Victor avait été pas mal remué ces derniers temps. Trois ans que Peter était mort, trois ans qu'il déprimait, qu'il se trouvait au fond du trou chaque été. Cette année aurait du être moins éprouvante, le temps faisant son office, mais ce n'était pas le cas. Ce qui torturait Victor n'était pas seulement la perte de Peter, le seul auprès de qui il avait osé être lui même. Non, le plus dur était ce que sa mort impliquait. Et le jeune homme devait de plus en plus se rendre à l'évidence. Il ne pourrait plus se mentir. Il avait 17 ans, depuis quelques années déjà ses hormones lui avaient fait comprendre sa différence. Et à son âge, il ne pouvait plus se le cacher. La seule chose dont il était encore capable était de le cacher aux autres. Il se sentait condamné à vivre seul, loin des autres, loin de quiconque.

Mais ce que très peu avaient déjà remarqué chez ce garçon, était que Victor aimait profondément. Il aimait les gens, il aimait le monde, et se sentait contraint de ne pas aimer, de ne parler à personne. Il avait trop peur de finir lobotomisé, tué ou harcelé.
Alors que beaucoup voyaient Vincent comme celui qui aimait et Victor comme le bougre qui n'aimerait jamais (et leurs ex petites amies à chacun d'eux tenait le même discours) la vérité était tout autre. Vincent enchaînait les petites amies et les plaisirs de la chair car il ne connaissait que cela à l'amour. Très jeune il avait vu sa mère souffrir de la perte de son mari, puis Victor s'isoler et s’interdire d'aimer. Il avait reproduit ce schéma. Et Victor lui, souffrait de trop aimer et de devoir le cacher.

Cet été là, il avait dépassé ses limites à plusieurs reprises, et il en restait marqué.

Il avait vu Luna et lui avait avoué qu'elle lui avait sauvé la vie. Il avait du se livrer, s'ouvrir à elle pour cela, et en restait encore marqué.
Mais il y avait surtout cette petite étincelle qu'avait fait naître Melody dans le Poudlard express. Elle lui avait fait naître une envie, un léger espoir fragile. Il s'était vu faire une carrière musicale, et cette simple vision imaginaire l'avait empli de chaleur, lui qui ne s'imaginait aucun avenir possible. Mais pour cela, il devrait s'ouvrir encore aux autres, et faire écouter ses morceau. Et c'était tout bonnement impossible à ses yeux. Seuls Vincent et leur mère l'avaient déjà entendu. Lorsque Victor jouait, il jouait avec son cœur, il exprimait ses émotions au plus pur, au plus brut aussi. Il communiquait avec la musique. Nombre de fois il avait avoué son mal-être et son homosexualité à son frère, sans prononcer le moindre mot, simplement avec la musique. Mais lorsque Vincent, qui avait depuis longtemps compris, essayait de le faire parler, il se trouvait face à un mur.
D'ailleurs les rares morceaux chantés que Victor composait étaient soit dans des langues étrangères, soit peines de métaphores. c'était comme un langage codé dont seul lui connaissait la clef. Mais les émotions, elles, étaient dévoilées à vif.

C'est cela qu'il aimait dans la musique. C'était devenu un besoin. Mais...jouer devant d'autres personnes...c'était impossible à ses yeux. trop, tellement trop difficile. Alors il retombait de haut après s'être senti un avenir possible. Et petit à petit, Victor ne jouait que des morceaux déprimants, lancinants, ou profitait du séjour professionnel de un mois de sa mère, pour passer ses journées à boire plus que de raison, dormir, et se trancher la peau, essayant d'atteindre les veines, lorsque Vincent n'était pas là.

Vincent ne savait plus quoi faire. Ses paroles aidaient, certes, sa présence aussi, mais Victor était tombé trop bas. Ainsi s'était-il vu obligé de lui prendre sa baguette et tout ce qu'il avait vu de tranchant.

Ce jour là, Vincent avait appelé Glynnis, ne sachant plus quoi faire. Il savait qu'elle avait une relation particulière avec son frère. Glynnis était surement la deuxième personne la plus proches aux yeux de Victor, après son frère bien sur. Mais jamais ils ne se l'étaient avoué. Glynnis était comme une sœur pour Vincent, il le lui avait déjà dit, mais si Victor ressentait la même chose, il ne le lui avait jamais prouvé ni avoué, la rejetant comme il le faisait avec tout le monde.

Vincent était trop affecté par le peine de Victor, il était à bout de nerf et son esprit allait dans tous les sens. La seule personne capable de l'aider était au fond du gouffre. Il était trois heures de l'après midi, il faisait les cent pas dans le salon, attendant que sa sœur de cœur vienne les secourir.
Victor, lui, dormait encore. Enfin il cuvait. Il avait bu tout ce qu'il avait trouvé, toute la nuit. Il avait tenté une nouvelle fois de mourir, mais avait été trop saoul pour faire le travail correctement. La bouteille cassée qu'il avait utilisée pour se faire du mal lui avait fait un entaille trop peu profonde et pas du tout au niveau des veines. Mais l'intention avait été là. Les draps étaient tachetés de sang, le sol était tapissé de bouteilles vides et de vêtements sales. Et lui même ne devait pas avoir pris de douche depuis au moins trois jours.

