Charis jeta un regard dédaigneux autour d'elle. Elle n'en revenait pas que sa soeur soit tombée si bas. Et en même temps, c'était sûrement inévitable. Ses choix déplorables conjugués à son incurable égo étaient certainement les composantes nécessaires à une chute vertigineuse, à un échec certain.

Charis ne se réjouissait pas du malheur de Cedrella, contrairement à ce que l'on pourrait croire. En dépit de tout ce qui s'était passé entre elles, elle aimait toujours sa cadette, et ne voulait jamais que son bien. C'était pour cela qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait fait. Et oui, Cedrella ne comprendrait peut-être pas, parce que pour le moment, elle devait souffrir... Mais elle finirait par comprendre, par admettre que Callidora et elle s'étaient seulement contenté de faire ce qui était le mieux pour elle.

C'est vrai, elles avaient organisé sa rupture avec Septimus Weasley, mais c'était pour son bien. Ce parvenu sans aucune ambition aurait fini par dévorer tout ce qu'elle avait à offrir au monde. Elles étaient intervenues juste à temps, et maintenant, il était temps de ramener Cedrella sur le droit chemin.

Et Charis aurait tendance à penser qu'elle arrivait presque trop tard quand elle voyait dans quel hôtel miteux sa soeur avait élu domicile. Un endroit juste bon pour les rats... et pour la quantité de moldus qui devaient y passer la nuit, voire leurs cinq à sept. Elle devrait découvrir que cet hôtel était un hôtel de passe, elle ne serait pas particulièrement surprise.

Il était temps de ramener Cedrella à la raison, il était temps qu'elle rentre chez elle. Charis lui avait laissé la marge de manoeuvre pour revenir d'elle-même, mais Cedrella n'était jamais venue. L'orgueil des Black ne connaissait définitivement aucune limite. Qu'importe, elle lui ferait entendre raison par tous les moyens possibles. Cette situation avait assez duré. Cedrella avait fait sa petite crise, maintenant, elle pouvait s'autoriser à redevenir ne Black.... on ne la rendrait peut-être pas à la tapisserie familiale du square Grimmaurd, mais elle pourrait au moins réintégrer sa place auprès de ses soeurs. Il n'était pas trop tard pour lui trouver un mari, pour qu'elle fonde une famille bien sous tout rapport et fasse oublier ses écarts.

Elle frappa à la porte de la chambre d'hôtel qu'elle savait être la sienne et attendit qu'on lui ouvre... Assez inquiète à vrai dire de l'état dans lequel elle trouverait sa soeur.

-Charis... ? Qu'est-ce que tu fais là ?

La surprise de Cedrella semblait totale, et il y avait sans doute de quoi, en effet, car elle n'avait pas averti sa soeur de son arrivée, et l'on imaginait sûrement rien de plus incongru que sa présence ici. Elle n'était pas faite pour cet endroit, et ça se voyait. Mais Cedrella n'était pas faite non plus pour ce genre d'endroits, même si elle tentait de se convaincre du contraire, par pure fierté. Il suffisait de la regarder, elle n'était que l'ombre d'elle-même.

Charis devrait sans doute s'en réjouir, mais à vrai dire, voir sa cadette ainsi lui fendait surtout le coeur. Jamais elle n'avait voulu le malheur de Cedrella, même si ça ne se voyait peut-être pas. Tout ce qu'elle avait fait, même ce qui devait paraître le plus terrible, n'avait jamais été que pour son bien. Elle voulait la ramener à la raison, elle voulait la ramener à la maison. Elle voulait que tout soit comme avant, tout simplement.

"A ton avis", dit-elle en la considérant de bas en haut. "Je suis venue te chercher."

C'était évident, pour elle. Elle ne serait jamais venu ici autrement que pour récupérer sa soeur. Elle ne pouvait pas venir la chercher et l'obliger à revenir quand elle était encore avec Septimus, mais maintenant, rien ne la retenait du mauvais côté de la barrière. Elle avait commis une erreur, c'était une chose qui arrive. Bon, dans de telles proportions, c'était vraiment... dommageable, et ça aurait forcément des conséquences, mais ce n'est pas pour autant que Cedrella ne pouvait pas redevenir une Black comme il se doit.

Elles la réintégreraient en société, Callidora et elle, elles lui trouveraient un bon parti, et toute cette histoire serait oubliée, toute cette histoire appartiendrait au passé.

