. Au final, était-ce une bonne idée de confier cette tâche à son amie ? Peut-être pas. Mais la laisser les bras ballants n’était pas une meilleure idée. Il fallait savoir rééquilibrer la balance, au moins pour un temps. Occuper ses pensées suffisamment longtemps pour trouver une nouvelle occupation. Pour l’instant, c’était le mieux que Xena pouvait faire. Un sourire étira légèrement ses lèvres. Elle verrait bien. Avec Leta, il fallait se contenter de voir venir, voilà tout. Et si Xena sentait que les choses se mettaient à déraper, elle viendrait reprendre les choses en mains. Cela impliquerait, bien sûr, de garder un œil sur son amie, voire même peut-être les deux. Mais c’était pas plus mal, au fond : mieux valait que ce soit Xena qui le fasse, plutôt que quelqu’un d’autre qui comprendrait moins la situation.

- On verra bien comment ça se passera. Fais au mieux et on avisera ensuite. Mais essaie quand même de ne pas te faire remarquer. Ce serait pas bon pour les affaires, ni pour toi non plus, d’ailleurs. Surtout pour toi, en fait, ajouta Xena en portant son verre à ses lèvres.

Xena n’avait pas envie d’être responsable d’un nouvel internement de Leta. Elle avait toujours eu l’impression que ça lui faisait plus de mal que de bien, de toute façon. Leta ne pouvait pas juste être mis en cage : il ne fallait pas l’enfermer, mais l’accompagner. Même si parfois ça voulait dire essayer de comprendre ses raisonnements parfois à des lieues de ce qu’on pouvait comprendre soi-même. Xena n’avait pas trop de mal à ce petit jeu, étonnamment : après tout, en un sens, elle devait être aussi détraquée que son amie.

Un nouveau sourire étira les lèvres de Xena. Décidément, elle aimait vraiment bien Leta.

- Tant de bonté pour ma personne… Je suis touchée Leta, ce n’est pas souvent que…

La porte du bar s’ouvrit et la voix de Xena mourut dans sa gorge. Par la Fée Morgane toute puissante, voilà qu’elle était bien. Sur le seuil se tenait la silhouette d’un homme de taille moyenne, les cheveux coiffés en arrière par une quantité astronomique de gel ; sa bedaine dépassait de sa cape et il était court sur pattes. Sa capuche ne cachait presque pas son visage, brutalement taillé, comme s’il sortait d’un bloc de pierre. Drôle de mélange, mais c’était un mélange que Xena connaissait. Elle savait parfaitement à quoi ressemblait ses collègues quand ils étaient sous couverture et elle ne s’y trompait pas.

D’un mouvement sec, Xena tira sa baguette de sa manche et l’agita en directement de Leta. Ses cheveux se colorèrent en blond et sa peau se mit à blanchir à vue d’œil. Ça suffirait pour l’instant.

- Ne te retourne pas. Continue comme si de rien n’était. Sirote ta boisson, ajouta-t-elle en faisant apparaître d’un nouveau coup de baguette une tasse et une soucoupe, identiques à celles de la table d’à côté – vides, bien sûr.

De son côté, Xena tira sur sa capuche, s’enfonçant dans l’ombre de son vêtement.

- C’est bien ma veine. Apparemment, le karma n’est pas de mon côté. Jefferson vient d’entrer dans le bar. A mon avis, il va commander une boisson, s’installer à une table dans un coin et observer tout le monde un par un. Partir sans se faire remarquer risque d’être compliqué…

Par Viviane, c’était pas le moment. Non seulement Leta risquait gros, mais Xena aussi. Que dirait son collègue s’il la voyait avec une fugitive dont il avait le dossier sur son bureau ? La situation n’était pas bonne. Soudain, Xena eut envie de se retrouver partout sauf ici. Elle n’aurait peut-être pas dû venir voir Leta. L’allée des Embrumes, ce n’était pas un endroit où on était en sécurité : les flics y étaient mal vus, mais présents tout de même, et Xena était une des mieux placées pour le savoir.

Quelle erreur. Mais bon, dans tous les cas, rien qu’un bon sortilège de confusion ou d’oubliette ne puisse régler. Alors pour l’instant, profil bas et bouche cousue. Tout ce que Xena espérait, c’était que Leta suive son exemple.

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ft. Leta Lestrange

Par Merlin. Xena savait qu’elle n’était pas née sous une bonne étoile, mais tout de même, avoir de la poisse à ce point, c’était à la limite de l’indécence. Heureusement que la jeune femme avait une réactivité à toute épreuve : les quelques changements qu’elle avait apportés à Leta ne trompaient personne lorsqu’on regardait son visage de plus près, mais ils étaient suffisants pour ne pas attirer l’attention sur son amie. Et pour l’instant, c’était tout ce qui comptait.

