Il était rare que Lysandre rentre chez ses parents le week-end, mais en même temps, jusqu'à il y a peu, se rendre chez les Farnsworth demandait un temps et une énergie qui rendaient le voyage presque plus long que le séjour. Maintenant, quelque chose avait changé. Depuis la fin de l'été, Lysandre avait obtenu son permis de transplaner, ce qui lui facilitait tout de même largement la tâche.

Ce n'est pas pour autant qu'elle avait l'intention de rentrer tous les week-ends non plus, mais c'était agréable de pouvoir avoir cette option, surtout qu'elle avait souvent le "mal du pays". Surtout depuis la rentrée, en fait. Pas mal de ses repères avaient été chamboulés, et ça lui faisait du bien d'aller à la ferme, de passer un peu de temps avec ses parents, de se balader sur la plage de l'île.

Ce n'était pas pour cela, malgré tout, qu'elle avait décidé de faire le déplacement, cette fois. Ses parents, dans le dernier courrier qu'ils lui avaient envoyé, lui avaient appris que son cousin, Aaron, serait de passage à la ferme. Et elle devait le voir.

Lysandre avait copieusement évité son cousin dernièrement... Ce n'était pas difficile, en même temps, ce n'est pas comme s'ils se voyaient très souvent... Mais ce n'était pas pour ça. Elle savait, ou elle avait cru savoir, que le jeune homme était un mangemort. Ca lui avait brisé le coeur mais elle avait préféré jouer la carte de l'ignorance plutôt que de le confronter directement, ça aurait été beaucoup trop dangereux.

Sauf qu'il s'avérait que Aaron était en fait un traître. Pour qui et pour quoi, elle n'en savait rien, mais quoi qu'il en soit, il ne faisait donc pas partie des mangemorts, et pour Lysandre, ça avait été un soulagement. Peut-être qu'elle ne s'était pas totalement trompée au sujet de Aaron, en fin de compte ? Ce qu'elle retenait de ce qui avait été rapporté aux Résistants, c'était que le jeune homme avait été passé à tabac, et qu'il avait de la chance d'être encore en vie. Alors, évidemment, elle n'avait pu s'empêcher de saisir l'occasion qui lui avait été donné de le voir.

Raison pour laquelle elle était rentrée à la ferme. Après un rapide "bonjour" à ses parents qui étaient en train de travailler, elle pénétra dans la maison, où Aaron se trouvait effectivement.

"Salut..." Elle hésita. "Tu as l'air d'aller bien..."

En tout cas, il n'était pas odieusement défiguré et il semblait avoir encore tous ses membres. Pour elle, c'était un bon début.

« Je me porte plutôt bien. »

Lysandre regrettait la réponse de son interlocuteur, elle ne lui en voulait pas de lui mentir, mais ça lui faisait du mal qu'il le fasse malgré tout, surtout alors que le sujet était aussi grave. Il avait été passé au tabac, il avait dû terriblement souffrir, et il faisait comme si tout allait bien dans le meiilleur des mondes, comme si tout était pour le mieux.

Elle espérait quand même qu'ici et maintenant, il allait tout de même un peu bien, parce qu'il allait mieux, mais même si c'était le cas, ça ne changerait rien au fait qu'il avait vécu une épreuve douloureuse, et que la suite ne promettait pas forcément non plus d'être très heureuse.

« Et toi ? Comment tu vas ? Ça se passe bien à Poudlard ? »

Poudlard, hein ? Ici et maintenant, ça lui semblait être une considération totalement superficielle. Pourtant, elle était très attentive à ses études, elle tenait à obtenir les meilleurs résultats possibles (surtout maintenant qu'elle caressait le désir de devenir Auror), mais tout ce qui semblait de l'ordre du quotidien paraissait très abstrait, voire sans intérêt.

Sans comparaison avec les problèmes véritables, aux maux vrais de ce monde, ceux dont Aaron avait été la victime, parce qu'il avait choisi d'emrpunter une voix complexe et douloureuse.

"Bien, oui", répondit-elle sans entrer dans les détails. Il serait totalement absurde de passer par ce genre d'explications. Elle ne se voyait pas lui parler de ses difficultés en arithmancie ou des professeurs qu'elle appréciait ou n'aimait pas. "Ecoute..."

Elle n'y tenait pas. Il fallait qu'elle s'exprime, il fallait qu'elle avoue, car dans le cas contraire, elle allait simplement bouillonner intérieurement. Elle avait besoin de lui parler, à coeur ouvert, de toute cette situation, même si ça pouvait être la dernière chose qu'il souhaitait, même si c'était peut-être se compromettre (même si elle n'avait pas l'intention de toucher même un seul mot à Aaron au sujet de la résistance, même si c'était faire deux poids deux mesures.

"Je sais ce qui s'est passé... Je sais ce qui t'es arrivé."

