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una relisait depuis plusieurs minutes la même page du même livre sans parvenir à se concentrer. C'était bien souvent le cas, avec elle. Il pouvait lui arriver d'être focalisé sur ce qu'elle faisait au point de ne plus rien voir ni entendre de ce qui se passait autour d'elle, et à d'autres moments, bien au contraire, ses pensées s'agitaient en tout sens au point qu'elle ne soit plus du tout capable d'articuler un réflexion cohérente. Elle pourrait peut-être même ça sur le compte de quelques joncheruines qui tourneraient un peu trop du côté de son cerveau, mais elle avait vérifié, et elle n'en avait trouvé aucune trace. Par ailleurs, même elle était capable de constater que les circonstances en elles-mêmes étaient bien suffisantes pour éparpiller sa pensée en tout sens.

Il y avait sa rupture avec Adrian, pour commencer. Cela faisait des mois, et pourtant, il lui manquait toujours aussi profondément qu'au premier jour, à croire qu'on lui avait menti et que ce genre de douleur ne passait jamais. Il y avait l'absence de son père, qu'elle supportait de plus en plus difficilement, jumelée à l'éventualité qu'ils ne retrouvent jamais leur époque, éventualité beaucoup trop importante malheureusement. Il y avait la destruction du journal, qui était une avancée certaine, mais qui posait de nombreuses questions quant à ce qui allait advenir ensuite. Et plus récemment, il y avait eu le départ en fanfare de Pomona, qui avait été un choc pour tout le monde et qui nécessitait de tout reconsidérer.

Oui, ses pensées avaient les meilleures raisons possibles d'aller en tout sens, mais elle savait pourtant qu'elle devait se concentrer. Lire, lire et lire encore et encore, c'était un peu devenu un sport national au sein du QG de la Résistance pour ses habitants qui ne pouvaient pas s'autoriser à voir bien souvent la lumière du jour (même si Luna - tout comme Ginny - avait plus de largesses à ce sujet). Il fallait préparer la prochaine étape, qui allait sans doute consister en leur retour fracassant à la vie publique, et cela nécessitait une préparation plus que scrupuleuse. Ils devaient tous y mettre du leur, mais si Hermione était un rat de bibliothèque né, on ne pouvait pas dire autant de Luna qui certes aimait lire, mais préférait emmagasiner des connaissances nées de ses observations. Malgré tout, elle connaissait les enjeux, alors elle tentait de s'appliquer.

Elle fut tirée de son activité, qui en réalité ressemblait bien plus à une sorte de rêverie, par Lynna, une résistante encore à Poudlard, qui était donc passée par le quartier générale. Pour donner des nouvelles ou pour en prendre ?

-Bonjour Lynna, la salua la jeune femme en levant son nez et ses grands yeux globuleux des pages de son livre, de sa voix douce habituelle. Je vais bien. Toi aussi ? Tu es venue pour une raison particulière ?

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una adressa à son interlocutrice un sincère sourire quand cette dernière lui apprit qu'elle n'était pas venu ici sur un motif précis. Aux yeux de la jeune femme, c'était plutôt un soulagement. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, dit-on bien souvent, et dans leur cas, cela ne pouvait définitivement que se confirmer bel et bien. Car quand un résistant passait la porte du quartier général sans s'être annoncé au préalable, c'était rarement bon signe, ou bien c'était pour faire état d'un bouleversement notable, et qui affectait tout naturellement tout le monde.

Donc oui, il était plaisant de savoir que Lynna n'était présente que dans le but de venir aux nouvelles et de s'assurer que tout se passait bien pour le groupe. D'autres en faisaient de même, bien sûr, à l'instar de Christopher, par exemple, qui était d'autant plus prévenant avec eux dernièrement que le départ de Pomona l'avait de toute évidence ébranlé, encore plus que cela n'avait eu d'effet sur le reste du groupe, malgré tout chamboulé par une situation qu'ils n'avaient clairement pas envisagé, et dont ils ne se seraient jamais imaginé la teneur.

