Les vacances de Noël était définitivement passées trop vite, et même si Clarice avait essayé de respecter à la lettre les recommandations de Zelda, elle ne pouvait pas vraiment prétendre être sortie reposée de cette période de festivités qui avait forcément inclus un certain nombre de visites, dont certaines aux Black, puisqu'il s'agissait de jouer les parfaites futures fiancées... Cacher la souffrance, le mal physique qui la rongeait à l'intérieur et faire comme si de rien n'était. Heureusement, elle était douée pour ça.

Non, les vacances n'avaient pas été reposantes, surtout que même si ses parents s'étaient pliés, comme toujours, en quatre pour elle et lui avaient, comme à leur habitude, tout laissé passer, elle n'était pas totalement aveugles, elle sentait bien que les tensions entre ses deux parents étaient plus prononcées que jamais. En temps normal, ça l'arrangeait de se jouer de leurs désaccords pour qu'ils lui profitent à elle, mais là... C'est comme si cette tension ambiante lui pénétrait le coeur, et ça lui faisait du mal. Elle en était presque contente de rentrer à Poudlard.

Même si elle ne se sentait pas complètement d'attaque pour la reprise. Elle avait beaucoup de mal à se concentrer depuis la rentrée, et autant parfois, elle faisait juste preuve de mauvaise volonté, rien d'autre, autant là... vraiment, elle était juste... mal. Mais il fallait qu'elle ronge son frein et prenne sur elle, elle n'avait pas le choix.

Elle avait décidé après les cours de faire un tour dans le parc. Malgré le froid encore présent, beaucoup d'élèves s'y aventuraient, il faut dire que le temps restait malgré tout très ensoleillé depuis quelque jours. Et le vent frais qui lui fouettait le visage lui faisait au fond du bien.

Elle se sentait proche de l'état de crise. Elle avait clairement besoin de se défouler. Alors, forcément, quand son regard croisa celui de Lynna, décision fut rapidement prise de ne pas la laisser tranquille trop longtemps. Elle ne pouvait pas la blairer. A ses yeux pour de bonnes raisons. Même si elle n'avait pas réellement besoin de raison pour s'en prendre aux autres, du moment que ça l'amusait.

"Connor, t'as l'intention de passer toute la nuit ici ? Si c'est le cas, j'admire l'initiative. Je me ferai un plaisir d'être la première à venir chercher ton corps congelé demain matin."

" Salut Carrow. Oh t'en fais pas, pour ça, je te fais confiance, je n'ai aucun doute."

Elle pouvait, elle pouvait. Quand il était question de pourrir l'existence des personnes qu'elle trouvait insupportable, la vert et argent était réellement capable d'une imagination sans bornes, le genre qui réussissait presque à lui faire oublier la douleur de la maladie quand cette dernière devenait un peu trop préoccupante.

Pas au point qu'elle parvienne à faire totalement abstraction non plus, mais suffisamment pour qu'elle fasse illusion, en tout cas. Alors oui, Lynna devait bien se douter que Clarice se jetterait toujours sur le moindre prétexte à venir l'emmerder comme un chien se précipiterait sur son os. Est-ce qu'elle en avait honte ?

Pas vraiment, non. Elle trouvait que c'était une très saine activité, et elle ne voyait vraiment pas où était le mal. En plus, la rouge et or avait du répondant et savait parfaitement se défendre, alors l'un dans l'autre, pourquoi s'en priverait-elle ? Au contraire, c'était son activité préférée. Oui, ça avait le mérite de lui détendre les nerfs, il n'y avait vraiment rien de mieux.

"Dis-moi, tu n'as rien à faire ? Mais non suis-je bête, passer son temps à venir embêter les autres sorciers comme moi c'est plus intéressant, non ? "

Non, en effet, elle n'avait rien à faire pour le moment. Enfin si, elle pourrait travailler, elle pourrait lire, elle pourrait se reposer comme l'infirmière le lui recommandait, mais elle n'avait pas envie de faire quoi que ce soit de cette nature pour le moment. Elle avait envie de se détendre, de passer ses nerfs et sa frustration. Lynna était dans son champ de vision, alors elle devrait en subir les conséquences. C'était aussi simple que cela.