Vincent espérait que la pauvre Glynnis ne verrait pas ce triste spectacle, mais lui même était détruit de voir son frère dans cet état. Il l'avait vu trop souvent depuis trois ans, beaucoup trop souvent.

Je tourne et tourne encore en rond. Mes pensées vont dans tous les sens. J'ai mal au crâne. Je suis au bord de la rupture. Je ne me suis pas rendu compte que je me grattais nerveusement les mains, ça commence à saigner. j'ai besoin de me canaliser.
Il est quelle heure?
J'ai besoin de Victor. Et j'ai cette musique en tête... la musique qu'il essaye de jouer au violoncelle depuis des jours.
Victor est dans un tel état... je ne peux plus le voir comme ça, je dois l'aider!
Et cette musique qui me déprime!
Glynnis arrive quand?
il est quelle heure?
je n'en peux plus, il faut que je fasse du ménage...Mais c'est propre. J'ai besoin de casser un truc, j'ai besoin de hurler, j'ai besoin de sauver mon frère!
Glynnis, viens s'il te plait!
Mais pourquoi il ne veut pas me le dire? "Hé Vincent, j'aime les hommes et ça me rend malheureux"!
Mais tu crois que je ne le sais pas Victor? je suis ton jumeau, je sais tout!
Et puis j'ai déjà couché avec un homme, c'était pas mon truc mais je ne te blâme pas, il n'y a rien de fou là dedans! Je te soutiendrai moi!
Il est quelle heure?
Glynnis va bientôt arriver. Je fais reprendre un café
Et pourquoi j'ai osé en reparler avec lui aussi! Pourquoi j'ai encore essayé de le faire parler? Il ne dit rien c'est insupportable! Il va me rendre fou!
je ne peux rien dire à ma mère... Mais si il recommence...enfin quand il va recommencer... et si un jour il y arrive?
Oh non Victor, ne fais pas ça, je t'en supplie! tu vas aller mieux, accepte de te faire aider!!!
Mais bigre de non! accepte mon aide! ne me repousse pas!
pourquoi tu me repousse?

je m'assois sur le canapé, les yeux humides, j'ai besoin de déverser ma peur, ma colère, mon désespoir. J'ai besoin de sauver Victor et maintenant !


Quelqu'un frappe à la porte. le me lève d'un bond. Les mains tremblantes, j'ouvre. Oh miracle, c'est Glynnis... Glynnis est venue... elle est venue. Elle va nous aider. Elle va t'aider Victor. regarde, c'est Glynnis!

"Glynnis!"

La simple vue de cet ange venu nous sauver me redonne tellement d'espoir que mes nerfs lâchent. je pleure comme jamais je n'ai pleuré. Glynnis va nous sauver, elle va nous aider. Et toi tu dors toujours dans cette chambre/poubelle, et tu n'as pas idée que tu iras bientôt mieux. Victor, si tu la voyais là, maintenant, elle est plus belle que jamais, et elle va te sauver!

Je mets un moment à me ressaisir. J'installe Glynnis sur le canapé et lui apporte, les mains tremblantes, une tasse de thé.

"Glynnis, ça ne va pas du tout. J'ai besoin de ton aide, on doit sauver Victor"

C'est tout ce que je parviens à dire pour le moment, alors que je dépose la tasse et sa coupelle sur la table basse.

Je ne suis parti que trois jours... quatre jours pour voir Mina, voler un peu, me défouler avec elle parce que j'en avais besoin, parce qu'elle me manquait et que j'avais besoin de me défouler, de me libérer de la négativité de Victor.
Je ne suis parti que quatre jours et lorsque je suis revenu, ce matin, j'ai vu notre chambre à Victor et moi, dans un état innommable!...
Je reprends à faire les cent pas, cherchant un moyen de me calmer, de tout expliquer à Glynnis, mais je n'y arrive pas. Tout est si concret, si inquiétant, si tragique...Et tout est de ma faute. je donne un violent coup de poing au mur afin d'essayer de libérer mon mal être.

"Merde! Mais pourquoi je l'ai laissé seul? je sais comment il est! Pourquoi j'ai fait ça?"

Je parlais plus pour moi que pour elle, mais je me rends à nouveau compte de sa présence, et j'ai dû inquiéter d'avantage ma sœur. Cette pensée me calme quelque peu. j'essaye de me canaliser pour éviter de lui faire d'avantage peur. Il y a bien assez de difficultés comme ça.

"Pardon Glynnis."