Lynna vint s'installer à côté d'elle et observa qu'elles n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de discuter seule à seule. C'était en effet la vérité. Certaines affinités avaient fini par se créer, entre les voyageurs et certains résistants, et Luna savait notamment que Lynna s'entendait particulièrement bien avec Hermione ou encore avec Harry, mais en ce qui les concernait, on ne pouvait pas dire qu'elles aient un jour eu de grandes conversations. Peut-être qu'elles ne l'avaient jamais cherché non plus, leur absence d'affinités étant relativement claire. Ceci dit, il était toujours temps d'y remédier, et ce moment paraissait bel et bien venu.

Luna n'était jamais fermée à la conversation, avec personne, y compris les personnes qui avaient pu la mépriser ou la moquer par le passé (catégorie à laquelle Lynna n'appartenait pas, précisons-le tout de même), alors elle n'allait certainement pas dire non. Qui sait, même si ça semblait bien peu envisageable pour le moment, peut-être que les deux jeunes femmes allaient se découvrir des atomes crochus ? Parfois, il ne fallait pas grand-chose pour changer la donne, pour faire une différence, qui se révélait entièrement durable.

-C'est vrai, répondit Luna sans cesser de fixer son interlocutrice depuis ses grands yeux ronds. De quoi est-ce que tu aimerais parler ?

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arler de soi, c'était un exercice simple, évident, pour certaines personnes. Il y en avait qui adoraient s'entendre parler d'eux-mêmes, ce n'était pas le cas de Luna. Ce n'était pas un exercice auquel elle entendait grand-chose. Mais parler, dans tous les cas, même si c'était pour discuter d'un tout autre sujet en apparence, c'était d'ores et déjà parler de soi, en fin de compte.

Luna aurai bien aimé que son interlocutrice lui pose des questions plus spécifiques, parce qu'elle n'était pas sûre de savoir satisfaire sa curiosité sur la base seulement de ce postulat. Parler de soi. Mais d'accord, Luna n'avait pas l'intention de faire sa mauvaise tête. Comme Lynna elle-même le faisait remarquer, elle s'était rapprochée de Harry, de Hermione, de Neville... Elle n'allait pas rester à l'écart pour rien. Elle n'avait rien contre Lynna, d'ailleurs, ni pour elle non plus. Elle ne la connaissait tout simplement pas. Et il était sans doute plus que temps d'y remédier une bonne fois pour toutes.

-Eh bien...

Luna laissa passer un moment de réflexion, ne sachant pas trop ce qu'elle pourrait dire d'elle qui soit significatif. Son nom, son âge, on s'en fichait. Son histoire ? Certains détails étaient très personnels,et elle n'avait pas envie de les partager immédiatement et directement à son interlocutrice, de qui elle se défiait tout de même, par principe. Mais en même temps, si elle se fermait seulement, leur dialogue n'aboutirait nulle part.

-Avant tout ça, je vivais avec mon père... Ma mère est morte depuis un moment. Enfin, même si, maintenant, elle n'est même pas vivante encore. C'est drôle quand on y pense, observa-t-elle d'une voix douce. C'est un homme passionnant, mon père. Il m'a appris tout un tas de choses, il me manque beaucoup. Elle marqua une pause, réfléchit à ce qu'elle pourrait dire d'autre. Sa maison à Poudlard ? Lynna s'en souvenait sûrement, ce n'était pas forcément très utile. J'aime beaucoup la magizoologie. Je pense que j'en aurais fait mon métier. Enfin... si c'était à l'ordre du jour.

Mais évidemment, les voyageurs temporels ne pouvaient pas spécialement se permettre ce genre de "frivolités" pour le moment. Ils devaient être entièrement et définitivement dévoués à la cause qu'ils défendaient, et qui n'était pas moindre au passage.

-A ton tour.

