Isabel n'était pas exempte de défauts, dont elle n'avait pas toujours conscience (sa naïveté étant le plus problématique), mais il était une chose qu'on ne pouvait pas lui reprocher, et c'était d'être loyale, fidèle et assidue, en amour ça allait de soi, mais en amitié également.

Et elle n'avait pas son pareil pour entretenir des amitiés que d'autres auraient laissé flétrir sans insister. En certaines occasions, cela serait pourtant préférable, mais Isabel ne raisonnait pas de cette manière, elle ne le voulait pas, cela reviendrait à admettre que certains individus, incorrigibles, ne méritaient pas la main qu'elle tendait dans leur direction...

Elle devrait le savoir quand on savait que son mari avait tordu plusieurs doigts de cette même main, mais comme dit plus haut, mais l'aveuglement d'Isabel était définitivement ce qui la perdrait. Tout comme elle refusait de voir le vrai visage de son époux et d'admettre qu'elle devrait se séparer, quitte à supporter les affres d'un divorce, elle ne pouvait pas davantage ne serait-ce que supposer que l'homme qu'elle invitait sous son toit n'avait dorénavant plus rien de fréquentable.

Quand Finn lui avait appris qu'il était de retour en Angleterre, Isabel avait évidemment voulu le revoir. Cela faisait si longtemps qu'elle n'était pas certaine de même le reconnaître, mais raison de plus pour rattraper le temps perdu. Finn faisait partie de ses plus anciens amis. Ils s'étaient rencontrés au cours d'une oeuvre caritative, chacun de leur côté de la barrière sociale, et elle s'était prise d'affection pour lui.

Leur amitié avait survécu à la distance, alors que Finn avait poursuivi sa carrière d'acteur aux Etats-Unis, et au temps, puisque de nombreuses années s'étaient écoulées depuis. Leur correspondance assidue avait aidé, bien sûr, mais rien ne valait des retrouvailles en personne.

Elle avait donc proposé à Finn de venir chez elle. Elle avait envisagé, un temps, d'en profiter pour lui présenter Bill, mais elle devait reconnaître égoïstement ne pas vouloir partager son ami le temps de leurs retrouvailles, ils auraient d'autres occasion de se voir, après tout (et ils ne l'attendraient pas pour ça, au passage).

Tout était prêt. Elle l'avait invité à l'heure du thé, un jour où Bill serait en déplacement toute la journée (ce qui lui arrivait de plus en plus même s'il n'avait techniquement pas de travail, mais Isabel avait un don pour fermer les yeux sur ce qui était le plus évident). La table mise n'attendait plus que son invité, qui sonna à la porte. Elle l'ouvrit sans attendre, un sourire rayonnant aux lèvres.

"Finn !" Au diable les convenances, elle prit son ami dans ses bras. "Si je ne t'avais pas vu sur grand écran, je ne sais pas si je t'aurais reconnu. Entre, je t'en prie !"

« C’est moi qui t’aurais à peine reconnu, dis-moi ! Regarde-toi, ma petite Isabelle est devenue une vraie jeune femme. »

Isabel sourit timidement à ce compliment, même si elle l'estimait effectivement vrai. Elle avait beaucoup changé en quelques années. Certes, elle n'avait jamais été une personne frivole et insouciante, et on louait déjà sa maturité quand elle dépassait seulement le seuil de la vingtaine. Mais il était certain qu'elle n'était plus vraiment la même.

Si elle avait gardé son apparence un peu pouponne, elle était malgré tout devenue une femme, et relativement indépendante, qui plus est. Et elle n'était pas mécontente, d'ailleurs, de ne plus être la femme (ou la jeune fille, plutôt) qu'elle était la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Elle avait perdu en naïveté (même s'il lui en restait à revendre), et pour elle, c'était une excellente chose.

« Et une vraie maitresse de maison. Je t’ai apporté un bouquet, je me suis dit que ça te plairait, justement. »

"Oh, merci beaucoup, il est superbe !"

Finn avait raison, elle trouvait ce bouquet magnifique, et qu'on la considère comme une vraie maîtresse de maison était un vrai compliment à ses yeux... Pour elle, être mariée, gérer sa maison en plus des nombreuses œuvres caritatives dans lesquelles elle s'impliquait, c'était accomplissement en soi. Le prochain serait de devenir mère, même s'ils n'en étaient pas encore là.