"Oui, tu as tout compris, Connor, je n'ai rien de mieux à faire pour le moment, j'ai tout mon temps à te consacrer", affirma-t-elle. Elle avait été tenté de demander "plus intéressant que quoi ?", mais elle ne voulait pas laisser ce genre d'ouverture à son interlocutrice. "Et tout dépend des autres sorciers. Les sorciers qui représentent un véritable gâchis et la honte du monde de la magie n'ont que ce qu'ils méritent quand on décide de gâcher leur journée. Et encore, si tu veux mon avis, tu mériterais bien pire."

- Tu te crois réellement au dessus de nous avec ce comportement? C'est plutôt toi qui fait honte Carrow. Remets toi un peu en question.

Clarice haussa les épaules, indifférente aux propos de son interlocutrice. Oui, elle se croyait au-dessus d'elle, de tous ceux qui étaient comme Lynna, de tout le monde, en réalité. Clarice avait d'elle-même une estime si haute qu'il était vraiment impossible de la faire redescendre.

Alors les propos glissaient sur Clarice sans l'atteindre. Elle n'avait pas l'intention de se remettre en question, non, jamais. Car Clarice estimait qu'il n'y avait absolument rien chez elle dont elle doive avoir honte ou qu'elle doive ne pas supporter. Clarice s'estimait belle, intelligente, cultivée, charismatique... que ces qualités soient objectivement vraies ou non, ce n'était pas important. Clarice se croyait au-dessus de tous les autres. Sans la moindre exception.

Et elle n'appartenait pas à cette catégorie de personnes qui se mettaient en valeur pour dissimuler l'une ou l'autre insécurité. Non, les airs supérieurs de la vert et argent lui venait d'un réel sentiment de supériorité, qui lui venait d'une éducation d'enfant-roi, qui lui avait laissé croire qu'elle avait droit à tous les privilèges du monde, que tout lui était acquis et mieux encore qu'elle avait le droit de tout exiger.

- Je mériterais pire? Alors dis moi ce que je mériterais alors.

S'il n'y avait que ça pour lui faire plaisir, ça ne dérangeait pas du tout Clarice que de faire à Lynna l'inventaire de tout ce qu'elle estimait que son interlocutrice mériterait. Encore que, "mériter" était un terme qui lui faisait trop d'honneur. Les sangs mêlés comme elle ne devrait rien mériter du tout, rien sinon d'être traînés dans la boue de toutes les manières possibles et imaginables.

Si on lui tendait la perche, il fallait s'attendre à ce qu'elle la saisisse, et sans aucun scrupule. C'était effectivement ce qu'elle comptait faire. Rien de tel qu'une petite joute verbale et quelques insultes gratuites pour la mettre dans de bonnes dispositions pour une journée autrement morose... et où tout son corps avait décidé de jouer avec ses nerfs, la rappelant à cette douleur constante qu'elle essayait généralement de passer sous silence sans trop de succès.

"Déjà, tu ne devrais pas être scolarisée ici. Tous ceux qui, comme toi, usurpent la place de sorciers légitimes devraient avoir honte des privilèges qu'ils ont volé. Tu ne mérites pas d'éducation sorcière. Tu devrais rejoindre ta sale moldue de mère dans sa petite vie misérable et te faire oublier des nôtres autant que possible... en attendant que les tiens soient rendus à leur juste place. Ce qui à mon avis ne tardera plus à arriver à présent."

- Avec ton comportement, je me demande bien qui t'as éduqué, ils ont crée un monstre. Je suis peut être pas une sorcière légitime comme tu me le dis, mais j'ai des personnes qui tiennent à moi. Et toi? J'imagine que ta vie est parfaite? Les amis sont là et la santé est bonne? Ou tu n'as peut être rien de tout ça.