Les larmes coulent lentement sur mes joues. Victor est mon frère. Il est mon jumeau, on est liés. Il fait partie de moi. Et je ne peux pas vivre sans lui. Mon coeur est serré à la simple idée de le perdre, et il l'est depuis que je sens Moon en dépression. Il va mal, et je suis là, face à lui, impuissant. Et ça me met dans une rage folle!

"il faut que je t'explique tout...ce que je peux"

Je ne peux pas parler de son homosexualité. Je me doute qu'elle ne le jugerait pas...Mais je ne peux me résoudre à le trahir. Alors je dirai le reste et je tairai ça.

Victor me manque. j'ai un de ses morceaux en tête, ça me rend mélancolique. Je prend une grande inspiration, m'installant sur le fauteuil en face d'elle.

"Victor ne va pas bien depuis quelques années. Tu le sais, tu l'as vu toi même. Et l'été c'est toujours pire. Mais il n'en parle jamais. Il ne parle pas de ça...à personne. Et il rumine son mal être tous les jours. "

je renifle et prends une pause pour m'éviter de craquer à nouveau. Et cette musique dans ma tête, et une autre, et encore une autre, toutes en même temps! J'ai si mal au crâne! J'ai de plus en plus de mal à me concentrer. Je respire, comme me l'a appris victor, je pense à un rythme, je fixe glynnis... mais il n'est pas là pour me calmer...et peut être qu'un jour, il ne sera plus jamais là!
Un frisson me parcours l'échine tandis que je me remets nerveusement à me gratter les mains

"j'ai du l’empêcher plusieurs fois de faire une bêtise... et je suis arrivé juste à temps pour certaines d'entre elles. Pour les autres, il était trop bourré, trop fatigué, trop triste ou alors il se raisonnait, je ne sais pas... mais crois moi, il en a testé des manières d'en finir. "

Ma voix tremble tellement que j'ai besoin d'une nouvelle pause alors que les larmes coulent toujours. Je tremble comme s'il faisait moins 50 degrés. Je me sens seul, vide, perdu, abandonné et impuissant.

"J'avais promis de n'en parler à personne...Mais c'est trop dur"...

Il y a encore tellement à lui dire, mais j'ai besoin de me moucher et il lui faudra surement du temps pour digérer ces informations. Je suis tellement désolé de l'inquiéter comme ça, de lui dévoiler toute ces choses et de la blesser... Mais je ne vois pas d'autre solution. J'espère qu'elle écoutera toute l'histoire avant de monter le voir. J'espère qu'elle pourra nous aider... Moi j'en peux plus de le savoir aussi malheureux!

Je sens Glynnis me serrer dans ses bras et ça me fait un bien fou. Je ne sais plus quoi faire. j'ai tout tenté avec Victor, le réconforter, le soutenir, le contronter à ses peurs, lui montrer que je sais tout, le brusquer, le supplier...Je n'y arrive pas. Et j'ai une partie de moi qui meurt quand Moon est dans cet état. c'est quoi ce monde où on empêche des personnes si gentilles et pures, de vivre heureuses? Il n'a rien fait de mal, mon frère. il veut juste être libre d'aimer sans risquer de mourir! le monde me met en colère. C'est injuste! Qu'il soit avec une femme ou un homme, moi je m'en fiche, moi je veux aller à son mariage un jour et voir le sourire doux qu'il a quand il est heureux. Mais je sais que ça ne se produira jamais. Peut etre même que je ne le verrai jamais vieillir si on ne fait pas quelque chose. Et moi je ne peux pas vivre sans lui. C'est impossible.

Je serre Glynnis contre moi, si fort. J'enfouis mon visage sur son épaule le temps de me reprendre. Mais j'essaye de me calmer vite. il faut qu'on agisse. Je prends une profonde inspiration et je me redresse, tremblant.

"Victor s'est complètement laissé aller quand je suis parti. j'avais pris sa baguette et des objets coupants pour l'empêcher de faire une bêtise ...mais il a quand même fait des bêtises...Il...a chambre est pleine de mégots, de bouteilles vides, de..."

Il reprend une inspiration le temps de calmer sa voix qui tremble trop. et ses larmes qui coulent à nouveau

"...de sang...je ne pense pas qu'il ait beaucoup mangé...il...il s'est laissé aller...et à il dort...enfin j'espère qu'il..."

La simple pensé qu'il puisse être dans un autre état que le sommeil lui glace le sang. Je sais qu'il respire, je l'ai vu...mais et si j'avais manqué un truc? si le temps que j'attendais Glynnis, il avait fait une autre bêtise? Si il.. Si il s'était réveillé et continuait ses saloperies dans la chambre? ou qu'il avait tellement bu qu'il était en train de se tuer sans même que je le sache et que j'aurai pu le sauver tout à l'heure? Pourquoi je ne l'ai pas emmené à Sainte Mangouste? Je sais pourquoi, ils 'auraient gardé, ils auraient pu savoir...mais...j'ai tellement peur!