Les mots de Nigel furent clairs et précis… il ne deviendrait pas son amant. Si Trevor avait eu encore un doute sur la question – mais au vu de la conversation, plus les secondes passaient, plus le jeune homme avait le sentiment de s’enfoncer un peu plus –, c’était net et précis maintenant, il ne se passera rien. En un sens, si Trevor était capable de prendre un peu sur lui, il considèrerait que c’était évident pour le mieux parce qu’il y avait Eurydice au milieu, sauf que Trevor n’en avait que faire de son épouse. Il la supportait plus qu’autre chose, ils se soutenaient concernant Clarice et ils faisaient front ensemble. Cela dit, ça n’enlevait pas le fait qu’on ne pouvait pas réellement dire qu’ils s’appréciaient et le jeune homme ne savait que trop bien qu’elle le voyait comme un dégénéré. Elle le jugeait, elle ne se retenait pas de le faire et lui, il devait subir son jugement et en prime… devoir abandonner le peu d’espoir qu’il avait concernant Nigel.

Au fond, le jeune homme se disait qu’il aurait peut-être dû faire comme si de rien n’était, ne pas aborder le sujet, ne pas aller si loin, parce qu’il avait le sentiment de se prendre un mur en pleine figure. Et pour ce qui était d’avoir le sentiment de se prendre des murs, son cops lui faisait cet effet à longueur de temps, autant dire qu’il en connaissait un rayon, mais c’était pire en cet instant précis. Surtout quand Nigel continua en affirmant que leur amitié, c’était ce qu’il pouvait offrir de plus proche. Il n’avait pas envie de perdre ça, mais en cet instant précis Trevor ne pouvait pas s’empêcher de trouver son beau-frère égoïste. Il était là si… parfait, il se trouvait si proche de lui, il lui faisait comprendre en un sens qu’il tenait à lui, mais il se refusait à lui. Et il devrait accepter ? Se contenter uniquement de cette amitié, c’était beaucoup trop lui demander. Parce qu’à côté, il savait bien qu’il ne pourrait jamais obtenir ce qu’il voulait et… eh bien, il en souffrirait forcément.

« Et moi je ne peux pas me contenter du peu que je peux avoir. » Dit-il peut-être trop sèchement. Nigel ne lui parlait pas mal, il y avait une douceur dans sa voix… une douceur douloureuse en réalité. Parce qu’au fond, Trevor se disait que peut-être que sans son épouse, ils auraient pu vivre ce qu’ils souhaitaient tous les deux. Le sorcier était bien incapable de comprendre que son interlocuteur n’avait rien à lui offrir tout court, sa sœur jumelle ou non, même si forcément Eurydice ne manquait pas d’être un frein. Lui, il ne pouvait que comprendre que le fait qu’il soit mariée à Eurydice était le seul obstacle qui pouvait les empêcher de connaître quelque chose de plus fort. Alors… c’était douloureux, ça faisait extrêmement mal. Bien plus mal que toutes les douleurs physiques qu’il connaissait. « Ça ne me suffit pas. » Ajouta-t-il, même si c’était difficile à dire. Mais il disait ce qu’il avait sur le cœur, il ne pouvait pas juste être ami avec Nigel, ce n’était pas possible.

D’accord… en soit c’était une bonne réponse à sa remarque, c’était plutôt une bonne chose si Nigel était d’accord avec lui, mais en même temps, Trevor aurait aimé qu’il lui oppose une résistance ou quoi que ce soit d’autre. Qu’il lui dise qu’il n’était pas d’accord, et peut-être… peut-être bien qu’il rebrousse chemin en affirmant qu’il allait lui offrir ce qu’il voulait, qu’ils n’allaient pas se contenter juste d’être ami. C’était sûrement bête de la part du jeune homme d’attendre tout ça de la part de son beau-frère, mais il arrivait encore à avoir un fin espoir. Il arrivait encore à se dire que le frère d’Eurydice allait se contenter de rebrousser chemin et revenir sur ses paroles. Mais ce n’était pas ce qu’il faisait.

Trevor tenta de ne rien montrer quand son interlocuteur s’excusa, confirmant que c’était lui qui avait raison, qu’il n’aurait pas dû… pas dû quoi ? Il ne disait rien, observant son interlocuteur, avec le cœur battant, avec encore ce fin espoir débile qu’il allait revenir sur ses paroles. En cet instant précis, Trevor avait juste envie de s’approcher de Nigel, de briser l’espace entre eux, de prendre son visage dans le sien et de l’embrasser. Il avait envie de l’embrasser depuis ce qui lui semblait toujours, mais là c’était pire que tout. Il avait envie qu’ils oublient tout simplement cet instant et qu’ils se contentent de se trouver… juste de se trouver. Mais non, c’était pire que tout.

Le sorcier sentit son cœur se briser un peu plus en entendant Nigel affirmer qu’il valait mieux qu’ils prennent leurs distances. Trevor avait le sentiment de se faire larguer par un mec avec qui il n’y avait rien, c’était horrible. Nigel lui précisa qu’il allait s’arranger pour voir Eurydice et Clarice quand il n’était pas là, donc il allait concrètement l’éviter. Au fond, Trevor savait bien que c’était sans doute ce qu’il y avait de mieux à faire, qu’il ne pouvait pas rester en compagnie de son interlocuteur après ce qui venait de se dire, qu’ils ne pouvaient pas juste prétendre. Même si c’était la spécialité de Trevor, prétendre. D’ailleurs, il parvenait tant bien que mal à ne pas trop montrer à quel point il était touché par ce qui était en train de se dire. Mais en réalité, il avait juste envie de pleurer. Par chance, se retenir de pleurer de douleur, c’était un peu une spécialité chez lui.

« Très bien. » Dit-il la gorge serrée, ne pouvait quand même complètement se contenir, quand Nigel précisa qu’il valait mieux qu’il ne lui impose pas sa présence, pour que ça fasse moins mal. Il avait un peu de mal à comprendre où Nigel avait mal en cet instant précis, mais ça c’était parce qu’il ne parvenait pas à comprendre la position de son interlocuteur. Peut-être qu’au fond, Nigel avait raison, ne plus le voir lui permettrait d’avoir moins mal, ou quoi que ce soit. Il n’en savait rien, mais dans tous les cas ça semblait évident en cet instant. Il ne pouvait rien attendre de cet homme, il ne devait rien attendre, autant s’éloigner. « Eurydice ne va sans doute plus tard. Je vais faire un tour, tu pourras profiter d’elle. Tu n’auras qu’à lui dire que je t’ai ouvert. »

Il prenait la fuite ? Oui, il avait besoin de prendre l’air, il avait besoin de sortir, il avait besoin d’être un peu seul…