"Regarde-toi, tu ne peux pas continuer comme ça."

Elle n'attendit pas l'autorisation de son interlocutrice pour rentrer dans la miteuse chambre d'hôtel de Cedrella. Elle balaya la pièce du regard et afficha une moue proche du dégoût.

"On va rassembler tes affaires... pour ce qu'il en reste, et tu vas venir vivre avec moi."

Sa petite expérience du côté des amoureux des moldus était terminée, maintenant, il était temps qu'elle se refasse une place dans la vie, et surtout dans la haute société, c'était indispensable.

-Tu penses vraiment que je vais venir vivre chez toi ? Pour vous écouter chaque jour que Merlin fait me répéter que vous me l'aviez bien dit, pour être votre risée à tous.

La réponse de Cedrella ne semblait pas encourageante de prime abord, mais Charis la considérait avec beaucoup de satisfaction. Elle savait que Cedrella n'allait pas juste hocher la tête et la suivre docilement en admettant d'office ses erreurs, pas plus qu'elle n'allait la supplier à genoux de l'emmener avec elle malgré les conditions misérables dans lesquelles elle vivait...

Mais si elle se braquait, elle en invoquait les raisons, et ça donnait la preuve d'une chose, et qui avait son importance : c'était son orgueil qui parlait. Elle ne voulait pas revenir parce qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire avec eux.

C'était une possibilité que Charis aurait très mal vécue et n'aurait pas particulièrement acceptée. Elle ne voulait pas revenir parce qu'elle avait peur du jugement des autres.

Et il ne fallait pas se mentir, elle allait forcément être regardée de travers à son retour, il était presque impossible de s'imaginer que les choses puissent se passer d'une autre manière. Charis comprenait que cette humiliation soit difficile à accepter pour Cedrella, surtout qu'elle était comme n'importe quelle Black, elle était fière, orgueilleuse en diable. Mais Charis ne s'en formalisait pas.

Elle y voyait vraiment un bon signe. Cedrella était prête à rentrer au bercail. Elle avait peur d'accuser les conséquences de ses erreurs, et c'était normal, mais elle était prête, malgré tout... Et Charis ne lui laissait pas le choix quoi qu'il en soit.

J'ai été assez humiliée comme ça...

Charis prit sur elle, se retint de dire à Cedrella qu'elle agissait comme une enfant, ce n'était pas de cette manière qu'elle se la mettrait dans la poche. De toute façon, le fait de la pointer du doigt et de la blâmer ne l'intéressait pas du tout. Tout ce qu'elle voulait, elle, c'était retrouver sa soeur, rien que de plus, rien de moi, elle plus n'importe qui avait envie de tirer une croix sur le passé... et d'aller de l'avant, juste ça, aller de l'avant.

"Je n'ai aucune intention de t'accabler", répondit Charis. "Je peux t'assurer qu'à ton retour, nous ne ferons plus aucune mention de ton malencontreux... dérapage. Nous avons tous intérêt à oublier cette histoire et à la laisser derrière nous."

-Tu me promets qu'on en parlera plus jamais ?

Charis s'était attendue à devoir débattre beaucoup plus longtemps de la situation, elle s'était imaginée que sa soeur s'obstinerait longtemps à dire non, et qu'elle devrait peut-être employer des moyens de pression qu'elle déplorait, pour la faire revenir de force, si besoin, mais finalement, c'était facile.

Trop facile ? Non. En tout cas, Charis décidait de ne pas se méfier une seule seconde. Cedrella était mise au pied du mur, désoeuvrée, désespérée, elle acceptait une main tendue qu'elle avait peut-être, inconsciemment, attendue, c'était tout ce qu'il y avait à comprendre à ses yeux, et elle décidait de se satisfaire de cette explication, en tout cas, qui lui donnait le sentiment qu'elle retrouverait sa soeur plus facilement.

C'était tout ce qu'elle demandait de son côté. Elle n'avait pas envie d'agiter les erreurs de Cedrella sous son nez à longueur de temps. La seule chose qu'elle voulait, c'était que tout revienne à la normale, et pour cette raison, tenir son engagement auprès de sa cadette n'était pas bien difficile. Elle ne voulait pas narguer, ça l'arrangeait, à elle aussi, de faire comme si rien ne s'était passé. Il serait moins simple de convaincre Caspar et Callidora de faire de même, en revanche, mais chaque chose en son temps.

