▬ Elena & Raziel ▬
Bardo Thödol

Le moment que je préfère dans ma vie, c'est quand je croule sous le travail au point de ne pas pouvoir réfléchir. Problème : les cours n'ont pas encore repris et je n'ai presque rien à faire de mes journées hormis tourner encore et encore les mêmes pensées dans mon esprit. Broyer du noir vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c'est pas l'idéal. Pourtant il faudra bien que je me hisse hors de tous ces tourments histoire de rester efficace malgré tout. Je ne crois pas que Tom accepte que mes petits problèmes personnels me rendent négligente envers mes devoirs de mangemort. Nous avons tous une mission et je ne suis pas un cas à part. Je dois faire mon boulot, comme tout le monde. J'en suis consciente. Mettre de côté mes emotions, c'était ma spécialité. Je me demande pourquoi je n'y arrive plus. Un trop plein, peut-être.

Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas vraiment Raziel avant qu'il ne se penche tout près de moi et me chuchote une phrase vraiment pas convenable. Je sursaute puis soupire en levant les yeux au ciel. Il m'arrache vaguement un sourire, ce qui en soi est un exploit en ce moment. Sa plaisanterie pourrait être vraiment drôle, si je n'avais pas une réputation de femme infidèle auprès de Caleb à présent. La proposition - bien que pure plaisanterie - me met mal à l'aise quelque part. Je préfère ne pas relever et écouter sa seconde demande, bien plus sérieuse.

« Hm...je crois que j'ai vu ces ouvrages il y a peu. » Dis-je en reculant ma chaise.

Je prend le trousseau de clés pendu à ma ceinture et me lève. Je trouve que ces bouquins sont un peu trop rares et sombres pour les laisser entre les mains des élèves indisciplinés et ravageurs de l'école, mais je pense que je peux faire confiance à mon collègue en ce qui concerne de tels ouvrages. Il aime les livres tout autant que moi. Il en prendra soin.

« Si vous voulez bien me suivre, professeur... » Dis-je avec un léger amusement.

Je le précède et me dirige vers la réserve, interdite à tout le monde sauf moi et quelques privilégiés.

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▬ Elena & Raziel ▬
Bardo Thödol

J'ouvre délicatement la porte de la réserve comme l'on ouvrirait celle d'un temple et m'avance calmement dans les rayonnages. L'endroit sent légèrement la poussière et les vieux livres jaunis par le temps. Que j'aime ce parfum... Tout en marchant, j'écoute ce que me dis Raziel avec attention et je ne peux que hocher la tête en répondant à ses propos.

« Oui c'est vraiment calme. J'ai l'impression de travailler dans une crypte au lieu d'une bibliothèque d'école. En général j'aime le silence, mais j'avoue que tu arrives à point nommé... »

Un peu de compagnie ne me fait pas de mal, ça m'empêche de broyer du noir pendant un moment. Je pourrais presque arrêter de penser à Caleb. Je dis bien " presque " car pour être pleinement honnête envers moi-même et malgré ce qu'il peut penser en ce moment, mon époux est toujours quelque part dans ma tête, comme un talisman protecteur. On a beau se déchirer, se blesser et s'ignorer, je sais que je n'aime que lui et que d'une manière ou d'une autre, il faudra que les choses s'arrangent. Ou bien je ne suis pas sûre que j'aurai la force de continuer.

Chassant rapidement ces idées sombres de mon esprit, je m'arrête devant une étagère et utilise ma baguette pour faire venir l'échelle. D'un geste qui trahis son habitude, je grimpe pour aller chercher l'un des bouquins que recherche Raziel. Evidemment, il fallait qu'il soit tout en haut. Sur la dernière étagère. Et tout au fond en plus. Faut dire que je n'avais pas l'intention de laisser n'importe qui poser ses pattes là-dessus, alors je l'ai un peu planqué. Je bouge quelques immenses recueils poussiéreux et tire enfin le premier livre.

« Le Livre des Morts, littérature funéraire de l'antiquité égyptienne. » Dis-je en redescendant avec pour le lui tendre. « Chaque ouvrage de la réserve est un exemplaire unique. Prends en vraiment VRAIMENT soin d'accord ? Pas de jus de citrouille sur le bureau quand tu le lis. »

Après un sourire moqueur et un clin d’œil de connivence, je reprends la route à travers les piles de bouquins. Je connais cet endroit comme ma poche, je ne pourrais pas m'y perdre même dans le noir le plus complet. Je prends à gauche, puis à droite à travers la section des autobiographies rares. J'arrive enfin là où je voulais arriver.

« Ah. Le fameux Bardo Thödol. » Je soupire en voyant qu'il est encore tout en haut.

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▬ Elena & Raziel ▬
Bardo Thödol

Parfois, tout ce dont on a besoin pour se sentir mieux, c'est d'un ami qui fait des pitreries. Je ne peux pas cacher que la présence de Raziel est un baume sur mon cœur. Mine de rien, je me surprends à sourire et même rire un peu devant son air faussement outré et ses paroles théâtrales. Bien sûr je sais qu'il prendra un soin jaloux à protéger ces livres rares de toute dégradation, et il sait pertinemment que je suis obligée de mettre tous les sorciers qui empruntent les livres au courant des procédures. Ces ouvrages sont irremplaçables, ils font partie du patrimoine de la sorcellerie au niveau international. S'il devait arriver malheur à ces volumes...je serais sérieusement dans les ennuis jusqu'au cou. Enfin...professionnellement parlant. Sur le plan sentimental, c'est déjà le cas.

« Je te fais confiance, je sais que tu préférerais perdre un bras que détruire un ouvrage de cette valeur. Là dessus, nous sommes similaires. » Je réponds calmement.

Bien ennuyée par la hauteur où est situé le Bardo Thödol, je soupire. La remarque que fait alors Raziel me fait sourire. Je lui jette un regard mi-amusé mi-ennuyé. Je pense qu'étant donné mon métier et mon niveau, ce genre de sortilège est largement dans mes cordes.

« Tu crois que je m'amuserais à faire l'équilibriste si c'était faisable ? J'ai placé un sortilège sur la réserve pour empêcher qu'on se serve d'accio. Certains sont trop fragiles pour ça. Et d'autres trop rares pour être à porté de main du premier élève capable d'agiter sa baguette sans se crever un œil. »

S'il suffisait aux élèves d'entrer par effraction et lancer un sort de débutant pour accéder aux livres les plus fragiles et rares de la réserve, ce serait le chaos ! Et puis, rien qu'imaginer qu'un manuscrit vieux de plusieurs siècles se promène en volant à travers la pièce suffit à me donner des plaques d'urticaire. Jamais de la vie ! Pas tant que ces livres seront sous ma garde. Contrainte d'utiliser les bonnes vieilles méthodes, je fais rouler l'échelle le long des étagères jusqu'à atteindre l'endroit visé. Je grimpe ensuite en prenant soin de ne pas glisser.

« Je te conseille de garder ton regard vissé sur ton bouquin. » Je dis avec amusement.

Faut dire que monter tout en haut d'une échelle, avec une jupe, ça peut comporter des inconvénients. Ceci dit, je n'ai aucune crainte, Raziel est très amoureux de sa femme, et il sait que je suis très amoureuse de mon époux. Il n'y a aucun malaise entre nous et je le sais bien trop respectueux et distinguer pour se rincer l’œil.

« AH ! Je l'ai ! » Je m'exclame joyeusement en attrapant le livre.

Je redescend aussi prudemment que je suis montée et lui tend ce qu'il était venu chercher.

« Et un Bardo Thödol, un ! »

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