P

ollux le montrait fort mal, au sens où il ne le montrait pour ainsi dire pas du tout, mais il aimait sincèrement chacun de ses trois enfants, et il les chérissait d'autant plus à ce jour qu'ils étaient tout ce qu'il lui restait d'Irma. Etait-ce pour autant qu'il allait les couvrir d'attention et d'affection ? Non, certainement, ce n'était pas en gâtant et en pourrissant ses enfants que l'on menait une éducation adéquate, Pollux en était tout du moins convaincu, conforté en cela par l'éducation "à la dure" qu'il avait reçu lui-même et qui l'avait forgé comme il était.

Des gosses de riche qui n'avaient qu'à claquer des doigts pour obtenir tout ce qu'il voulait, il en avait croisé plus d'un dans sa vie, et il les avait toujours considéré avec mépris. Oui, les Black ne manquaient de rien, et il était important que cela se voie au premier coup d'oeil, mais les Black étaient également des individus méritants, qui savaient se forger eux-mêmes et se montrer dignes de leur illustre naissance.

Ainsi Pollux Black voyait-il les choses, et c'étaient là les préceptes qu'il chrchait à inculquer à ses enfants chaque jour que Merlin faisait... Avec plus ou moins de succès. Il n'avait pas grand-chose à redire concernant Walburga ou Cygnus, il est vrai, mais le cadet de la fratrie, lui, était réfractaire en diable, et ses récents résultats scolaires, agrémentés de commentaires de certains professeurs qui déploraient l'indiscipline d'Alphard, étaient intolérables aux yeux du patriarche Black. Ils avaient une réputation à préserver, ils devaient se montrer digne de leur rang ou de leur sang. Tout ce qu'Alphard ne faisait pas. Par conséquent, il semblait à Pollux logique de lui remettre les pendules à l'heure.

Il avait demandé à son fils de quitter Poudlard ce week-end là pour le rejoindre au sein de la demeure familiale, et il comptait bien ne rien lui laisser passer. Peu importe le temps que cela prendrait, il parviendrait à mater son fils insolent, jusqu'à ce que toute once d'irrévérence l'ait pour de bon abandonné.

-Approche, Alphard, proposa (mais ce n'était pas vraiment une proposition) Pollux d'un ton ferme quand Alphard arriva enfin. Pollux était assis à la table du salon, une tasse de thé à la main, et passait en revue le dernier exemplaire de la Gazette. Je suppose que tu sais ce que te vaux ta présence ici, n'est-ce pas ? suggéra-t-il sans lever les yeux de son journal.

code by Mandy

P

ollux resta de marbre face à la remarque présumément drôlatique de son fils, et qui de toute évidence, ne devait pas même lui soutirer ne serait-ce qu'un rictus amusé. Pollux était las des singeries de son plus jeune fils. Ses frasques et ses accès d'insolence étaient à la limite de l'acceptable quand il était encore un enfant, mais voilà, Alphard n'en était plus un. Son éducation à Poudlard devait le préparer à mettre le pied dans le monde des adultes et à le faire en toute conformité avec ses attentes, et il prenait tout cela par-dessus la jambe. Ce n'était pas amusant, c'était lassant. Et la patience de Pollux atteignait ses limites. Il était hors de question qu'elle tolère ainsi l'insubordination dont le jeune homme faisait preuve.

-Pas le moins du monde, répondit-il posément en fixant son fils en cillant. Ce qui me manque en revanche, c'est le respect que tu me dois.

Oui, bien sûr, Alphard lui manquait quand il n'était pas là, tout comme Cygnus lui avait manqué quand il avait quitté la maison, tout comme Walburga lui avait manqué quand elle était encore à Poudlard. Ils étaient tous trois la prunelle de ses yeux, et même s'il ne le montrait jamais, il tenait à eux.

Il pensait à eux tous les jours, quand il se retrouvait dans sa demeure vide, à se demander ce qu'ils faisaient et que tout allait bien. Mais si Pollux n'était déjà pas démonstratif en temps normal, il avait encore moins l'intention de l'être à l'heure où le comportement d'Alphard nécessitait définitivement d'être remis en question.

-J'ai reçu plusieurs courriers de Poudlard te concernant, aucun n'est flatteur, tu t'en doutes. Tes résultats sont déplorables, et ne parlons pas de ton attitude. Il marqua une pause toute calculée. Tu me déçois énormément. Je ne vais pas avoir d'autre choix que de te couper les vivres.

