Avec toutes ces histoires, je ne sais pas vraiment où j’en suis. J’ai la peur au ventre, constamment, et le sentiment de perdre pied. Plus qu’avant encore, je veux dire. C’est comme si je m’était trouvée au fin fond d’un gouffre obscur : lointain, inconfortable, sans lumière, mais il fallait bien que je fasse avec malgré tout… Et maintenant, je découvre qu’au fond du gouffre, il y a un puits, plus profond encore, et je me suis penchée au sommet du puits. Et la chute et vertigineuse, et je ne sais pas comment remonter, puisque je tombe encore… Et je regrette mon gouffre initial, qui n’était pourtant ni agréable, ni confortable.

Cette chute, je ne la subis pas seule. Dennis est à mon côté. C’est comme une fine lumière qui éclairerait la pénombre, et je suis heureuse qu’il chute avec moi, parce que je ne tombe pas seule, et en même temps, je m’en veux de m’en réjouir, parce que Dennis mérite mieux, lui aussi mériterait de retrouver seulement son gouffre original… Je me sens une responsabilité envers lui. Et cette responsabilité, je m’en acquitte beaucoup trop mal. Pourtant, je ne peux pas ni ne veux me détacher de lui. J’ai trop besoin de Dennis. Et puis, s’il en est là, c’est par ma faute, je veux l’aider à regagner la surface, et je veux qu’on le fasse ensemble, même si j’ai parfois le sentiment que c’est une chose impossible, et qui restera toujours hors de ma portée, quoi que je fasse pour m’échapper du chaos.

Je lui ai proposé de passer à la maison. Les parents sont là, mais ils travaillent. Ça m’arrange. Je ne sais pas trop ce qu’ils pensent de Dennis, mais je ne me sens dans tous les cas jamais à l’aise quand je suis avec lui et que mes psys de parents sont dans les parages. Je lui ai proposé de prendre le thé dans le salon. La conversation est à notre image… discrète, mais sa présence m’apaise malgré tout, comme rien d’autre ne le pourrait, je pense.

Et alors, on sonne à la porte. J’hésite fort à  répondre. Je ne sais pas qui je vais trouver de l’autre côté de la porte. Mais je décide d’ouvrir quand même. Dans le pire des cas, mes parents ne sont pas loin, et ça me rassure quand même un peu. J’ouvre et je regrette tout de suite en constatant qu’il s’agit de Billy Stubbs. Je n’ai aucune envie de le voir, aucune envie de lui parler. Il me prend complètement de court.

-Non, je dis presque intuitivement. Dennis ne va nulle part. Je ne veux pas qu’il s’en aille, encore moins maintenant. Qu’est-ce que tu me veux, Billy ?

Dennis adorait passer du temps avec Amy. Dès qu’il se trouvait en compagnie de la jeune femme, il avait bien conscience qu’il se sentait un peu mieux. EN même temps, il était d’avis qu’il pouvait difficilement se sentir pire qu’au quotidien, tant sa situation était complexe. Mais quand il se trouvait aux côtés de son amie, il se sentait un peu mieux. Le jeune homme ne pouvait pas s’empêcher de penser souvent aux propos de Will à ce sujet d’ailleurs, de demandant si tout cela n’était pas des sentiments qu’il avait pour elle. Sans pour autant oser se l’avouer. Il n’était pas certain d’apporter grand-chose de bon à la jeune femme. Elle lui faisait du bien, énormément de bien, mais de son côté il avait peur de lui faire bien trop de mal, de l’enfoncer un peu plus.

En attendant, ils se trouvaient donc dans le salon de Amy à partager un thé d’une manière qui leur ressemblait beaucoup. Ils parlaient un peu, sans pour autant se retrouver dans de longue conversation sans fin. Ils se contentaient simplement d’apprécier la présence de l’autre et Dennis appréciait surtout l’absence des parents de la jeune femme. Il n’avait rien contre eux, mais dès qu’il se trouvaient en compagnie de Mr et Mrs Benson, il avait le sentiment d’être analysé de toute part. Sans doute parce que c’était ce qui arrivait.

Ils étaient donc tranquilles et passaient un moment simple, quand on frappa à la porte. Par réflexe, Dennis sentit son cœur se serrer et un frisson parcourir son corps. C’était idiot, il n’était pas chez lui, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir peur. Amy décida d’aller ouvrir, lui n’était pas sûr que ça soit une si bonne idée, mais en même temps ils ne risquaient peut-être pas grand-chose. Même si les parents de la jeune femme étaient absents du salon, Dennis savait qu’ils n’étaient pas loin. Cela dit, Dennis devait bien avouer qu’il avait pensé à beaucoup de personne pour se trouver derrière la porte, mais pas à Billy.