Elle hocha donc la tête, déterminée à tenir parole, en tout cas pour elle-même. Elle ne voulait pas que Cedrella finisse par regretter son choix. Elle voulait, au contraire, qu'elle se dise que c'était la meilleure décision qu'elle ait jamais prise.

"Et dès maintenant, même", confirma-t-elle simplement.

D'un geste de sa baguette, elle s'appliqua à rassembler les affaires de Cedrella sur le lit afin qu'elles en aient fini le plus rapidement possible. Ce ne fut qu'après un moment à s'être affairée qu'elle tourna son regard vers sa soeur. Elles avaient le choix : un silence gêné, ou tenter de renouer, l'air de rien.

"Au fait, tu ne me félicites pas ?" demanda-t-elle dans un fin sourire.

Elle était enceinte jusqu'au cou, ce n'était évidemment pas une nouvelle qui avait dû lui échapper. Et elle devait déjà être au courant. C'était la meilleure façon de changer de sujet, sans avoir particulièrement besoin d'être subtil au passage. Pas vrai ?

-Félicitations.

Les mots étaient prononcés avec douceur et accompagnés d'un fin sourire, c'était tout ce que Charis demandait. Elles avaient du chemin à parcourir, mais elles réussissaient à trouver un semblant de relation douce et apaisée, et c'était quelque chose qui lui faisait du bien, une chose qui lui avait manqué sans trop qu'elle s'en rende compte.

C'est en retrouvant ce à quoi on a renoncé qu'on réalise à quel point cela nous avait manqué, et à quel point on en avait besoin. Et en l'occurrence, elle avait besoin de sa complicité avec Cedrella. La confiance n'était pas rétablie, pas complètement, en tout cas. Mais chaque petit pas fait l'une vers l'autre allaient leur permettre de se rejoindre. Et c'était rassurant pour Charis de se dire que son fils ou sa fille allait pouvoir connaître ses deux tantes, et qu'il n'y aurait pas à en cacher une sous le tapis. Même s'il ne fallait pas s'attendre à ce que Mrs Black accepte de rétablir le trou fait dans la tapisserie des Black square Grimmaurd.

J'ai appris que Callidora aussi...

Bien sûr, s'il fallait parler de sa grossesse, il semblait évident que celle de Callidora devait être mise sur le tapis. La jeune femme songea à ce que ça avait dû être pour elle de découvrir que ses deux soeurs étaient tombées enceinte quasiment en même temps, et sans en avoir été avertie. Elle n'était évidemment pas en position de s'en plaindre, et c'était tant mieux, car Charis n'aurait pas voulu accuser ce genre de réprimandes de la part de Cedrella, pour tout dire.

Charis hocha la tête. C'était un sujet qu'elle n'avait pas vraiment eu envie d'aborder, mais maintenant que Cedrella faisait son grand retour, il était tout à fait normal que la jeune femme aborde la question, même si Charis, de son côté, avait l'intention de ne pas s'y éterniser trop longuement, surtout pas, en fait.

"Tu connais Callidora, elle ne me laisserait jamais lui voler la vedette, peu importe les circonstances."

C'était dit avec légèreté et humour, mais il y avait tout de même un fond de vérité là-derrière, il serait stupide et inutile de s'en cacher, c'était aussi l'un des avantages de retrouver Cedrella... pouvoir gentiment chambrer Callidora dans son dos était une activité qui lui avait un peu manqué, c'est vrai.

-Effectivement, c'est bien son genre.

On pourrait peut-être reprocher aux deux soeurs de parler en ces termes de leur aînée quand celle-i n'était pas dans le coin et n'était pas, de toute évidence, en mesure de s'en défendre, mais Charis n'estimait pas qu'elles faisaient quoi que ce soit de mal.

Ce n'était de toute évidence pas en présence de Callidora qu'elles pourraient s'exprimer ainsi. Il fallait avoir un certain sens de la résignation quand elle vous parlait, mais elle de son côté, elle pouvait se montrer diablement susceptible et ne laissai rien passer du tout. Alors elles pouvaient bien s'amuser un peu aux dépens de leur aînée, a n'ôtait rien à l'affection qu'elles avaient pour elle.

