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grippine balaya le salon du regard avec un grand sourire satisfait. Jamais son appartemant n'avait été aussi propre. Certes, il y avait tout de même ces quelques éléments contre lesquels elle ne pouvaient rien (traces de moisissure et taches en tout genre) et qui confirmaient l'insalubrité de son lieu de vie, mais pour le reste, elle était plutôt satisfaite du résultat. En dépit de sa soirée de la veille, qu'elle avait passée chez Thésée, la jeune femme s'était levée aux aurores (autant dire qu'elle était tout de même fatiguée, mais l'excitation et la patience faisaient qu'elle avait l'impression d'avoir beaucoup trop d'énergie à revendre) afin de mettre l'endroit en ordre. Elle le voulait accueillant. Elle voulait que cette pièce ressemble à ce qu'on voyait dans les illustrations de contes de Noël, quelque chose d'à l'ancienne, de douillet et de convivial.

Elle avait l'impression que le pari était plutôt réussi. Elle avait dressé sur sa petite table ronde qui ne pouvait accueillir que deux convives une nappe vert foncé qu'elle avait garnie de décorations de Noël grapillées sur le chemin de traverse, elle avait disposé des guirlandes lumineuses un peu partout et, clou du spectacle, elle avait acheté un sapin, qui trônait fièrement à l'angle d'un mur, brillant de mille feux. C'était peut-être le fait de ne pas avoir vraiment fêté Noël depuis bien longtemps, mais Agrippine se sentait complètement surexcitée. Heureusement qu'Ignatius n'allait pas tarder, car elle ne tenait plus en place.

Et heureusement qu'elle ne tarderait pas non plus parce que la jeune femme avait préparé le dîner (eh oui), et qu'il était bientôt prêt. Elle n'avait qu'une hâte, et c'était de le partager avec son frère, même si elle ne garantissait pas la qualité du menu... ni l'humeur du frère, au passage, qui promettait d'être assez imbuvable, au début du moins, vu qu'elle l'avait tout de même un peu laissé en plan pour passer son réveillon avec Thésée. Pour elle, c'était de bonne guerre. Après tout, combien de Noël Ignatius avait-il passé avec les Tuft sans qu'elle-même soit conviée (bon, elle ne voulait pas l'être non plus, mais vous m'avez comprise) ? Et puis, on était le 25, le jour de Noël, c'était aujourd'hui, techniquement.

Elle oubliait un peu ses scrupules en se disant qu'Ignatius avait sans doute passé la soirée avec Carlotta, dans tous les cas, donc après tout... Ce n'était pas si grave que ça qu'elle n'ait pas été dans leurs pattes. En tout cas, il ne lui fit pas faux bond puisqu'il frappa à la porte. Elle lui ouvrit, rayonnante.

-Salut frangin, entre ! Joyeux Noël ! Tu arrives juste à temps, le dîner va être prêt. Et je suis quasiment sûre que c'est comestible, en plus !

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B

on, Agrippine connaissait suffisamment Ignatius pour sentir que ce dernier n'était clairement pas au meilleur de sa forme, mais en même temps, il semblait malgré tout disposé à sourire et à profiter du moment, c'était tout ce qu'elle lui demandait. Elle avait envie qu'ils profitent vraiment de ce moment ensemble, avec le moins d'ombres au tableau possible. Elle allait inviter le jeune homme à passer à table et lui servir à boire, mais il lui offrit d'office son cadeau. Agrippine observa le paquet, intriguée, sourire aux lèvres. On aurait dit un livre... Elle n'aimait pas spécialement lire, mais... Sans attendre, elle s'installa sur le canapé, proposant à Ignatius de s'installer à côté d'elle, tout en ouvrant le paquet pour découvrir un album photo, des photos de leur enfance. Elle sentit l'émotion lui monter à la gorge, c'étaient définitivement les cadeau les plus simples qui lui faisaient le plus d'effet.

-C'est drôle, j'ai eu exactement la même idée que toi. Pour Thésée, je veux dire. Je lui ai offert un album comme celui-là. Des photos d'elle enfant, puisqu'il ne l'avait pas connue à cet âge. Comme quoi, ils n'étaient pas frère et soeur pour rien. Elle sourit, la coïncidence était troublante, mais Agrippine la trouvait belle. Raison pour laquelle elle l'avait soulignée, même si Ignatius n'aurait peut-être aucune envie d'entendre parler de Thésée, mais elle ne pensait pas à cela sur le moment. Elle ouvrit l'album sans chercher à guetter la réaction de son frère et le feuilleta avec attention. J'adore celle-là, dit-elle en pointant du doigt une photo où ils étaient tous deux dans le jardin familial. Elle devinait qu'aucun de leurs parents n'avait pris la photo en question. Elle avait le vague souvenir qu'ils s'étaient arrangés pour la prendre eux-mêmes... C'était l'été avant ton entrée à Poudlard, je me souviens. J'avais tellement pas envie que tu y ailles...