Est-ce que ce serait suffisant ? Non, sans doute pas, surtout qu'à Poudlard, l'argent n'était pas vraiment nécessaire, et Pollux n'accepterait pas de laisser son fils sans le sou, sous peine que des rumeurs commencent à circuler sur l'état de ses finances. Mais cette menace n'était qu'une première étape, bien évidemment. Il ne comptait pas en rester là, et Alphard allait bien vite en prendre conscience.

code by Mandy

L

es tentatives d'Alphard étaient vaines, et dans le fond, ce dernier devait pertinemment le savoir, et ne pouvait jamais que prétendre ne pas en avoir pleinement conscience, en réalité. Son petit numéro, il le connaissait par coeur. Peut-être qu'il avait pu s'y laisser prendre à une époque, mais c'était il y a longtemps. Depuis, Pollux, sans s'être fait une raison, toujours convaincu de pouvoir redresser son fils, avait du moins compris qu'il ne fallait jamais le croire sur parole, certainement pas quand il lui faisait la promesse de s'améliorer.

Le jeune homme avait définitivement besoin d'apprendre sa leçon, c'était l'évidence même. Et il était du devoir de Pollux que de la lui dispenser, même s'il aurait nettement préféré ne pas avoir à gérer ce genre de choses. Il prenait l'éducation et l'avenir de chacun de ses enfants très au sérieux, il n'était pas de ces parents négligents qui prenaient cela à la légère, il le pouvait d'ailleurs d'autant moins qu'en l'absence d'Irma, il tenait à jouer le rôle de deux parents à la fois.

-Je doute fort de pouvoir te croire, répondit posément Pollux.

Ce n'est pas qu'il en doutait fort, c'est qu'il était absolument convaincu de ne pas pouvoir croire un traître mot de ce que lui disait son fils. Il aimerait, vraiment, ne pas avoir besoin de remettre le moindre de ses propos en question, mais Alphard ne lui avait pas laissé réellement le choix, en fin de compte. Il tirait constamment sur la corde, et à ce rythme zelle ne tarderait pas à se casser. Il était bien évidemment hors de question que Pollux laisse une telle chose se produire.

-Qu'est-ce qui pourrait bien te distraire au point de négliger tes études ?

Il n'attendait pas vraiment de réponse de la part d'Aphard à cette question, parce que pour lui, la réponse était évidente : rien. Rien ne justifiait un tel laisser-aller sinon la propension naturelle d'Alphard à la nonchalance, et Pollux n'avait pas l'intention de la laisser passer plus longtemps.

Il ne voulait pas qu'Alphard lui invente une excuse, il voulait au contraire qu'il admette qu'il n'avait justement pas d'excuse. Il se devait d'assumer la responsabilité de ses actes, et aussi de s'employer à les réparer... C'est ainsi que les choses devaient fonctionner, tout simplement. Il n'y avait pas d'intermédiaire, il n'y avait pas d'alternative.

code by Mandy

A

lphard commença par un "Je sais pas". Autant dire que ses arguments promettaient de ne pas être franchement convaincants. Et en effet. Une fille, vraiment ? Il ne disait pas que c'était impossible, bien sûr, c'était bel et bien possible, mais ce ne pouvait pas lui servir d'excuse. Et il n'avait certainement pas attendu d'être tombé amoureux pour être distrait, insolent et mauvais élève. Bref, ça ne passait pas, et il ne s'en sortirait pas si facilement. Encore moins après les mots qu'il osa ajouter et qui pour le coup ne passaient vraiment pas, ne pouvaient bien évidemment pas passer.

Il serra les poings en entendant le discours de son fils. Il allait souvent trop loin dans la provocation, c'est vrai, beaucoup trop loin, et là, il avait touché à un point sensible qu'il ne s'était jamais permis d'aborder jusqu'alors. Et qu'il se garantirait bien d'aborder de nouveau, car dans l'esprit de Pollux, définitivement, ça ne passait pas, ça ne pouvait tout simplement pas passer. Il faisait référence au presque-scandale qui avait accompagné la naissance de son premier fils, Irma étant tombée enceinte alors qu'ils étaient tous deux encore à Poudlard. Il ne tirait pas une grande fierté de cet épisode, il évitait de l'aborder autant que possible.

Mais il ne comptait pas s'en cacher non plus. Cela faisait partie de son histoire, et au bout du compte, cela lui avait valu un mariage heureux, la naissance de trois enfants, et un aîné qui comblait toutes ses attentes, preuve qu'en dépit de leur jeune âge, Irma et Pollux avaient su être de parfaits parents, et avaient parfaitement accompli leur devoir. Même si le devoir de père de Pollux s'exerçait plus difficilement auprès d'Alphard. Mais il obtiendrait gain de cause, et il n'allait pas hésiter à recadrer son fils autant que nécessaire.

-Non, je ne sais pas ce que c'est. Quand j'étais à Poudlard, j'avais de brillants résultats tout en construisant une vie de famille. Une famille à laquelle ton comportement actuel fait honte.