A cran, Xena laissa tout de même échapper un petit sourire en coin en réponse aux mots de Leta.

- Ah ça. Je crois que c’est une idée qui ne déplairait à personne, d’être quelqu’un d’autre…

Xena avait elle-même souvent souhaité changer radicalement de vie, ce qui n’était bien sûr jamais arrivé. Elle était restée coincée dans sa propre peau tout du long de ces vingt-sept dernières années. Elle avait sûrement fini par s’y faire, à force. De toute façon, quel autre choix avait-elle ? Même si l’occasion se présentait, Xena se savait incapable de la saisir. Elle ne pourrait pas entrer dans le moule, jamais, et c’était bien ce statut de paria social qui la liait à Leta. Ni l’une ni l’autre ne seraient jamais apte à vivre pleinement avec les autres, comme des gens normaux. Alors elles s’entraidaient : Xena venait de sauver la mise de Leta, cette dernière lui rendait la pareille. La jeune femme aurait pu accepter, mais… Elle n’aimait pas la sensation d’être à la merci de quelqu’un d’autre, même pour un simple sort de métamorphose. Elle n’avait certes pas pris ça en considération en transfigurant Leta, mais c’était un cas d’extrême urgence : Leta courait un grave danger, tandis que Xena pouvait s’en tirer par une pirouette.

- Non, c’est bon, ça ira, merci, répondit-elle. Si Jefferson me remarque, il ne dira rien, pour ne pas se faire remarquer. Je n’aurais qu’à me justifier plus tard, je lui dirai que j’essayais de convaincre un nouvel indic. T’en fais pas pour moi, je gère.

Xena était une taupe, et elle en avait parfaitement conscience. Pourtant, paradoxalement, elle adorait son travail et c’était un crève-cœur à chaque fois qu’elle devait le mettre en jeu – ce qui était un enjeu de tous les instants, au final. Pourtant, elle n’avait pas le choix : elle devait juste faire semblant. Semblant d’être une employée modèle qui réussissait toutes ses missions, qui ramenait de bons résultats et qui, outre quelques excès de violence, n’avait aucune tâche sur son dossier. En réalité, c’était totalement différent.

- Jefferson est un vieux flic, pas très bon, pas très mauvais non plus, qui est meilleur derrière un bureau que sur le terrain, expliqua Xena. Il aime bien les missions de repérage, pourtant : observer, relever des informations, sans avoir forcément besoin de se battre. Il est pas bien doué de sa baguette mais il est stratégique – même si, en temps normal, la flemme retient son esprit. En somme, pas un gros danger, mais à ne pas sous-estimer, ce serait une erreur.

Un moment de silence passa, pendant lequel Xena joua avec son verre vide. Puis elle reporta son attention sur Leta.

- Est-ce qu’il y a un endroit où je peux te retrouver ? Autre qu’ici, j’entends. Un endroit sûr où je peux te contacter ? Je te ferai passer les informations que j’ai à cet endroit, si possible. Comme ça, tu pourras commencer à mener tes petites enquêtes, et ce sera plus simple pour que je récupère les informations… C’est trop risqué de tout te donner ici. Je pense qu’il serait plus prudent qu’on se sépare maintenant, tant qu’on est sûres de ne pas attirer l’attention, ajouta la jeune policière en lançant un regard en coin à son collègue, plus loin, qui lisait son journal, mine de rien. Sinon, on se retrouve ici la semaine prochaine, je t’aurais tout noté.

Xena reposa les yeux sur son amie, attendant sa réponse, puis hocha la tête. Un nouveau regard vers Jefferson, un à sa montre. Il était temps de se retirer. Elle regrettait de devoir quitter Leta si vite, mais il fallait faire attention : ils avaient besoin de tous les membres de l’Hydre en action, et pas enfermé quelque part. Leta ne méritait pas ça, de toute façon.

- Ça m’a fait plaisir de te voir. J’ai l’impression que tu te portes relativement bien, ça me rassure.

Xena sortit quelques gallions de sa poche et les posa sur la table.

- C’est pour moi, ajouta-t-elle en désignant les boissons. On va sortir ensemble.

Jefferson ne les vit pas passer quand elles marchèrent vers la sortie. Une fois dehors, Xena respira mieux.

- Prends soin de toi, Leta. Eclate toi, mais prends soin de toi. Et gaffe, t’as les flics aux fesses, même si c’est juste Jefferson et son cerveau de mollusque.

Un dernier signe d’au revoir, et Xena s’enfonça dans les ruelles sombres de l’allée des Embrumes. Elle espérait sincèrement que Leta ne se mettrait pas trop en danger – car, de toute façon, Leta se mettrait en danger, quoi qu’il arrive.

Codage par Libella sur Graphiorum