Dans les circonstances actuelles, avec tout ce que Charis endurait et éprouvait, ça lui faisait du bien de regagner le soutien de Cedrella, qui avait toujours été plus capable qu'elle de tenir tête à Callidora. Elle ne se considérait pas comme quelqu'un de faible ou de fragile, mais elle étit la plus secrète et la plus taiseuse des soeurs Black, il fallait bien qu'elle le reconnaisse.

Elle est au courant... que tu es venue me voir ?

Charis fit non de la tête. Très légère marque de rébellion de sa part. Pas grand chose, quand on y regardait de près, mais il fallait même savourer les toutes petites victoires. Elle n'était pas au courant, non, si elle avait averti Callidora, elle était convaincue du fait qu'elle aurait décidé de prendre les choses en mains, et en l'occurrence, elle était convaincue de devoir être celle qui reverrait Cedrella en premier, pour ne pas l'accabler de reproches, pour ne pas la moquer.

Et aussi parce qu'elle avait eu envie de la retrouver seule à seule, sincèrement, sans mauvaise arrière-pensée. Il lui avait manqué une soeur. Elle avait voulu savourer ces retrouvailles.

"Je ne lui ai rien dit.", dit-elle alors simplement.

Elle envisagea pendant un temps de s'en excuser, mais elle décida finalement de ne pas le faire, elle n'avait pas à se justifier de ses décisions, ni auprès de Callidora, ni auprès de Cedrella. Parfois, elle pouvait être force de décision, sans compter après qui que ce soit.

"Si tu veux, on pourra attendre quelques jours avant d'apprendre la nouvelle au reste de la famille."

Elle n'avait pas envie de la brusquer. Mais elles ne pourraient pas attendre trop longtemps tout de même.

-J'aimerais bien, oui.

Charis hocha la tête. Quelque part, cela l'arrangeait aussi, même si elle savait que retarder l'échéance serait s'attirer les foudres de Callidora, qui n'apprécierait pas d'avoir été exclue de leurs manigances... mais quelque part, cela avait justement quelque chose de satisfaisant. Et puis, qu'elle décide de lui en parler maintenant ou plus tard, il était asse clair que, dans tous les cas, Callidora allait lui tomber dessus, autant s'assurer, de fait, que ce soit pour une bonne cause.

Le secret, de toute manière, ne pourrait pas être garder bien longtemps. Ce pourrait être l'affaire de quelques jours au mieux, et encore en se montrant très optimiste, car dès lors que l'on intégrait Caspar à l'équation, l'on savait que ça n'allait pas être simple.

Mais je doute que tu parviennes à empêcher ton cher époux d'y mettre son grain de sel.

Et au sujet de Caspar, c'est une chose que Cedrella elle-même ne manqua pas de faire remarquer. Sans surprise. Oui, elle avait évidemment raison, et Charis ne saurait pas le nier... Elle ne savait pas du tout comment la cohabitation allait se passer avec son mari, mais en l'occurrence, elle avait décidé de prendre les décisions.

Cela n'arrivait pas si souvent, alors quand c'était le cas, bien évidemment, elle devait l'assumer haut et clair. Elle avait plus d'autorité et de pouvoir d'initiative qu'on ne saurait le soupçonner de prime abord, quand on la connaissait... non, plutôt quand on prétendait la connaître.

"C'est ce que nous verrons", se contenta-t-elle de dire sans se montrer plus explicite.

Elle ne pouvait préméditer la manière dont les choses allaient se passer, mais elle choisissait de penser, quoi qu'il en soit, qu'elle saurait tenir tête à Caspar s'il le fallait. Elle avait au moins un argument face à lui, et qui lui donner un pouvoir qu'elle n'avait jamais eu jusque-là : elle portait son enfant, et c'était un fait qu'il ne pouvait pas ignorer ou occulter, en aucun cas.

"Je crois que nous n'avons rien oublié", dit-elle en jetant un regard circulaire autour d'elle. Et tant mieux, elle n'avait aucune intention de s'attarder davantage, elle pensait avoir passé suffisamment de temps ici, et elle n'avait qu'une hâte à présent : s'en aller. "Tout va bien se passer, tu verras", ajouta-t-elle en posant une main conciliante sur son épaule. C'était aussi un signal de départ.

Pour elle, il était grand temps qu'elles s'en aillent, elle n'avait aucune envie de s'attarder plus longuement dans cet endroit aux antipodes de ce qu'elle pouvait accepter ou apprécier.