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una afficha un fin sourire de gratitude quand son interlocutrice lui assura être désolée pour ce qui était arrivé à sa mère. L'expression consacrée contenait une part de culpabilité que la jeune femme n'avait jamais trop appréciée, en réalité. "Je suis désolé", comme si les personnes qui souhaitaient, avec sincérité et la meilleure volonté du monde, lui présenter ses condoléances, devaient vraiment s'excuser de quoi que ce soit. Il faudrait une autre formule, une autre manière de présenter les choses, mais en l'absence de cette dernière, la jeune femme acceptait toujours les "Je suis désolée" avec douceur et sincérité. Elle ne souffrait plus vraiment du décès de sa mère, même si elle y repensait souvent, surtout du jour même de sa mort. Elle lui manquait, bien sûr, mais son père lui avait appris à se concentrer sur les bons souvenirs.

Son père... ce n'était pas forcément une pensée qu'elle se sentait de partager avec son interlocutrice, mais à la vérité, elle était de plus en plus convaincue du fait que leurs chemins s'étaient séparés pour de bon, elle était de plus en plus certaine du fait que leur voyage dans le passé était un voyage sans retour. Ou bien ce retour se ferait auprès de l'écoulement naturel des années, et quand elle reverrait son père, si elle devait revoir son père, il ne saurait pas qui elle était, il n'en aurait pas la moindre idée... Mais sans doute valait-il mieux qu'ils ne se revoient pas. Et puis, s'ils repartaient... Luna songeait inévitablement à tout ce qu'ils laisseraient derrière eux. A commencer par Adrian. Et même s'ils n'avaient plus aucun contact et n'en auraient sans doute plus, elle détestait l'idée de l'abandonner.

Elle n'entra donc pas dans le fond du sujet et préféra donc laisser à Lynna le soin de parler d'elle-même à son tour, et de son histoire. Son père les avait abandonnés, sa mère et elle, sous prétexte que sa fille n'avait pas été envoyé à Serpentard mais à Gryffondor, contrairement à ce qu'il avait espéré. Que l'on puisse réellement abandonner sa famille pour un prétexte à ce point futile lui semblait impensable, et pourtant... De toute évidence, Lynna ne disait que la vérité.

-Je dirais que ça dépend des moments... Parfois, on oublie un peu qui on est. Enfin, moi en tout cas. C'est comme si on avait deux vies différentes, tu vois ? Et qu'on ne pouvait pas vraiment vivre cette vie-là parce qu'elle est juste... temporaire. Ce qui est bête, au fond. Parce que la vie, de toute façon, est forcément temporaire, pas vrai ?

Elle exprimait le fond de sa pensée sans réellement envisager d'y mettre les formes. Elle n'envisageait pas que ce puisse être peu compréhensible ou déroutant.

-Je ne comprends pas qu'on puisse abandonner sa famille pour si peu..., ajouta-t-elle alors simplement.

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una hocha la tête, ravie de constater que Lynna comprenait où elle voulait en venir. Pas que ce qu'elle avait dit était d'une complexité monstrueuse, mais elle avait parfois une drôle de manière, assez hermétique, d'articuler ses pensées, qui pouvait laisser les autres sur le bord de la route d'une manière ou d'une autre. D'autant que ses pensées étaient parfois beaucoup trop incongrues même quand elle y croyait dur comme fer (et elle croyait dur comme fer à beaucoup de choses incongrues).

Mais oui, c'est effectivement le cas, la vie était temporaire et incertaine, et dans son cas, elle avait eu droit à deux vies temporaires et incertaines au lieu d'une. Et même dans le cas assez improbable où elle retournerait dans son époque, elle savait pertinemment que cela reviendrait à une troisième vie, car ce qu'elle retenait de elle qu'elle vivait actuellement ne disparaîtrait pas. Et leur nouvelle époque serait forcément bouleversée par ce qu'ils auraient modifié de leur côté. Ils avaient décidé de changer le futur, donc... le présent ? Alors forcément, ce serait une épreuve de plus.

