Pour Bradley, tout a toujours été facile, dans la vie. Peut-être un peu trop facile, même, car l'homme en a rapidement déduit que tout devait automatiquement lui être acquis, sans qu'il ait besoin de fournir le moindre effort. Bradley est né au sein d'une famille de sangs purs relativement aisée sans être parmi les plus riches et les plus populaires (ils n'atteignaient pas le niveau de Black, par exemple). Dans l'enfance, il n'a donc manqué de rien. Ses parents l'avaient entouré de toute l'affection nécessaire, et il avait reçu toutes les attentions qu'il souhaitait. Peut-être un peu trop, parce qu'on peut le dire, il avait été un peu pourri. Son enfance, il la passa dans la plus grande insouciance, à faire les quatre cent coups avec son frère (quand ce dernier n'était pas occupé à lire... activité que Bradley pouvait partager avec lui, mais avec bien moins d'assiduité). Malgré leurs sept ans d'écart, tous les deux s'entendaient à merveille. Du moins jusqu'au départ de l'aîné pour Poudlard. La vie, somme toute, était un long fleuve tranquille.

A ses onze ans, il fut accepté à Poudlard, école où Henry avait fait ses classes avant lui et qu'il quittait tout juste. Parlons-en, de Henry. Le frère de Bradley avait été admis à Serdaigle, fait inédit pour les Fitz, qui étaient jusqu'alors tous passés par Serpentard. Et dès lors, rien n'allait plus. Le fossé s'était creusé entre les deux frères. Henry se détachait de plus en plus du giron familial et s'opposait aux idées des sangs purs bien ancrées dans la famille, au point de couper totalement les ponts. Avec ses parents, et donc aussi avec son frère. Bradley le perçut comme une profonde injustice et il le reproche encore aujourd'hui à son grand frère, avec qui il a le moins de contact possible.

Cette zone d'ombre écartée, la scolarité de Bradley se passa bien. Il était un élève brillant et intelligent, qui eut d'excellents résultats et ne manqua pas de devenir le chouchou de ses professeurs. Il avait son cercle d'amis, et sa personnalité s'affirma à leur contact. Il ne réalisait pas alors que son destin était à portée de regard, deux années en dessous de la sienne, sous l'apparence d'une charmante jeune femme du nom d'Esther.

Non, il ne rencontra vraiment Esther qu'à ses vingt ans, quand, alors tout jeune employé du ministère, son regard tomba sur elle. Entre eux, le coup de foudre fut immédiat. Le mariage entre sangs purs était une obligation chez les Fitz, et Bradley était fermement décidé à s'y plier. Une chance pour lui, Esther était issue d'une famille tout aussi respectable que la sienne, et leurs noces furent bien vite prononcées.

De leur amour naquit une charmante enfant qu'ils nommèrent Pomona et qui faisait l'immense fierté de son père. Pomona avait l'esprit vif, elle était intelligente, observatrice, ne se laissait pas marchait sur les pieds, et avait hérité de son self-control à toute épreuve. Bradley plaçait d'immenses espoirs en elle et, même s'il ne le lui montra jamais vraiment, il l'aimait autant qu'il pouvait aimer son épouse.

Mais Pomona se détourna. Elle suivit un chemin que Bradley avait déjà observé auparavant. Tout comme Henry avant elle, elle les abandonna. Et pire encore, ce fut son écrivain de frère qui la prit sous son aile. Bradley ne devait jamais pardonner cette double trahison à son frère et à sa fille.

Pourquoi parle de Pomona au passé ? Eh bien, parce que semble-t-il, elle a été mêlée au meurtre du ministre. Est-ce vrai ? Bradley est près à tout croire, de toute façon, ça n'a pas grande importance. Pomona ne reviendra plus. et Bradley en souffre beaucoup. Seulement, il ne le montre absolument à personne. Quand il est contrait d'évoquer sa fille, il en parle comme la déception de son existence (ce qu'elle a été effectivement) sans évoquer combien elle a compté pour lui. Et il ne se livre à personne, pas même à son épouse, à qui il n'avait pourtant jamais rien caché jusqu'alors, au point de mettre en péril leur mariage, alors qu'Esther s'enfonce de plus en plus profondément dans la dépression, sous son regard impuissant.