Super…

La dernière fois que Dennis avait croisé son ancien camarade d’orphelinat, il avait été clair dans ses intentions. Des intentions qui ne lui plaisaient pas du tout d’ailleurs. C’était dingue, mais le jeune homme était sans doute la première personne qui lui avait fait ressentir de la jalousie. Billy se trouvait donc là et il avait l’intention de parler à Amy, mais sans lui. Dennis n’avait aucune envie de partir, mais en même temps il ne savait pas s’il serait capable de s’opposer à Billy. Ce qu’il n’avait pas besoin de faire, parce que Amy de son côté s’opposa à lui. Elle lui rétorqua que non, il n’allait aller nulle part. Dennis afficha un léger sourire à cette remarque, appréciant bien évidemment que son amie n’ait aucune envie qu’il s’en aille. Parce que de son côté, il n’avait pas spécialement envie de la laisser seul avec leur ancien camarade. Il aurait pu dire quelque chose, il aurait pu défendre une opinion face à Billy, mais en fait il n’était pas vraiment capable de dire quoi que ce soit là. Il était surtout aussi curieux qu’Amy de savoir ce qu’il lui voulait.

Je m'en veux quand j'entends Billy traiter Dennis comme un moins-que-rien, je m'en veux parce que je ne sais pas réagir comme il faut. Je devrais prendre sa défense, je devrais l'empêcher de dire des choses pareilles, je devrais lui fermer la porte au nez. Mais même si je fais du mieux que je peux, pour m'imposer, pour me défendre, Billy me fait un peu peur. Je n'aime pas la manière dont il me regarde comme si ses yeux me déshabillaient. Je n'aime pas la manière dont il me parle comme si je lui étais due... Et j'ai peur de ce qu'il serait capable de me faire si, las de ma résistance, il décidait d'en faire fi.

Alors au lieu de réagir, je ne fais absolument rien. Et même, je veux savoir ce qu'il a à me dire, tout en sachant que la curiosité n'est jamais bonne conseillère. Je déteste absolument l'idée de lui laisser la main, et en même temps, je ne suis pas certaine que je serais capable de la reprendre. Il a appris des informations perturbantes. Est-ce que je dois le croire ? Peut-être pas, il peut essayer de me manipuler, je n'en serais pas vraiment surprise. Mais je ne bouge pas, je n'esquisse aucun mouvement. J'attends.

Et il prononce le nom que je ne voulais surtout pas entendre... Mon souffle se brise et mon coeur manque... dix battements au moins quand j'entends son nom. Malgré moi, je cherche la main de Dennis et dès qu'elle trouve la mienne, je la serre si fort que je pourrais presque lui briser les métacarpes. J'ai besoin de lui, de sa présence. J'ai l'impression que je vais m'effondrer, je veux revenir quelques minutes en arrière et ne surtout pas ouvrir cette fichue porte. Mais il est trop tard.

"Tu sais bien que oui..."

Ce qui est donc une manière de lui demander ce qu'il sait et ce qu'il veut nous dire, même si je crois comprendre. Est-ce qu'on l'a contacté comme on nous a contactés, Dennis et moi ? Je me dis que ça doit être ça... et je ne le veux pas. Non, je ne veux pas que Billy soit mêlé à ça. Je ne veux pas que Billy soit mêlé à quoi que ce soit qui me concerne. Mais il est trop tard.

Il n’y avait sans doute pas plus humiliant que la réaction de Billy en cet instant précis. Dennis connaissait les intentions du jeune homme, il avait été particulièrement clair quand il était venu le trouver chez lui. Il savait ce qu’il cherchait et rien que pour cela, Dennis ne pouvait pas s’empêcher de le détester plus encore. Il n’avait aucune envie que Billy cherche à avoir… Amy dans sa vie, il n’avait aucune envie qu’il cherche à se l’accaparer. Amy n’était pas un objet bien sûr, mais Dennis devait bien avouer qu’elle était quand même capable de lui faire ressentir des choses qu’il n’avait pas forcément pensé ressentir un jour : de la possessivité, de la jalousie… et ce qui allait avec bien sûr, même s’il était encore incapable de vraiment poser des mots à ce sujet.