Elle baissa les yeux quand Lynna observa que toute cette situation devait être perturbante, majoritairement parce que se créaient des liens qui étaient destinés à ne pas demeurer. C'était en effet le cas. La jeune femme n'avait jamais eu autant d'amis que depuis qu'elle avait atterri à cette époque, elle-même ne se l'expliquait pas, et pourtant, bientôt, ou peut-être jamais, tout ça n'aurait plus de sens. Bien évidemment, ses pensées allaient à Adrian, avec qui tout s'était arrêté brutalement justement parce que ça ne devait surtout pas continuer. C'était le cas, c'était perturbant, mais elle ne savait que répondre sinon "oui". Elle n'avait pas envie d'entrer dans les détails, loin de là, elle n'avait pas envie de se replonger dans une histoire qui lui faisait encore du mal, et qui lui en ferait encore longtemps, à coup sûr.

-J'espère que tu trouveras, répondit Luna.

La jeune femme était sincère. Même si elle connaissait peu Lynna, et même si elles n'avaient pas vraiment d'atomes crochus, Luna n'était pas une mauvaise personne, elle voudrait que la plupart de ceux qui se questionnaient trouvent leur réponse, que ceux qui se sentaient mal réussissent à trouver la paix. Et elle espérait donc que la jeune femme obtiendrait gain de cause. C'était difficile de se construire quand votre propre père se détournait de vous. Luna se doutait que devoir supporter le rejet d'un père lui serait tout bonnement insupportable.

-Même si certaines personnes ne méritent pas forcément que l'on perde notre temps à les comprendre. Il faut juste... accepter que ce n'est pas possible, c'est tout.

En l'occurrence, la vérité pourrait faire plus de mal qu'autre chose à Lynna.

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uand Lynna affirma à Luna que son père n'avait pas penché du bon côté, cette dernière voulait bien le croire. Elle ne connaissait certes pas tous les détails de la vie de son interlocutrice, mais elle pensait en connaître suffisamment malgré tout, en se fiant aux on-dit (même s'ils étaient rarement fiables en vérité), mais surtout en s'appuyant sur ce qu'elle venait de lui apprendre, à savoir que son père avait fait le choix d'abandonner sa famille sous le seul prétexte que sa maison n'avait pas été la bonne à Poudlard.

Cet homme, de toute évidence, n'avait pas choisi de rejoindre le bon côté. Est-ce qu'il était réellement un mangemort, ce qui était en tous les cas certain, c'est qu'il n'était pas un homme de bien, loin de là. Et si certains péchés étaient sans doute pardonnables, d'autres ne s'excusaient sans doute jamais, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse... Le père de Lynna n'aurait sans doute pas le droit à sa rédemption, et Luna le regrettait de tout coeur. Elle tenait en haute estime les relations père-fille, sans doute parce que celle qu'elle avait avec Xenophilius Lovegood était d'une importance capitale pour elle... mais cet homme ne méritait sans doute pas de seconde chance.

-Peut-être qu'il retrouvera la raison ? suggéra Luna sans trop vouloir s'avancer.

Elle estimait que tout le monde avait le droit à une seconde chance, elle croyait en la rédemption et au fait que tout un chacun devrait y avoir droit, tout comme elle restait convaincue du fait qu'il y avait du bon en chaque individu. Malheureusement, ne pouvaient être sauvés que ceux qui désiraient être sauvés, et la jeune femme craignait fort que le père de Lynna appartienne à ce cas de figure, malheureusement.

-Au moins, tu as toujours ta mère, n'est-ce pas ?

Et dans ces circonstances, le lien qui unissait Lynna à sa mère devait importer plus que tout le reste. Bien sûr, Luna parlait sans savoir, elle ne pouvait pas réellement être certaine du fait que la mère de son interlocutrice était toujours présente à ses côtés, elle ne faisait que le déduire à partir des informations que Lynna avait accepté de lui donner à son sujet. Loin d'elle l'idée de mettre les pieds dans le plat. Elle voulait juste encourager son interlocutrice à se focaliser sur ce qu'il y avait de plus positif.