Pour surtout ne pas se retrouver seule avec son père. Et Merlin sait combien, après l'intégration d'Ignatius à Poudlard, la vie de la petite Agrippine était devenue un véritable enfer. Mais elle préférait se concentrer sur le positif, sur ce bon moment d'insouciance. Elle trouvai que par certains aspects, ils n'avaient pas changé.

-Moi aussi j'ai quelque chose pour toi.

Agrippine se releva et fouilla dans un tiroir pour en sortir une enveloppe décorée d'un ruban qu'elle tendit à son frère. Elle avait fait une petite folie, mais ça lui était égal, elle avait eu les moyens, sur le moment, et clairement, elle se disait que ce Noël-ci, elle devait voir les choses en grand pour Ignatius qui, le pauvre, en bavait suffisamment. C'étaient des billets de train pour un voyage à travers l'Europe, pour les vacances de Pâques... Elle avait songé que partir juste tous les deux et changer d'air leur ferait du bien.

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A

grippine faisait fi de la réaction de son frère à l'évocation de Thésée et de fait qu'ils avaient eu la même idée de cadeau tous les deux. Certes, il n'avait rien dit, mais il y a des signes qui ne trompent pas, et la jeune femme pensait connaître suffisamment Ignatius pour déceler ses microexpressions et deviner ce qu'elles signifiaient exactement. Elle pouvait, dans le fond, comprendre son comportement et admettre qu'elle aurait dû faire preuve de davantage de tact, mais en même temps, elle ne comptait pas s'en excuser. D'une part parce qu'à ses yeux, c'était une très belle chose qu'ils aient tous deux eu la même idée presque simultanément, d'autre part parce que ce n'était pas en éludant le sujet qu'Ignatius allait se faire une raison. Thésée faisait partie de sa vie, dorénavant, et il y avait pris une place importante. C'était un fait, c'était ainsi, et le mieux que son frère puisse faire, c'était de s'y habituer jusqu'à comprendre que sa place dans le coeur de sa soeur n'était absolument pas menacée.

Pour cela, elle comptait beaucoup sur son cadeau à Ignatius, elle devait bien le reconnaître, et elle appréhendait quand même au moment de lui offrir. Faire cadeau d'un voyage à quelqu'un, c'était forcément un risque... Ignatius pourrait ne pas avoir la possibilité ou le temps de se libérer, il se pouvait aussi qu'il ne soit pas emballé par la destination qu'elle avait choisie. Agrippine s'y était préparée mentalement, pour sa part, et avait déjà à l'esprit les solutions de repli qu'elle pourrait déployer si la réaction de son frère n'était pas celle escompté.

Mais le jeune homme parut véritablement emballé, et ému. Les deux réactions que la jeune femme avait espéré susciter en lui. Elle était fière de son coup. Elle aurait accepté qu'il refuse son cadeau, mais elle préférait quand même largement ce cas de figure.

-Tu parles, c'est que de l'argent, on s'en fiche, répondit Agrippine avec un sourire. Ce qui était vrai, elle se fichait royalement de l'argent qu'elle dépendait. Et quand elle en avait, c'était pour qu'il ne lui reste pas dans les poches bien longtemps. Et puis, c'est un cadeau que je me fais à moi aussi, c'est complètement intéressé. Elle marqua une pause. Je me suis dit, tu vois... qu'avec l'année qu'on venait de passer, on aurait bien besoin de prendre l'air, de s'éloigner de tout ça, et juste... de respirer, rien que tous les deux, tu vois.

Parce que oui, cette année n'avait pas été de tout repos pour eux deux : le passé révélé d'Agrippine, l'identité de son père, les frictions entre Ignatius et leur mère, la relation d'Ignatius avec Carlotta, Carlotta condamnée à la prison... Oui, ils avaient définitivement besoin de souffler.

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grippine était définitivement heureuse de constater qu'elle avait fait mouche. Un cadeau comme celui-là, c'était à double tranchant : Ignatius en était heureux, il en semblait même ému, mais il aurait pu lui reprocher d'avoir planifié une destination sans lui en parler au préalable, ou prétexter qu'il avait trop de travail pour prendre des vacances, va savoir. Elle avait redouté, oui, que ça ne lui plaise pas, ou pas autant qu'elle le voudrait, mais elle était satisfaite. Il avait visiblement parfaitement compris ce qu'elle espérait avec ce cadeau. Une occasion de passer du temps ensemble rien que tous les deux, de lui prouver qu'elle n'avait aucune intention de le négliger ou de le mettre de côté, une intention d'être avec lui, tout simplement, parce que quoi qu'il advienne, Agrippine aurait toujours besoin de son frère, et elle tenait définitivement à ce qu'Ignatius ne puisse pas avoir ne serait-ce que l'ombre d'un doute sur la question.

