L

e nouveau travail de Bradley n'était pas forcément beaucoup plus épanouissant que le poste qu'il occupait précédemment, mais il avait le mérite d'être plus prestigieux, de payer mieux, et d'être un rien plus chronophage (et Bradley appréciait de s'occuper l'esprit par tous les moyens possibles, à vrai dire). Il ne pourrait pas dire qu'il trouvait vraiment ses nouvelles fonctions épanouissantes ou quoi que ce soit de cet ordre, mais il ne travaillait pas pour y prendre du plaisir, il travaillait pour subvenir aux besoins de sa famille, si restreinte soit-elle, et pour préserver sa réputation. Et pour le coup, Bradley était plutôt satisfait d'avoir été recommandé par Caspar au poste qu'il occupait à présent. D'autant qu'il avait pris les choses en mains très rapidement, et il appréciait très sincèrement le rôle qu'il pouvait alors tenir.

Malgré tout, il avait bien constaté que, ces dernières semaines, l'atmosphère avait changé. Personne n'osait lui dire en face le fond de leur pensée, mais Bradley n'était pas dupe. Depuis que l'on savait que Pomona était encore en liberté et n'avait jamais reçu le baiser du détraqueur, la rumeur allait bon train sur lui, sur sa famille, sur le rôle qu'il aurait pu jouer dans tout ça. Certains semblaient désolés pour lui, d'autres méfiants, Bradley, lui, faisait le choix de faire ce qu'il faisait le mieux, c'est-à-dire prétendre ne rien remarquer et préserver les apparences du mieux qu'il le pouvait. Est-ce que c'était véritablement efficace ? Il ne parierait pas là-dessus, mais il ne voulait rendre de compte à personne dans tous les cas.

Et encore moins rendre de comptes à ceux qui lui avaient nettement fait comprendre leur opinion sur la question à l'époque où sa fille avait été condamnée. Et Arcturus Black était de ceux-là. Tous les deux étaient pourtant proches, avant, mais du jour au lendemain, Arcturus s'était éloigné, et Bradley n'avait pas eu besoin d'un dessin pour comprendre pourquoi. Il ne pensait pas que les récents événements le pousseraient à reprendre contact, tout au contraire, même, si bien qu'il fut surpris de le voir l'aborder ce jour-là, dans les couloirs du ministère.

-Bonjour Arcturus. Je pourrais te dire la même chose, répondit-il. Je dirige le Département de contrôle de l'équipement magique, maintenant.

Mais il n'était pas forcément surpris qu'Arcturus ne soit pas au courant, surtout qu'ils ne se donnaient pas franchement de nouvelles dernièrement, pour des raisons évidentes.

-En revanche, il me semblait que tu avais pris la direction d'Obscurus Books, est-ce que je me serais trompé ?

Comme quant au fait que son interlocuteur ne voulait plus entendre parler de lui. Mais son étonnement quant au fait qu'Arcturus daigne lui parler, Bradley allait le garder pour lui, évidemment, puisque c'est ce qu'il faisait toujours.

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B

radley ne comptait pas se montrer plus indiscret que nécessaire. Il se contenta d'adresser à son interlocuteur un vague hochement de tête quand son interlocuteur lui apprit qu'il était seulement venu rencontrer quelques personnes au ministère, et régler certaines affaires. Quelles que puissent être ces affaires, ce n'était pas les siennes, et en demander plus serait naturellement mal perçu, et c'était une chose dont, pour sa part, il avait tout à fait conscience. Il n'avait aucune intention de jouer avec le feu. Cette conversation, comme beaucoup des conversations qu'il devait entretenir dorénavant avec ses confrères sang pur ne lui donnaient que trop l'impression de marcher sur des charbons ardents, il n'avait pas particulièrement envie d'en rajouter une couche. Jusqu'ici, Arcturus se montrait relativement cordial avec lui, mais Bradley, qui jouait au jeu des apparences depuis presque aussi longtemps que lui, avait totalement conscience du fait que ça pourrait bien vite changer, et que tout pourrait rapidement basculer, et en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Se reposer sur ses acquis dans ces circonstances serait naturellement une erreur.

Bradley ne répondit que par un fin sourire quand son interlocuteur le félicita pour son nouveau poste. Ses paroles ne sonnaient pas faux en soi, mais il était difficile de savoir à quoi s'en tenir avec un homme tel que lui, qui pouvait aisément vous couvrir de compliments qui se découvraient bien vite comme des attaques insidieuses. Comme dit, Bradley jouait dans la même cour depuis bien longtemps, et avec les affaires qui entouraient sa fille, il avait dû apprendre à se protéger plus que n'importe qui d'autre.

Par conséquent, quand l'attaque très directe, à peine déguisée, d'Arcturus advint tout de même, Bradley ne fut pas particulièrement surpris. Bien au contraire, même, il l'avait définitivement senti venir. Il s'était seulement demandé quelle forme elle prendrait, et il ne s'était clairement pas attendu à ce que ce soit celle-ci, s'embarrassant de définitivement peu de détours. Cela dit, il préférait cette sorte de frontalité à l'attitude bien plus contraignante de ceux qui pensaient que tourner autour du pot avaient le don de lui adresser des attaques autrement plus douloureuses. C'était entièrement faux.

-Tu sais, je n'accepte que les félicitations honnêtes, ne t'embarrasse donc pas à me congratuler pour l'obtention de ce poste si tu estimes que je ne le mérite pas.

Son ton restait poli, mais on pouvait le ressentir acerbe, car il l'était bel et bien. Il n'aimait pas que ses mérites puissent être remis en question.

-Je n'ai jamais trop apprécié les sous-entendus, reprit-il en le toisant d'un regard froid. Si tu as quelque chose à me dire, je souhaiterais que tu le fasses directement, ajouta-t-il d'un ton sans appel, la tête haute.  

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