Clarice croisa les bras. Elle ne pouvait pas prétendre qu'elle était indifférente au discours de Lynna, surtout quand cette dernière tapait si juste. Qu'elle lui parle de ses parents, c'était à peine acceptable, mais elle pouvait passer outre, d'une part parce que si elle était un monstre, elle était fière de l'être, d'autre part parce que ses parents avaient été les meilleurs parents au monde pour elle, et qu'elle était capable de se convaincre que Lynna n'était que jalouse de ne pas avoir grandi au sein d'un foyer aussi aimant et uni.

Car objectivement, Clarice trouvait sa vie parfaite, oui. Elle avait des personnes qui tenaient à elle. Son père, sa mère et son oncle seraient capables de sacrifier leur propre vie pour son bonheur à elle, ce que le père de Lynna n'avait pas su faire, lui. Et des amis, elle en avait. Elle ne les aimait pas et les manipulait tous autant qu'ils étaient, mais au bout du compte, ce n'était pas elle qui en souffrait.

Non, là où le propos piquait plus, c'est quand elle parlait de sa santé. Est-ce que ce n'était pas bizarre que le sujet arrive sur le tapis ? Elle était bien placée pour savoir qu'on ne s'interrogeait jamais sur la santé des adolescents. Il partait du principe qu'ils allaient bien par défaut.

Alors quelle remarque étrange à jeter à la figure de quelqu'un. A moins qu'elle ne soit au courant ? Pourtant, elle déployait suffisamment d'effort pour cacher sa maladie... Elle avait envie de poser la question directement. Mais il ne manquerait plus qu'elle se trahisse en faisant cela.

- C'est la première et dernière fois que tu parles de ma mère!Tu ne sais rien d'elle, rien de nous alors je ne te permet pas de nous insulter gratuitement! Retournes avec les vipères de Serpentard !

Comique, quand même, que Lynna affirme qu'elle l'insultait gratuitement - et s'en offusque quand elle-même faisait précisément la même chose. De même, mettre tous les serpentards dans le même panier, est-ce que ce n'était pas un jugement de valeur un rien hâtif ?

"Tu t'es jamais regardé dans un miroir, toi, pas vrai ? Enfin t'as bien raison, ton miroir ne s'en remettrait jamais." Elle afficha un sourire confiant, faisant mine de ne pas du tout avoir été déstabilisée. "C'est beau de te voir faire exactement ce que tu me reproches. A la différence que moi, je l'assume. J'ai pas besoin de connaître ta mère. C'est une moldue, je vois difficilement ce que je pourrais avoir envie de savoir de plus sur elle. Ton père a eu la meilleure idée du monde en la quittant. Même s'il a été assez stupide pour se souiller au passage, surtout quand on voit le résultat. Mais bon, les hommes sont des porcs, c'est bien connu."

- Mon miroir? Si le mien ne s'en remet pas, le tien doit déjà être brisé dans ce cas.

Clarice resta de marbre face à cette remarque. Les attaques sur son physique ne la touchaient jamais. Et pour cause, la très narcissique vert et argent était bien trop imbue de sa personne et convaincue de sa beauté (tout à fait subjective) pour se laisser atteindre par des attaques qu'elle ne se privait pas d'adresser elle-même à son interlocutrice - tout à fait gratuitement, d'ailleurs, car Clarice pourrait admettre objectivement que son interlocutrice était très jolie. Elle n'en avait juste pas envie.

Les attaques de Lynna, plus tôt, avaient été beaucoup plus efficaces, parce qu'elles avaient été d'autant plus justes. Mais il semblerait que l'adolescente soit parvenue à inverser la vapeur. Elle aussi avait su appuyer où ça faisait mal. En même temps, elle avait choisi la facilité, en s'en prenant aux parents de Lynna. Est-ce qu'elle en ressentait quelques scrupules ? Pas vraiment, non. Loin de là, même.