Isabelle accueillit le bouquet avec un grand sourire et alla sur-le-champ le disposer dans un vase tout en invitant son ami à prendre place dans le salon, où le thé les attendait. Elle songea une fraction de seconde que la présence de ce bouquet interrogerait peut-être Bill, et qu'elle en ferait les frais, mais il ne servait à rien de se faire des films inutiles.

« Alors, dis-moi tout. On parle toujours de moi, alors que je suis loin d’être Gary Grant. Qu’est-ce que toi tu deviens ? Comment est ton mariage ? »

"Parfait", répondit-elle avec une sincérité tout à fait désarmante. "Bill est un mari merveilleux."

N'importe qui d'objectif rétorquerait qu'il n'en était rien. Bill était souvent froid, toujours secret, il avait levé la main sur elle plus d'une fois, et pourtant, quand il s'agissait de trouver des excuses et des circonstances atténuantes à l'homme qu'elle avait épousé, elle était capable d'une imagination pour le moins débordante.

"Je suis vraiment heureuse avec lui... même si je préférerais que mes parents ne m'en tiennent pas rigueur, c'est sûr..." Un voile de regret passa dans son regard, mais elle le repoussa très vite en une gorgée de thé. "Et toi alors ? Tes amours ?"

. « Vraiment ? Ils ne l’aiment pas ? Je peux les comprendre, tu sais. Même moi, je me suis inquiété pour toi. Ce n’est pas rien, quelqu’un qui sort de prison… »

Elle esquissa un fin sourire démuni. Isabel était navrée, bien sûr, de ne pas avoir l'assentiment de ses parents quant à sa relation. Leur opinion importait pourtant immensément, à ses yeux... mais dans ces circonstances, elle ne pouvait pas totalement les blâmer...

Tout comme elle ne reprocherait pas non plus les inquiétudes de son ami. C'était même plutôt rassurant de savoir que ses proches cherchaient à la protéger (et ils avaient tous raison, en l'occurrence). Mais Isabel n'entendrait raison de personne. Elle aimait Bill, profondément, aveuglément, et ce sentiment profond annihilait toute once de bon sens chez elle.

Elle estimait que l'opinion de ses proches était biaisée. Ils ne voyaient en Bill qu'un repris de justice, alors qu'Isabel, elle, voyait l'homme avec qui elle avait échangé des lettres profondes, passionnantes, belles, durant son incarcération. Un homme plus sensible qu'il n'y paraissait, et qui avait sincèrement changé, en plus de regretter profondément son crime.

« Et qu’est-ce qu’il fait, en ce moment ? »

"Oh il cherche encore du travail... c'est compliqué, malheureusement, dans sa situation."

Son casier judiciaire ne prêtait pas à l'embauche, et Isabel savait que Bill avait des standards (chose qu'elle était loin de lui reprocher) et n'accepterait pas n'importe quel emploi. Ce n'était pas si grave, Bill pouvait bien prendre le temps qu'il faudrait (et elle pourrait attendre, ça c'est sûr, car en réalité, Bill était bel et bien actif, mais pas dans un milieu où elle le soupçonnerait avoir la moindre influence). Ils avaient sa propre fortune pour vivre confortablement, tous les deux, et c'était ce qui comptait.

« Je suis heureux si ça marche bien, pour toi, mais…Tu nous le dirais, hein, si ça n’allait pas ? »

Une nouvelle esquisse de sourire s'afficha sur les lèvres d'Isabel. Elle appréciait vraiment qu'il se fasse du souci pour elle, cela lui prouvait que même après tant d'années, leur amitié n'avait pas pris une ride, et il continuait de veiller sur elle autant que possible. Mais elle estimait (à tort) que Finn n'avait vraiment pas la moindre raison de s'inquiéter de quoi que ce soit.

"Bien sûr. Je comprends tes craintes, vraiment. Mais tu verras, quand tu rencontreras Bill, tu ne te feras plus la moindre inquiétude pour moi. Il est vraiment le meilleur mari que je pouvais espérer avoir."