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e regard de Luna croisa celui de Lynna, et la blondinette y vit briller quelque chose qui ressemblait à s'y méprendre à de l'espoir, et c'était le genre de regards que la jeune femme aimait croiser. L'espoir était un sentiment parfois vain mais bien plus souvent essentiel. Sans lui, l'on estimerait tout perdu d'avance, on renoncerait avant d'essayer. Sans lui, c'était une évidence, la Résistance n'existerait pas. Il n'était pas bon que Lynna s'illusionne, il était après tout bien possible que rien ne puisse ramener son père à la raison et que ce dernier s'obstine éternellement sur un chemin aussi sombre quand dangereux.

Et dans ce cas, prétendre que ça ne coûtait rien d'insister était une erreur. Cela coûterait de façon très évidente la patience de son amie, forcément mise à mal par les circonstances, sa patience mais pas que... ses sentiments également, car si cette lueur dans ses yeux prouvait bien quelque chose, c'était qu'elle était attachée à son père et n'avait pas envie de renoncer à lui, de croire qu'il était perdu pour toujours. Difficile de savoir, dans ces circonstances, si l'obstination était la meilleure des parades. Mais le coeur de Lynna déciderait sans doute pour elle, et contrairement à ce que beaucoup avaient tendance à affirmer (ce qui aux yeux de la voyageuse temporelle était un grand tort), il n'y avait rien de mal dans le fait d'écouter son coeur. Il vous induisait parfois en erreur, certes, mais au moins, il vous promettait d'être toujours intègre et fidèle à vous-même, et ce n'était pas une moindre promesse. Elle y pensait souvent, elle le confirma, même si elle était à peu près convaincue qu'il était trop tard... à peu près seulement. Il restait une marge, fine, subtile, qui suggérait que, peut-être, un rien de possibilité subsistait. Il ne tenait qu'à elle de s'y accrocher ou au contraire de le nier.

-Je comprends ça, répondit Luna avec un doux sourire quand Lynna lui parla de sa relation avec sa mère.

Evidemment qu'elle comprenait. Dans ce qu'elle disait, la blondinette reconnaissait un peu de sa propre relation fusionnelle avec son père. Ce genre de lien méritait d'être préservé à tout prix quoi qu'il puisse advenir. Même si Luna, dans les circonstances actuelles, ne pouvait pas réellement servir d'exemple en la matière.

-Elle est comment, ta maman ? demanda Luna en laissant parler sa curiosité et avec l'envie d'inviter à se dévoiler, songeant que parler de sa mère ferait peut-être du bien à Lynna, comme parler de son père faisait parfois du bien à Luna... mais pas toujours non plus, c'est vrai.

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una avait cru voir le regard de Lynna s'illuminer tandis que cette dernière acceptait de lui en dire un peu plus au sujet de sa mère. De toute évidence, elle l'aimait immensément. Cela se ressentait et s'observait immédiatement, ou du moins était-ce l'impression que la voyageuse temporelle en avait en entendant le discours de la jeune résistante.

Elle se disait qu'elle avait d'autant mieux fait d'aborder le sujet avec elle. Non seulement elle n'avait pas mis les deux pieds dans le plat sans le vouloir, mais au-delà de ça, elle permettait à son interlocutrice d'évoquer des souvenirs qui étaient agréables et heureux. Et les occasions d'aborder le positif, dans la situation où elles se trouvaient toutes les deux, étaient au bout du compte plutôt rares. Aussi, quand elles se présentaient, il était presque impérieux et nécessaire de les saisir. Le bon n'annulait pas le mauvais, c'est certain, mais ça le rendait d'un coup d'un seul moins éprouvant, ce qui déjà en soi était un juste et honnête progrès.

Une femme gentille et attentionnée. L'air de rien, ces spécimens se faisaient rares, et même si le discours était sans doute biaisé par l'amour filial qu'elle ressentait pour la femme qui l'avait mise au monde, Luna n'en était pas moins certaine de la sincérité de son interlocutrice. Lynna n'était pas le genre à mentir, ça se voyait tout de suite. Et par ailleurs, si elle tenait vraiment à brosser ses parents dans le sens du poil, elle ferait de même avec son père. Et ce n'était très manifestement pas le cas.

