S'il y a une chose que Nigel n'a jamais connue, c'est bien la solitude, et ce avant même de venir au monde, puisque Nigel n'est pas né seul, quelques secondes seulement après sa soeur jumelle, Eurydice, avec qui il n'a jamais cessé d'être inséparable. De son enfance, Nigel ne garde que des souvenirs heureux. Ses parents les ont couvés, sa soeur et elle, de tous les bienfaits possibles. L'un comme l'autre n'ont jamais manqué de rien. Et pour cause, leurs parents étaient riches, estimés, réputés, et eux profitaient très largement de la réputation familiale. Nigel a très vite pris ce confort de vie pour un acquis, et il s'est promis de ne jamais revoir ses standards à la baisse, que ce soit pour lui-même ou pour sa jumelle.

A Poudlard, sa hantise était de ne pas se retrouver dans la même maison que sa soeur. Le choixpeau, en effet, était très insistant quant au fait que sa place serait certainement à serdaigle. Mais il a finalement été envoyé à serpentard, où sa soeur avait été conduite quelques secondes plus tôt (elle avait le don de faire tout quelques secondes avant lui, manifestement). De même que pour son enfance, Nigel mena une adolescence plutôt insouciante. D'un naturel sociable, il ne tarda pas à se faire un certain nombre d'amis, y compris au sein des autres maisons (mais toujours des sangs purs, il ne faut pas exagérer). Il eut également son lot de petites amies... pour voir, pour essayer... Mais il n'était pas particulièrement emballé. Quand les hormones semblaient travailler la grande majorité de ses camarades, lui-même était parfaitement indifférent aux considérations qui semblaient les agiter tant. Il n'en était pas malheureux, bien au contraire... Il se sentait parfois un peu anormal, c'est vrai, mais il était assez simple de noyer le poisson en s'inventant l'une ou l'autre conquête, et la plupart tombaient dans le panneau. C'est d'ailleurs une technique qu'il utilise toujours aujourd'hui. Il n'y en a qu'une qui n'est jamais tombée dans le panneau. Eurydice l'a percée à jour même avant lui, et bien compris que ce genre de relations ne l'intéressaient pas. Ce qu'elle n'avait pas deviné, en revanche, c'était qu'il avait malgré tout un intérêt romantique particulier pour les garçons de son sexe, même s'il cherchait à le nier.

Pour ce qui était d'Eurydice, on ne lui demandait pas vraiment son avis. Ils avaient dix ans quand on lui avait trouvé un fiancé. Durant toute sa scolarité, Nigel ne pensa rien de Trevor Carrow, ce garçon de deux ans leur aîné qui épouserait un jour sa soeur. Il restait... le mari du futur, et il décidait de ne pas s'y intéresser tant que sa soeur n'aurait pas la bague au doigt.

Oui, son adolescence fut heureuse et relativement insouciante. Intelligent sans avoir à fournir beaucoup d'efforts, Nigel obtint ses ASPIC avec succès. Rejoindre la vie adulte fut un cap difficile à passer pour lui, qui traîna un petit temps chez ses parents avant de se décider à embrasser une carrière... tandis que sa soeur, elle, devenait une parfaite épouse, et bientôt une maman exemplaire. il choisit l'édition, qui semblait correspondre au mieux à son amour de la lecture, et aujourd'hui, il est directeur de collection pour les éditions Obscurus Books.

Et sa vie personnelle ? Il n'y a pas grand-chose à en dire. Il loue à prix d'or un immense appartement, en total accord avec ses goûts luxueux, sur le chemin de traverse, et se laisse vivre, laissant les uns et les autres lui imaginer une vie débridée qu'il ne mène pas du tout. Quand on le pense au bras d'une jolie femme, il est généralement, installé tranquillement chez lui, à lire un livre ou à s'essayer au dessin (pratique peu concluante). Le reste du temps, il le passe chez sa soeur, de qui il ne supporte pas d'être séparée trop longtemps. Forcément, avec le temps, il a appris à connaître Trevor, son mari, et...

... Il ne devrait pas aimer cet homme, certes, il est le père de Clarice, et Nigel, à l'instar de ses parents, adore cette petite, d'autant que lui-même n'envisage pas d'avoir des enfants un jour, mais il sait qu'il rend Eurydice malheureuse, parce que sa sexualité n'est pas la bonne, parce qu'elle a peur qu'il l'humilie... Il le comprend, il ne veut pas la voir malheureuse mais... Dans les moments où il se retrouve seul avec Trevor, Nigel n'arrive plus à penser à elle. Personne n'a jamais deviné cela de lui, mais Nigel est un romantique... et Trevor, il le sent au fond de lui, est le seul homme qu'il sera jamais capable d'aimer. Le pire, c'est qu'il est convaincu de ne pas le laisser indifférent. Mais à quoi bon ? Il ne veut pas faire souffrir Eurydice. Et puis... Nigel n'est pas capable de devenir l'amant de qui que ce soit.