Peut-être parce qu'elle n'avait pas une estime d'elle-même suffisamment grande. Mais elle n'arrivait pas à prendre suffisamment de distance avec sa propre situation pour s'en rendre vraiment compte.

Et bien sûr, elle ne savait pas que son ami s'était déjà fait une bonne idée de qui était Bill Beresford. Bien mieux qu'elle-même.

« Oh, moi, je travaille, tu sais, je n’ai pas grand-chose à raconter, je suis en tournage pour la Hammer, et je suis probablement parti pour chasser le comte Dracula pour deux ou trois films, je pense. Ou Frankenstein, je ne sais pas encore. Après, on verra ce que les studios anglais me proposent, ou si je repars aux USA. Hm, pardon, tu disais ? Mes amours ? Non, rien de précis. Selon Vogue, il parait que je sors avec Kathryn Hepburn, mais elle fait peur à tout le monde, même à moi. En fait, il n’y a personne. Et de toute façon, vu l’emploi du temps que j’ai, je ne crois pas que quelqu’un supporterait de partager ça. Tu me vois marié, sérieusement ? »

Ce genre de réponse rappelait à Isabel combien ils gravitaient dans des mondes différents : la Hammer, les studios hollywoodiens, la magnifique Kathryn Hepburn, Vogue, les tabloïds... Tout ça, même si elle appartenait tout de même déjà à une caste privilégiée, ça lui semblait appartenir à un autre monde. Isabel n'en revenait presque pas, quand elle entendait ça, d'observer que son ami trouvait encore une place pour elle dans sa vie. Elle ferait presque tache, dans le tableau.

"Et pourquoi pas ? Même toi, je suis convaincue que tu peux trouver la femme qui te fera changer d'avis sur le mariage." Elle marqua une pause. "Je sais que c'est égoïste, mais j'espère que tu ne seras pas rappelé trop vite aux USA. J'aime bien te savoir en Angleterre. Surtout si tu arrives à trouver du temps pour moi entre deux chasses au vampire."

« J’en suis sûr. Si tu l’aimes, je suppose que ça fait déjà un bon point pour lui. »

Et c'était le cas. Isabel aimait Bill, inconsidérément, naïvement, désespérément, au point de rejeter d'un revers de la main toutes les évidences, de négliger tous les avertissements et tous les conseils pour n'écouter qu'un cœur qui avait sans doute trop attendu d'éprouver des sentiments de la sorte pour en retirer ne serait-ce qu'un soupçon de discernement.

Oui, elle l'aimait, et elle le défendrait jusqu'à ce que ceux qu'elle aimait en dehors de lui l'aiment à leur tour, comme si c'était réellement possible. Elle aimait que l'on ne remette pas en cause son jugement. Même s'il avait toutes les raisons du monde d'être effectivement remis en cause.

« D’ailleurs, qu’est-ce que tu en as fait ? J’avais compris qu’il serait là, mais j’ai du me tromper. »

"Il est sorti", répondit-elle vaguement, sans donner vraiment de détails, parce que les détails, elle ne les a pas, en vérité.

La jeune femme, dans les premiers temps de sa vie à deux avec Bill, l'avait harcelé de questions sur ses allées et venues, questions auxquelles son époux n'avait jamais adressé que des réponses cryptiques, si ce n'est pas de réponse du tout.

Isabel avait appris à faire avec. Elle ne voulait pas étouffer son mari. Elle pouvait comprendre, au fond, qu'il ait besoin de sa liberté, après en avoir été privé si longtemps. Elle aurait seulement voulu pouvoir faire quelque chose pour lui.

"J'ai hâte de te le présenter, mais pour tout dire, je n'avais pas vraiment envie de te partager."

Ces propos pourraient presque sembler déplacés de la part d'une femme mariée s'ils n'étaient pas prononcés avec une évidente absence de malice. Elle ne pensait pas à mal du tout, elle n'avait aucune arrière-pensée, elle voulait simplement retrouver son ami, qu'elle n'avait pas vu depuis une éternité, comme ils avaient l'habitude de se retrouver à l'époque.