-Je pense que tu es en bonne voie, répondit Luna dans un fin sourire quand Lynna affirma qu'elle prenait sa mère en exemple et tenait à devenir comme elle.

Pour la blondinette, il ne faisait aucun doute qu'elle y parviendrait. Elle la connaissait encore bien trop peu, mais il n'y avait pas besoin de tant la connaître pour découvrir qu'elle avait le coeur sur la main et était pétrie de bonnes intentions. Elle n'avait pas rejoint la résistance sans raison. Son sens aiguisé de la justice et un sincère besoin de venir en aide aux autres n'y étaient sûrement pas pour rien.

-Et c'est vrai que tu as de très jolis cheveux, ajouta Luna d'un ton presque songeur, comme si cette affirmation devait soudainement lui donner matière à philosopher et donner coeur à moult monologues intérieurs.

Ceci dit, c'était objectivement vrai. Et Luna savait qu'on ne lui retournerait pas le compliment (ni ne cherchait qu'on le fasse). Il y avait suffisamment de noeud dans ses cheveux pour entraîner toute une assemblée de scouts à les dénouer, et elle le vivait très bien au passage.

-Elle est au courant ? Pour la résistance ?

Luna songeait que si elle avait la possibilité d'en parler à son père, elle serait incapable de lui cacher tout ce qu'elle savait. Et peut-être que c'était pareil pour Lynna et sa mère ?

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una connaissait la valeur d'un compliment. Elle la connaissait d'autant plus qu'elle-même en recevait bien peu (si ce n'est de la part de son père qui avait toujours su mettre en valeur ses qualités, même celles qui ne sembleraient pas en être à d'autre... mais ce n'était pas pareil, évidemment). Alors forcément, elle appréciait d'en faire aux autres, comme elle appréciait d'adresser le moindre petit cadeau, même symbolique, à quiconque serait en mesure de l'apprécier. Ce n'était pas de la flatterie, loin de là, c'était un acte généreux, désintéressé et sincère. Souvent, l'ancienne bleu et bronze se disait que si tout le monde faisait l'effort d'adresser aux uns et aux autres ne serait-ce qu'une attention ou un mot gentil, alors ce monde ne s'en porterait que beaucoup mieux, sans l'ombre d'un doute.

On lui reprocherait peut-être une mentalité beaucoup trop idéaliste, c'est un fait, mais elle l'assumait plutôt bien. Et en l'occurrence, avec Lynna, elle sentait qu'elle avait fait mouche. Manifestement, l'adolescente tenait profondément à sa mère sans forcément pouvoir assumer cette affection auprès de toutes ces personnes mal intentionnées qui trop facilement savaient détourner ce qui ne devrait pas l'être, et sous des prétextes fallacieux. Si ces quelques mots pouvaient lui mettre du baume au coeur, alors tant mieux. Luna et Lynna n'étaient pas les meilleures amies du monde, cela se saurait, mais elles étaient dans le même bateau, au fond. Alors aux yeux de Luna, il était logique et normal qu'elles se soutiennent et cherchent à se comprendre mutuellement.

Lynna lui apprit qu'elle avait mis sa mère au courant concernant la résistance. D'autres le lui reprocheraient peut-être, car c'était un fait avéré que la Résistance se devait d'être la plus discrète possible, mais Luna le comprenait. Si Lynna avait confiance en sa mère, alors c'était qu'elle était digne de confiance, tout simplement. Et Luna ne pouvait que comprendre, par ailleurs, une démarche qu'elle aurait adoptée elle-même si elle avait pu se retrouver dans la situation de son interlocutrice, ce qui n'était malheureusement pas le cas. Sa mère n'avait évidemment pas été emballée, comme ne saurait l'être aucun parent inquiet pour son enfant, mais elle semblait accepter le choix de sa fille malgré tout. Sans doute avait-elle compris que cette dernière ne lui laissait pas le choix quoi qu'il en soit, et agirait ne lui en déplaise. Une mère et une fille qui cherchaient à se protéger mutuellement, ni plus ni moins.