Et il ne pesait pas ses mots, il le pensait très honnêtement. Et il ne mentait pas, il se le reprochait chaque fois qu'il n'obtenait pas la note optimale à ses examens. Et le fait qu'Irma soit tombée enceinte n'avait rien changé à l'affaire.

code by Mandy

A

lphard eut le bon ton (cela pouvait lui arriver parfois, mais aux yeux de son père, ce n'était malheureusement pas assez souvent) de ne pas s'enfoncer davantage dans l'erreur et de ne pas insister après avoir fait preuve de l'insolence que Pollux n'avait pas manqué de lui reprocher tout aussitôt. Inutile de répliquer ou de riposter, quelles que puissent être les circonstances, Pollux avait le dernier mot. Il l'avait toujours eu jusqu'alors, et il tenait à ce que cela continue d'être le cas. Envers ses enfants, il ne cesserait jamais de se montrer sévère et autoritaire.

Ce n'était absolument pas dans le but de les brusquer ou de saper leur volonté, mais parce qu'il voulait les encourager à donner le meilleur d'eux-mêmes. Et le moins que l'on puisse dire concernant Alphard, c'est qu'il y avait encore beaucoup d'efforts à fournir. Ceci dit, il ne désespérait pas d'y arriver. Après tout, il était déjà parvenu à mater des esprits plus réfractaires, il ne manquerait plus qu'il ne réussisse pas à aboutir à ses fins avec la chair de sa chair. Merlin en soit témoin, il filerait droit, qu'il le veuille ou non.

-Des preuves tangibles seraient les bienvenues, pour commencer, répondit posément Pollux. Par preuves tangibles, il entendait résultats scolaires irréprochables, évidemment. Tu rentreras ici toutes les deux semaines, et j'observerais tes travaux et tes résultats avec l'attention que tu mérites. Si ce rythme devait ne pas suffir, tu serais contraint de passer tous tes week-end avec moi. Dans le cas contraire, il lui lâcherait du lest, mais il préférait ne faire que le sous-entendre afin d'encourager sa persévérance, qui pour le moment restait encore à prouver. Et bien sûr, si cela non plus devait ne pas suffire, il me faudra prendre des mesures plus drastiques.

Il n'en précisa bien évidemment pas la teneur, mais la menace n'était pas juste implicite, elle était clairement dans l'air. Alphard avait la capacité, il était tout sauf un idiot et Pollux le savait. Pour cette raison, il le forcerait à exploiter son plein potentiel, peu importe l'énergie que ça lui demanderait. Certes, il avait fort à faire de son propre côté, mais ce n'est pas pour autant qu'il cesserait un jour de faire passer l'éducation de son fils en priorité.

code by Mandy

A

ce stade de la conversation, il n'y avait qu'un seul comportement qui puisse être considéré comme tolérable de la part d'Alphard aux yeux d'Alceste. Il devait faire profile bas, dire amen à tout, et accepter sa sentence, tout simplement. Mais apparemment, c'était trop pour lui, car en lieu et place de faire ainsi que son géniteur le lui demandait - ce qui était la meilleure manière d'agir -, il s'obstinait dans un comportement contraire, et qui de toute évidence ne pouvait pas convenir au père de famille.

Non seulement il n'acceptait pas le plan qu'il lui planifiait (et qui n'était techniquement pas discutable étant donné qu'il émanait de lui), mais il lui inventait qui plus est des excuses particulièrement houleuses, et qui ne pouvaient certainement pas prendre avec lui. Non mais... pour qui le prenait-il ? Il avait des entraînements pour le Quidditch, déblatérait-il sans ciller. Comme si le quidditch avait un jour intéressé Alphard. si vraiment le jeune homme avait fait partie de l'équipe des verts et argent, Pollux voulait croire qu'il aurait été l'un des premiers informés. Il connaissait son fils, même si ce dernier s'appliquait à brouiller les signes pour ne pas se laisser connaître si facilement que cela. Il le connaissait, et il savait pertinemment que le jeune homme n'était pas sportif, et était sans doute meilleur supporter du Quidditch que joueur.

-Ne me prends pas pour un idiot, Alphard, répondit Pollux d'une voix qui était certes posée, en effet, mais qui ne dissimulait tout de même rien de l'agacement qu'il ressentait. L'insolence de son rejeton n'était pas tolérable. Je suis la seule personne à qui je te défendrais toujours de mentir, et crois-moi, c'est dans ton intérêt de le faire. Si tu devais vouloir jouer à ce petit jeu avec moi, je gagnerais à tous les coups.

Pollux était sans doute trop sûr de lui, mais c'était de cette manière que l'homme estimait pouvoir asseoir son rôle de pater familias. Alphard n'avait aucun droit de se croire tout permis, en sa présence moins qu'en celle de n'importe qui, c'était ainsi. Il toisa un instant son interlocuteur avant de reprendre la parole, toujours d'un ton posé et sans appel.

-Tu rentreras donc tous les week-ends, c'est entendu.

Plus toutes les deux semaines. S'il devait resserrer les vis, alors soit, ça ne lui faisait pas peur.

code by Mandy