« On verra bien, je suppose que j’ai le temps, qui sait. Je ne pense pas rentrer pour l’instant, j’ai plus de contrats. Et j’aime bien être ici, après tout. Et j’ai des choses à faire… Mais je suis content de pouvoir te revoir enfin. Tu me manquais. Et je trouverais toujours du temps pour toi, tu le sais, pas vrai ? »

Isabel était heureuse et en partie soulagée d'entendre que Finn resterait dans les environs encore pour un moment. Elle n'avait aucune légitimité à le retenir, mais elle n'aimait pas le savoir loin. Elle aimait savoir que l'Angleterre lui convenait suffisamment pour qu'il n'envisage pas de fuir dans la seconde.

Elle afficha un sourire ravi mais légèrement réservé quand Finn ajouta qu'elle lui avait manqué. C'était réciproque, bien sûr, mais cela lui faisait plaisir qu'il accepte de le lui dire si directement. Les hommes et leur difficulté à exprimer leurs émotions... Enfin, les hommes de son entourage étaient globalement tous ainsi, même si elle ne s'autorisait à en fréquenter que très peu.

Elle hocha la tête à sa dernière question. Ce seul moment lui prouvait bien qu'elle pouvait compter sur lui. Elle se doutait qu'il devait avoir un emploi du temps chargé, et des fréquentations bien plus enviables que la sienne, et pourtant, c'était à elle qu'il consacrait son temps en cet instant. C'était bien la preuve qu'il restait prêt à lui consacrer de l'attention.

« Tiens, ça te dirait de venir voir un tournage ? Ça te plaira, j’en suis sûr ! »

"Oh... tu es sérieux ?" demanda-t-elle, le regard pétillant. Elle n'y connaissait pas grand-chose, en matière de septième art, mais le cinéma restait un milieu qui la fascinait, et elle aimerait vraiment voir Finn sur son lieu de travail. "J'adorerais ça !" Elle afficha un sourire. "D'ailleurs, quel rôle joues-tu en ce moment ?"

Une question presque absurde et qui pourtant faisait partie du quotidien de son interlocuteur.

« C’est vrai que ça fait longtemps. Il faudra qu’on fasse ça plus souvent. »

Isabel hocha la tête en souriant. Elle le prenait au mot et comptait bien entendre ces paroles comme une promesse. Bien sûr, elle se doutait que contrairement à elle (même si elle se donnait beaucoup de responsabilités, notamment auprès des oeuvres caritatives qu'elle soutenait), son ami avait un emploi du temps très chargé et ne pouvait pas se libérer comme bon lui semblait pour le seul plaisir de lui faire un petit coucou, mais elle voulait penser qu'il était néanmoins sincère, et qu'il comptait bien rattraper le temps perdu en la voyant le plus souvent possible tant qu'il serait en Angleterre.

Et Isabel ferait ce qu'il fallait pour que ce soit le cas. Bill n'apprécierait peut-être pas qu'elle s'octroie la compagnie trop assidue de son interlocuteur, mais elle-même n'y voyait définitivement aucun mal et tenait bel et bien à profiter de la présence de Finn tant que celui-ci n'était pas ailleurs. Ce qui pouvait arriver très vite, elle le savait bien. Il suffirait de l'un ou l'autre premier rôle aux confins du monde pour que leur prochain échange se fasse dans elle ne savait combien d'années.

Mais pour le moment, il était là, en chair et en os, pas de l'autre côté de l'océan mais bel et bien dans son salon, et elle tenait à en profiter comme il se devait.

« Ahahah, j’aime cet enthousiasme. Mais oui, je crois qu’on me laissera faire sans trop de soucis. Bon, alors je vais m’arranger pour organiser ça, je te tiendrai au courant. »

Isabel était ravie. On pourrait croire qu'elle en faisait trop, pourtant, elle était sincère. Elle ne demandait qu'à s'enrichir de nouvelles expériences, et elle aimait le fait que son interlocuteur lui en donne la possibilité. Combien de personnes pouvaient prétendre avoir assisté à un tournage de film, après tout ? C'était une opportunité à saisir.