Et donc, Billy décidait de simplement l’ignorer et le considérer comme un meuble. Le jeune homme avait envie d’être capable de s’imposer, de lui dire de s’en aller, d’aller se faire… eh bien d’aller se faire voir tout simplement. Ce serait tellement agréable, mais il n’en avait pas le courage. Alors, il ne dit rien tout simplement et se contenta d’écouter ce que le jeune homme avait l’intention de dire à son amie. Il avait appris quelque chose de perturbants, allons bon. Il avait besoin d’en parler à quelqu’un. Encore une fois, le jeune homme sentit une pointe de jalousie en entendant l’interlocuteur de Amy – parce qu’on ne pouvait pas réellement dire qu’il soit le sien, puisqu’il ne lui adressait aucune attention, aucune considération –, prononcer ces mots. Parce qu’il n’aimait pas le fait que quand il avait besoin de parler à quelqu’un, il décide de se tourner vers Amy. C’était… c’était lui qui faisait ça.

Mais ce sentiment s’envola complètement quand Billy prononça le nom que Dennis n’avait en aucun cas envie d’entendre. Tom Jedusor. Dennis se sentit pâlir, un frisson énorme traversant son échine. La main de Amy attrapa la sienne, et dans un réflexe il la serra aussi fort qu’elle la serrait. Il avait besoin de ce contact, pour ne pas tout simplement sombrer juste en entendant ce nom. Et donc, Billy avait l’intention de parler de Jedusor ? De leur parler de quelque chose qu’il avait apprit sur lui. Est-ce que c’était ce qu’ils avaient aussi appris de leur côté ? Ce que Amy lui avait dit au point de le perturber énormément. Dennis aimerait se dire que ça ne pouvait pas être ça, que Billy ne pouvait pas être au courant. Mais ça semblait évident que c’était le cas… et il n’était vraiment enchanté de se dire que le jeune homme se retrouvait confronté à toute cette histoire également.

« Qu’est-ce que tu aurais à nous apprendre qu’on ne sait pas ? » Demanda-t-il, d’une voix blanche, qu’il s’efforça à ne pas laisser trembler. Juste… parce qu’il voulait se montrer fort, suffisamment fort pour soutenir Amy.

Et bien sûr, il disait « nous », meuble ou pas, Dennis était là et il était concerné par tout ça.

Ce "nous" que Dennis utilise au moment de répondre à Billy peut n'avoir l'air de rien, mais en ce qui me concerne, je le prends pour quelque chose d'engageant, la preuve que Dennis veut être présent, que quoi que nous devions apprendre en plus de ce que nous savons déjà, nous serons à deux pour l'encaisser. Je sais que le nom de Tom Jedusor le terrorise autant que moi, je sais que tous ses cauchemars lui sont associés, c'est normal, les miens aussi, et plus nous en avons appris à son sujet, pire ça a été. Alors ce "nous", cette preuve que je ne serai pas seule face à l'épreuve nouvelle que Billy va peut-être nous imposer, c'est important pour moi. Et peu importe l'attitude que notre interlocuteur voudra adopter de son côté pour tenir Dennis à l'écart de notre conversation, ça ne changera évidemment rien.

Je le laisse parler, je n'aime pas qu'il ne s'adresse qu'à moi, mais nous n'avons pas le temps de chipoter là-dessus. Je veux surtout savoir ce qu'il sait, ce qu'il pense avoir à nous dire. Quand il affirme que ça va me sembler dingue, j'ai envie de rétorquer d'emblée que plus rien ne peut me sembler fou dorénavant. Peu importe ce qu'il peut nous dire. Nous savons le monde de la sorcellerie, la résistance, les sombres desseins de celui qui veut qu'on l'appelle Lord Voldemort. Que pourrait-on vraiment apprendre de plus que cela ?

Et en effet, Billy est sidéré et pense nous apprendre une information-massue que nous aurons du mal à croire, mais le fait est qu'il a plusieurs trains de retard sur nous. Quelque part, ça me rassure, je ne sais pas si j'aurais été capable d'encaisser quoi que ce soit de plus au sujet de Tom Jedusor. Ce que nous savons d'ores et déjà, c'est déjà... beaucoup, beaucoup trop. Normal que même un type comme Billy ait du mal à s'en remettre. Et encore, je me demande s'il n'a pas juste vu la partie émergée de l'iceberg.

-On était déjà au courant, je réplique avec la fierté mal placée de celle qui dispose à l'avance d'une information que l'autre ne possédait pas. Vu les circonstances c'est une bien maigre fierté, mais on fait avec ce qu'on a... Comment est-ce que tu l'as appris ?