- Pardon? Ca ta pas suffit d'insulter ma mère? Il faut que tu passes à mon père maintenant? Laisse le tranquille et occupe toi de tes affaires. Tout ça ne te regarde pas. Il nous a quitté, certes, mais je ne vois pas pourquoi tu me parles de lui! Je t'interdis de parler de ma famille de cette manière.

"Oh, tu m'interdis, vraiment ?" répondit Clarice avec un sourire narquois. S'il y avait bien une chose que la vert et argent n'acceptait pas, c'est qu'on lui donne des ordres, qu'on l'oblige à faire quoi que ce soit. Son délicieux esprit de contradiction faisait que l'adolescente faisait clairement tout l'inverse de ce qu'on lui défendait de faire. "Tu penses avoir la moindre autorité sur moi ? C'est mignon." Clarice afficha un sourire mauvais. "Ne prends pas la mouche comme ça. Tout ce que je dis, c'est que la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre... et quand on voit de quelles branches pourries tu es tombée, il ne faut pas s'étonner de..." Elle la jaugea de haut en bras avec mépris. "... ça."

Et elle assumait son discours sans rougir et sans scrupule. D'autant plus qu'elle s'estimait inattaquable quand il était question de sa propre famille. Elle était infiniment fière de ses deux parents et de son sang.

- A quoi bon t'acharner sur moi? Sur ma famille? Je me demande bien ce que cela peut t'apporter.

La réponse de Clarice à cette question ne pouvait qu'être simplissime au possible : du divertissement, voilà ce que ça lui apportait. Au fond, la vie de Lynna ne l'intéressait pas tant que ça, en vérité, elle n'était intéressée par la vie de personne en dehors de la sienne, et à la limite de ceux qui gravitaient autour d'elle au point qu'elle en soit devenue très proche presque malgré elle, comme Loke, par exemple, convernant lequel elle n'avait gère besoin de feindre l'attachement mais l'éprouvait réellement.

La vie de Lynna n'importait pas vraiment pour elle, et si la demoiselle prenait la chose personnellement, elle ne devrait pas se donner cette peine, car Clarice faisait preuve du même acharnement avec bien d'autres, et sans l'ombre d'un scrupule, toujours. Ceci dit, elle aimait l'idée que son interlocutrice puisse croire qu'elle avait une dent personnelle contre elle.

Attiser l'agacement et le mépris de sa "camarade" l'amusait au plus haut point. Clarice était cruelle, sans coeur, il n'était question que de ça, elle prenait plaisir à tourmenter son interlocutrice, et il n'y avait rien de plus profond à chercher là-derrière.

Tu sais quoi ? Je me dis vraiment que quelque chose doit clocher dans ta vie vu ton attitude. Aucun sorcier n'est parfait, alors quel est ton point faible à toi?

"Oh c'est vrai, tu me trouves parfaite ?" répondit Clarice avec un grand sourire ravi. "Merci, ça me touche beaucoup. Tu as beau être stupide, Connor, tu as parfois des éclairs de lucidité absolument remarquables."

Bien sûr, Lynna avait raison, si Clarice était qui elle était, c'était pour bien des raisons. Parce qu'elle avait été condamnée dès la naissance, parce que ses parents la surprotégeaient, elle dont chaque jour de vie grappillé était un petit miracle à part entière. Mais tout ça, bien sûr, elle ne comptait pas le dire.

Lynna n'avait sans doute pas la bêtise de penser que Clarice allait lui donner son point faible sous prétexte qu'elle le lui demandait, et elle avait entièrement raison.

"Je t'en prie, évertue-toi à me trouver un talon d'Achille. J'adore te voir perdre ton temps."

Et elle voulait croire que Lynna ne serait pas capable de la comprendre, ni de deviner sa vraie faiblesse.