Voilà qui était fait, voilà qui était dit. Maintenant, elle espérait qu'il ne jouerait pas les ignorants, avec elle, même si c'était assez probable, il aurait intérêt à le faire pour se protéger lui-même, même si ça l'affectait vraiment.

« Co… comment tu sais ? »

Lysandre avait craint que son cousin décide de nier et de prétendre qu'elle affabulait ou quoi que ce soit du genre. Elle ne pourrait pas réellement avoir de conversation à coeur ouvert, car il y avait des choses qu'elle ne pourrait pas lui dire. Mais elle avait besoin de comprendre, de comprendre réellement de quoi il retournait exactement. Elle avait l'impression de se retrouver face à un étranger, et elle détestait profondément cette sensation. Elle l'avait trop souvent. Celle de ne rien maitriser.

Elle savait, oui, mais évidemment, elle ne pouvait pas lui dire comment. Elle ne pouvait pas prendre le risque de trahir la résistance, d'autant qu'elle ne savait pas exactement à quel camp appartenait Aaron. D'accord, il n'était pas un mangemort, et c'était un soulagement à ses yeux. Mais qui sait ce qu'il était venu faire dans cette galère, et ce que cela pouvait bien signifier exactement.

Elle allait donc, évidemment, lui donner une réponse totalement incomplète. Mais elle espérait que de son côté il serait plus bavard. Ce n'était pas donnant-donnant, mais dans tous les cas, elle comptait bien assister jusqu'à obtenir une réponse qui parvienne à la satisfaire.

"Ce n'est pas important", comment je l'ai appris, répondit-elle alors tout en sachant bien que pour Aaron, ça le serait forcément, car ça signifiait que des personnes qu'il ne soupçonnait pas étaient au courant de sa situation, ce qui pourrait bien avoir des conséquences désastreuses sur lui. Mais elle ne trahirait pas l'existence de la Résistance pour saluer sa curiosité. "Je suis heureuse que tu sois encore... parmi nous. Ce que je ne comprends pas, c'est ce que tu faisais avec eux pour commencer."

Et elle ne savait pas ce qu'elle allait faire de cette information ou comment elle saurait y réagir. Cette situation prouvait que toutes les personnes que l'on pensait connaître pouvaient dissimuler des secrets qu'on ne pourrait pas soupçonner. Elle espérait que Aaron accepterait de lui en dire plus, tout en sachant qu'il serait difficile d'exiger plus de transparence de sa part en ne lui en disant pas suffisamment de son côté.

Lysandre était partagée entre la curiosité, l'inquiétude légitime, et une plus grande peur. Elle ne savait pas quoi penser de l'homme qui se trouvait en face de lui.

« C’est comme ça, j’ai… J’ai mes raisons. Tu dois bien te douter desquelles. »

Voilà une explication qui n'en était définitivement pas une. La jeune femme ne pouvait pas reprocher à Aaron de ne pas se montrer plus transparent que cela, elle devait reconnaître qu'elle ne l'avait pas été non plus de son côté. Mais ils fonçaient tout droit vers un dialogue de sourds.

Est-ce que, pour s'assurer que Aaron se livre, elle devrait elle-même se livrer ? Sans doute, mais elle ne le pouvait pas. Il ne s'agissait pas seulement d'elle, il s'agissait de tout un groupe, un groupe solidaire et qui connaissait déjà ses difficultés, elle ne devait surtout pas les trahir... Il valait encore mieux qu'elle ne sache rien sur son interlocuteur plutôt que de trop en dire sur elle-même.

Elle hésita. Elle n'avait pas envie d'en rester là malgré tout. Elle avait besoin d'essayer de dénicher la vérité. Elle ne savait pas trop ce qu'il en était, elle ne savait pas trop ce qu'il accepterait de lui dire, mais elle ne pouvait pas se contenter de cette seule réponse, définitivement pas.

"Ben... pas vraiment, en fait."

Il avait ses raisons, d'accord, mais ça pouvait être tout et n'importe quoi, en fin de compte. Il pouvait avoir soif de justice et avoir voulu jouer les cavaliers seuls, ce qui signifierait donc qu'il pourrait faire une très bonne recrue pour la Résistance.

Il pouvait avoir été convaincu par le discours des mangemorts et avoir choisi ensuite de leur tourner le dos en comprenant leurs méthodes ? Elle espérait que cette situation n'était pas la bonne. La jeune femme n'était pas prête à accepter l'idée que son cousin puisse être ce genre de monstre, vraiment pas.

"T'as jamais été de leur côté, n'est-ce pas ? Tu crois pas en leurs idées tordues, pas vrai ?"

Au final, cela lui importait plus que de savoir pour qui il pouvait bien travailler. Elle avait besoin de savoir ce qu'il en était réellement, elle avait besoin de comprendre ce qui l'avait motivé, et elle avait peur qu'une part de cette motivation soit trop obscure, trop dangereuse pour être acceptée comme telle. Elle ne savait pas comment elle réagirait selon la réponse de son cousin. Même si c'était inévitable.