Il était ému et il osait l'exprimer avec ses mots à lui, ça aussi, ça comptait pour Agrippine, et en ce qui la concernait, ce cadeau-là, celui qu'il lui faisait en acceptant le sien avec autant de certitudes et d'enthousiasme, ça pouvait largement suffire à faire son Noël à elle aussi. Elle ne mentait pas quand elle affirmait que son cadeau avait été parfaitement intéressé : c'était bel et bien le cas. Elle était impatiente qu'ils mettent effectivement les voiles, loin, le plus loin possible de ce merdier sans nom qu'étaient leurs vies. Alors oui, Agrippine aimait beaucoup de choses, dans sa vie, vraiment, et les bouleversements que cette dernière rencontrait n'étaient pas tous désagréables (d'autres le seraient davantage). Mais tout de même, la tentation de juste... prendre le large et partir aussi loin que possible était plus séduisante qu'aucune autre. Larguer les amarres, ne plus se soucier de rien et laisser à son soi du futur de gérer les emmerdes qu'on n'aura pas eu envie de regarder en face. Quelque part, ça vendrait presque du rêve. Presque.

-Je savais que ça te plairait, répondit Agrippine avec un fin sourire au coin des lèvres avant que son frère ne reprenne, abordant le sujet qu'elle pensait qu'ils éviteraient soigneusement tout au long de la soirée.

Agrippine hésita un peu avant de répondre, elle n'avait pas envie d'enfoncer le couteau dans la plaie, mais en même temps, elle appréciait qu'il fasse l'effort d'en parler avec elle. Elle n'avait pas envie de devoir taire le nom de Thésée comme quelque chose de honteux à chaque fois qu'elle serait en présence d'Ignatius. Elle voulait qu'il accepte au mieux cette situation, et il semblait prêt à au moins essayer.

-C'était sympa, vraiment. On est encore pas mal... maladroits l'un avec l'autre, je dirais, mais j'ai passé un bon moment avec lui. Et aussi... Elle hésita avant de reprendre. Le prends pas de travers, d'accord, mais il m'a proposé de prendre son nom.

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grippine devinait et comprenait la surprise d'Ignatius. Même si, dans le fond, le fait qu'elle prenne le nom de son père pouvait être considéré comme la suite logique des événements, il aurait été tout aussi logique qu'elle ne s'embarrasse pas à changer de nom à ce stade. Après tout, elle a fait sa vie, elle s'est réapproprié l'identité d'Agrippine Tuft, et même, elle a pris un certain plaisir à se faire appeler par son vrai nom pour embarrasser ses parents autant qu'elle le pouvait, entacher la mémoire de son père et la réputation de sa mère. Seulement voilà, la proposition avait été faite, et Agrippine l'avait trouvée irrésistible, avait apprécié tout ce qu'elle avait de forte et de symbolique.

Ignatius prenait sur lui, si bien qu'Agrippine avait du mal à savoir ce qu'il pensait exactement de cette situation. Elle sentait qu'il faisait des efforts, et elle appréciait qu'il ne se braque pas d'office, mais elle craignait fort, malgré tout, qu'il finisse inévitablement par le faire. Elle ne voulait pas se mettre en fâcheuse posture vis-à-vis de lui, mais elle n'avait aucune intention non plus de faire les choses autrement que comme elle les avait décidés. Elle assumait ses choix, complètement, fièrement, voilà tout.

-Eh bien... C'est pas simple, comme décision. Je veux dire, même pour Thésée, c'est l'exposer complètement, et... Elle marqua une pause. Elle tournait autour du pot, clairement, mais c'était plus difficile qu'elle ne le pensait que de dire ce qui était pourtant déjà on ne peut plus évident. Oui bref, j'ai accepté, ajouta-t-elle parce qu'il ne servait vraiment à rien de prétendre le contraire, et qu'il l'apprendrait bien assez tôt.

Elle avait envie de se justifier encore davantage, de lui expliquer à quel point porter le nom de Tuft était chose difficile pour elle, de lui dire également à quel point tout ceci ne changerait rien, qu'elle resterait sa soeur malgré tout, envers et contre tout, mais qu'elle avait besoin de ce nouveau départ. Au bout du compte, elle se doutait que ses propos ne rencontreraient qu'un accueil mitigé de la part d'Ignatius. Parce que ce dernier était bien assez intelligent pour déjà savoir tout ce qu'elle pourrait bien lui dire sur la question. A l'évidence, elle ne lui apprendrait absolument rien, et elle ne ferait que rendre embarrassante une situation qui n'avait pas besoin de ça pour l'être. Elle avait fait un choix, qui ne dépendait que d'elle et que lui-même ne pouvait qu'accepter : et l'histoire s'arrêtait là. Il n'y avait pas à se questionner davantage. C'était ainsi et il fallait l'accepter, voilà tout.

-Tu m'en veux pas, dis ? choisit-elle donc simplement de lui demander.

Car s'il devait choisir de lui en vouloir, elle comprendrait, mais c'était la dernière chose qu'elle voulait.

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