« Oh, en ce moment, c’est un polar, on m’a donné le rôle de l’assassin. Pour l’instant, ce sont des seconds rôles, mais un ami m’a dit que Hamlet se montait bientôt au théâtre, et ils cherchent le rôle titre, alors peut-être que je passerai les auditions. »

"J'allais dire que j'étais absolument incapable de t'imaginer en assassin", répondit Isabel avec un fin sourire, si terriblement naïve. Stupide, même. Même si elle voulait croire Finn capable de jouer tous les rôles du monde, on est un acteur de talent ou on ne l'est pas. "Mais je retire cette réflexion immédiatement, d'autant que je te trouverais formidable dans le rôle d'Hamlet. Tu sais, c'est une de mes pièces préférées."

Isabel sourit. Ses connaissances en cinéma étaient assez limitées, en revanche, elle adorait le théâtre, c'était une de ses grandes passions, aussi ne pouvait-elle que se réjouir à l'idée de voir son ami sur les planches. Surtout à déclamer du Shakespeare.

"Je compte aller voir Othello au Globe en fin de semaine, d'ailleurs. Je n'arriverai jamais à convaincre Bill de m'accompagner, il déteste le théâtre, mais toi, ça te dirait de venir ?"

: « Ah. Tu devrais dire ça à la Warner, je crois que je n’ai joué que ça pour eux. »

Eh bien à ses yeux, c'était absurde, mais c'était commun. Elle ne connaissait pas grand-chose au monde du cinéma, elle n'a même pas suivi la carrière de son ami de suffisamment près pour prétendre l'avoir vu et admiré sur grand écran autant de fois que ses films avaient été à l'affiche, mais elle savait que nombre d'acteurs se retrouvaient piégés dans leurs rôles, et Isabel déplorait qu'il en soit de même pour Finn.

Enfin, qui sait de quoi l'avenir serait fait... Au final, qu'importe le rôle que Finn choisissait de jouer, l'essentiel était qu'il sache s'épanouir dans ce métier peu commun. Au moins il suivait une vocation, il avait saisi et vivait le célèbre rêve américain. Et Isabel admirait ça. Son rêve à elle était un rêve de ménagère britannique. Qui se pensait accomplie en épouse. Qui se rêvait idéale en maman.

« Je serai content si j’arrive à avoir le rôle. Ça montrerait que je peux jouer les personnages principaux. J’espère que tu ne seras pas la seule convaincue. Sinon je t’embaucherai comme agent, peut-être qu’ils adhéreraient à ton enthousiasme. »

Isabel sourit. Ce n'était pas une situation réaliste, et Isabel ne ferait clairement pas un bon agent. Elle était capable de beaucoup, mais surtout de se faire marcher sur les pieds. Naïve comme elle l'était, elle serait mangée toute crue dans le milieu où gravitait Finn. Non, elle était mieux en amie distante de son métier (de ses "métiers") et qui l'avait connu avant son heure de gloire. Elle n'avait pour elle que son enthousiasme, accompagné d'une incommensurable naïveté. On faisait mieux.

« Othello, tu dis ? Si je ne suis pas en tournage, avec plaisir. Mais ne t’en fais pas, je m’arrangerai. Ça n’ennuiera pas Bill ? »

En toute honnêteté, elle n'en savait trop rien. Elle devait reconnaître cela à son époux, il lui laissait une certaine liberté. Elle voyait les amis qu'elle voulait comme elle le voulait. Mais la quasi-intégralité de ses amis étaient des femmes. Alors cette situation-là était forcément un peu différente.

Elle ne savait trop si Bill pouvait être jaloux. Quelque part, elle aimerait bien que cette situation l'incommode, au moins un peu. Car il semblait si confiant dans les sentiments qu'elle avait pour lui (et à juste titre), si certain de l'emprise qu'il avait sur elle (toujours à juste titre), qu'elle ne saurait dire quelle serait sa réaction.

"C'est possible", admit-elle tout de même, préférant faire preuve d'honnêteté. Il ne pourrait pas y avoir moins d'ambiguïté entre eux, mais elle restait une femme et lui un homme, pour beaucoup, l'amitié entre les sexes opposés était une aberration. "Je suppose qu'il serait plus serein à ce sujet s'il te rencontrait, qu'est-ce que tu en penses ?"