« Leurs idées tordues ? Tu parles du fait que les moldus sont néfaste et que si on les laisse faire, ils vont simplement nous détruire à petit feu ? »

Lysandre sentit son coeur se serrer en entendant la réponse de son interlocuteur qui venait d'un seul coup confirmer toutes ses inquiétudes. Elle ne reconnaissait tout simplement pas Aaron dans le discours qu'il tenait en cet instant. Elle avait cru le connaître, et pour cause, il faisait partie de sa vie depuis qu'elle était haute comme trois pommes, et pourtant, elle ne pouvait pas croire que son cousin, celui avec qui elle avait joué à ses premières parties de bataille explosive soit le même qui puisse tenir un discours à ce point horrible et néfaste.

Elle n'arrivait pas à croire qu'il puisse prononcer ces mots sans ciller et croire dans ce qu'il disait. Comment pouvait-on aboutir à une vision à ce point étriqué de la situation ? Cela lui semblait impossible, improbable. Elle estimait que la logique ne pouvait que déserter ceux qui se croyaient supérieurs naturellement aux Moldus et réussissaient tout de même à se croire menacés par eux.

Pour elle, ça n'avait aucun sens. Mais elle savait également que débattre avec des personnes qui tenaient ce genre de discours ne menait jamais où que ce soit. Elle voudrait pouvoir débattre avec Aaron et le faire changer d'avis, mais quelque chose dans sa voix, dans son regard, lui attestait que ce serait naturellement peine perdue.

« Je n’ai jamais été de leur côté non, parce qu’il était hors de question que je suive un gamin. Tu n’as pas répondu à ma question. Comment tu sais tout ça ? »

"Je ne répondrai pas à ta question", répondit fermement Lysandre.

Elle aurait voulu lui parler de la Résistance, et croire qu'ils étaient dans le même camp, mais il était à présent évident que ce n'était pas le cas, et bien sûr, elle n'avait aucune intention de mettre toute l'organisation en danger. Même si maintenant, elle sentait que c'était elle qui était en danger. Elle n'aurait pas cru que c'était possible, et pourtant, à l'évidence...

"Je ne te reconnais plus, Aaron..."

Et ça la rendait profondément triste, au-delà du fait que ça la terrifiait aussi. Qu'est-ce que Aaron serait capable de faire contre elle ? Maintenant, avec les nouvelles informations en sa possession, elle s'inquiète plus que jamais.

« Pourtant, je n’ai pas changé. »

S'il n'avait pas changé, alors en vérité, c'était bien pire aux yeux de Lysandre, car cela signifiait nécessairement que la personne qu'elle avait en face d'elle, ce cousin qu'elle connaissait depuis sa plus tendre enfance, n'était pas qui elle croyait, n'était pas celui qu'elle connaissait...

Accepter le fait qu'il avait toujours été le même, c'était accepter, quelque part, qu'il avait toujours menti sur qui il était vraiment, avait montré de lui un visage qui n'était pas le bon. Ou bien... Ou bien, c'était elle qui était complètement aveugle et ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.

Elle ne savait vraiment plus quoi penser. Elle aurait voulu que les choses se passent autrement, mais visiblement, elle n'avait aucune carte en main, en l'occurrence. Elle n'avait juste... pas le choix, en fin de compte, que de tolérer cette situation, qui lui faisait du mal.

« Toi et ta sœur vous n’avez pas conscience d’à quel point vous êtes privilégié ici. Vous vivez dans ce petit paradis, avec vos deux parents. Et je pensais que votre seule préoccupation c’était l’école et vos histoires de cœur. »

"Toi aussi tu ne nous connais pas si bien que ça, visiblement", s'agaça-t-elle en entendant son cousin ne pas la considérer autrement que comme une gamine stupide.

D'accord, c'était peut-être ce qu'elle était, en fin de compte, une gamine stupide. Oui il avait raison de dire qu'il ne la connaissait pas non plus.

« Enfin visiblement, je ne te connais pas non plus. Attend de voir le jour où des moldus te prendront quelque chose de chère, te détruiront de l’intérieur. Je me bats pour les personnes comme vous, pour vous protéger de tout ça. »

"C'est l'excuse la plus conne que j'ai jamais entendue."

Oui, elle n'allait pas faire comme si de rien n'était, elle n'allait pas commencer à jouer la carte de la gentillesse, elle allait arrêter d'être polie.

"C'est les gens comme vous qui prennent tout aux gens comme eux. Comment vous pouvez présenter les Moldus comme une menace quand, dans le même temps, vous êtes si convaincus de leur être supérieur. Vous êtes comme ces crétins d'éléphants qui prennent peur en voyant une pauvre souris."