-Tu penses que ton père pourrait lui vouloir du mal ? demanda Luna, consciente d'être indiscrète. Mais le sujet était lancé, et par conséquent, la curieuse Luna avait envie de l'aborder en profondeur;

A tout moment, Lynna pouvait choisir de faire marche arrière et de ne pas répondre, Luna ne lui en voudrait pas.

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entendre la réponse de Lynna, ou du moins le ton qu'elle employa pour lui répondre, Luna regretta un peu de s'être engouffrée dans la brèche... Elle s'était douté que le sujet ne serait pas facile pour son interlocuteur, mais loin de vouloir lui faire du mal ou de la mettre mal à l'aise (c'était quelque chose qu'elle ne souhaitait pour personne, à vrai dire), la jeune femme s'était dit qu'elle parviendrait peut-être à ouvrir un dialogue qu'elle ne se permettait pas forcément d'échanger en temps normal. Parfois, sans que l'on sache pourquoi, il est plus simple d'échanger avec de parfaits inconnus, ou de presque inconnus dans leur cas à toutes les deux qu'avec ses amis les plus proches. Mais Luna n'avait pas le sentiment que cette conversation faisait du bien à Lynna. Bien au contraire, même, elle percevait une certaine angoisse dans sa voix et sa réponse, preuve qu'elle était sans doute allée trop loin dans ses questionnements et qu'il était préférable qu'elle fasse marche arrière.

La réponse de Lynna lui serrait le coeur. Elle ne savait pas de quoi son père pourrait bien être capable, et c'était un constat terrible. Une question brûlait les lèvres de la jeune femme, mais elle ne savait pas si elle oserait la poser... Elle tentait de se mettre à la place de son interlocutrice, mais c'était évidemment impossible. La voyageuse temporelle pouvait sans difficulté s'identifier à la relation fusionnelle que partageaient la résistante et sa mère, parce qu'elle ressentait pour sa part quelque chose d'équivalent vis-à-vis de son père, même s'il était loin et qu'il lui manquait cruellement. Mais jamais, ô grand jamais ses parents ne se seraient déchirés à ce point si sa mère avait encore été en vie. Jamais, ô grand jamais elle n'aurait vu l'un de ses parents se retourner contre sa propre famille et vouloir leur nuire. Pauvre Lynna... Elles avaient beau ne pas être amies, Luna compatissait profondément au drame intérieur de son interlocutrice, et elle se disait qu'elle avait peut-être maladroitement formulé à voix haute une question que Lynna se posait tout bas, sans forcément vouloir l'entendre de vive voix pour autant.

-Je sais, répondit Luna avec un fin sourire quand Lynna observa qu'elle la trouvait bien curieuse. Elle avait conscience que c'était son plus grand défait ou sa plus grande qualité, c'était à chacun d'en juger. Je peux arrêter de te poser des questions, si tu veux, je sais que beaucoup de gens sont mal à l'aise quand je m'intéresse à eux, ajouta-t-elle avec ce naturel et cette franchise sans filtre qui la caractérisaient toujours, quoi qu'elle fasse.

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ui, le sujet était complexe, c'était le moins que l'on puisse dire, et Lynna n'était pas forcément la mieux disposée à aider et entendre son interlocutrice lui poser des questions trop indiscrète, mais la jeune femme ne regrettait pas de s'être montrée intrusive, par certains aspects, elle se disait que Lynna avait sûrement eu besoin de parler. Peut-être pas de cette manière et peut-être pas à elle, mais dans tous les cas, ça avait crevé un abcès. Ne serait-ce qu'entre elles, qui n'avaient jamais été très proches mais qui avaient tout intérêt à se connaître et à s'apprivoiser l'une l'autre si elles voulaient collaborer en bonne entente.