Billy continua de parler comme si Dennis n’était pas présent, en l’ignorant clairement sans même chercher à se montrer discret. Ça agaçait le jeune homme, mais en même temps il n’allait pas prendre la peine de le notifier maintenant, à quoi bon ? Tant que de son côté, Amy ne le laissait pas à l’écart, il n’avait pas à se faire du souci. Et au final, le plus important était quand même les informations que Billy avait à leur donner. Dennis ne pouvait pas nier qu’il se sentait particulièrement angoissé, il avait peur de découvrir ce qu’il avait à leur apprendre, il avait peur qu’une nouvelle massue leur tombe dessus. Même si en soit, Dennis se disait qu’ils en savaient déjà assez sur Jedusor.

Et c’était bel et bien le cas, Billy n’avait rien d’autre à leur apprendre que ce qu’ils savaient déjà. Il demandait à Amy de le croire, de ne pas le prendre pour un cingler, même si ça pouvait donner le sentiment. En soit, Dennis pouvait comprendre la position de son interlocuteur – qui ne lui parlait pas à lui, donc on ne pouvait pas réellement dire qu’ils étaient interlocuteur –, au vu de ce qu’il disait, c’était normal qu’il ait peur d’être pris pour un fou. Comme eux même avaient pu être pris pour des fous rien qu’à l’idée de ce qu’ils avaient pu voir.

Amy répondit simplement aux propos de Billy en lui précisant qu’ils étaient déjà au courant. Ce n’était sans doute qu’un détail, mais Dennis appréciait évidemment de l’entendre parler d’eux tous les deux. Donc oui, ils savaient déjà tout ce que Billy avait à leur dire. Amy lui demanda comment il avait appris tout ce qu’il savait. Visiblement, Billy en savait beaucoup maintenant sur la vie de Jedusor, Dennis aussi se demandait comment il avait pu découvrir tout ça.

« Si tu découvres que maintenant qu’il est dangereux… en effet, je pense que tu es cinglé. » Se permit-il de remarquer.

Cette remarque n’avait aucun intérêt, c’était évident, mais en même temps il avait aussi envie de rappeler sa présence. Il en avait assez que Billy l’ignore, il n’avait pas envie qu’il continue de parler à Amy comme s’il n’existait pas, surtout pour quelque chose qui le concernait quand même. Ils étaient tous concerné par Jedusor, malheureusement.

Je grimace à la réflexion de Dennis. Bien sûr qu'il a raison et que ne remarquer que maintenant le fait que Tom Jedusor est un fou dangereux équivaut à un manque absolu de réflexion et d'observation, ce qui est un comble pour un policier, mais je n'ai aucune envie de l'accabler de reproches, vraiment... parce que, de mon côté, je l'ai tout de suite senti, mais il n'a pas vécu ce que nous avons vécu, et l'agressivité ou le mépris ne nous mènera nulle part. J'ai besoin de comprendre et de savoir ce qu'il sait. Je suis convaincue que c'est important, alors j'y prête la plus grande et la plus nécessaire attention.

La remarque de Dennis n'était pas nécessaire, mais celle de Billy ne l'est pas davantage, et j'aimerais bien que chacun mette ses a prioris de côté afin que nous puissions comprendre ce qu'il a vu et attendu. Toute cette situation me perturbe beaucoup... et j'aimerais obtenir des réponses claires aux questions qui me tourmentent, même si je suis sûre de ne considérer aucune d'entre elles comme positivement satisfaisantes.

"Est-ce qu'on pourrait revenir au coeur du sujet ?" je demande, nerveuse, en croisant les bras sur ma poitrine. Parce que se traiter respectivement d'idiots ne sert définitivement à rien, et de mon côté, je ne me sens clairement pas dans mon assiette, loin de là. J'aimerais disparaître six pieds sous terre, clairement. "Tu n'as pas répondu à ma question : comment est-ce que tu l'as appris ?"

Moi non plus je ne réponds pas à sa question, mais je n'ai aucune envie de lui raconter toute l'histoire, en revanche, je veux véritablement prendre l'ampleur de ce qu'il sait. Cette situation me rend totalement inconfortable et me met particulièrement mal à l'aise... je déteste ça, je déteste vraiment cette situation. Je n'aime pas la position dans laquelle elle nous met, je n'aime pas ressentir à quel point Dennis se sent mal... je n'aime rien de tout ça... Je veux juste qu'on nous laisse tranquille... J'aimerais pouvoir m'isoler entre quatre murs, j'aimerais pouvoir me recroqueviller sur moi-même et oublier absolument tout le reste, j'aimerais bien ne plus penser à quoi que ce soit. Je me sens mal, trop mal, et j'ai vraiment besoin de me rassurer.