Et c'était nécessaire, impérieux, même. D'autant plus nécessaire et impérieux que la tâche était lourde et importante, qu'elle exigeait collaboration et unité. En tous les cas, Lynna ne lui en voulait pas, et Luna préférait cela. Même si elle avait mis les deux pieds dans le plat, le but de la manoeuvre n'avait jamais été de rendre son interlocutrice inconfortable ou de la mettre mal à l'aise, le but était simplement de parler, de discuter franchement de ce qui était susceptible d'ouvrir un dialogue sincère et animé entre eux.

-Tu aimes ton père ?

Voilà, on lui avait autorisé une question, alors elle la posait, tout en ayant bien conscience du fait qu'elle était des plus délicates et déplairait peut-être à Lynna. Elle dépassait un nouveau seuil d'indiscrétion, mais c'était là la dernière question qu'elle avait l'intention de poser, consciente que c'était peut-être un sujet sur lequel Lynna pourrait avoir envie de s'exprimer, même si elle pouvait difficilement l'articuler à voix haute de peur, peut-être, d'être jugé.

Luna estimait que ce n'était pas parce qu'une personne était de son sang que l'on devait forcément l'aimer et s'y attacher. Mais Lynna avait grandi avec son père jusqu'à son admission à Poudlard, ce n'était pas comme si elle pouvait prétendre qu'il n'était qu'un étranger, de passage dans sa vie, alors d'une manière ou d'une autre, elle devait nourrir des sentiments, réels, profonds, sincères pour son père. Peut-être que ces sentiments s'étaient effacés, à présent, il n'empêche que Luna avait envie de savoir, et une fois encore, elle se disait que c'était ce qui permettrait d'ouvrir le dialogue.

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una appréciait sincèrement la sincérité de son interlocutrice, elle se doutait que ça ne devait pas être simple, pas simple du tout, de se confier sur un sujet à ce point personnel, mais elle acceptait de le faire malgré tout, et la bleue et bronze se sentait privilégiée de pouvoir l'écouter, même si elle n'avait sans doute pas fait grand-chose pour mériter de telles confessions.

Elle aurait tout à fait pu comprendre que Lynna décide de ne pas aller plus loin. Il aurait sans doute été facile, voire rassurant pour elle que de prétendre que son père ne lui inspirait aucun sentiment positif d'aucune sorte, qu'elle n'éprouvait que de la déception et de la haine à son égard, mais elle ne cédait pas à cette facilité qui serait certainement revenue à se mentir à elle-même. Elle décidait de se livrer, et c'était ce que la voyageuse temporelle avait attendu de sa part, sans savoir pour autant si Lynna accepterait véritablement d'accéder à sa demande.

Lynna admit donc qu'en dépit des choses horribles dont son père s'était rendu coupable, il restait son père quoi qu'il en soit. Elle pouvait le comprendre. Elle ne pouvait pas se mettre à la place de son interlocutrice, mais forcément, elle s'interrogeait. Elle se demandait ce qu'elle serait capable elle-même de tolérer de la part de son père, elle qui l'avait toujours tenu en grande estime, toujours aimé profondément. Il lui était presque impossible de l'imaginer responsable d'horreurs similaires à celles qui avaient animé le père de Lynna, mais si tel devait être le cas... Elle pensait elle aussi qu'elle serait bien incapable de haïr son propre père.

Elle l'aimait de tout son coeur, de toute son âme. Et elle pensait que peu importe les circonstances, elle serait tout bonnement incapable de juste... détester un homme qu'elle avait tant aimé. Il y avait néanmoins une immense colère en Lynna, et là encore, cela se comprenait parfaitement. La jeune femme se doutait bien qu'il devait être très difficile de vivre de cette manière... En prenant pour un ennemi l'homme qui lui avait donné le jour. Mais elle n'avait pas le choix. Les circonstances les opposaient l'un à l'autre. Et qui sait, un jour, cette confrontation aboutirait à une conclusion que ni l'un ni l'autre n'étaient prêts à reconnaître à l'heure actuelle, mais qui était certainement inévitable malgré tout.

-Et lui, tu penses qu'il t'aime ? demanda Luna.

Au point où elle en était, elle n'était définitivement plus à une question indiscrète près. Et elle en avait parfaitement conscience, bien sûr.

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